ADMINISTRATION DE SUBSTANCES NUISIBLES

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"Le droit est la plus puissante école de l'imagination" ; j'ai entendu ça récemment, c'est du Giraudoux.

Effectivement, il y a de quoi critiquer.

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Charte à lire avant de poster.

Pour ceux qui se posent des questions sur les études de droit =).

Magistère Droit des Affaires, Fiscalité, Comptabilité. [Aix-Marseille III].

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Camille Intervenant

Bonsoir,
Pas du tout d'accord.

1°)

Citation :


Article 121-3
Il n'y a point de crime ou de délit [u:17kuddu2]sans intention de le commettre[/u:17kuddu2].
Toutefois, lorsque la loi le prévoit, etc.

2°)
Citation :


Article 221-5
Le fait [u:17kuddu2]d'attenter à la vie d'autrui[/u:17kuddu2] par l'emploi ou l'administration de substances de nature à entraîner la mort constitue un empoisonnement.

Et, accessoirement :
3°)
Citation :


Article 111-4
La loi pénale est d'interprétation [u:17kuddu2]stricte[/u:17kuddu2].

Ces articles ne sont pas nouveaux.

Donc, pour l'empoisonnement, donc un crime,
1°) empoisonnement = intention de le commettre = intention d'attenter à la vie d'autrui = intention de tuer
2°) pas d'intention de tuer = pas d'intention d'attenter à la vie d'autrui = pas d'intention de le commettre = pas d'empoisonnement

Sauf que, jusqu'au couple diabolique "Fabius/Dufoix", la Cour de cassation évitait de se casser la nénette et les juges non plus, parce que quand on verse de l'arsenic dans le verre de son voisin, c'est rarement histoire de faire une farce ou pour fêter l'an neuf ou parce qu'on a confondu avec la boutanche de Beaujolpif.
Donc, en général, c'était vite fait et le problème était vite réglé. L'intention était forcément évidente et indiscutable (et indiscutée, la problématique se résumait à : "C'est lui ou c'est pas lui. Et si c'est bien lui, ne cherchons pas plus loin… Hop ! La guillotine !")
Citation de Camillavocat déjanté :


D'accord, mon client avait bien ligoté la malheureuse victime sur une chaise, d'accord il lui a bien versé deux litres d'acide nitrique fumant, qu'il avait acheté la veille à la droguerie du village, dans la gorge à l'aide d'un entonnoir, mais il n'avait aucunement l'intention de tuer, Monsieur le Président !!! C'est un regrettable concours de circonstances si la victime est morte dans d'épouvantables souffrances quelques minutes plus tard ! Je réclame l'acquittement ! C'est une lamentable erreur judiciaire !!!

Donc, le problème de l'intention était escamoté.

Or, là, le problème est venu qu'on était, pour la première fois, en présence d'un "empoisonnement par correspondance", en quelque sorte, si on retenait cette qualification. Ni Laurent, ni Georgina n'étaient sortis de leurs bureaux ministériels pour administrer eux-mêmes la "potion magique", lesdites "substances nuisibles", et n'avaient mandaté aucun exécuteur des hautes œuvres pour ce faire… bref, pas d'intention évidente et délibérée d'attenter à la vie d'autrui.
Et donc, il a fallu rappeler que la loi pénale est d'interprétation stricte.
Au grand dam de la population vindicative qui, comme chacun sait, connait le code pénal par coeur…
(et comme, en droit pénal, on ne sanctionne pas directement l'incompétence, a fortiori celles des élus, directs ou indirects, mais seulement les conséquences dommageables de cette incompétence...)
:ymdaydream:

