Méthode du cas pratique

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Article publié par David Melison.

{{Méthode du cas pratique}}



Le cas pratique est le type d'épreuve dont la méthode est la plus facile à  assimiler. L'étude de cas est pratiquée par les lycéens ayant opté pour une terminale économique et le droit est souvent présenté par les journaux sous l'angle de faits divers résolus, ou de questions concrètes.


{{I Variantes : cas pratiques, consultations, conclusions...}}

La catégorie des cas pratiques telle que nous l'entendons n'est pas très homogène. Elle recouvre des types de demandes sensiblement différentes.

Le sujet peut vous être présenté de manière objective, avec pour simple consigne d'analyser la situation, auquel cas il convient d'envisager les différents problèmes juridiques séparément, et sans prendre parti de manière irrationnelle.

Le sujet peut être plus original et se présenter sous la forme d'une consultation, écrite ou orale. Remarque : certains enseignants adorent les simulations ! Lorsque le sujet prend la forme d'une lettre, il est bon de répondre selon les usages, en rendant si possible à  l'auteur du sujet l'ironie dont il a fait preuve (mais sans signer). Le style ne devra jamais être négligé, même si l'examinateur feint l'ignorance ou s'exprime délibérément de manière incorrecte. L'erreur relevée avec tact éveillera l'admiration du correcteur. Ce conseil est à  prendre avec prudence, en fonction du caractère de ce dernier. Certains enseignants déconseillent l'ironie ou la reprise du style du sujet. Donc la méthode est à  réserver aux excellents étudiants ou pour un oral.

Enfin, lorsque l'expérience pèsera sur vos épaules, certains praticiens vous demanderont peut-être de rédiger des conclusions ou un mémoire en défense. La stratégie n'est que partiellement opposée à  l'analyse traditionnelle du cas pratique. En effet, la défense ne doit pas se nourrir d'arguments fallacieux ou imaginaires mais reposer sur des arguments juridiques. Cependant, l'art du concluant consiste à  faire en sorte que le lecteur ne se focalise pas sur les faiblesses d'un dossier, mais au contraire emporte la conviction, au besoin en jouant sur l'émotion plutôt que sur la raison.


{{II Découverte du sujet}}

Comme dans toutes les épreuves, la réussite repose sur une lecture attentive du sujet. Il ne faut jamais se hà¢ter. Même avec un sujet très court, il est possible de commettre des erreurs. La vigilance doit notamment redoubler face à  des dates ou des délais.

La relecture est l'occasion de s'assurer qu'aucun fait n'a été omis et de souligner les éléments essentiels du sujet.

La sélection des informations peut alors s'opérer au brouillon. C'est certainement la phase la plus délicate, car elle exige de juger de la pertinence juridique des faits. Certains peuvent paraître anodins, alors qu'ils contribuent à  déterminer si les conditions d'une action sont remplies. L'élimination des faits inutiles intervient en même temps. Toutes les informations superflues doivent être écartées. Les mentionner dans un devoir serait inutile et apprécié négativement.

Au besoin, une chronologie sera dressée pour clarifier l'enchaînement des événements.


{{III Résolution du cas

A Le raisonnement juridique}}

Les informations pertinentes seront ensuite qualifiées juridiquement. La simple reproduction des faits est insuffisante. La question de la qualification joue de manière évidente à  propos des contrats spéciaux.
Ainsi, imaginons qu'un sujet indique que l'une des parties a la jouissance de la chose d'autrui. Il conviendra de s'interroger sur la qualification de cette jouissance. S'agit-il d'une jouissance de fait ou de droit ? A titre onéreux ou à  titre gratuit ? Portant sur un meuble ou un immeuble ?... Si la jouissance du bien est accordée en contrepartie d'un paiement mensuel, l'opération sera probablement qualifiée de bail.
On peut encore concevoir le cas d'une épouse excédée par son mari, souhaitant mettre fin à  l'union conjugale et désirant être indemnisée pour les services rendus ou les vexations subies. La qualification exacte du cas de divorce ou encore du mode de réparation restera à  déterminer.

La qualification ne précède pas toujours systématiquement la résolution ou l'exposé des règles. Quand existe une difficulté sur la qualification (hésitation entre le bail et la vente par exemple), celle-ci doit apparaître dans le développement, à  propos des conditions essentielles. Plus les faits sont denses, plus les hypothèses sont nombreuses. Et c'est justement des hypothèses qu'il convient d'émettre pour résoudre correctement un cas pratique. Toutes les sciences expérimentales tirent leurs "lois" à  partir de l'émission d'hypothèses confrontées à  la réalité. Les cas pratiques n'échappent pas à  cette méthode.

