PV stationnement dangereux et bugne

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Camille Intervenant

Bonjour,
Juste un petit cas d'école !
Supposons qu'un jour, je bugne ou me fais bugner par un véhicule à cause d'un véhicule très mal garé, que soit moi ou que ce soit l'autre qui n'avons pu le voir à temps, peu importe d'ailleurs lequel on bugne, là n'est pas la question.
Bref, il y a collision de MON véhicule à cause d'un autre mal garé.

Supposons également que je découvre, sous l'essuie-glaces du véhicule en stationnement, un pv pour stationnement [u:s43o0tzh]dangereux[/u:s43o0tzh] (R417-9 du CR). Pas trace alentour de l'agent n° 4825 bis, auteur du document, supposé être reparti depuis belle lurette, les mains dans les poches en sifflotant, avec la satisfaction pleine et entière du devoir accompli (du moins, j'imagine).

[u:s43o0tzh]Indépendamment des problèmes d'assurance[/u:s43o0tzh], puis-je engager la responsabilité de l'Etat, par le truchement de son agent défaillant, puisqu'il n'a rien fait pour faire cesser ce danger, danger qui s'est d'ailleurs concrétisé au détriment de ma belle voiture (presque) flambant neuve ?
:D

Merci pour vos réponses.

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Bonsoir,

Sur le principe c'est toujours l'histoire de la faute, du dommage et du lien de causalité, adapté le cas échéant à la sauce du droit administratif.

Le dommage: OK

La faute:
"la faute simple est également suffisante pour des activités matérielles de police ou la carence des autorités de police dans l'adoption de mesures matérielle" (point 4 du commentaire au GAJA de CE 10 février Tomaso Grecco p. 91 16ème édition)

Le lien de causalité:
c'est le problème des chaines de causalité et d'effet.
Concrètement il y a 4 acteurs et 4 comportements a priori nécessaires à la réalisation du dommage:
- les deux conducteurs entrés en collision
- le propriétaire de la voiture en stationnement
- l'agent de police

en défense (tu es la victime), chacun va invoquer des causes exonératoires liées au comportement des autres acteurs: fait de la victime et fait du tiers.

or le problème est que le juge administratif exige un lien de causalité direct et immédiat entre la faute et le dommage, donc je suis pas certain que la responsabilité de l'Etat soit retenue, mais sinon c'est responsabilité partager donc tu peux toujours assigner tout le monde le juge administratif qui renverra au juge judiciaire au besoin.

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Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,
Alors, pour simplifier, on va dire :
- qu'un expert a conclu à l'entière responsabilité du véhicule stationné dans la survenue de l'accident
- que les assureurs ont admis la même hypothèse
- qu'un tribunal répressif a fait de même en relaxant le conducteur "bugneur" poursuivi pour "Défaut de maîtrise" (P&R R413-17 CR) :wink:


Ma question est donc : un agent qui verbalise sur la base d'une notion de danger peut-il repartir "les mains dans les poches en sifflotant", voire les bras ballants en chantant à tue-tête, sans avoir fait cesser ce danger, et sans commettre, par principe, une faute de service/faute personnelle, eu égard aux missions générales dont il est investi ?
A fortiori quand le danger s'est concrétisé.

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Yann Modérateur

La question est bonne. Mais faire reconnaître la responsabilité de l'Etat c'est toujours compliqué...

Et d'un point de vue théorique, je pense que c'est une thèse qui se tient. En l'espèce le code offre la possibilité à l'agent de faire plus que verbaliser, il peut aussi faire enlever le véhicule qui présente un danger. Donc je pense qu'on pourrait attaquer en arguant que toutes les mesures légales et possibles n'ont pas été prises pour faire cesser le danger.

Mais en pratique, je doute que ça ait un réel intérêt. D'une part, il y aurait responsabilité partagée. D'autre part, dans ton cas, il n'y a "que" des dommages matériels, et une "bugne" n'est généralement pas très grave (qui plus est si le préjudice n'est qu'esthétique). Je doute qu'un tribunal donne suite à une telle affaire. (Une jurisprudence en ce sens conduirait à un engorgement des fourrières.)
La situation serait en revanche tout autre s'il y avait des dommages corporels.

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D'après Chapus (droit adminsitratif général Tome 1 p. 1295 15ème édition), depuis CE section 26 janvier 1973 Driancourt,"une simple erreur d'appréciation" peut entacher une décision d'illégalité et donc constituer une faute de service. Ce sera au juge de dire s'il y a eu erreur d'appréciation en l'espèce, mais ça me parait jouable.

