Synthèse - le mariage homosexuel

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{{Exposé sur le mariage homosexuel}} (le style oral a été conservé)


{ {{Bref historique :}} }

{{Homosexualité}} : terme créé en 1869 par le corps médical. Définie comme la sexualité de l'homosexuel, qui éprouve une attirance pour les personnes de son sexe ( Larousse ).

Juridiquement peu aisée à  manier.

24 aoà»t 1974 à  Lens : « bénédiction d'amour et d'amitié », par le Pasteur Joseph Doucé. « Echange de promesses qui unit aussi longtemps que l'amour durera », sur production d'une fiche d'état-civil, trois mois de mise en condition probatoire, existence d'un registre, et délivrance d'un certificat d'union estampillée par l'église des communautés métropolitaines. Dépourvu de valeur juridique

Depuis les années 1980, revendication croissante d'un statut légal pour les couples homosexuels, notamment suite aux refus par la Cour de cassation de faire bénéficier à  ceux-ci des droits sociaux accordés aux concubins ( Cass. soc., 11 juillet 1989, D. 1990. 582, note Malaurie, et aux positions de la Cour EDH vis-à -vis des transsexuels.

Mai 2006 : deux {{propositions de lois}} sont déposées au Sénat et à  l'Assemblée nationale ( Patrick Bloche et Ségolène Royal ). Inscription du mariage homosexuel au programme de l'élection présidentielle de certains candidats.

Doc. Sénat, 8 nov. 2005, n° 68

Doc. AN, 9 nov. 2005, n° 2638








{{Panorama mondial sur les unions homosexuelles}}


{{Reconnaissance légale du mariage homosexuel}}






{{Refus du mariage et des partenariats enregistrés homosexuels}}





{{Mariage homosexuel en discussion / refus du mariage, existence de partenariats enregistrés}}








{{Mariage homosexuel de Bègles}}


Chronologie de l'affaire :


→ 25 mai 2004 : {{publication}} préalable au mariage par l'officier d'état-civil

→ 26 mai 2004 : {{opposition}} du procureur de la république de Bordeaux en raison de l'identité de sexe des parties, notifiée à  l'officier d'état-civil le 27 mai, enregistrée sur les registres de l'état-civil le 2 juin. Difficultés de notification aux futurs époux, réfugiés dans une autre ville ; aucune main levée de l'opposition n'est demandée.

→ 5 juin 2004 : {{célébration}} du mariage à  la mairie de Bègles ; il est noté sur l'acte de mariage qu'" ils ont déclaré l'un et l'autre vouloir se prendre pour époux "

{→ 15 juin 2004 : arrêté du ministre de l'intérieur suspendant de ses fonctions le maire de Bègles pour un mois ( décentralisation et pouvoirs du ministère sur les organes d'une collectivité ),art. L. 2122-16 du code général des collectivités territoriales}


{{=> TGI Bordeaux 27 juillet 2004}}

Thèse du {{Ministère public}} : la différence de sexe est une condition essentielle de la validité du mariage.

Fondement :
articles 144 et 75 du code civil qui visent expressément l'homme et la femme

article 12 de la convention européenne des droits de l'homme qui mentionne l'homme et la femme

article 9 de la charte des droits fondamentaux de l'UE du 7 décembre 2000 qui renvoie aux lois internes pour régir le droit de se marier et de fonder une famille

Il rejette toute accusation de discrimination envers les textes dans la mesure o๠il existe le statut du PACS et du concubinage.


Solution {{des juges du fond}} : références aux travaux préparatoires et à  Portalis ( le mariage est « la société de l'homme et de la femme qui s'unissent pour perpétuer leur espèce, pour s'aider par des secours mutuels à  porter le poids de la vie et pour partager leur commune destinée » ).

Ils considèrent que l'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme ne consacre pas le mariage des homosexuels en se fondant sur les arrêts relatifs aux transsexuels, et insistent sur l'existence d'autres modes d'union prévus par la législation française, ce qui exclut l'argument de la discrimination. L'intervention du législateur leur semble nécessaire.




{{=> CA Bordeaux, 6e ch. civ., 19 avr. 2005, n° 04/04683}}

{{Appelants}} :

- absence de définition du mariage fondée sur une différence de sexe, voire l'absence d'une définition légale tout court

- l'accès au mariage est partie intégrante de la vie privée et familiale, le droit de se marier devant être assuré sans distinction fondée sur le sexe ; la protection offerte par le PACS est pour eux moins importantes que celle offerte par le mariage ( à  l'exception de la protection successorale cet argument semble faux, les époux demandant des avantages fiscaux, adoption...)