Dans un cas pratique ouvert, l'étudiant doit soulever toutes les questions intéressantes, parfois même imprévues par le créateur du sujet. Il faut néanmoins garder présente à  l'esprit l'impossibilité de tout remettre en cause. Les faits présentés seront donc considérés comme vrais. En revanche, les allégations des parties pourront être relativisées.

Lorsque le doute persiste, le cas doit être traité en envisageant les différentes hypothèses. L'analyse juridique de la nature des biens figure fréquemment en bonne place dans les sujets d'examen de première année. Les étudiants sont conviés à  qualifier tel pot de fleur ou telle statue. Le correcteur n'attend pas une réponse toute faite, sauf lorsque les précisions sont suffisantes. Il souhaite voir posées les questions complémentaires qui permettent de donner la solution.

Arrivons-en maintenant à  l'analyse juridique. Une fois les hypothèses juridiques clairement établies, des problèmes juridiques apparaissent. Un cas pratique tourne souvent autour des actions que peuvent engager les parties, ou concerne encore l'analyse de la validité d'un acte juridique. Les problèmes doivent être formulés au brouillon, s'ils ne le sont pas déjà  sous forme interrogative dans le sujet.

Impossible de contourner ici le lieu commun du syllogisme juridique. La proposition principale, l'hypothèse, doit être confrontée au droit objectif pour en induire la solution juridique. Après l'exposé des faits, qualifiés juridiquement, il faut donc expliquer la règle juridique.
Par exemple, dans une hypothèse de consultation sur un divorce pour rupture de la vie commune, il faudra indiquer les conditions imposées dans ce divorce (délai de la séparation + caractères du délai + clause d'exceptionnelle dureté...). Si ces conditions de fond sont remplies, il faudra préciser le régime de l'action.
En droit des biens, on songera notamment à  l'usucapion, qui repose sur de nombreuses conditions, a fortiori lorsqu'elle est abrégée. Toutes les conditions seront expliquées et rapportées à  l'espèce, une à  une.

Il existe plusieurs formules pour confronter la règle aux faits : "en l'espèce", "dans le cas présent", "dans une telle hypothèse", "en l'occurrence" (attention aux fautes)... La conclusion ou solution découle en principe de l'analyse des faits et des conditions posées par le droit objectif. Dans certains cas, la solution ne se trouve pas immédiatement. La question initiale peut faire apparaître, à  l'analyse, d'autres questions sous-jacentes, auxquelles il faudra apporter une réponse avant de trouver la solution finale.

Jusque-là  pourrait-on supposer, tout est simple. Le juriste serait, dans le sens commun, l'homme averti des lois et de la jurisprudence. Ainsi, l'étude du droit se résumerait à  un apprentissage de solutions applicables à  des cas particuliers. Et pourtant, non ! Il ne suffit pas de décrire une situation, à  supposer l'objectivité envisageable, pour que le juriste sorte une solution de son chapeau, sans quoi la justice aurait depuis longtemps été déléguée à  un ordinateur. Pour que la solution soit certaine, encore faut-il que les prémisses le soient aussi, et c'est loin d'être évident. Tout d'abord, les faits sont souvent contestables. Mais surtout, la règle de droit n'est pas toujours clairement imposée. Le droit positif est dynamique, et les interprétations doctrinales variées. Face à  une question, plusieurs approches sont concevables. Le cas pratique sert bien sà»r à  faire émerger des solutions, mais comme le répètent inlassablement les enseignants, seul le raisonnement compte. Dans les premières années, il vaut quand même mieux adopter le raisonnement de l'enseignant (ce conseil n'est pas valable pour les étudiants brillants) ! Les controverses jurisprudentielles et doctrinales devront être évoquées dans l'exposé des règles. Les incertitudes seront aussi mentionnées.


{{B Forme de la résolution du cas pratique}}

La forme imposée pour la résolution des cas pratiques est la moins rigide. L'introduction est facultative, de même que la conclusion. L'introduction peut servir à  reprendre les problèmes juridiques essentiels. L'introduction ne se justifie que si elle constitue une réelle synthèse. Recopier le sujet dans sa copie est une erreur. Seuls les faits pertinents et qualifiés juridiquement doivent être énoncés.