Après pour moi le vrai problème c'est le lien de causalité: dans quelle mesure la faute du propriétaire du véhicule en stationnement exonère t elle partiellement ou totalement la responsabilité de l'Etat ?

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Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,

Citation de Yann :


Et d'un point de vue théorique, je pense que c'est une thèse qui se tient. En l'espèce le code offre la possibilité à l'agent de faire plus que verbaliser, il peut aussi faire enlever le véhicule qui présente un danger. Donc je pense qu'on pourrait attaquer en arguant que toutes les mesures légales et possibles n'ont pas été prises pour faire cesser le danger.

D'autant plus que, quand dans l'article, c'est écrit "peut", ce qui revient à dire qu'il "peut ne pas", ça ne signifie pas du tout que ça lui donnerait le droit de se désintéresser d'une situation de danger. Il "peut" ne pas demander la mise en fourrière et régler la circulation jusqu'au retour du conducteur, parce que, pour une raison ou une autre, il sait que le conducteur va revenir rapidement (camion en livraison, par exemple) mais il doit prendre toutes mesures, peu importe lesquelles, pour éviter la réalisation du danger. Au sens strict, il devrait même rester présent jusqu'à l'enlèvement du véhicule s'il choisit la fourrière.

Citation de Yann :


Mais en pratique, je doute que ça ait un réel intérêt. D'une part, il y aurait responsabilité partagée. D'autre part, dans ton cas, il n'y a "que" des dommages matériels, et une "bugne" n'est généralement pas très grave (qui plus est si le préjudice n'est qu'esthétique). Je doute qu'un tribunal donne suite à une telle affaire. (Une jurisprudence en ce sens conduirait à un engorgement des fourrières.)
La situation serait en revanche tout autre s'il y avait des dommages corporels.

Bon, bon, je n'ai pas voulu dramatiser, vu que ce n'est qu'un "exercice de style"...
Alors disons que je vous poste depuis mon lit d'hôpital virtuel en salle de réa, que les infirmières - non moins virtuelles - font le signe de croix chaque fois qu'elles passent devant mon lit et que le chirurgien, le Dr Mabuse (ou le Dr Frankenstein, au choix), vient de me dire "Bon, vu votre état désespéré et que vous n'en avez plus pour très très longtemps, je bien vous prêter mon PC mais évitez quand même les traces de sang sur le clavier"...

Je vois ce que vous allez me rétorquer : on va attendre un peu pour répondre, normalement le problème posé par Camille (de profundis...) va se régler tout seul...
:D

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Camille Intervenant

Bonjour,

Citation de doui :

Après pour moi le vrai problème c'est le lien de causalité: dans quelle mesure la faute du propriétaire du véhicule en stationnement exonère t elle partiellement ou totalement la responsabilité de l'Etat ?

Sauf que, si j'attaque au tribunal administratif, le cas du véhicule en stationnement ne sera pas examiné, en tant que tel.
Et on peut même dire plus : plus le véhicule sera fautif, donc dangereux, plus la responsabilité de l'Etat, qui a constaté l'état de danger par le seul fait que c'est écrit en toutes lettres sur un procès verbal, sera engagée pour n'avoir rien fait pour faire cesser ce danger par tous moyens qui lui conviennent, sauf... par celui limité à glisser une prune sous l'essuie-glace en laissant les autres usagers se débrouiller...

Ce qui est étrange, c'est que si j'avais posé le problème sans faire référence à la bagnole, mais avais parlé d'un vague "danger constaté sur la voie publique suffisamment grave pour être verbalisable", aurais-je eu des réponses similaires ?

Accessoirement :
Les agents n'ont-ils pour mission que de ne faire cesser que les dangers qui peuvent entraîner des dommages corporels et pas les autres ?

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Citation de Camille :


Sauf que, si j'attaque au tribunal administratif, le cas du véhicule en stationnement ne sera pas examiné, en tant que tel.


Il le sera si on le demande au juge, sinon ça s'appelle du déni de justice ... or la défense de l'Etat ce sera à titre principal de dire que y a pas de faute et à titre subsidiaire que la cause principale c'est la faute du propriétaire du véhicule en stationnement donc qu'il n'est pas ou peu responsable.

Citation :


Et on peut même dire plus : plus le véhicule sera fautif, donc dangereux, plus la responsabilité de l'Etat, qui a constaté l'état de danger par le seul fait que c'est écrit en toutes lettres sur un procès verbal, sera engagée pour n'avoir rien fait pour faire cesser ce danger par tous moyens qui lui conviennent, sauf... par celui limité à glisser une prune sous l'essuie-glace en laissant les autres usagers se débrouiller...


