proposition d'analyse d'arrêt

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Cour de cassation - chambre sociale - Audience publique du mardi 13 janvier 1998
N° de pourvoi: 95-40732 - Publié au bulletin Rejet.

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique :
Attendu, selon la procédure, que M. X... a été engagé le 17 juin 1991 par la société American Dental Laser Europe (ADLE), ayant son siège au Royaume-Uni et une succursale française à Voiron, en qualité de directeur des ventes pour l'Europe ; que son contrat contenait une clause lui interdisant, notamment en cas de démission, toutes activités concurrentielles pendant les douze mois suivants, dans le domaine de l'industrie du laser dentaire ; qu'il a démissionné le 15 juillet 1992 ; que, le 4 septembre 1992, la société ADLE, déclarant avoir appris qu'il démarchait ses clients et distributeurs pour le compte d'une autre société, a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Grenoble, 11 octobre 1994) de lui avoir ordonné, sous une astreinte de 10 000 francs par jour de retard, de rompre toutes relations professionnelles avec la société Sunrise Technologies, alors, selon le moyen, premièrement, que les parties peuvent valablement convenir, lors de la conclusion d'un contrat de travail, d'une clause de non-concurrence, qui, d'une part, s'appliquerait quelle que soit la partie prenant l'initiative de la rupture, de deuxième part, sauf convention ou accord collectif contraire, n'aurait pas de contrepartie pécuniaire, de troisième part, serait limitée dans le temps et dans l'espace, et enfin, n'empêcherait pas le salarié de manière absolue d'exercer son activité professionnelle ; qu'en énonçant que la clause de non-concurrence de l'espèce, qui est limitée dans le temps, mais ne l'est pas dans l'espace, est valable, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 7 de la loi des 2 et 17 mars 1791 ; et alors, deuxièmement, que, pour être licite, la clause de non-concurrence doit laisser au salarié la possibilité d'exercer des activités correspondant à sa formation et à son expérience professionnelle ; qu'en énonçant que la clause de non-concurrence de l'espèce laisse à M. X... la possibilité d'exercer une activité conforme à sa formation, sans justifier qu'elle lui laisse la possibilité d'exercer une activité conforme à son expérience professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale sous le rapport de l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 7 de la loi des 2 et 17 mars 1791 ;
Mais attendu que, pour être valable, une clause de non-concurrence doit permettre au salarié d'exercer une activité conforme à sa formation et à son expérience professionnelle ; qu'ayant constaté que l'engagement souscrit par M. X..., limité à un an, ne le privait pas, de façon anormale, du droit de retrouver un emploi de commercial dans des branches d'activité autres que le laser dentaire, la cour d'appel, devant laquelle l'intéressé n'avait pas invoqué l'impossibilité de retrouver un emploi conforme à son expérience, a pu décider que l'activité exercée par l'intéressé en violation de cette clause était manifestement illicite ;
D'où il suit que le moyen, non fondé en sa première branche et irrecevable en sa seconde branche comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.


proposition d'analyse :

FAITS
Mr. X est salarié de l’entreprise ADLE
Dans son contrat de travail figure une clause de non concurrence d’une durée de un an, limitée au secteur de l’industrie du laser dentaire
Selon la société, Mr. X a démarché des clients de son ancien employeur

PARTIES
Mr. X salarié, est demandeur au pourvoi
Son employeur, la société ADLE, est défendeur au pourvoi

PRETENTIONS
Mr. X prétend ne pas avoir à appliquer la clause de non concurrence
la société ADLE veut faire cesser les pratiques de Mr. X

ARGUMENTS
Mr. X conteste la décision de la cour d’appel qui a considéré que la clause était valable
- La clause est limitée dans le temps mais pas dans l’espace, elle n’est donc pas valable
- La cour d’appel considère que la clause permettait au salarié d’exercer une activité professionnelle conforme à sa formation, mais n’a pas démontré qu’elle permettait d’exercer une activité conforme à son expérience professionnelle : elle n’aurait donc pas dû considérer la clause comme valable, puisque (d’après Mr. X), la clause restreint la possibilité de retrouver un travail conforme à l’expérience professionnelle (laser dentaire)
les arguments de la société ADLE ne sont pas exposés
- mais comme la cour de cassation rejette le pourvoi, on peut deviner les arguments de la société
- pour être valable une clause de non concurrence doit permettre au salarié d’exercer une activité conforme à sa formation et son expérience
- la clause dont il est question est limitée à un an
- elle n’est pas limitée dans l’espace, mais peu importe car elle ne prive pas le salarié de retrouver un emploi de commercial dans un autre secteur d’activité que le laser dentaire
- la cour d’appel a donc eu raison de considérer que la clause était valable car elle ne privait pas le salarié de la possibilité de retrouver un poste dans un autre secteur
- ainsi Mr. X n’avait pas à travailler pour Sunrise technologies

PROCEDURE ANTERIEURE
premier degré :
- saisi du conseil des prud’hommes de Grenoble, par la société, qui était donc demandeur
- le salarié était défendeur au premier degré
- on ne connaît pas le sens du jugement rendu par le tribunal (l’arrêt ne précise pas si l’arrêt de la cour d’appel est un arrêt confirmatif ou informatif)
second degré :
- on en sait pas qui est appelant ni qui est intimé
- l’arrêt rendu par la cour d’appel est en faveur de la société
devant la cour de cassation :
- le salarié est demandeur au pourvoi (« il fait grief l’arrêt attaqué)
- la société est le défendeur

SOLUTION COUR DE CASSATION
la cour de cassation rejette le pourvoi
elle donne tord au salarié
il n’aurait pas dû aller travailler pour Sunrise technologies
la clause est valable, elle ne limitait pas abusivement la possibilité du salarié de retrouver un emploi de commercial dans un autre secteur d’activité

PROBLEME JURIDIQUE
une clause de non-concurrence qui ne prévoit pas de limite dans l’espace peut-elle être valable ?