Le plan ne doit pas automatiquement satisfaire à  la sainte division en deux parties et deux sous-parties. Chaque question ou problème juridique doit être résolu(e) séparément. Aucun scrupule donc à  afficher sept parties si nécessaire. Cela n'exclut pas un plan travaillé, envisagé pour chaque problème, ou encore pour rassembler des questions proches. Mais le barème ne tient généralement pas compte du plan.

Pour chaque problème juridique, la technique sera toujours celle exposée précédemment (exposé des faits, règle, application). Afin de rompre la monotonie, il est plus que déconseillé d'exposer les règles sur une page entière avec application à  l'espèce dans un conclusif. Chaque question peut en effet être décomposée en plusieurs problèmes sous-jacents (cf. supra). Les micro-questions seront traitées dans un ordre logique pour parvenir à  la conclusion générale.
Reprenons l'exemple de l'épouse souhaitant divorcer en raison d'une rupture de la vie commune. Plutôt que d'exposer toutes les règles et de les appliquer dans un paragraphe final, il est préférable de voir chaque condition séparément et d'appliquer immédiatement au cas (séparation, durée du délai, continuité de la séparation, clause d'exceptionnelle dureté, risque d'une demande reconventionnelle, indemnisation/pension, délai pour agir, juridiction compétente...).


{{IV Cas d’espèce pour illustrer la méthode de résolution}}

Cas n°1 :

Les époux X. vous consultent au sujet d’une loi que les autorités concernées entendent leur faire respecter. En effet une loi promulguée et publiée le 12 septembre 2018, soit le jour même des faits entraîne leur verbalisation alors qu’ils promenaient leur chien sans laisse, texte nouveau qui imposait l’usage de cette dernière sous peine d’amende.
Résolution (les mentions …* ne sont pas apparentes dans le devoir) :
RESUME DES FAITS + QUESTION JURIDIQUE* : Une loi promulguée et publiée le 12 septembre 2018 entraîne la verbalisation des époux. Une loi est-elle applicable le jour même de sa promulgation ?
MAJEURE/CITE* : L’article 1er du Code civil dispose « Les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures. ».
MINEURE/EXPLIQUE* : Au regard de ce texte on en déduit qu’une loi est applicable après publication au JORF à la date qu’elle fixe ou le lendemain de cette publication, que donc a contrario, n’est ni applicable si non publiée ni applicable le jour même de la promulgation.
SOLUTION/APPLIQUE* : Ainsi en l’espèce la loi est publiée le 12 septembre2018, et en l’absence de toute mention d’une date d’entrée en vigueur particulière, la loi entrera en vigueur le lendemain de sa publication, ainsi cette dernière ne sera applicable qu’à partir du 13 septembre 2018. Elle n’est donc pas en vigueur au moment de la verbalisation, qui pourra être contestée sur ce fondement.


Cas n°2 :

Un octogénaire vient vous voir pour vous demander conseil. Il estime avoir été forcé à acheter une voiture à un particulier rencontré sur un site internet de vente d’occasions. En effet il vous fait part du comportement pressant voire agressif du vendeur lorsqu’il annonçait finalement hésiter. En effet ce dernier l’aurait empêché de rejoindre sa voiture en lui bloquant le passage, arguant ne pas vouloir partir sans qu’il ait signé le contrat. Alors pris de panique, il vous dit avoir signé pour pouvoir s’en aller.