- appréciation souple de la discrimination par la cour européenne des droits de l'homme ( ce qui semble surtout concerner les cas hors mariage : droit du travail... ). Affirmation de la liberté matrimoniale des homosexuels au titre des articles 8,12 et 14 de la convention européenne des droits de l'homme, et prophétie de l'évolution constante et mondiale en faveur d'une indifférenciation des sexes.


{{Solution}} des juges d'appel : plan interne et européen.

{{interne}} :

- dénomination de mari et femme dans l'article 75 du code civil
référence à  l'éducation des enfants nés du mariage, interaction entre le mariage et la filiation (présomption de paternité, adoption de l'enfant de son époux)

- discours préliminaire du projet de code civil mentionnant l'homme et la femme dans leur finalité maritale procréatrice

- la mention « se prendre pour époux » et non pour mari et femme est le signe pour les juges d'une absence d'échange de consentement.


{{européen}} :

- CEDH, homme et femme sont nommément désignés, bien qu'une interaction ne soit pas explicitement prévue

- absence de discrimination du fait de l'existence du PACS dans la législation française, convention permettant de régir une vie commune, publique, et opposable aux tiers, reconnaissant explicitement le concubinage de sexes différents ou de mêmes sexes

- indifférence au fait que les autres pays européens aient choisi une autre solution : «  la Convention EDH n'ayant pas vocation à  supprimer les différences législatives ". Indifférence quant aux décisions européennes citées par les appelants sur le transsexualisme

- prévision des conséquences possibles en cas d'admission du mariage homosexuel, et référence au législateur devant l'ampleur des changement



{{=> Cour de cassation 13 mars 2007}} : selon la loi française, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme.

Aucune contradiction avec les dispositions de la convention européenne des droits de l'homme ( article 12, droit au mariage ) et de la charte des droits fondamentaux de l'UE ( laquelle est dépourvue en France de force obligatoire ).

Elle précise même que si certains Etats ont admis le mariage homosexuel, c'est en fonction de leur propre vision du rôle du mariage dans la société.

Aucune référence à  l'article 9 de la charte européenne des droits fondamentaux n'est faite, alors que cet article doublon de l'article 12 de la convention européenne des droits de l'homme ne mentionne même pas la différence de sexe.

La cour de cassation aurait pu rappeler que le code civil prévoit néanmoins dans ses articles de 75 et 144 une différence de sexe entre les époux ; qu'il n'y avait pas d'atteinte à  l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme dans la mesure o๠la législation française autorisée une forme de reconnaissance sociale et juridique avec le PACS ; que l'article 12 de la convention européenne des droits de l'homme est interprété selon les termes de l'arrêt Goodwin comme visant un mariage entre un homme une femme. Elle ne présente aucun de ces arguments et se contente de renvoyer au législateur, la définition du mariage et de ses conditions de fond relevant de l'état des personnes et de la compétence du législateur, et non de l'autorité judiciaire.

Voir le communiqué de la cour de cassation sur son site : « seule l'adoption d'une loi nouvelle par la représentation nationale pourrait faire évoluer cet état de droit »





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Médiatisation du premier mariage homosexuel en 2004, à  la mairie de Bègles. Rappel du contexte, maire socialiste, médias...

« Mariage homosexuel » : définition ?

{{mariage}} :

En droit français, union stable de l'homme et de la femme résultant d'une déclaration reçue en forme solennelle par l'officier d'état-civil ayant reçu auparavant les consentement des futurs, dans le but de la création d'une famille et d'une aide mutuelle dans la traversée de l'existence. Ce terme désigne également l'acte juridique créateur de l'union ( lexique des termes juridiques Dalloz 13e édition )

Acte solennel par lequel un homme et une femme établissent entre eux une union dont les conditions, les effets et la dissolution sont régis par le Code civil (mariage civil) ou par les lois religieuses (mariage religieux) ; union ainsi établie ( Larousse )


=> mariage = contrat et institution, qui a pour but d'organiser la vie d'un couple et de créer une famille
=> les définitions, tant juridiques que courantes, impliquent au premier rapport la présence d'un homme et d'une femme.


