ADMINISTRATION DE SUBSTANCES NUISIBLES

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J'ai un cas pratique à résoudre et j'hésite entre plusieurs qualifications;

Pierre sait qu'il a contracté le VIH mais ne le dit pas à sa compagne et continue à avoir des relations non protégées jusqu'à ce que la maladie se déclare ce qui l'oblige à lui avouer. En apprenant cette nouvelle elle se suicide sans avoir fait le test qui se serait révélé négatif.

Il ne me semble pas possible d'invoquer le 222-15 (il n'y a pas eu contamination)
l'atteinte involontaire à la vie me semblait possible ( faute caractérisée) mais le lien de causalité ne me paraît pas certain
alors il ne sera pas poursuivi ?

merci pour votre aide
empecemos

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Bonsoir,

Je n'ai fait que du Droit Pénal Gé pour l'instant, mais j'ai quand même quelques idées.

Ne pourrait-on pas invoquer une "atteinte à l'intégrité psychique" de la personne, en accord avec l'art 222-15 du Code Pénal?
A mon avis l'atteinte serait plutôt volontaire, en ce que l'Homme était à connaissance du fait d'être contaminé...

Cordialement,

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Dura lex, sed lex

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Bonsoir,

Selon la jurisprudence actuelle, le sida ne serait pas mortel par nature. Il serait une "substance nuisible" ayant pour effet de provoquer une infirmité permanente (incurabilité de la maladie) de la personne contaminée.

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJur ... &fastPos=1

Pour moi, il n'existe aucune qualification juridique qui colle à ces faits... Il va falloir broder avec des qualifications pas tout à fait adaptées...

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Charte à lire avant de poster.

Pour ceux qui se posent des questions sur les études de droit =).

Magistère Droit des Affaires, Fiscalité, Comptabilité. [Aix-Marseille III].

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Camille Intervenant

Bonjour,
Déjà, ce qui me chagrine, c'est qu'il y ait poursuites. Or, quand une enquête conclut à un suicide, tout s'arrête là généralement. D'où viendrait la plainte ?
Ensuite, qui dit et qui prouve qu'elle s'est suicidée pour ce motif précis ? Sinon, comment être certain d'un lien de causalité ?
Enfin, ne pas confondre des affaires dans lesquelles la compagne avait été réellement et effectivement contaminée et une affaire potentielle dans laquelle rien de concret, au sens juridique du terme, ne permet de l'affirmer. En France, on ne condamne pas sur de simples suppositions hypothétiques. Ne pas confondre droit et morale.

P.S. : tout à fait entre nous, apprendre que son compagnon est atteint du Sida et donc que l'on a peut-être été contaminée alors qu'il était au courant de son état et se suicider avant même de savoir si c'est vrai au faux dénotait, selon moi, un problème de personnalité psychique bien plus grave que cette seule révélation.

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Hors Concours

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Ok donc rien ne vous choque dans ce cas ?
A mon avis, on peut fouiller du côté de l'empoisonnement.

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Alea jacta est

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Camille Intervenant

Bonjour,
Quel empoisonnement ?
Ici, il s'agit d'un [u:s01phb2m]suicide[/u:s01phb2m].
Suicide par empoisonnement ?

Qu'entendez-vous par "rien ne vous choque" ? A quel niveau de conscience ? :ymdaydream:

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Hors Concours

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Il s'agirait de savoir si les manœuvres de l'un peuvent être réprimées comme étant les causes du suicide de l'autre...

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Dura lex, sed lex

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Il me semble bien avoir étudié un cas similaire en Master I. On avait un cas où un homme avait des rapports non protégés avec une femme sachant qu'il était atteint du VIH. Sans le dire à sa compagne. La victime, après avoir appris la chose, l'avait attaqué en justice pour empoisonnement.
Je ne me souviens plus exactement de la solution mais il me semble bien qu'il ne faudrait pas, ici, écarter de manière absolue une condamnation pour empoisonnement.

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Alea jacta est

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Citation de EMPECEMOS :

En apprenant cette nouvelle elle se suicide sans avoir fait le test qui se serait révélé négatif.


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Dura lex, sed lex

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Citation de yanos :

Il me semble bien avoir étudié un cas similaire en Master I. On avait un cas où un homme avait des rapports non protégés avec une femme sachant qu'il était atteint du VIH. Sans le dire à sa compagne. La victime, après avoir appris la chose, l'avait attaqué en justice pour empoisonnement.
Je ne me souviens plus exactement de la solution mais il me semble bien qu'il ne faudrait pas, ici, écarter de manière absolue une condamnation pour empoisonnement.


