Avis sur un plan de commentaire d'arrêt en droit des contrats spéciaux

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Bonsoir,

J'ai bientôt partiel de droit des contrats spéciaux et notre professeur a donné à demi-mot le sujet en droit des contrats spéciaux pour un commentaire d'arrêt sur la perte totale de la chose dans le contrat de bail. Ainsi, pour m'entrainer j'ai essayé de rédiger un commentaire d'arrêt sur le sujet et plus précisément sur l'arrêt suivant : Cass. 3ème civ. 19 décembre 2012, n°, 11-26076

Je souhaitais savoir s'il était possible d'avoir un avis sur ma rédaction et mon plan, car je souhaite pouvoir le "réutiliser" lors de mon partiel en l'adaptant à l'arrêt sur la perte de la chose, car tous les arrêts sur le sujet sont similaires.

Merci, voici mon commentaire :

La 3e chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 19 décembre 2012. Cet arrêt est relatif au rejet d’une demande de résiliation du bail à l’initiative du propriétaire, en raison de l’absence d’impossibilité absolue et définitive d’user de la chose louée.

En l’espèce, un incendie avait endommagé des locaux donnés à bail commercial à une société par une autre société.

Ainsi, la société bailleresse avait assigné sa locataire en constatation de la résiliation de plein droit du bail. Par un arrêt du 25 mai 2011 rendu par la CA de Rennes, cette demande fut rejetée. Mécontente, la demanderesse forma un pourvoi en cassation par un moyen unique. Elle a soutenu qu’il y avait perte du bien donné à bail dès lors qu’il était devenu impropre à sa destination, et qu’en l’espèce la destination du bail étant l’exploitation commerciale des locaux, il convenait de vérifier si cette dernière était toujours possible. De plus, elle avait soutenu que c’est à la date du sinistre que devait être examinée la possibilité d’user de la chose conformément à sa destination, et que cela n’avait pas été respecté par la cour d’appel. Enfin, elle considère que la CA a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1722 du code civil.

Dans quelles conditions une perte partielle peut-elle être qualifiée de perte totale permettant ainsi au bailleur de demander la résiliation sur le fondement de l’article 1722 ? En outre, à quel moment l’impossibilité définitive et absolue d’user de la chose louée conformément à sa destination doit-elle être appréciée ?

La 3e chambre civile de la ccass par un arrêt du 19 décembre 2012 décida de rejeter le pourvoi formé par la bailleresse. En effet, elle considéra qu’ayant constaté que les locaux n’avaient pas été entièrement détruits par l’incendie, et que les experts avaient estimé leur reconstruction possible sans que le cout des travaux nécessaires excède le prix de la chose, il n’existait pas d’impossibilité absolue et définitive d’user de la chose louée conformément à sa destination. Ainsi, la résiliation de plein droit du bail ne pouvait pas être prononcée.

I. La résiliation de plein droit à l’initiative du bailleur conditionné à l’existence d’une perte totale de la chose[/b]

La Cour de cassation n’a pas remis en cause l’impossibilité de principe pour le bailleur d’obtenir la résiliation de plein droit du bail sur le fondement de la perte de la chose (A), mais a tout de même vérifié les conditions, par une appréciation d’abord matérielle de la notion de perte totale de la chose (B).

A. L’impossibilité de principe pour le bailleur d’obtenir la résiliation de plein droit du bail par la perte de la chose[/b]

La Cour de cassation rappelle en l’espèce les conditions afin d’obtenir la résiliation de plein droit du bail sur le fondement de la perte de la chose. En effet, elle raisonne sur base de deux conditions, qui sont la nécessité d’une perte totale de la chose, et que cette perte totale de la chose se fasse par un cas fortuit.

En l’espèce, c’est la société bailleresse qui a introduit ce fondement, ce qui a poussé les différentes juridictions à regarder avec précision les conditions, car par principe, il est impossible pour le bailleur d’invoquer la résiliation de plein droit du bail pour perte de la chose lorsque la chose n’est pas entièrement perdue. Cette exigence est la raison pour laquelle la Cour de cassation va prendre le soin d’établir la destruction totale des locaux, et en l’espèce, l’absence de destruction totale des locaux.

Les locaux de la société ont été détruits par un incendie, bien que la cour d’appel ou la Haute cour ne l’ait pas mentionné, il existe un principe selon lequel en cas d’incendie le preneur est responsable des dégâts sauf s’il arrive à prouver que l’incendie a eu lieu par un cas fortuit, ou par propagation d’une maison voisine. Cette hypothèse n’est pas précisée en l’espèce car ce n’est pas réellement dans la question posée à la Cour de cassation, qui porte uniquement sur la notion de perte de la chose et non de responsabilité.

B. L’appréciation matérielle de la notion de perte totale de la chose[/b]

La Cour de cassation a rappelé en l’espèce que les locaux n’avaient pas été entièrement détruits par l’incendie, et que leur reconstruction était possible. Par cela, la Haute cour a considéré en premier lieu que le local ne constituait pas une perte totale.

Aux termes de l'article 1722 du Code civil, si la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit. Il existe cependant plusieurs hypothèses de perte : il peut y avoir une perte physique de la chose louée en cas de destruction matérielle ou une perte au sens juridique lorsque les locaux sont devenus impropres à leur destination.

En l’espèce, il est question d’une perte physique de la chose louée en raison de l’incendie qui aurait pu détruire tout le local, et ainsi empêcher l’exploitation commerciale de ces locaux. L’incendie en l’espèce a simplement « endommagé » le local, mais la question se pose de savoir quelle doit être l’étendue des dommages pour qu’il soit considéré impossible d’user de la chose conformément à sa destination.

