Droit des réfugiés : une affaire de définitions

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L’invention d’internet, c’était il y a plus de trente ans. Aujourd’hui, face aux gros titres accrocheurs, et aux généralités d’une information numérisée obéissant aux lois de l’instantané, il s’agit au-delà des débats sémantiques, de mettre en exergue de véritables catégories juridico-administratives ayant chacune leurs applications qu’il serait malaisé de confondre, que vous soyez juriste averti ou simple observateur soucieux de comprendre une réalité qui parfois nous échappe malgré nous.

Pierre Hardy, directeur au projet stratégique de France Horizon (RDSS 2018. 146, La « question migratoire » : nouvelle frontière de l’action sociale de l’État et nouveau défi pour le travail social) fit remarquer récemment que le terme de « migrants » était selon lui “imposé pour caractériser ceux qui fuient leur pays pour des raisons de guerre, de violences ou de misère” au détriment notamment de celui d’exilés selon lui “écarté”.

Derrière cette affirmation, il est loisible de s’interroger sur le poids des mots.

Migrants, réfugiés, demandeurs d’asiles ou sans papier, synonymes ou antonymes ?
Loin d’être de simples instruments abandonné aux prouesses médiatiques et au verbiage politicien, il est loisible d’admettre que derrière ces étiquettes mal connues se cachent de véritables enjeux sociaux.

Plus récemment, le navire humanitaire dénommé “Aquarius” a sauvé la vie de 141 personnes dénommés migrants par les médiats au large des côtes libyennes. A l’heure où France, l’Espagne et le Portugal vont accueillir les rescapés, les divisions et tensions diplomatiques demeurent importantes entre les pays d’Europe et à au sein même de la classe politique nationale.

Source de beaucoup de confusion, il convient plus que jamais de faire le distinguo entre réfugiés, apatrides, migrants et demandeurs d’asiles.

Précisons tout d’abord que ces statuts sont avant tout affaire de règlementations et d’instruments internationaux tels que la Convention de Genève du 28 juillet 1951 (disponible ici http://www.unhcr.org/fr/4b14f4a62.html) ou le protocole de New York de 1967 s’agissant du statut de réfugié.

“toute personne qui fuit la guerre ou toute persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques”. – Convention de Genève, 1951
Sur le territoire de la République, c’est l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, administration publique rattachée au Ministère de l’Intérieur qui veille à l’effectivité et au respect de la Convention de 1951. Avant d’être reconnue comme réfugiée, une personne est avant toute chose connue de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides comme demandeur d’asile. Le demandeur d’asile est donc toute personne fuyant la guerre ou toute persécution aux fins de solliciter la protection de la nation française. Si la demande d’octroi par les autorités du statut de réfugié est rejetté, la personne dénommée déboutée du droit d’asile sera donc “sans papier” et pourra faire l’objet d’une « obligation de quitter le territoire français » (OQTF) selon l’article L511-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Cependant, l’article L. 712-1 du CESEDA informe le lecteur en soif de connaissance que le demandeur d’asile, pourra, à défaut d’obtenir le statut de réfugier, bénéficier d’une « protection subsidiaire« .

L’apatride est défini par une autre convention, celle de New-York en date de 1954.

“toute personne qu’aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation » – Convention de New-York, 1954
Ce sont les antagonismes législatifs en matière de nationalité qui le plus souvent conduisent à ce qu’une personne soit juridiquement dénommée comme apatride, au gré des aléas mêlant droit du sang du sol d’un coté, droit du sang de l’autre, ou encore de la complexité de la transmission par filiation.

Quid du migrant ?
Pouvant être définit comme toute personne effectuant une migration (volontaire ou subie), derrière un terme généraliste englobant une pluralité de réalités, le juriste averti distinguera les migrants économiques, de ceux pouvant obtenir le statut de réfugiés politiques.

Quand le premier décide d’entamer une migration aux fins d’améliorer sa qualité de vie, de poursuivre des études ou de bénéficier d’un travail aux fins de subvenir à ses besoins et ceux de sa famille, le second, cherche quant à lui un abri pour fuir la dangerosité de son pays d’origine, qu’elle soit due à des persécutions ou un conflit armé. Expression d’une volonté de survivre dans un monde hostile.

Plus que mettre des réalités sur des mots, accorder à ceux-ci leurs réelles significations est davantage affaire de protection juridique que d’éloquence mondaine prompt à toute vanité intellectuelle.