Bonsoir,

Comment prouver l'intention de donner la mort ?

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A mon humble avis, si on arrive à prouver qu'il était à connaissance d'être contaminé avant le rapport, l'intention dolosive est établie.

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Dura lex, sed lex

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Pas sûr.

Si je sais que j'ai le sida, et que j'ai des rapports, qu'est ce qui peut prouver concrètement que je faisais cela dans le but de la tuer. Sachant que la jurisprudence ne reconnait pas le sida comme "mortel" par essence ?

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Le fait d'atteindre ou de ne pas atteindre le but est indifféremment puni par les juridictions répressives. Donc, si empoisonnement sans qu'il y ait décès, l'empoisonnement sera puni quand même. Qu'en penses tu, Alex?

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Dura lex, sed lex

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D'accord sur ce point mais pas d'accord sur la qualification d'empoisonnement.

Empoisonnement (221-5 NCP) :

Citation :

Le fait d'attenter à la vie d'autrui par l'emploi ou l'administration de substances de nature à entraîner la mort.


Ça ne correspond pas à la décision que j'avais cité plus haut.

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Voir Jurisprudence 4. à l'article 222-15 du Code Pénal.
Apparemment, la jurisprudence n'est pas fixe en la matière.

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Dura lex, sed lex

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Je l'ai pas chez moi XD =$.

Hummm, les juges ont-ils déjà qualifié d'empoisonment le fait de transmettre le sida sciemment ?



[size=85:3hkwik3p]NB : je pense malgré tout que pour le cas pratique le débat est inutile vu qu'il y a suicide comme le faisait remarquer Camille mais moi je veux savoir comment les juges traitent le SIDA. En droit civil en tout cas c'est une qualité essentielle...[/size:3hkwik3p]

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Depuis l'apparition de la maladie, des plaintes pour transmission du virus du sida par voie sexuelle ont été déposées, mais peu sont allées à leur terme, notamment à cause de la qualification d'empoisonnement sur laquelle elles se fondaient. En effet, la Cour de cassation refuse cette qualification lorsque la volonté de tuer n'est pas avérée. Toutefois, avant la cour d'appel de Colmar, celle de Rouen avait, le 22 septembre 1999, déjà condamné pour administration de substances nuisibles l'auteur d'une contamination par le virus du sida à la suite de rapports sexuels non protégés.

Voili voilou

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Dura lex, sed lex

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Citation :

Le fait d'atteindre ou de ne pas atteindre le but est indifféremment puni par les juridictions répressives. Donc, si empoisonnement sans qu'il y ait décès, l'empoisonnement sera puni quand même


Oui donc il faut prouver l'intention.

L'empoisonnement est indifféremment sanctionné (réussite ou pas puisque infraction formelle) mais à la seule condition que la volonté d'attenter à la vie soit présente.

Donc en fait, aucune réponse ne peut être donnée ?

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Comme la juridiction de Rouen, j'aurais tendance à dire que l'intention de nuire est établie dès que la personne était à connaissance du fait d'être porteuse du VIH. Donc sur le chef de l'administration de substances nuisibles (retenue devant Rouen et Colmar), il y a possibilité de gain de cause. Pas sur le chef de l'empoisonnement (car jurisprudence de la Cour de Cassation).

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Dura lex, sed lex

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C'est l'essentiel :-)

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Dura lex, sed lex

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Camille Intervenant

Bonjour,

Citation de SedLex :

Comme la juridiction de Rouen, j'aurais tendance à dire que l'intention de nuire est établie dès que la personne était à connaissance du fait d'être porteuse du VIH.