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Cela n'a rien à voir !
Le fait d'administrer des substances nuisibles de [u:1pws9xqn]nature à entraîner la mort[/u:1pws9xqn] est très différent de l'[u:1pws9xqn]intention de tuer[/u:1pws9xqn].
L'un fait partie de l'élément matériel, l'autre de l'élément intentionnel. Chacun le sait, pour qu'une infraction soit caractérisée, il faut la réunion de ces deux éléments et de l'élément légal.
Dans l'empoisonnement, avant 2003, il suffisait d'administrer une substance nuisible de nature à entraîner la mort, [u:1pws9xqn]sans qu'elle intervienne obligatoirement [/u:1pws9xqn] (la seule administration suffisait et l'intention de tuer n'était pas nécessaire).
Je le dis et je le répète : la Cour de cassation en 2003 rajoute l'intention de tuer dans l'infraction d'empoisonnement pour sauver ses ministres, car l'opinion publique était convaincue que les autorités savaient que le sang était contaminé. Magie !!! Elles sont désormais intouchables puisqu'elles n'ont pas eu l'intention de tuer !!!

Ce n'est pas une application stricte de la loi pénale, il ne faut pas se voiler la face... C'est une manoeuvre politique pour sauver les apparences.

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Alea jacta est

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Camille Intervenant

Bonjour,

Citation de yanos :


Dans l'empoisonnement, avant 2003, il suffisait d'administrer une substance nuisible de nature à entraîner la mort, [u:2jxae6zq]sans qu'elle intervienne obligatoirement [/u:2jxae6zq] (la seule administration suffisait et l'intention de tuer n'était pas nécessaire).
Je le dis et je le répète : la Cour de cassation en 2003 rajoute l'intention de tuer dans l'infraction d'empoisonnement pour sauver ses ministres, car l'opinion publique était convaincue que les autorités savaient que le sang était contaminé.

Vous n'avez manifestement pas bien lu l'article 221-5. Et la Cour de cassation n'y est pour rien, ce texte est bien plus ancien que 2003. Et la cour n'y a rien rajouté du tout.
Et ne confondez pas avec la "tentative d'empoisonnement" qui existe aussi dans le code pénal (article 121-4)(qui existe aussi depuis longtemps), mais qui implique aussi - forcément - la volonté de nuire, de porter atteinte à la vie d'autrui.
Ce qui, à l'évidence, n'était pas le cas dans cette sinistre affaire.
Mais, libre à vous de le croire parce que ça fait bien dans le tableau.
:roll:

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Peu importe ce qu'on veut bien croire ou pas.
L'intention de tuer n'existait pas dans l'infraction d'empoisonnement avant 2003, il suffisait juste d'administrer une substance [u:1r1mm1mr]de nature à[/u:1r1mm1mr], et non pas [u:1r1mm1mr]qui a[/u:1r1mm1mr] donné la mort.

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Alea jacta est

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Mais ne pensez vous pas que le fait que le type ait eu connaissance, sans se sentir empêché d'avoir des relations sexuelles sans protection, du fait d'être atteint du VIH, suffise pour caractériser l'élément intentionnel de l'infraction (administration de substances nuisibles)?

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Dura lex, sed lex

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Pour moi non, ça n'est pas suffisamment pour prouver l'élément intentionnel.

En plus, d'un point de vu strictement matériel et technique (qui ne doit en aucun cas réduire in concreto le risque lié à cette maladie) la chance de transmettre le VIH lors d'ébat amoureux (ou autre) est de 0.03% (d'après mes souvenirs).

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Pour ceux qui se posent des questions sur les études de droit =).

Magistère Droit des Affaires, Fiscalité, Comptabilité. [Aix-Marseille III].

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Ok pour la partie concernant les risques. Je parle strictement de l'élément intentionnel, partant du postulat qu'on a déjà établit le lien de causalité matériel.

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Dura lex, sed lex

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Camille Intervenant

Bonjour,

Citation de yanos :

Peu importe ce qu'on veut bien croire ou pas.
L'intention de tuer n'existait pas dans l'infraction d'empoisonnement avant 2003, il suffisait juste d'administrer une substance [u:2iubu0q1]de nature à[/u:2iubu0q1], et non pas [u:2iubu0q1]qui a[/u:2iubu0q1] donné la mort.