Je vois pas ce que ça change au partage des responsabilités si on retient la théorie de l'équivalence des conditions, et si on prend la cause adéquate, à mon avis ce sera plutôt le propriétaire du véhicule qui sera retenu comme la cause principale.

Citation :


Ce qui est étrange, c'est que si j'avais posé le problème sans faire référence à la bagnole, mais avais parlé d'un vague "danger constaté sur la voie publique suffisamment grave pour être verbalisable", aurais-je eu des réponses similaires ?

Si le danger est "verbalisable" c'est qu'il résulte du fait de quelqu'un ou d'une chose dont quelqu'un a la garde, donc on retombe dans la même problématique de chaine de causalité ...

Citation :


Accessoirement :
Les agents n'ont-ils pour mission que de ne faire cesser que les dangers qui peuvent entraîner des dommages corporels et pas les autres ?

La police a pour mission d'assurer l'ordre public, c'est à dire la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques, ce qui inclut la prévention des accidents.

J'en sais rien (enfin je vois pas pourquoi la protection des biens n'entrerait pas dans sa mission), mais en tout cas en l'espèce pour apprécier la faute on se place au temps de l'action de l'agent, or à ce moment là le danger peut potentiellement se matérialiser en dommages corporels.

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Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,

Citation de doui :


La police a pour mission d'assurer l'ordre public, c'est à dire la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques, ce qui inclut la prévention des accidents.

J'en sais rien (enfin je vois pas pourquoi la protection des biens n'entrerait pas dans sa mission), mais en tout cas en l'espèce pour apprécier la faute on se place au temps de l'action de l'agent, or à ce moment là le danger peut potentiellement se matérialiser en dommages corporels.

C'est bien ce que je pense aussi.

Mais, partant de ce principe-là…
Citation de doui :


Il le sera si on le demande au juge, sinon ça s'appelle du déni de justice ... or la défense de l'Etat ce sera à titre principal de dire que y a pas de faute et à titre subsidiaire que la cause principale c'est la faute du propriétaire du véhicule en stationnement donc qu'il n'est pas ou peu responsable.

Je vois pas ce que ça change au partage des responsabilités si on retient la théorie de l'équivalence des conditions, et si on prend la cause adéquate, à mon avis ce sera plutôt le propriétaire du véhicule qui sera retenu comme la cause principale.

Si le danger est "verbalisable" c'est qu'il résulte du fait de quelqu'un ou d'une chose dont quelqu'un a la garde, donc on retombe dans la même problématique de chaine de causalité ...

Sûrement pas.
D'abord parce qu'on sera au tribunal administratif.
A mon humble avis, l'Etat ne pourra pas impliquer l'auteur du danger parce que la question ne sera pas de savoir qui est l'auteur du danger mais de savoir si l'Etat n'a rien fait pour le faire cesser alors qu'il devait le faire ou s'il n'avait rien de spécial à faire de plus que de verbaliser, ce qui n'est pas tout à fait pareil.

Ensuite parce que l'Etat pourrait – à la rigueur – s'exonérer de ses obligations s'il prétendait n'avoir pas été informé du tout ou pas informé en temps utile de ce danger, mais il ne le pourra pas s'il s'avère qu'il était parfaitement au courant, et il l'était forcément : c'est son agent qui l'a écrit en toutes lettres.
Etat qui a - de plus - déjà [u:2y0zysoj]sanctionné[/u:2y0zysoj] l'auteur du danger par un procès-verbal. Donc, là, l'Etat ne pourra plus se retrancher derrière l'auteur du danger, forcément. Le tribunal administratif ne cherche pas ici à savoir qui est l'auteur du danger, mais si l'Etat a fait son boulot en présence d'un danger, dont il ne paraît anormal de penser au départ qu'il n'en est pas l'auteur !

Un peu comme si un camion prenant feu sur l'autoroute, l'Etat n'y envoyait pas les pompiers mais seulement les gendarmes dans le but le verbaliser pour "excès de vitesse, défaut de maîtrise et transport de matières inflammables non réglementaire" (j'en oublie sûrement…), laissant le camion se consumer ainsi que les 40 bagnoles autour et qui, pour sa défense, dirait "tout ça, c'est de la faute du camion, moi j'y suis pour rien si l'accident a eu des conséquences graves, du fait que je suis pas à l'origine du danger, ce n'était pas à moi à m'en occuper".
:roll: :wink:

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