Nature juridique de l'offre en droit des obligations

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Bonjour à tous ! Je suis tout nouveau sur ce forum, et suis enchanté de rejoindre la "1ère communauté d'étudiants en droit !".

Après quelques recherches, compris sur le forum, je n'ai pas trouvé réponse à une question qui me tarraude : quelle est la nature juridique de l'offre en droit civil ?

Est-ce un engagement unilatéral (ce qui expliquerait qu'elle soit transmise aux héritiers avec le patrimoine en cas de décès - ce que la jurisprudence a confirmé parfois) ? Une simple manifestation de volonté ? Un avant-contrat ?

Pouvez-vous m'aider à y voir plus clair ?
Merci d'avance :)

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Camille Intervenant

Bonjour,
Et vous n'avez rien trouvé par une petite recherche sur internet, ou même sur le présent forum où ce sujet, classique, a été plusieurs fois abordé avec les mêmes questions ?
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Hors Concours

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marianne76 Modérateur

Bonjour,
Vous l'avez forcément vu en cours et je pense même que dans votre fiche TD vous avez un arrêt sur la question.
Et puis il y a aussi ce que l'on appelle des manuels que je préfère pour ma part à Internet, on peut trouver le meilleur comme le pire avec ce type de recherche. J'ai vu un jour un site (d'un avocat) sur la loi de 1985 et qui commençait son article sur les accidents de la circulation par 1382....

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Bien sûr, nous l'avons abordé !
Si j'ai bien compris, sa nature n'est qu'ambivalente :

Elle est engagement unilatéral lorsqu'elle est assortie d'un délai, et manifestation simple de volonté et donc fait juridique lorsqu'elle n'est pas assortie de délai.

Dans le premier cas, elle se transmet aux héritiers ; dans le second, elle devient caduque après le décès de l'offrant.

Est-ce tout ce qu'il faut retenir ?

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marianne76 Modérateur

Bonjour,
Le principe est l'absence de valeur juridique de l'offre un arrêt de 1929 arrêt de principe toujours d'actualité affirme qu'elle peut être rétractée librement tant qu'elle n'a pas été acceptée. Mais il y a des tempéraments comme le délai dont vous parliez qui peut être express ou même implicite. Quid d'après vous s'il n'y a pas de délai même implicite dans l'offre?
Conséquence si l'offrant se rétracte et n'avait pas le droit ? Arrêt en la matière ?
Vous parlez d'engagement unilatéral mais cela génère une autre question l'engament unilatéral est-il reconnu en droit français au même titre qu'un contrat ?

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S'il n'y a pas de délai dans l'offre, elle n'est qu'un fait juridique qui ne peut être rétractée qu'au bout d'un délai raisonnable (déterminé par le juge) après avoir été portée à la connaissance du bénéficiaire.

Si l'offrant se rétracte avant acceptation, il n'y a pas de rencontre des volontés et donc l'exécution forcée sur le fondement de l'article 1134 n'est pas possible. En revanche, une rétractation abusive peut engager la responsabilité civile délictuelle (article 1382) de l'offrant et l'obliger à verser des dommages-intérêts au bénéficiaire lésé.

L'engagement unilatéral, si je ne me trompe pas, a été dégagé par la jurisprudence comme source d'obligation différente des contrats, quasi contrats, délit, quasi-délictuelle qui eux sont des sources légales.

ai-je compris ?

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marianne76 Modérateur

Bonjour ,



Si elle ne peut être rétractée qu'au bout d'un délai raisonnable c'est que la jurisprudence lui reconnait une certaine valeur juridique.
Cela signifie donc que le principe de libre révocation de l'offre dégagée par un arrêt du 3 février 1919 subit des tempéraments. c'est ainsi que la cour de cassation dans un arrêt Puy Isler et Chastan de 1958 a posé le tempérament du délai express ou implicite, puis ultérieurement la cour de cassation a dégagé le délai raisonnable
Donc en pratique très souvent l'offre aura une valeur juridique puisque l'offrant s'il ne respecte pas un délai (qu'il soit raisonnable implicite ou express) sera sanctionné.
La question ensuite est de se demander quelle est la justification de cette sanction
Il y a eu diverses théories
1) l'avant contrat de Demolombe
Selon cet auteur quand un délai est fixé dans l'offre on doit admettre que le destinataire a tacitement accepté ce délai. C'est parfaitement fictif et cela ne s'applique que lorsqu'il y a vraiment un délai fixé dans l'offre.
2° la responsabilité délictuelle (Aubry et Rau)
Pour ces auteurs le retrait de l'offre constituait une faute d'où il résultait un préjudice et donc des DI
mais cette théorie ne résout rien: pourquoi le retrait de l'offre serait-il fautif ?
3) l'engagement unilatéral
Si l'offrant ne peut retirer l'offre pendant un certain délai c'est parce qu'il est lié, c'est la reconnaissance de l'engagement unilatéral. C'était la position de Saleilles par ex qui écrivait que "l'offre dès qu'elle est émise vaut expression de la volonté du pollicitant , c'est une volonté qui s'est déjà lié elle même ". Mais en doctrine ce fondement n'a été accueilli favorablement que par quelques auteurs 'Geny Josserant Demogue" les autres auteurs refusaient cette idée (refus de reconnaître l'engagement unilatéral) Pour eux si la volonté peut se lier elle même elle est assez forte pour se délier Cependant effectivement c'est bien sur le fondement de l'engagement unilatéral que se positionne la cour de cassation pour justifier la sanction l'arrêt de 1958 y a fait référence expressément.
Attention tous les quasi-contrats ne trouvent pas leur source dans la loi

