Déloyauté par dénigrement et évidence de l’information portée à la connaissance du public

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Bonjour,

Je suis entrain de bloquer sur la dernière question (5) pouvez-vous m'aider svp.




Quels sont les faits qui ont donné lieu au litige ?

Le litige concerne le domaine des plans de travail en quartz de synthèse. En effet la société Marbrerie des Yvelines, évoque que le quartz de synthèse est une matière dangereuse pour la santé des employés qui le fabriquaient mais également lors de l'utilisation quotidienne en cuisine. Elle a donc fait faire une étude auprès de l’institut de recherche et d’expertise scientifique de Strasbourg (l’IRES) sur ce matériau et a publié sur son site internet ainsi que sur les réseaux sociaux les résultats de cette étude qui a confirmé la présence de composants dangereux dans le quartz de synthèse. La société a également alerté le magazine « 60 millions de consommateurs » par rapport à un risque lors de « l’utilisation quotidienne en cuisine » de ce matériau. Cette annonce a contrarié d’autres acteurs du secteur qui regroupés au sein de l’association ASTA World Wide décide d’attaquer la société Marbrerie des Yvelines en justice pour « dénigrement constitutif de concurrence déloyale ».




Quelle est le problème de droit auquel est confronté le juge ?

Est-ce que le fait que la société Marbrerie des Yvelines ait divulgué des informations de nature à jeter le discrédit sur un produits fabriqué et commercialisé par d’autres acteurs économiques constitue un acte de dénigrement ?


Quel est le sens de la décision des juges du fond ?

Les juges du fond rejettent les demandes de l’association. En effet, les conclusions émises par l’organisme scientifique affirment que le quartz de synthèse comporte de nombreuses substances dangereuses pour la santé des employés et du consommateur. De plus il est prouvé que les salariés de différents pays, procédant à la fabrication et à l’installation des plaques, ont présenté des troubles graves au point que l’autorité de contrôle de la santé et de la sécurité alimentaire s’est autosaisie de cette question en menant une étude afin d’identifier les risques et dangers auxquels les consommateurs sont susceptibles d’être exposés. Les juges de fond précise également que l’association ne fournit aucune expertise en condition d’utilisation réelle. De plus ils estiment que mettre en garde publiquement les consommateurs contre le risque de ce matériau permet d’alerter ces derniers à tout risque grave sur la santé public ou l’environnement. Par conséquent le dénigrement reproché à la société n’est pas établi.




Quelle est la solution retenue par la Cour de cassation ?

La Cour de cassation retient que « même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure. »


La décision de la Cour de cassation, vous paraît-elle justifiée ? Motivez votre réponse. Dernière modification : 14/03/2021 - par midoula

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Cass. com, 4 mars 2020, n° 18-15.651



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 MARS 2020

L'association A.St.A World-Wide, dont le siège est [...] (Italie), a formé le pourvoi n° J 18-15.651 contre l'arrêt rendu le 22 février 2018 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l'opposant à la société Marbrerie des Yvelines (MDY), société par actions simplifiée, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de l'association A.St.A World-Wide, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société MDY, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Pomonti, Champalaune, Daubigney, Michel-Amsellem, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mmes Le Bras, de Cabarrus, Lion, Lefeuvre, conseillers référendaires, Mme Beaudonnet, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1240 du code civil et 873, alinéa 1, du code de procédure civile ;

