Synthèse - l'union libre / concubinage

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{{Union libre}}


{Bref historique}

-- Réprobation du concubinage par le {{ {droit canonique} }}, qui y voyait un empêchement à  mariage pour affinité ( {affinitas ex copula illicita} ).

-- Réprobation de {{ {l'Ancien droit} }} : ordonnance de Louis XIIIè interdisant les libéralités entre concubins malgré les coutumes et la jurisprudence ; statut défavorable des enfants assimilés aux bà¢tards nés hors mariage, interdits successoraux et et interdits de légitimation subséquente au mariage.

-- {{ {Révolution} }} : institution d'un mariage laïc, établissement de la filiation paternelle par possession d'état, reconnaissance de droits successoraux aux enfants reconnus par leur père. Nouvel ordre familial fondé sur le mariage malgré les idéaux d'égalité de la DDHC.

-- {{ {1804} }} : le mot « concubinage » intervient peu, dans les libéralités entre concubins. Un seul article mentionne le concubinage dans le Code civil, l'article 230 portant sur l'entretien d'une concubine au domicile conjugal justifiant le divorce pour cause d'adultère.

La doctrine s'intéresse peu à  peu au phénomène, par touches dirigées sur des points précis – à  commencer par les libéralités entre concubins, qui ne sont pas évoquées dans le Code mais font l'objet de nombreux débats lors des travaux préparatoires : il est prévu d'interdire les libéralités entre concubins ayant vécu notoirement ensemble, proposition rejetée au regard de la protection de l'intimité des individus, sauf en matière criminelle. Le fondement de cette interdiction a opposé plusieurs juristes, qui recouraient à  l'article 911 Cciv relatif aux personnes interposées ( DELVINCOURT ). A l'inverse, MERLIN estimait que la vieille ordonnance de Louis XIIIè avait été abolie par les lois du 17 nivôse an II et 4 germinal an VIII, que le Code civil ne qualifiait pas les concubins d'incapables de recevoir et de donner selon l'article 920 Cciv, et que les donations faites entre vifs se heurtaient à  l'article 1131 Cciv lors des demandes de répétition. L'opinion de MERLIN prédomine et admet la validité des donations entre concubins hors des hypothèses de captation et de suggestion. AUBRY et RAU soutiennent que la libéralité consentie dans le but de former ou continuer des relations de concubinage est en revanche une convention intéressée dont l'objet était contraire aux bonnes mÅ“urs et devait être annulée.

Concernant la rupture du concubinage, seule la concubine séduite dolosivement, abusée par une promesse de mariage et souvent devenue mère, pouvait prétendre à  des dommages et intérêts ; en l'absence de séduction, le concubin se trouvait obligé sur le fondement d'une obligation naturelle à  exécuter une promesse d'aliments.

-- Le concubinage se répand durant le XIXème siècle chez les ouvriers du fait du nombre de formalités à  accomplir et de l'importance des droits fiscaux, mais ce n'est qu'au moment o๠la nuptialité tend à  diminuer sous le coup des thèses individualistes, anarchistes et féministes, que le droit s'intéresse au concubinage dans son ensemble.

-- Un Code de l'union libre est publié en 1903 ( Me ROUà‰ ) avec des contrats d'union libre, « d'incommunauté » et d'association de communauté et incommunauté portant sur les meubles privatifs. Des thèses sur le sujet paraissent : L'Union libre devant la loi ( Me Adrien PEYTEL, 1906 ), Les Conséquences juridiques des états de faits entraînés par l'union libre ( André BOYER, 1908, prévoyant un contrat de ménage ).

Un Comité de réforme du mariage est créé en 1906, présidé par le bon juge MAGNAUD. Il propose notamment l'indemnisation automatique de la femme ayant cohabité avec un homme sans faute grave de nature à  provoquer la rupture, lors de la séparation.

-- En 1912, une loi admet la reconnaissance judiciaire de paternité en cas de concubinage notoire, afin de pénaliser celui-ci en punissant le père. La guerre amène à  protéger par des allocations les concubines nécessiteuses dont les partenaires sont au front.

-- La théorie de l'apparence est appliquée par les tribunaux aux concubins, au profit des créanciers du ménage. La question de l'indemnisation de la concubine suite au décès accidentel de son compagnon oppose les juges, pragmatiques, et la doctrine, sévère, critiquant la prise en compte des intérêts non légitimes d'affection. Les rapports entre les auteurs et les tribunaux finissent néanmoins par déboucher sur le refus d'indemnités ( Cass crim, 13/02/1937 )
Les auteurs commencent à  envisager l'union libre dans son ensemble, en prévoyant par exemple un statut n'offrant que des effets négatifs pour les concubins ( JOSSERAND ), une éventuelle union légale autre que le mariage sans pour autant se diriger vers la transposition des règles du mariage ( ESMEIN ), ou que le concubinage soit considéré purement et simplement comme un quasi-contrat ( LASKINE et DUBRUJEAUD ).