Il semble difficile d’exploiter un commerce à la suite d’un incendie quelle que soit sa gravité que ce soit au regard de la clientèle qui visitera le local, que sur les possibles dommages des biens à l’intérieur du local, les marchandises par exemple. Cependant, l’hypothèse d’un incendie endommageant l’intérieur du local mais n’empêchant pas définitivement son utilisation s’assimile à une perte partielle du bien, ce qui exclut le bailleur de toute action possible.

En cas de destruction partielle, il revient au locataire d’opter entre la fin du contrat ou sa poursuite. Dans cette dernière hypothèse, les obligations des parties se poursuivent, ce qui implique que le bailleur est tenu de réaliser les travaux de remise en état.

Ce raisonnement se fait sous l’hypothèse d’une destruction matérielle, mais ce n’est pas le seul type de destruction envisagé par la Cour de cassation. En effet, elle a considéré d’autres critères avant de conclure en l’absence de perte totale des locaux.

II. L’absence manifeste de perte totale des locaux endommagés[/b]

Afin de conclure en l’absence de perte totale des locaux, la Cour de cassation a considéré la perte de la chose d’un point de vue économique (A), avant de rejeter définitivement la résiliation de plein droit du bail à l’initiative du bailleur (B).

A. L’appréciation économique de la notion de perte totale de la chose[/b]

La Cour de cassation a conclu en l’absence de perte matérielle de la chose. Cependant, il est admis par la jurisprudence que, même en l'absence de destruction globale de l'immeuble et à condition que la faute du bailleur ne puisse être retenue, il y a perte de la chose louée s'il existe un déséquilibre manifeste entre le montant des travaux nécessaires et les revenus de l'immeuble ou la valeur vénale de la chose louée et ce que le coût des travaux l'excède ou en représente une part importante.

La juridiction du quai de l’horloge l’a rappelé dans sa solution, en considérant que la reconstruction des locaux endommagés était possible sans que le coût excède le prix de la chose louée.

Si ce raisonnement correspond à une interprétation plus large de l’article 1722 du code civil qui introduit la notion de perte totale de la chose, ce n’est pas la première fois que l’appréciation économique de la perte de la chose est considérée. En effet, par un arrêt du 9 décembre 2009 rendu par la 3e chambre civile de la Cour de cassation, il a été considéré pour la première fois que lorsque le coût des travaux était tellement important qu’il dépassait la valeur de la chose objet du contrat de bail, il y avait perte totale.

Ainsi, la Cour de cassation conclut définitivement en l’absence de perte totale de la chose, que ce soit d’un point de vue économique, juridique, ou matériel.

Il est important de préciser qu’en l’espèce, le seul fait que le coût des travaux n’excède pas la valeur vénale de la partie sinistrée ne doit pas conduire à considérer que la perte est seulement partielle. La perte n’est pas considérée comme totale car la perte totale n’a pu être caractérisée par aucune manière. Lorsque le local est, en l’état, impropre à sa destination mais que le coût des travaux est acceptable la perte totale pourra être caractérisée.

La Cour de cassation s’est concentrée sur la notion de perte totale et n’a pas développé la 2e condition nécessaire pour résilier de plein droit le bail, qui est que la perte totale de la chose doit avoir été provoquée par un cas fortuit et non par une négligence du bailleur pour que celui-ci puisse l’invoquer. Cette condition semble peu importer car les deux conditions sont cumulatives, et en considérant que la perte totale de la chose n’est pas constituée il ne semble pas pertinent de rechercher la cause de cet incendie. De plus, la Cour de cassation n’avait pas à répondre sur ce sujet car il n’a pas été invoqué par l’une des parties.

B. Le rejet de la résiliation de plein droit du bail à l’initiative du bailleur[/b]

La Cour de cassation a ainsi conclu en l’absence de résiliation de plein droit du bail à l’initiative du bailleur en raison de l’absence de caractérisation d’une perte totale. Là où la juridiction du quai d’horloge a simplement repris les critères posés par une jurisprudence constante, elle a également ajouté une nouveauté en considérant que la notion de perte totale pouvait être appréciée en prenant en compte des éléments postérieurs au sinistre, l’incendie.

En effet, avant cet arrêt de 2012 il n’avait pas été précisé que des éléments postérieurs pouvaient être pris en compte. Cela a d’ailleurs été soutenu par le demandeur au pourvoi qui a considéré que seuls les éléments antérieurs au sinistre pouvaient être pris en compte. Cette notion a son importance, car il semble difficile d’imaginer que la perte totale d’une chose puisse être constituée alors que celle-ci a déjà été réparée.

C’est cependant possible, et cela a été affirmé par la Cour de cassation et antérieurement par la cour d’appel de Rennes.

Ainsi, par le rejet de la résiliation de plein droit du bail à l’initiative du bailleur, le bailleur semble avoir été obligé d’exécuter les travaux au motif qu'il doit en vertu de son obligation de délivrance faire procéder aux travaux de remise en état.

En effet, l'article 1719 du Code civil prescrit que le bailleur est tenu de réaliser tous travaux indispensables pour l'usage prévu dans le bail afin de permettre au preneur de les utiliser conformément à la destination contractuelle. Ses obligations de délivrance et d’entretien restent actives et en l’absence de perte totale de la chose il semble normal qu’il doive effectuer les réparations nécessaires au local s’il ne veut pas être repris par le locataire sur le fondement de l’inexécution de ses obligations contractuelles.