Pour moi, non. Le seul fait de savoir ne suffit pas. On est en matière de délit pur, pas dans les cas "à la frange" des délits non intentionnels, genre "non respect délibéré d'une obligation particulière de sécurité prévue par une loi ou un réglement", encore moins dans le domaine contraventionnel.
Dans la jurisprudence citée :
Citation :


que, s'agissant de l'élément moral de l'infraction, M. X... avait connaissance de sa contamination déjà ancienne [u:2asxu1vn]pour laquelle il avait consulté et devait suivre un traitement[/u:2asxu1vn] ;

que le prévenu [u:2asxu1vn]ne conteste pas avoir omis d'informer[/u:2asxu1vn] sa compagne de sa séropositivité ;

qu'il a reconnu [u:2asxu1vn]avoir été parfaitement informé[/u:2asxu1vn] au moment de sa relation avec sa compagne des modes de transmission du VIH ainsi que de la nécessité d'une protection durant les relations sexuelles ;

qu'en acceptant ou sollicitant dans ces conditions des rapports sexuels non protégés M. X... [u:2asxu1vn]ne pouvait ignorer les risques de contamination associés à ce comportement[/u:2asxu1vn] ;

qu'ainsi, [u:2asxu1vn]en tout connaissance de cause[/u:2asxu1vn], taisant sa séropositivité, il a volontairement...

ça fait beaucoup plus qu'une simple connaissance du problème. Permettant difficilement d'invoquer l'excuse du "déni de séropositivité".
"En toute connaissance de cause", au sens de la Cour de la cassation, ce n'est pas simplement "être au courant".


Pour le coup de l'empoisonnement, voir :
Cour de cassation chambre criminelle
Audience publique du jeudi 2 juillet 1998
N° de pourvoi: 98-80529 Publié au bulletin Cassation


Pour l'affaire du sang contaminé, on avait parlé d'empoisonnement ou d'adminstration de substances nuisibles, ce qui a permis d'évacuer quelques responsabilités gênantes. Pour les affaires similaires actuelles, on ne parle plus que de "tromperie aggravée sur la qualité du produit", on dirait.

Dans l'affaire présente, qui va porter plainte ? Sur la base de quels éléments concrets ? Quelle relation directe entre la révélation et le suicide, alors qu'il ne s'agit même pas de la révélation de la maladie de la personne concernée, mais seulement de celle de son compagnon ?
Un avocat devra être certainement très habile pour pouvoir démontrer le mécanisme : "mon compagnon vient de m'informer qu'il est séropositif depuis longtemps, or on couche ensemble depuis longtemps, donc je suis convaincue d'être également contaminée, donc je me suicide sans attendre d'en avoir la preuve formelle".

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Hors Concours

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Camille Intervenant

Bonjour,

Citation de SedLex :


Apparemment, la jurisprudence n'est pas fixe en la matière.

Pas exactement. Il n'est pas dans le pouvoir de la Cour de cassation de prendre position (contrairement à ce qu'on peut lire de la part de quelques commentateurs un peu imprudents) sur la question de fond.
Citation :


D'où il suit que le moyen, qui, en sa première branche se fonde sur une pure allégation et qui, pour le surplus, se borne à remettre en question [u:1deiuu8e]l'appréciation souveraine[/u:1deiuu8e], par les juges du fond, [u:1deiuu8e]des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus[/u:1deiuu8e], ne saurait être admis ;

Ce n'est pas elle qui prend position, mais les juges du fond. cette position est conforme aux règles de droit. Point. Dit la Cour.

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Hors Concours

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merci pour votre aide

après avoir travaillé le sujet il me semble que :

dans les cas de relations sexuelles non protégées, la qualification retenue par la jurisprudence est celle d'administration de substances nuisibles.

Mais à chaque fois il y avait eu contamination or pas en l'espèce

alors pourrait-on envisager la tentative d'administration qui elle bien sûr n'est pas réprimée mais qui reste une qualification ?

Pour le reste je suis assez d'accord avec Camille le lien de causalité est loin d'être certain

Quant à l'empoisonnement c'est exclu car il faut une substance mortifère ce qui n'est pas le cas du vih

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Eh oui !!! Malheureusement, la Cour de cassation a rajouté l'intention de tuer dans la qualification de l'infraction d'empoisonnement alors que dans le code elle n'apparaît nulle part !!!
Et vous vous souvenez quand c'est arrivé ? (roulement de tambour...) Pendant l'affaire de sang contaminé !!! Avant l'arrêt de la Cour de cassation du 18 juin 2003 (n°02-85.199 : Bull. crim. n°127) l'intention de tuer n'existait pas dans la qualification de l'infraction, avec cet arrêt, la Cour protège ses ministres... puisqu'il est impossible de prouver que les autorités aient eu la volonté de tuer les victimes du sang contaminé.
Très fort en droit !!! Mais absolument scandaleux selon moi !!!

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Alea jacta est