RESUME DES FAITS et QUESTION JURIDIQUE* : Un homme âgé a été forcé à acheter la voiture d’un particulier du fait du comportement de ce dernier. Le contrat ainsi conclu est-il valable ?
Dans une première étape il faut définir ce qu’est un contrat et les conditions de sa validité.
MAJEURE* : L’article 1101 du Code civil dispose : « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. »
MINEURE* : Ainsi un contrat se caractérise par l’échange de l’accord de volonté entre deux personnes et plus, qui conviennent alors de s’obliger entre eux. Le texte n’impose pas de forme particulière pour contracter.
SOLUTION* : Les faits d’espèce correspondent bien à un contrat (de vente), les deux parties ayant exprimé leur volonté de procéder à la vente d’une part et l’achat de l’autre, le tout par un écrit en l’espèce.
Maintenant que l’on est certain d’être face à un contrat, il convient de vérifier quelles sont ses conditions de validité.
MAJEURE* : L’article 1128 du Code civil dispose « Sont nécessaires à la validité d'un contrat : 1° Le consentement des parties ; 2° Leur capacité de contracter ; 3° Un contenu licite et certain. »
MINEURE* :Trois conditions doivent être respectées pour que le contrat soit valide, le consentement de toutes les parties qui doit être libre et éclairé ; la capacité juridique des parties en prenant garde donc notamment à l’âge des parties (minorité et contrat ne faisant pas toujours bon ménage), au régime des majeurs protégés si concerné ; et enfin une condition tenant au contenu du contrat, l’obligation même, qui ne doit pas être illicite et qui doit être prévisible par les parties.
SOLUTION* : Si les deux dernières conditions énoncées par le texte ne posent pas de problème, le contrat présent semble faire fi de la notion de consentement, notamment au niveau de son caractère libre.

Dans un deuxième temps il paraît logique au regard des éléments précédemment étudiés de se concentrer sur la notion de consentement et de voir comment la notion peut être affectée. Le consentement de notre client souffre-t-il d’un vice ?

MAJEURE* :L’article 1130 du Code civil dispose : « L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. »
MINEURE* :Trois vices peuvent affecter le consentement : le dol (article 1137), l’erreur (article 1132) et la violence (article 1140). L’un de ces trois cas doit avoir entraîner la conclusion du contrat qui n’aurait pas été conclu (au moins dans des termes différents) sans l’un de ces vices, l’influence qu’ils ont eu étant apprécier au cas par cas.
SOLUTION* : La violence semble être au regard de la lecture de la définition qu’en donne l’article 1140 le vice qui touche notre cas d’espèce. Il faut donc se pencher plus précisément dessus.

MAJEURE* :L’article 1140 dispose : « Il y a violence lorsqu'une partie s'engage sous la pression d'une contrainte qui lui inspire la crainte d'exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. »
MINEURE* : La violence est donc une contrainte morale ou physique qui fait craindre à la partie sur laquelle est exercée cette violence des représailles sur sa personne ou ses proches.
SOLUTION* :En l’espèce, le fait que le vendeur soit menaçant et fasse barrage de son corps, ainsi que l’état physique de l’acheteur qui est âgé laissent à penser que l’acheteur a subit une pression morale, et qu’il a pu légitimement prendre peur pour son intégrité physique ou pour sa propre voiture, caractérisant ainsi la violence telle que décrite par l’article susmentionné.
Quels sont les effets d’un vice du consentement ?
MAJEURE* : L’article 1142 dispose : « La violence est une cause de nullité qu'elle ait été exercée par une partie ou par un tiers. »

MINEURE* : Ainsi lorsque la violence a été caractérisée, il faut déduire la nullité du contrat, c’est-à-dire que le contrat n’a comme jamais existé et qu’il faut ainsi procéder à une remise des parties en leur état d’origine.
EXPLICATIONS INTERMEDIAIRES* : Ce texte découle de la mise en relation avec l’article 1128. Il faut considérer en cas de vice que le consentement est comme inexistant, entraînant ainsi la nullité du contrat pour défaut d’une des conditions de validité.
SOLUTION* : Le consentement du client étant vicié, le contrat ne peut être valide et doit être considéré comme nul. Aussi l’acheteur s’il invoque cette nullité devra rendre la voiture et le vendeur le prix payé.



Rédigé par David Melison, complété par LouisDD

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appreciable

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A.S.S

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LouisDD Administrateur

Bonjour

Suite à de nombreuses questions et demandes en rapport avec la méthodologie du cas pratique, nous vous proposons d'illustrer cette méthode déjà complète par quelques cas d’espèce. Le premier est ainsi déjà disponible, un second est en préparation.

En espérant que cela puisse vous être utile.

Bonne journée

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Le précieux... enfin la charte du forum quoi !

Ma méthode de travail

"Plus que des lois de procédure, ce sont des lois de neutralité fiscale qui sont le meilleur remède aux tentations d'abus de droit." Maurice Cozian (1936-2008)


"Fear," he used to say, "fear is the most valuable commodity in the universe." Max Brooks, WWZ

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Vraiment génial, je pense que vous devriez penser à développer une application pour mobile android / ios.

Ce site est maintenant une référence mondiale.

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Je suis parfaitement d'accord avec toi.