Merci de votre lecture 25.gif

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Étudiant en Maitrise de Droit Privé, mention Droit Privé et Judiciaire à l'Université Jean Moulin Lyon 3

Retrouvez mon blog juridique personnel : http://jordanminarv.wordpress.com

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decastellouis Intervenant

Je vous félicite au passage néanmoins vous aurez pu aller loin dans votre réflexion et aborder la question du droit de l'asile et mettre aussi en avant les nuances entre les différents termes plutôt que de se limiter uniquement à une définition d'autant plus que la définition posée par la convention de 1951 devient de plus en plus obsolète et mérite de faire l'objet d'une nouvelle reformulation.
S'agissant des juristes , ils ne s'inscrivent pas dans ces amalgames c'est plus la mauvaise interprétation du moins la mauvaise qualification faite par les médias qui pose véritablement problème car on ne compte pas le nombre de fois où les médias ont pas galvaudés des termes.

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Bonjour decastellouis ,

Je vous remercie pour votre retour et vos conseils, en effet, ayant lancé un blog juridique voici presque 2 semaines, je me limite volontairement à des analyses de surface, ce qui ne présente pas un intérêt "doctrinal" ou "philosophique" concret je l'admet, mais j'essaye à travers mes écris de faire du droit "soft" si je peux me permettre cet anglicisme accessible dés lors, à tous.

En effet, ce sont des problématiques qui méritent d'être approfondies et qui pourraient être développées davantage, toutefois, l'honnêteté intellectuelle m'oblige à admettre que je ne suis pas un spécialiste de la matière pour l'heure, étant plus orienté vers du pénal et de la criminologie dans le cadre de l'année de Maitrise qui vient.

Je vous envoie en message privé le lien vers mon blog si vous souhaitez lire et commenter d'autres article ou me laisser votre avis :)

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decastellouis Intervenant

Bravo à vous , j'ose espérer que vous irez très loin avec votre blog.
Je serai ravi de contribuer à votre blog en vous proposant des articles ou des billets dans des domaines assez divers du droit plus particulièrement le droit public si vous le souhaitez bien sur ou selon les sollicitations qui sont votre.

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Isidore Beautrelet Administrateur

Bonjour

Merci pour cet article qui pourra être utile pour ceux qui préparent le CRFPA.
En effet, il y a deux ou trois ans, lors du grand oral un de mes camarades a eu une question sur le sujet "Quelle est la différence entre un réfugié, un migrant et un étranger ?"
Pour "l'étranger" cela désigne tout simplement une personne qui n'a pas la nationalité du pays dans lequel elle se trouve. Le jury attendait comme exemple : un touriste de nationalité B dans un pays A sera un étranger sans être un migrant ou un réfugié.


j'essaye à travers mes écris de faire du droit "soft"

Et c'est justement ce que nous attendons !
D'ailleurs je propose à Louis, s'il en a envie, de compléter cet article avec ces idées.

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Bonjour Isidore,

Merci ! C'est un sujet accessible alors, les candidats ont surement dû apprécier ! Il est important de revoir les définitions car elles sont souvent confuses dans l'esprit de ceux qui limitent leur information aux quelques grands médias. Ces termes usités au quotidien sont mal connus, or dans un soucis d'information et d'effectivité, de circulation du droit, l'intérêt est à ce que tous puissent être informés aux fins de débats plus sereins, d'une meilleure protection juridique des personnes devant en bénéficier notamment.

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Étudiant en Maitrise de Droit Privé, mention Droit Privé et Judiciaire à l'Université Jean Moulin Lyon 3

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Isidore Beautrelet Administrateur

elles sont souvent confuses dans l'esprit de ceux qui limitent leur information aux quelques grands médias.

Ou de leurs convictions politiques !
A gauche on utilisera à tout bout de champ le terme "réfugié"
A droite on restera sur "migrant". Mais les plus extrêmes préféreront le terme "clandestin"
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Le mieux, c'est ceux qui utilisent le terme "illégaux", un être humain ne saurait être illégal en lui même sur le plan juridique, philosophique ou autre.
C'est la situation administrative qui est irrégulière, c'est le comportement qui est dans l'illégalité ...

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decastellouis bonjour,

Merci beaucoup pour vos retours et votre positivisme :)
J'aime tout particulièrement le droit public, et à la base figurez vous que j'ai plutôt un profil publiciste. J'ai choisi le droit privé pour d'autres raisons.
Je serais ravi d'en discuter avec vous, c'est un blog personnel mais je ne vois pas d'inconvénient à ce que du contenu écrit par d'autres auteur y soient publiés. La diversité ne fait pas de mal.
Nous pouvons en discuter.

Bon dimanche à vous.

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LouisDD Administrateur

Salut

Article intéressant, et complété par les commentaires, c’est très instructif sur les enjeux humains et surtout politiques de cette branche du droit.

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Le précieux... enfin la charte du forum quoi !

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LouisDD Merci !

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