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Yn Membre VIP

Salut, je ne suis pas sûr que tu aies compris la subtilité de l'offre.

Plusieurs questions ne sont pas tranchées, voilà de manière schématique ce que je pense :

- L'offre n'est pas un acte juridique stricto sensu, seul le contrat qui résultera de l'acceptation va générer des effets de droit. L'offre doit donc être maintenue pendant un délai raisonnable.

- Selon certains l'offre est un engagement unilatéral qui permettrait d'appliquer des sanctions comme l'exécution forcée. Or, ce système n'est concevable que dans le cadre d'une offre à personne déterminée. En cas d'offre au public, il est impossible de parler d'engagement unilatéral car l'obligation doit se créer entre deux personnes, donc on ne peut pas parler d'engagement unilatéral de volonté dans les offres faites au public (absence de lien d'obligation). Au final, il faudrait distinguer la nature de l'offre selon sa destination (personne précise / public), ce qui n'est pas souhaitable selon moi.

Partant, la Cour de cassation s'embrouille dans sa jurisprudence, notamment pour la caducité de l'offre :

- En cas de décès de l'offrant, la caducité devrait être automatique. Or, la Cour de cassation, après avoir hésité, affirme que l'offre est transmissible aux héritiers. Il faut donc en conclure qu'une véritable obligation résulte de l'offre, car en l'absence d'obligation pas de transmission aux héritiers (logique).

La seule justification valable à ces arrêts est donc l'existence d'un engagement unilatéral de volonté qui crée une obligation. Or, l'affirmation selon laquelle l'engagement unilatéral génère des obligations est très critiquable : l'art. 1370 C. civ. ne le vise pas comme source des obligations, et surtout la théorie de l'engagement unilatéral ne peut pas s'appliquer dans le cadre des offres faites au public.

Bref, retenir une conception moniste de l'offre comme simple fait juridique serait juridiquement plus approprié.

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marianne76 Modérateur

Selon certains l'offre est un engagement unilatéral qui permettrait d'appliquer des sanctions comme l'exécution forcée.
Vous pensez à Flour et Aubert ?

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Yn Membre VIP

Par exemple, je pense également à Alain Sériaux qui a une position intéressante sur l'engagement unilatéral de volonté : le reconnaître quand aucune des cinq sources classiques ne peut s'appliquer.

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marianne76 Modérateur

Bonjour,

On en revient toujours à cette polémique entre les autres et qui n'est pas close de la reconnaissance ou non de l'engagement unilatéral qui est admis d'ailleurs en droit allemand. Pour l'heure en France je pense qu'on n'est pas prêt à l'admettre, mais l'idée reste effectivement intéressante et la jurisprudence de toute façon s'en sert à la marge

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Yn Membre VIP

C'est tout le problème selon moi : aucune "théorie générale" de l'engagement unilatéral de volonté n'existe, mais la jurisprudence s'en sert parfois, sans le nommer bien entendu, pour résoudre certaines situations.

Au final, on se retrouve avec des arrêts mal justifiés en droit, voire en fait, et ça, c'est pas terrible.

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marianne76 Modérateur

Bonjour,
Sans le nommer vous êtes sévère, quand la cour de cassation indique dans son arrêt de 1958 : " Si l'offre peut en principe est valablement révoquée tant qu'elle n'est pas acceptée, il en est autrement au cas ou celui de qui elle émane s'est expressément ou implicitement engagé à ne pas la retirer avant une certaine époque" La référence est assez claire et personne ne s'y est trompé .
Sur la promesse d'exécuter une obligation naturelle on a un arrêt encore plus clair : arrêt du 10 octobre 1995 je cite : "la transformation d'une obligation naturelle en obligation civile , laquelle repose sur un engagement unilatéral d'exécuter l'obligation naturelle .."