-- Ces avancées sont stoppées sous la IIIème République qui tente de rétablir un ordre familial fondé sur un mariage simplifié. RODIERE prône la limitation des effets du concubinage, le mariage étant la seule cellule de base de protection des individus et des enfants. La distinction est effectuée entre le mariage, facteur d'ordre, et le concubinage, facteur de chaos.

-- A la fin des années 1960, le concubinage prend à  nouveau de l'ampleur : il ne paraît plus si immoral, les enfants s'acheminent vers l'égalité quelle que soit leur naissance, les règles de filiation et d'autorité parentale s'alignent, le concubin est pris en considération dans le statut des baux... Mme RUBELLIN-DEVICHI affirme que les règles du concubinage peuvent d'ailleurs être étendues aux couples homosexuels.

-- {{ {La loi du 15/11/1999} }} donne enfin une définition légale au concubinage en créant l'article 515-8 Cciv, unique chapitre II du titre XII consacré au PACS, livre 1er des personnes. Il est défini comme l'« union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».




{{Caractères du concubinage}}

=> {{une union de fait :}} exclusion du mariage ou d'un partenariat enregistré. Il peut s'agir d'une relation hétérosexuelle ou homosexuelle, avec un concubin marié ou non, dans tous les cas sentimentale et / ou sexuelle. Une relation spirituelle peut être constitutive du concubinage, l'aspect charnel pouvant passer au second plan. Les concubins devaient autrefois être de sexe différent, le concubinage imitant l'apparence du mariage ; la loi de 1999 a effacé cette condition. Il n'est pas nécessaire non plus que le concubinage soit notoire.

=> {{une vie commune :}} elle se traduit par le partage des ressources, du logement, de l'existence, et non une simple cohabitation. Mais il peut aussi ne pas y avoir cohabitation, du moment que le concubinage s'avère notoire, stable et durable.

=> {{stabilité et continuité de la relation :}} la durée de l'union peut être un facteur de stabilité ( un an pour le transfert du bail au concubin, deux ans pour les procréations médicalement assistées ). La continuité vise également à  marquer l'ininterruption de la relation – même s'il n'est pas nécessaire d'habiter constamment chez le concubin : le fait d'y passer la nuit et d'y avoir des effets personnels ( vêtements ) prouve la vie maritale.


{{Preuve du concubinage}}

Fait juridique, donc preuve par tous moyens.

Par les {{concubins}} eux-mêmes : à  défaut d'acte de mariage, les concubins peuvent fournir des attestations sur l'honneur, des certificats de concubinage délivrés en mairie ou des actes de communauté de vie par le juge aux affaires familiales.

Par les {{tiers}} : la question est plus délicate, portant atteinte au droit au respect de la vie privée. Les investigations doivent donc rester mesurées et se limiter à  des constats visibles ( boite aux lettres commune, voiture... ).



{{Effets du concubinage}}

1° {{ {entre les concubins :} }}

Le concubinage n'obéit à  aucun statut légal, il est en théorie dépourvu d'effets.




Concernant les {{ {libéralités} }} consenties entre concubins, la doctrine moderne avait fini par admettre leur licéité, suivie par la jurisprudence : les donations entre concubins sont irrévocables, mais le gratifiant doit observer à  la fois les limites de la quotité disponible en présence d'héritiers réservataires, et le respect de l'origine des biens – les biens communs en cas de mariage du concubin justifieront la nullité de la donation.
Le fondement de la cause illicite ou immorale a permis pendant un temps l'annulation des libéralités selon le but impulsif et déterminant poursuivi : les libéralités consenties afin de réparer un préjudice issu de la rupture du couple ou d'assurer l'avenir du concubin quitté étaient valables ; en revanche, celles ayant trait à  la formation, la poursuite ou la rémunération de relations immorales étaient annulées. La Cour de cassation, dans une décision de la première chambre civile du 03/02/1999, a admis la validité d'une libéralité consentie en vue de maintenir une relation adultère, et une décision d'assemblée plénière du 29/10/2004 a validé la rémunération des faveurs du concubin.

Les {{ {contrats} }} entre concubins sont possibles et régis par le droit commun des contrats, du travail ou des sociétés, bien que la question de la preuve soit traitée différemment selon les juges, certains considérant que le concubin génère une situation d'impossibilité de se préconstituer un écrit.