Vous plaisantez ???? L'article 121-3 vaut pour tous les délits et crimes prévus au code pénal !
D'ailleurs, les consorts Fabius, Dufoix, Hervé et Evin ont bel et bien été poursuivis pour "[u:2iubu0q1]homicide[/u:2iubu0q1] involontaire".
Donc, le fait qu'il y ait eu des morts n'était même pas contesté. Même pas l'intention de tuer.
Sans parler du fait qu'ils n'ont pas pu se retrouver devant la Cour de cassation, mais devant la Cour de justice de la République. La Cour de cassation ne s'est occupée que des autres impliqués dans cette sinistre histoire.

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Camille Intervenant

Bonjour,

Citation de SedLex :

Mais ne pensez vous pas que le fait que le type ait eu connaissance, sans se sentir empêché d'avoir des relations sexuelles sans protection, du fait d'être atteint du VIH, suffise pour caractériser l'élément intentionnel de l'infraction (administration de substances nuisibles)?

Je crois bien l'avoir déjà mentionné, celui-là :
Citation :


Cour de cassation chambre criminelle
Audience publique du jeudi 2 juillet 1998
N° de pourvoi: 98-80529 Publié au bulletin Cassation
...
Mais attendu
qu'en l'état de ces motifs, pour partie contradictoires, [u:6w6mqr30]alors que la seule connaissance du pouvoir mortel de la substance administrée ne suffit pas à caractériser l'intention homicide[/u:6w6mqr30], la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE etc.

1998, donc antérieur au dénouement de l'affaire du sang contaminé et sans relation avec cette dernière, au passage.

Légifrance ajoute :
Citation :


Précédents jurisprudentiels : CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1995-11-28, Bulletin criminel 1995, n° 359, p. 1046 (cassation), et les arrêts cités ; Chambre criminelle, 1997-09-17, Bulletin criminel 1997, n° 302, p. 1011 (cassation), et les arrêts cités. CONFER : (2°). (2) A rapprocher : Chambre criminelle, 1993-06-08, Bulletin criminel 1993, n° 203, p. 506 (rejet) ; Chambre criminelle, 1994-06-22, Bulletin criminel 1994, n° 248, p. 604 (rejet), et les arrêts cités.

Le plus dur en droit pénal, c'est de ne pas se laisser aller à des considérations "épidermiques", même si le sujet est très grave.

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Bonjour

Je ne parle pas de l'intention d'homicide, mais bien de l'intention d'administrer des substances nuisibles.
Et donc l'exposition à 15 ans de réclusion criminelle au visa de l'article 222-7 du Code Pénal, sur renvoi de l'article 222-15 du même Code.

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Dura lex, sed lex

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Camille Intervenant

Bonjour,
Oui, bien sûr, la question [u:32djenqy]peut[/u:32djenqy] se poser.
D'autant que, selon la simple définition du dictionnaire, "attenter à" ne nécessite pas le décès et que cet article n'a encore pas été modifié.

Citation de Extrait de La Petite Rousse Illustrée :


Attenter, v. t. ind. [à] Commettre une tentative criminelle.


La question est seulement "comment allez-vous, vous [u:32djenqy]Procureur(e) de la République[/u:32djenqy], prouver l'intention d'administrer [u:32djenqy]avec début d'exécution[/u:32djenqy] alors que la seule personne qui aurait pu en faire la preuve s'est suicidée avant le moindre examen médical ?". C'est bien - en fait - la problématique proposée, non ?

D'ailleurs, actuellement, qui a révélé cette histoire ? Le compagnon lui-même ? Sinon, qui - à part lui - était déjà au courant ? :ymdaydream:

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Hors Concours

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Très juste. Je me suis laissé emporter par des considérations théoriques et ai complètement délaissé le cas d'espèce initial.

Mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa.


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Dura lex, sed lex