{{homosexuel}} :

Se dit de quelqu'un que son désir sexuel porte vers des personnes de même sexe. ( Larousse )

L'homosexualité désigne l'amour, l'attirance et, le cas échéant, la pratique de relations sexuelles entre deux personnes du même sexe, selon une perspective comportementaliste ou empirique, et, selon une perspective psychologique ou sociologique, une orientation sexuelle ( Wikipédia )


=> Le mariage homosexuel implique donc que les deux époux soient du même sexe, et entendent organiser une communauté de vie et la création d'une famille


Bien avant l'affaire de Bègles, la cour de cassation avait eu à  se pencher sur des cas dans lesquels l'identification sexuelle d'un des époux était indéterminée ( intersexualisme, androgynie... ). Le débat ne portait alors pas tant sur la possibilité pour deux individus de même sexe de se marier, mais sur la détermination du {{genre}} des époux ( de manière large, le contentieux du mariage portait davantage sur sa consommation ou sa viabilité à  la procréation )

-> Comment rapporter la preuve de la différence de sexe ? Le plus souvent par les actes de naissance.

{Méthode de la jurisprudence de l'époque : en cas de difficulté médicale dans l'identification sexuelle d'un individu, il suffisait que le sexe de chacun des époux soit reconnaissable et qu'il diffère de son partenaire.
C'est ce qui explique la position des juges quant aux défauts et imperfections des organes sexuels - ceux-ci ne se préoccupaient que de l'apparence extérieure, peu importaient donc que les organes ne soient pas fonctionnels ( Cass. civ. 6 avr. 1903, DP 1904.1.395, Baudouin, S. 1904.1.273, A. Wahl, renvoi CA Nancy, 16 oct. 1903, DP 1904.2.336, S. 1904.2.175 )}


→ L'évolution du contexte socio-familial a déplacé le débat sur le terrain de l'homosexualité à  partir des années 1980.

Revendications des avantages du mariage par les couples homosexuels ( rappel : à  l'époque des premières revendications, le concubinage lui-même n'était pas encore prévu par le code civil et les grandes lois du doyen Carbonnier, bien qu'assouplissant considérablement le droit de la famille opéraient des distinctions entre familles naturelles et familles légitimes )


{{ {→ Mariages homosexuels par voie indirecte dans le même temps:} }}

- le mariage homosexuel consacré par la transsexualité, même si c'est l'apparence hétérosexuelle qui domine

- l'adoption entre amants homosexuels afin d'avoir une vocation successorale inexistante en principe ( " couples adoptifs " dans les années 1980, refus par les juges pour défaut de conformité à  l'intérêt de l'adopté le plus souvent )


La création du {{PACS}} en 1999, statut légal et organisé du concubinage quel que soit le sexe des partenaires, n'a pas satisfait les revendications homosexuelles.


-> Dans un contexte politique médiatisé, Noël Mamère, député maire vert de {{Bègles}}, célèbre le 5 juin 2004 le premier mariage homosexuel français entre deux hommes.


De manière unanime, les juges refusent de se prononcer sur la consécration éventuelle d'un mariage homosexuel en droit français : ils affirment pour la première fois que la différence de sexe est une condition de validité essentielle du mariage, au travers de fondements de droit interne et communautaire, et renvoient au législateur le soin et le devoir de se prononcer en la matière.





{{I - La différence de sexe des époux, une condition de validité du mariage}}

{ {{A - L'affirmation du caractère hétérosexuel du mariage en droit interne}} }


{1° la prévalence de la finalité traditionnelle du mariage sur l'évolution des moeurs}

{{Finalité}} historique du mariage : la création une famille, la seule famille légitime ayant longtemps été considérée comme celle issue exclusivement d'un mariage.

{{Articles}} du code civil reliant les enfants ( donc la procréation ) au mariage.
Les réformes de 2004, 2005 et 2006 ont tenté de mettre fin à  l'assimilation persistante de l'enfant au couple marié ; exemple : les parties relatives à  l'autorité parentale ou à  la dévolution du nom se trouvaient dans le livre sur la famille légitime.

Obligation d'entretenir la famille et éduquer les enfants comprise dans les articles relatifs aux obligations inhérentes au {{mariage}}

-> article 203 « les époux contractent ensemble, par le seul fait du mariage, l'obligation de nourrir, d'entretenir et élever leurs enfants »
Article 205 : Les enfants doivent des aliments à  leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin. ( ce qui est le cas de tous les enfants, pas seulement les enfants issus du mariage )

-> Article 213 : Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à  l'éducation des enfants et préparent leur avenir.

