Bonjour à tous,
Je sors d'un galop d'essai en droit international privé et je suis relativement inquiet quant au raisonnement que j'ai adopté pour résoudre le cas pratique. J'aimerai avoir votre avis sur la solution applicable au cas d'espèce. En vous remerciant d'avance pour votre aide !
John est domicilié en France. Il a la double nationalité Anglaise et Belge. Il souffre d'une grave dépression. En 2015, il vend en France à un anglais domicilié en France un superbe appartement situé à Paris pour un prix en deçà de sa valeur. Les parties ont soumis leur contrat à la loi anglaise.
Malheureusement John est décédé le mois dernier. Ses héritiers veulent saisir les tribunaux français en annulation de la vente pour insanité d'esprit. Nous supposerons que les tribunaux français sont compétents.
Ils veulent fonder leur demande sur la loi française. En effet, celle-ci permet d'obtenir l'annulation de la vente alors que la loi anglaise ne le permet pas, l'action étant prescrite et que la loi belge interdit d'annuler un contrat sur le seul fondement de l'insanité d'esprit d'une des parties.
Les héritiers vous précisent que la règle de conflit tant anglaise que belge en matière de contrat soumet ce dernier à la loi d'autonomie. Ils indiquent également que la règle de conflit anglaise en matière de capacité prévoit l'application de la loi du domicile alors que la capacité en droit belge est soumise à la loi nationale.
Quid juris ?
NB : L'essentiel des règles anglaises et belges ont été inventées pour les besoins du cas pratique.
Dans le cas d’espèce, un ressortissant de double nationalité belge et anglaise, domicilié
en France, vend un bien de nature immobilière situé en France à un prix en-deçà de sa valeur
réelle. En effet, celui-ci souffre d’une grave dépression. Ce dernier a désigné la loi anglaise
comme étant la loi compétente pour régir le contrat.
Suite à son décès, ses héritiers souhaitent obtenir l’annulation du contrat de vente en
raison de l’incapacité juridique du de cujus. Il convient d’abord de vérifier l’internationalité
de la situation. En outre, l’application des règles du droit international privé requiert que la
situation comporte des éléments d’extranéités qui concernent au moins deux ordres juridiques distincts.
En l’espèce, le de cujus dispose d’une double nationalité et est domicilié en France.
Celui conclu un contrat de vente immobilière en désignant la loi anglaise comme loi
compétente pour régir le contrat. La situation concerne de ce fait trois ordres juridiques
distinct. Dés lors, la situation relève pleinement de l’application des règles du droit
international privé.
Il conviendra ici de s’interroger sur la conformité de la clause compromissoire au regard
de la loi française selon les différentes lois désignées par la règle de conflit.
I. Qualification
Comme nous l’indique l’arrêt Caraslanis, rendu par la Première Chambre Civile de la
Cour de Cassation en 1955, la qualification s’opère lege fori. C’est-à-dire en considération des
concepts juridiques du for concerné, en l’espèce il s’agit du juge français.
Le dommage résulte d’un contrat de vente de nature immobilière. L’action sera donc
réalisée sur le fondement des obligations contractuelles ainsi que sur l’état et la capacité des
personnes.
II. Compétence
La compétence des juridictions françaises est ici admise, la question ne sera donc pas à
aborder.
III. Lois applicables
Comme nous l’indique l’arrêt Van Gend en Loos, rendu par la Cour de Justice des
Communautés Européenne, les juridictions nationales des États membres doivent appliquer
en priorité à leurs lois nationales les dispositions prévues par les Traités et Conventions
internationales, au regard du principe de la hiérarchie des normes.
De plus, l’article 55 de la Constitution française de 1958 indique que les juridictions
nationales doivent prioritairement appliquer les dispositions prévues par les textes supra-
nationaux à leurs lois nationales.
Le Royaume-Uni, la France et la Belgique sont des États membres de l’Union
Européenne. Il convient donc de s’interroger sur l’applicabilité d’un règlement européen.
Il apparaît que le règlement Rome I s’applique à la situation litigieuse. Néanmoins, le
premier alinéa du second paragraphe de son article premier indique que : « Sont exclus du
présent règlement : l’état et la capacité des personnes ».
Or, il ressort du cas d’espèce que l’annulation est fondée sur l’incapacité du de cujus
signataire. Le champ d’application matériel du règlement Rome I n’étant pas rempli, celui-ci est de ce fait à écarter au profit de la jurisprudence nationale de la Cour de Cassation
française.
En effet, il ressort de l’arrêt Silvia que la démence et l’insanité d’esprit relèvent de la loi
personnelle des individus. La clause compromissoire est de ce fait valable au regard du droit français. Néanmoins, l’intéressé dispose d’une double nationalité belge et anglaise. En matière d’état et de capacité des personnes, la loi anglaise désigne la loi du dernier domicile comme étant applicable donc la loi française. La loi belge retient la loi nationale au regard de laquelle la clause compromissoire est valable.
Il ressort d’une jurisprudence constante rendu par la Cour de Cassation, avec l’arrêt
Ingmar Kasabyan que le juge retient la nationalité la plus effective en cas de double
nationalité. En l’espèce, si celui-ci retient la nationalité anglaise comme étant la nationalité la plus effective, l’état et la capacité des personnes sera soumise à la loi française, laquelle annule la clause compromissoire. Si c’est la nationalité belge qui est retenue comme étant la plus effective, la clause compromissoire sera retenue comme étant valable.
En l’absence d’éléments de rattachements pertinents, le juge est en mesure de s’appuyer
sur la langue de rédaction du contrat pour déterminer l’élément de rattachement le plus
effectif. Il ressort du cas d’espèce que l’intéressé a désigné la loi anglaise comme étant
compétente. Néanmoins, la partie demanderesse devra apporter des preuves supplémentaires pour démontrer que la nationalité la plus effective de l’intéressé est la nationalité anglaise.
Ainsi, il ressort de ce raisonnement que le juge devra déterminer la nationalité la plus
effective pour statuer sur l’affaire litigieuse. Si celui-ci retient la nationalité anglaise comme
étant la plus effective, la clause compromissoire est susceptible d’annulation. En revanche, si celui-ci détermine la nationalité belge comme étant la plus effective, la clause compromissoire sera valable.
Dernière modification : 01/12/2019 - par Cocokohen