La séparation des biens n'est pas étanche, il peut y avoir des acquisitions en {{indivision}} nécessitant des aménagements conventionnels ou la création d'une {{tontine}} ( clause d'accroissement dans l'acte d'acquisition constituant un aléa et non une libéralité, attribuant rétroactivement la propriété au survivant ), ou encore une {{ {société crée de fait, } }}voire la mise en oeuvre de l'enrichissement sans cause ou de la théorie de l'accession lors de la construction d'ouvrages immobiliers.

{{Rupture du concubinage}}

La rupture peut entraîner des effets patrimoniaux particuliers, alors même que l'union de fait représente la liberté d'engagement et de séparation.
En reprenant le modèle de plusieurs à‰tats étrangers, la loi française en matière de baux d'habitation reconnaît au concubin ( y compris homosexuel ) qui a vécu notoirement pendant un an avec le compagnon locataire décédé ou ayant abandonné les lieux un droit à  la continuation du bail par transfert ( article 14 de la loi de 1989 ). Si le logement appartenait au défunt, seule une disposition testamentaire pourra mettre le concubin à  l'abri.

{{ {Rupture houleuse} }}

Le droit ne prévoit pas directement le règlement des conséquences patrimoniales nées de la rupture d'un concubinage. Il est admis dès le XIXème siècle que la concubine séduite par dol peut prétendre à  des dommages et intérêts du fait de la rupture de l'union par son compagnon, mais pour plusieurs auteurs ( dont le doyen CARBONNIER et MALAURIE ) la liberté inhérente au concubinage ne doit pas s'accompagner d'une indemnisation, à  l'instar des fiançailles. Il faut un préjudice distinct de la rupture elle-même, se trouvant dans les circonstances abusives de la séparation – contrairement aux dispositions relatives au divorce, qui permettent d'accorder des dommages et intérêts à  un époux en réparation des « conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution définitive du lien conjugal » dans le divorce prononcé aux torts exclusifs de l'autre conjoint ou pour altération définitive du lien conjugal, 266 Cciv.

Le principe est la liberté de rupture du concubinage ou du PACS, fondée sur l'article 4 DDHC. C'est donc vers la responsabilité civile et le préjudice subi que le concubin abandonné peut espérer se tourner. La faute peut consister en :
une séduction dolosive, une promesse de mariage, Cass civ 1, 07/10/1957
des circonstances abusives ou vexatoires de la rupture : séparation violente, abandon des enfants ou de la concubine enceinte, expulsion du foyer
les « aises » prises par le concubin durant l'union, imposant à  la compagne d'arrêter son activité professionnelle pour s'occuper des enfants
la volonté de nuire, de blesser ou l'ingratitude

La faute n'a pas à  être d'une gravité particulière, et la connaissance du mariage de son compagnon n'exclut pas la demande de réparation. Le préjudice réparé peut être matériel ou moral.

{{ {Rupture amiable} }}

Dans certains cas, le concubin s'engage à  aider financièrement son compagnon après la rupture : il peut s'agir de l'exécution d'une obligation naturelle marquant sa reconnaissance pour leur relation.

{{ {Rupture accidentelle} }}

Le concubin est beaucoup moins protégé que le partenaire ou le conjoint face au décès de son compagnon, aucune vocation successorale ab intestat n'existant en droit français à  son profit. Le de cujus devra disposer à  son égard par testament ou donation, ou en faire le bénéficiaire d'une assurance-vie.

Paradoxe : on indemnisait la rupture brutale du fait du compagnon, mais on refusait d'indemniser son décès accidentel. La première chambre civile a pendant longtemps refusé de reconnaître l'existence d'un intérêt légitime au profit de la concubine, tandis que la chambre criminelle accordait la réparation des préjudices ( moral, économique effectif ) issus du décès accidentel en cas de concubinage stable ; la chambre mixte le 27/02/1970 s'est rangée aux côtés de la chambre criminelle. La jurisprudence dès lors admet largement l'action du concubin, même adultère ou homosexuel.

Sur la sépulture du concubin, les juges admettent que le concubin hétérosexuel ou homosexuel survivant puisse déterminer le lieu et l'inhumation, étant le mieux placé pour connaître la volonté du défunt – sauf si le défunt avait émis des souhaits précis ou s'il existait des causes de mésentente avec son concubin, auquel cas la famille récupère le droit de choisir.

2° {{entre les concubins et les tiers :}}
Un apparence de mariage peut fonder les tiers à  poursuivre solidairement les concubins pour les dépenses relatives aux dettes ménagères, bien que la Ccass considère que la solidarité ne se présume pas.