La famille semble être reliée au mariage : mention dans les articles 215, 216, 220 et 220-1 Cciv ( relatif aux violences sur les enfants )

Article 220 : Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l'entretien du ménage ou l'éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l'un oblige l'autre solidairement.



Ces éléments sont pourtant remis en cause par {une analyse plus moderne du mariage} dont la procréation n'est plus l'essence :

- il est jugé que l'impuissance ou la stérilité, au même titre que le grand à¢ge, ne rendent pas nul le mariage comme dans l'ancien droit, sauf si la capacité à  procréer était entrée dans les qualités essentielles attendues du conjoint ; deux homosexuels ayant un empêchement naturel à  procréer devraient pouvoir se marier.

- la filiation existe en dehors du mariage : c'est le résultat des derniers réformes prenant en compte la réalité sociale et la multiplication des naissances hors mariage. La nature des filiations et plus largement de la famille, légitime, naturelle ou adoptive n'a plus d'incidence en matière patrimoniale. Il en va de même pour les procréations médicalement assistées

- le phénomène des recompositions familiales démultiplie les schémas possibles de la famille dans et hors mariage
=> le mariage peut donc se concevoir sans postérité
Les juges se rallient cependant à  l'analyse traditionnelle du mariage au regard des textes.



{2° le respect des textes : là  o๠la loi ne distingue pas...}


→ articles de {{loi}} sur le fond :

Article 144 du code civil : « L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus »

Article 75 dernier alinéa du code civil : l'officier d'état civil « recevra de chaque partie, l'une après l'autre, la déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme »


→ {{circulaires}} sur le fond :

Instruction générale relative à  l'état civil en son article 401 : « l'officier de l'état civil s'adresse d'abord à  la future épouse puis, après avoir recueilli le consentement de celle-ci, au futur époux » ( valeur de circulaire )


→ sur la {{compétence}} du ministère public :

D'autres arguments auraient pu être soulevés par le couple demandeur : pas de nullité sans texte. Les articles 180 à  202 du code civil mentionnent les nullités du mariage. Or il s'agit plutôt des demandes en nullité sur le plan procédural et les modalités de certaines actions en nullité ayant un régime particulier ( en fonction de la condition violée ou de la bonne foi des partenaires ). On se trouverait donc dans le cas d'une nullité virtuelle.

Le procureur de la république a-t-il le droit d'agir en annulation d'un mariage ? Oui en tant que " surveillant " de l'état civil, et de l'ordre public du mariage dans les hypothèses de nullité absolue des articles 184 et 190 du code civil ; il peut encore s'opposer au mariage, article 175-1 du code civil ; article 423 du code de procédure civile pour la défense de l'ordre public.

Là  o๠la loi ne distingue pas, il n'y a pas lieu de distinguer : le code civil ne mentionne pas directement une condition de différence de sexe.

{Un auteur a même rapporté de manière triviale que le code civil n'interdisait pas expressément de se marier avec son caniche ou son pot de géraniums, mais que personne ne se risquerait à  conclure un tel mariage...} L'évidence de la dualité sexuelle du mariage dans sa finalité procréatrice domine.

Le débat se décalque que sur le plan communautaire, pour des raisons différentes.




{ {{B - la conformité du caractère hétérosexuel du mariage au droit communautaire}} }

{1° le recours infructueux au droit européen}

a ) Rappel du mécanisme d'articulation des juridictions françaises et européennes

→ juge français = contrariété loi française / principe européen, primauté de la Constitution et des Conventions

Jacques Vabres, ch. mixte, 24 mai 1975 : ordre judiciaire ; Nicolo, Cons. d'à‰tat, 2 octobre 1989 : ordre administratif => primauté des traités internationaux déterminant la mise à  l'écart des règles françaises législatives jugées incompatibles avec les dispositions conventionnelles


→ juge européen ( épuisement des recours internes ) = condamnation pécuniaire de l'Etat en contrariété avec les principes européens, qui l'incite à  modifier sa législation



b ) l'insuffisance des fondements juridiques face à  l'évolution des moeurs

-> L'article 12 de la convention européenne des droits de l'homme date de 1950 et ne serait plus adapté.