Attendu que même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l'une, d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, que la société Marbrerie des Yvelines (la société MDY) fabrique et commercialise des plans de travail en marbre, en granit et pierre naturelle et en quartz de synthèse ; que, soupçonnant ce dernier matériau d'être dangereux pour la santé de ses employés, la société MDY a fait réaliser une étude par l'Institut de recherche et d'expertise scientifique de Strasbourg (l'IRES), et publié sur son site internet et sur les réseaux sociaux de son dirigeant les résultats des deux rapports établis par cet organisme confirmant la présence de composants dangereux dans le quartz de synthèse, puis a lancé une alerte auprès du magazine "60 millions de consommateurs" en indiquant que ce matériau était dangereux pour la santé, non seulement lors du façonnage, mais aussi "lors de l'utilisation quotidienne en cuisine" ; qu'après une mise en demeure, restée infructueuse, de cesser cette campagne, qualifiée de dénigrement, l'association A. St. A World-Wide (l'association World-Wide), qui a pour objet de promouvoir la réalisation de plans de travail de cuisines et salles de bain en quartz de synthèse et qui regroupe plusieurs fabricants de pierres agglomérées, invoquant l'existence d'un trouble manifestement illicite et un dommage imminent, a assigné en référé la société MDY, afin d'obtenir, sous astreinte, des mesures conservatoires de retrait et d'interdiction de diffusion des informations relatives aux études menées par l'IRES concernant le quartz de synthèse ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de l'association World-Wide, après avoir constaté qu'à compter du mois de janvier 2017, la société MDY avait publié sur son site internet ainsi que sur les réseaux sociaux les résultats des deux rapports établis par l'IRES tendant à démontrer que l'utilisation du quartz de synthèse exposait le consommateur à des risques pour sa santé et que le dirigeant de cette société avait publié sur son compte « Twitter » et sur son « blog », des articles faisant état du danger présenté par les plans de cuisine en quartz de synthèse, comme ayant des composants cancérigènes et mutagènes, l'arrêt relève qu'en dépit des critiques concernant la méthodologie employée par l'IRES pour émettre ses conclusions et des diverses certifications requises obtenues par les fabricants pour ce matériau, il résulte de ces analyses techniques que le matériau de quartz de synthèse comporte de nombreuses substances potentiellement dangereuses pour la santé, tel le cadmium retrouvé en concentration importante, et que le risque d'un danger pour la santé des consommateurs qui utilisent au quotidien un plan de travail de cuisine en quartz de synthèse ne peut être écarté, en l'état actuel des connaissances scientifiques sur la question, d'autant moins qu'il est, à ce jour, démontré que des salariés de différents pays, qui façonnent et découpent les plaques de quartz de synthèse et les installent chez des particuliers, dont il ne peut être exclu qu'ils procèdent par eux-mêmes à ces découpes, ont présenté des troubles graves et, pour certains, sont atteints de silicose, l'Agence nationale de la santé et de la sécurité alimentaire (l'ANSES) s'étant auto-saisie de la question des dangers et risques relatifs à la silice cristalline, menant actuellement une étude de filière afin d'identifier les différents usages de cette substance, y compris au stade de la commercialisation de produits en contenant et à l'égard du consommateur ; qu'il relève encore que, si l'association World-Wide produit aux débats des analyses critiques des rapports de l'IRES, elle ne fournit aucune expertise en condition d'utilisation réelle qui permettrait d'écarter tout risque sanitaire pour les consommateurs ; qu'il estime que la mise en garde publique, par la société MDY, sur un matériau qu'elle a cessé de vendre, convaincue du risque de sa nocivité, en alertant parallèlement la ministre des affaires sociales et de la santé, par un courrier du 1er février 2017, et la direction de l'évaluation des risques de l'ANSES, relève de la nécessaire information du consommateur, qui doit être mise en regard avec le droit d'alerte en matière de santé publique et d'environnement reconnu par la loi à toute personne physique et morale qui estime de bonne foi devoir diffuser une information concernant un fait, une donnée ou une action dont la méconnaissance lui paraît faire peser un risque grave sur la santé publique ou l'environnement et en déduit qu'au regard de ce droit d'alerte et des interrogations persistantes et légitimes sur la nocivité pour la santé du consommateur du quartz de synthèse utilisé pour les plans de travail de cuisine, le caractère manifeste du dénigrement reproché à la société MDY n'est pas établi avec l'évidence requise en référé ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté d'un côté, que le message diffusé publiquement par la société MDY faisait état du danger présenté par les plans de cuisine en quartz de synthèse, qui ont des composants cancérigènes et mutagènes, tel un article intitulé "Alerte de nocivité : les plans de cuisine en quartz de synthèse sont dangereux", publié le 2 février 2017, relayé dans le magazine "60 millions de consommateurs" du 8 mars 2017 par l'affirmation que "cette matière est non seulement dangereuse pour la santé lors du façonnage mais également lors de l'utilisation quotidienne en cuisine", de l'autre, que les rapports de l'IRES, invoqués au soutien de ces affirmations, étaient critiqués tant par les deux experts mandatés par l'association World-Wide que par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui soulignaient que les tests de l'IRES n'avaient pas été réalisés dans des conditions normales d'utilisation par des consommateurs, et que l'IRES lui-même reconnaissait que son étude ne portait pas sur l'évaluation des migrations de substances contenues dans l'air ou les denrées alimentaires en contact avec ce matériau, ce dont il résultait que l'information divulguée ne reposait pas sur une base factuelle suffisante au regard de la gravité des allégations en cause, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant l'ordonnance déférée, il dit n'y avoir lieu à référé, l'arrêt rendu le 22 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Marbrerie des Yvelines aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à l'association A.St.A World-Wide la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt.