Possession d'état vs père biologique

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Dans le cadre de ma L1 en droit j'étudie le droit de la famille et je m'interroge sur la présomption de paternité et la possession d'état..

En vertu de la règle pater is est quem nuptiae demonstrant, on considère que dans le cadre d'un mariage le mari est d'office le père de l'enfant : une présomption de paternité pèse sur le mari. N'est-ce pas là une immixtion de la morale dans le droit ? On sait bien qu'une femme peut avoir des amants ? Evidemment il existe des procédures en désaveu de paternité (si le mari de la femme se rend compte que l'enfant n'est manifestement pas de lui) et en contestation de paternité (si l'amant de la femme et père biologique de l'enfant veut faire reconnaître sa paternité). La présomption de paternité n'est-elle pas désuète ?

Ce qui m'amène à la question de la possession d'état. La procédure de contestation de paternité est très encadrée, limitée par des délais de prescription notamment. Du reste, si j'ai bien compris seul le ministère public peut contester une possession d'état qui a duré plus de cinq ans si la possession d'état est conforme au titre. Par exemple, si un père a la possession d'état d'un enfant, un lien de filiation est établi d'office (si j'ai bien compris mon cours) mais on sait bien qu'un père peut choisir de traiter un enfant comme son fils même s'il sait qu'il n'est pas le père biologique. Ou qu'un homme (concubin,...) peut élever comme son fils l'enfant d'une femme célibataire. Est-ce que cette possession d'état ne risque pas d'évincer les pères biologiques qui pour une raison X ou Y (ils ignoraient qu'ils avaient mis une femme enceinte, ils étaient jeunes et ne voulaient pas assumer) n'ont pas reconnu l'enfant à sa naissance (donc pas de titre) et ne se sont pas occupés de l'enfant au début de sa vie mais souhaitent ensuite revenir dans la vie de leur enfant et contester la paternité du père "légal" qui a la possession d'état ? Puisqu'il y a des délais très stricts pour mener une action de contestation de paternité si un père légal a la possession d'état ? Le père biologique se trouve donc évincé et se voit dans l'impossibilité de contester la filiation du père légal ? On peut imaginer un cas d'espèce où un mari ou concubin de bonne foi trompé par sa femme reconnaitrait l'enfant de sa femme/concubine en pensant en être le père et l'élèverait comme son fils (possession d'état conforme au titre) mais un tiers se rendrait compte qu'il est en fait le père de l'enfant et voudrait contester la paternité du père légal. N'est-il pas bloqué (puisque seul le ministère public peut contester une filiation établie par titre et possession d'état qui a duré 5 ans ) ?

Est-ce que cela traduit une volonté de consacrer la prééminence de la vérité sociologique (ici, possession d'état : un père légal s'occupe d'un enfant comme s'il était son fils durant de nombreuses années) sur la vérité biologique (un père biologique qui ne fait pas partie de la vie de son enfant mais souhaite ensuite revenir dans la vie de son enfant).

Je galère un peu sur le chapitre "filiation" de mon cours de droit dans la famille : les mœurs évoluent, et il y a une grande diversité de situations toutes intimes, uniques, délicates qui ne me semblent pas toujours prises en compte par le législateur. Dernière modification : 05/04/2021 - par MaximeBrs

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LouisDD Administrateur

Salut

Vous pensez aux pères, ce que certains grutiers salueraient par ailleurs, mais une notion essentielle du droit de la famille n’apparaît nullement dans votre développement : l’intérêt de l’enfant.

Peut être cela aidera à éclairer l’ensemble.

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