-> {{ {Le faux-semblant du transsexualisme : respect formel et apparent de la dualité sexuelle} }}

Une série de décisions relatives aux transexuels avait semblé finalement ouvrir la voie aux mariages homosexuels :

CEDH, Rees c/ Royaume-Uni, 17 octobre 1986 : l'article 12 vise « le mariage traditionnel » entre personnes de sexe biologiquement opposé

CEDH, Sheffield et Horsham, 30 juillet 1998 : l'interdiction de se marier faite à  deux personnes de même sexe n'est pas considérée comme une atteinte substantielle aux droits garantis par l'article 12

CJCE, D. et Royaume de Suède c. Conseil de l'Europe, 31 mai 2001, aff. C-122 et C-125/99P ) : il est constant que le terme "mariage", selon la définition communément admise par les Etats membres, désigne une union entre deux personnes de sexe différent

CEDH, I. et Christine Goodwin c/ Royaume-Uni, 11 juillet 2002 : « l'incapacité pour un couple de concevoir ou d'élever un enfant ne saurait en soi passer pour le priver du droit de se marier ». Confirmation que la possibilité d'avoir une descendance biologique ou adoptée n'est pas de l'essence du mariage. Revirement de jurisprudence en matière de transsexualisme sur le fondement de l'article 9 de la charte des droits fondamentaux de l'UE reconnaissant le droit de se marier et de fournir une famille à  toute personne sans viser l'homme et la femme. Ce texte est sans valeur juridique et ne peut permettre une nouvelle interprétation de l'article 12 de la convention européenne des droits de l'homme


Comité de Genève ( comité des droits de l'homme ) : a délivré une interprétation des articles du pacte de New York à  l'encontre de celles faites par la cour européenne des droits de l'homme, notamment de l'article 23 paragraphe deux du pacte relatif au droit de se marier et de fonder une famille ; le 30 juillet 2002 il écrit que l'article 23 paragraphe 2 emploie les termes de l'homme et la femme et que ce texte se limite à  reconnaître comme constituant un mariage l'union entre un homme et une femme qui souhaitent se marier. Il ne peut pas conclure que par son simple refus d'accorder le droit de se marier à  des couples homosexuels, l'Etat aurait violé les droits des auteurs. Ce qui va en contradiction avec les décisions de la cour européenne des droits de l'homme concernant les transsexuels, laquelle avait reconnu une violation des droits des auteurs. (Comité des droits de l'Homme, 30 juill. 2002, Juliet Joslin c/ Nouvelle Zélande)


La protection du mariage d'un couple dont l'un des partenaires est transexuel obéit en réalité à  {{l'apparence}} d'hétérosexualité : le sexe porté à  l'état civil doit être différent de celui du partenaire. Dans la forme, ce sont toujours des personnes sexe différent qui se marient.
La CEDH refuse en outre d'interpréter l'article 8 de la convention relative à  la vie familiale comme la reconnaissance d'un droit au mariage homosexuel, se contentant de leur reconnaitre le respect de la vie privée.



{2° L'absence de consensus empêchant toute évolution législative nationale}

-> Résolution du 8 février 1994 du Parlement Européen sur le rapport de la députée allemande Claudia Roth : demande aux Etats membres de mettre fin à  "l'interdiction faite aux couples homosexuels de se marier ou de bénéficier de dispositions juridiques équivalentes" , recommandation de "leur garantir l'ensemble des droits et des avantages du mariage, ainsi qu'autoriser l'enregistrement des partenariats", et de supprimer "toute restriction au droit des lesbiennes et des homosexuels d'être parents ou bien d'adopter ou d'élever des enfants".

-> Réticences de la cour européenne des droits de l'homme à  se prononcer sur les questions de société ou les questions de principe dans un sens différent des législations nationales. A défaut d'un consensus d'une majorité d'Etats membres du conseil de l'Europe il est peu probable que la cour européenne des droits de l'homme se prononce en faveur d'une relecture de l'article 12 de la convention favorable aux couples homosexuels variés.

Rappel des Etats autorisant le mariage homosexuel.

Rappel des solutions de droit international privé : premier pas vers une reconnaissance du mariage homosexuel



{{ {Effets sur le territoire français du mariage homosexuel réalisé à  l'étranger} }} :

-> L'ordre public ne fait pas obstacle à  la validité et aux effets de tels mariages conclus entre des personnes de statut personnel permissif : on distingue les effets personnels des effets patrimoniaux.

Les effets personnels ( adoption, filiation ) sont soumis à  la loi du pays du mariage ( lois nationales communes ou en cas de nationalités différentes loi du domicile commun ).