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Yn Membre VIP

Mais je ne parle pas de la rétractation de l'offre durant son délai. Là, je suis d'accord que la responsabilité délictuelle peut être engagée comme nous l'indique la jurisprudence.

De même, en l'absence de délai, les arrêts de 2005 et 2009 combinés nous disent qu'un délai raisonnable est toujours convenu, même implicitement. En cas de faute, seuls des dommages-intérêts seront à la charge du pollicitant.

Or, si on analyse bien ces arrêts, si l'engagement unilatéral existait, pourquoi ne pas forcer le contrat à s'exécuter ? En le refusant, la Cour de cassation semble rejeter l'engagement unilatéral de volonté et son hypothétique régime.

Et, dans le même temps, elle nous dit que l'offre n'est pas caduque au décès du pollicitant, ce qui laisse à penser qu'elle admet l'engagement unilatéral de volonté.

Un peu d'ordre serait le bienvenu.

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marianne76 Modérateur

Mais je ne parle pas de la rétractation de l'offre durant son délai. Là, je suis d'accord que la responsabilité délictuelle peut être engagée comme nous l'indique la jurisprudence.

J'avais bien compris je répondais simplement au fait que vous indiquiez que la cour de cassation utilisait l'engagement unilatéral sans le nommer. Je vous ai donc mis deux arrêts dont un fait expressément référence à l'engagement unilatéral. Vous noterez d'ailleurs que cet l'arrêt de 1995 force bien celui qui s'est engagé à s'exécuter et à payer la somme promise.

De même, en l'absence de délai, les arrêts de 2005 et 2009 combinés nous disent qu'un délai raisonnable est toujours convenu, même implicitement. En cas de faute, seuls des dommages-intérêts seront à la charge du pollicitant.

Or, si on analyse bien ces arrêts, si l'engagement unilatéral existait, pourquoi ne pas forcer le contrat à s'exécuter ?
. De la même façon que lorsque vous avez un contrat de promesse unilatérale si le promettant se rétracte avant l'acceptation par le bénéficaire depuis l'arrêt Cruz de 1993, le promettant ne sera condamné qu'à des DI et pas à l'exécution forcée or pourtant vous ne pouvez pas nier l'existence d'un contrat .

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Yn Membre VIP

Là, on s'écarte totalement du sujet. D'ailleurs, vous me parlez d'une promesse unilatérale dans le cadre de l'offre, ce qui est totalement différent.

Soyons clairs : l'arrêt Cruz est une ânerie sans nom. Dans cet arrêt, il s'agit d'une promesse unilatérale qui, contrairement à l'offre, est un véritable contrat avec l'accord des deux parties. Ainsi, dans le cadre d'une promesse unilatérale toutes les sanctions attachées au contrat devraient s'appliquer, dont la fameuse exécution forcée.

Or, la Cour de cassation affirme que non (elle a d'ailleurs confirmé très récemment sa position en septembre 2012). Nouvelle réflexion : quel intérêt d'aligner le régime juridique de l'offre sur celui des promesses unilatérales ?

La Cour vise maintenant l'art. 1142 C. civ., donc selon elle, seule une obligation de faire résulte d'une promesse unilatérale donc pas d'exécution forcée ; mais les obligations de faire peuvent très bien être soumises à l'exécution forcée (Cf. l'attitude contra legem de la jurisprudence sur l'art. 1142 C. civ.).

Je ne nie pas l'existence d'un contrat dans le cadre d'une promesse unilatérale, c'est un véritable contrat. Mais je conteste l'existence d'un contrat dans l'offre, qui ne devrait être qu'un simple fait juridique sans aucun engagement unilatéral.

Bref, quand je dis que les raccourcis sont vites réalisés : l'offre n'est pas une promesse unilatérale, malgré ce qu'en dit la Cour de cassation.

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marianne76 Modérateur

Bonjour,
Là, on s'écarte totalement du sujet. D'ailleurs, vous me parlez d'une promesse unilatérale dans le cadre de l'offre, ce qui est totalement différent.

Vous n'avez pas compris ce que je voulais vous dire je faisais un raisonnement par analogie pour vous montrer que votre conclusion sur le rejet de l'engagement unilatéral par le cour de cassation était tronqué mais bon passons.
Quant à l'arrêt Cruz vous prêchez une convertie (pour le reste inutile de me faire un cours , la différence entre offre et contrat, l'article 1142 etc tout cela je le connais fort bien pour l'enseigner)

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