Les effets patrimoniaux ( régime, divorce, succession ) étant soumis aux règles des régimes matrimoniaux en droit international privé. Pour la dissolution du mariage, article 310 du code civil lorsque le divorce demandé en France car les époux qui sont domiciliés.

Rép. min., n° 41533, JOAN Q 26 juill. 2005, p. 7437

-> Rappel du principe de liberté de circulation de la famille.
-> deux camps : ceux qui souhaitent que le juge européen conserve sa conception traditionnelle du mariage quant à  la différence de ses des époux ; ceux qui espèrent une rupture avec la conception traditionnelle du mariage.


Sur le plan interne comme au niveau européen, les juges semblent renvoyer la question au législateur national.




{{II – Le refus de faire oeuvre créatrice en consacrant le mariage homosexuel}}


{{ {A - Une solution transitoire ?} }}

L'absence de discrimination du fait de l'existence d'autres modes d'union conjuguée à  l'absence de consensus européen rend peu plausible un succès de l'affaire devant la Cour européenne.

-> {{discrimination}} : différence de traitement manquant de justification objective et raisonnable entre individus placés dans une situation analogue ; la possibilité de procréer sans aide médicale ou adoption afin de créer une famille rend différent le mariage homosexuel du mariage hétérosexuel

→ Existence en droit français du concubinage, prévu à  présent par le code civil, et du PACS, que les différentes réformes ont transformé en quasi mariage sur un plan patrimonial, mais aussi sur un plan extra patrimonial puisqu'une décision du tribunal de grande instance de Lille de 2002 y voyait un devoir de fidélité

→ Les réformes fiscales assimilent le PACS au mariage, ainsi que les réformes en droit successoral ( ce qui constituait l'un des principaux arguments du couple et n'a donc plus lieu d'être )

Déni des juges ? Repos des juges sur le défaut de prévision législative ? Renvoi aux instances européennes ?

Rappel par la Cour de cassation de sa résistance aux législations étrangères ?
-> message politique interpelant le législateur



{{ {B - Le rappel des rôles du législateur et des juges} }}

{1° l'auto-restriction du pouvoir de création de la jurisprudence}

Le droit de se marier s'exerce en effet conformément aux lois nationales qui le régissent ( il ressort en outre de l'état des personnes, compétence exclusive du législateur dans la Constitution ).

Rôle de la cour de cassation et du juge : le juge interprète la loi, et dans les juridictions du fond dispose d'un pouvoir souverain pour ce faire. La cour de cassation contrôle l'application par les tribunaux de la loi afin d'assurer une interprétation unique et homogène de la loi sur tout le territoire.

Position unanime de la doctrine (Guyette, Rome, Deumier...)


{2° inconvénients et ampleur de l'acceptation du mariage homosexuel justifiant une intervention législative}

Conséquences à  voir en cas d'admission du mariage homosexuel :

- modification de l'article 75 du code civil qui parlerait de conjoint et non plus de mari et femme, ou d'époux

- ce qui entraînerait l'obligation de modifier les termes de père et mère avant le code civil par celui de parents

- ce qui entraînerait également la possibilité pour des homosexuels d'adopter plénièrement puisque l'article 343 du code civil l'autorise par deux époux

Conséquences : l'adoption ne peut être prononcée au profit d'un couple homosexuel, dans la mesure o๠l'article 346 du Code civil dispose que « nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n'est par deux époux ».

- ce qui entraînerait la modification de l'article 312 du code civil : « l'enfant conçu pendant le mariage a pour second parent le conjoint de sa mère », ce qui a été refusé par la Belgique et les pays-bas

- cela entraînerait aussi la possibilité pour un oncle et son neveu de se marier puisque l'article 163 du code civil interdit le mariage hétérosexuel
ce qui demanderait en droit du bail d'appliquer la cotitularité et non la condition de notoriété du concubinage

Pour autoriser le mariage homosexuel il faudrait donc que la filiation ne repose plus sur l'exigence d'un père et d'une mère





{Conclusion}

-> Importance du débat qui occulte pratiquement la question de la sanction du mariage homosexuel et de son existence juridique (thèse de l'inexistence du mariage, par Jean Hauser)


Annulation du mariage = liquidation fondée sur l'annulation rétroactive, en dehors des règles de la communauté légale


-> Autres problèmes à  régler en droit international privé : affaire du couple d'hommes, l'un français, l'autre originaire des Pays-Bas, dont le premier a été privé de sa nationalité française du fait de son mariage

-> Une position d'attente soit d'un consensus européen, soit d'une réforme législative.