Le nantissement de films cinématographiques

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Article publié par Yann.

Sujet proposé par Mr le professeuer André Prà¼m. Exposé réalisé par:
MERTENS Elise
SAILLOUR Morgane
MENIA Fanny
Etudiantes en licence de droit à  Nancy
Merci à  elles de nous autoriser à  publier leur travail.


1. Questions réponses

1.1 Le bénéficiaire du nantissement.
- quel créancier bénéficie du nantissement sur des films cinématographiques ?

? La loi du 22 février 1944 a conçu une sà»reté « sur mesure » pour les films cinématographiques. En effet, elle a pris en considération les besoins de financement très importants de la production cinématographique (art.31 et suivant du Code de l'Industrie Cinématographique ou CIC).
Le constituant du gage est donc souvent le producteur du film ou un cessionnaire.
Mais cependant, elle ne profite pas qu'à  ces seuls acteurs de la réalisation des films. En effet, n'importe quelle créance peut être garantie par ce nantissement, mêmes celles étrangères à  la production de films.
Mais bien qu'il soit en théorie possible d'affecter un film à  la garantie de n'importe quelle dette, même étrangère au financement de la production cinématographique, en pratique, un tel nantissement sert toujours à  garantir le remboursement des sommes qui ont servi à  financer la réalisation d'un film et particulièrement celle du film objet de ce nantissement.(1)

1.2 Un nantissement sans dépossession.
- est-ce un nantissement avec dépossession ?
? Selon le CIC dont les dispositions reprennent la loi du 22 février 1944, ainsi que celles de son décret d'application du 29 février 1944, il est précisé à  l'article 35 que :
« le privilège résultant du contrat de nantissement s'établit sans dépossession par le seul fait de l'inscription visée à  l'art.33 […] » (2)

D'ailleurs, en pratique, cette dépossession n'est guère envisageable : effectivement il serait tout à  fait inopportun que le créancier se fasse remettre les négatifs du film.
Tout d'abord - si le film n'est pas achevé : une telle remise est matériellement impossible
Ensuite - si le film l'est : elle est économiquement inopportune car l'exploitation de celui-ci serait alors bloquée. La dépossession serait donc contreproductive pour le créancier.




Notes

(1) J.Patarin, Le nantissement sur les films cinématographiques, dans Le gage commercial sous la direction de Hamel,1953 ; Grégoire Loiseau , revue Droit & Patrimoine, juillet- aoà»t 2002.

1.3 L'absence de droit de rétention.
- quelle est la première conséquence de l'absence de dépossession ?
? La doctrine majoritaire (3) considère que faute d'une dépossession réelle ou fictive, le créancier nanti ne peut bénéficier d'un droit de rétention, même fictif.

En effet, on entend par droit de rétention la faculté accordée à  un créancier qui détient la chose de son débiteur d'en refuser la délivrance jusqu'au paiement complet. Il s'agit en quelque sorte (4) « d'un moyen de pression sur la volonté du débiteur qui l'incite à  l'exécution. »
Or, la détention est la condition fondamentale du droit de rétention.
Donc le créancier nanti ne bénéficie a priori d'aucun droit de rétention.
Cependant, certains auteurs avancent la possibilité pour le créancier nanti dépourvu de droit de rétention de recourir à  la technique de l'entiercement pour constituer le nantissement.
? L'entiercement est une dépossession réalisée par l'intermédiaire d'un tiers convenu (articles 2076 du Code civil, et 92 alinéa 1er du Code de Commerce), désigné d'un commun accord par les parties, lequel détient le bien pour leur compte.
En ce qui concerne le nantissement sur film cinématographique, le bien est remis à  un tiers convenu qui serait en l'occurrence le laboratoire. Celui-ci, qui est alors détenteur du négatif, ne peut dans ce cas délivrer les copies positives que sur un ordre du créancier. L'avantage est de faire bénéficier le créancier d'un droit de rétention sur le bien alors que le nantissement du droit d'exploitation ne lui permet pas de jouir d'un tel droit.
Dans l'hypothèse o๠il n'y aurait point de convention d'entiercement, le droit de rétention pourrait bénéficier au seul laboratoire, qui est en possession du négatif, lorsque celui-ci est lui-même créancier du producteur. Mais dans cette situation, ce sont les prérogatives du créancier nanti qui risqueraient d'être affectées.



Notes
(2)Grégoire Loiseau, revue Droit & Patrimoine, juillet-aoà»t 2002 ; J. Patarin, le nantissement de films cinématographiques, in le gage commercial, sous la direction de Hamel, 1953 ; RTD Com, 1953 (pages 722 et 723) ; P.Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, PUF droit, 5ème éd. refondue.
(3) Grégoire Loiseau, Droit & Patrimoine, juillet- aoà»t 2002 ; Cabrillac et Mouly, Cabrillac et Petel, Dalloz 1994 chronique 243 n°10 ; Vivant , Mélanges Cabrillac .
(4) comme l'explique Michel Cabrillac, et Christian Mouly dans Droit des sà»retés, Litec.
(5) dont Grégoire Loiseau dans Droit & Patrimoine, ainsi que Gautier dans Propriété littéraire et artistique.
1.4 Les droits du créancier avant que le débiteur ne le paye.

- quels sont les droits dont bénéficie le créancier avant l'échéance ?
?? L'art.36 CIC dispose que « sauf dispositions contraires portées au contrat et inscrites au registre public, le bénéficiaire d'un des droits visés aux alinéas 2 et 3 de l'art.33 dà»ment inscrits […] encaisse seul et directement, nonobstant toute disposition autre que celle fondée sur un privilège légal , à  concurrence de ses droits et suivant l'ordre de son inscription, le montant des produits du film, de quelque nature qu'ils soient, et ce sans qu'il soit besoin de signification aux débiteurs cédés qui seront valablement libérés entre ses mains ».
? Le créancier bénéficie donc d'un droit direct sur les recettes du film.
Il s'agit ici de l'intérêt essentiel de cette sà»reté : ce droit lui donne la possibilité d'encaisser ces produits seul et à  concurrence de sa créance.
Ce droit procède directement de son nantissement, seule une stipulation contraire expresse du contrat pouvant l'écarter. (article 36 CIC)

Ce nantissement est susceptible de porter, selon la convention des parties, sur la totalité ou sur une partie seulement des recettes, à  l'exclusion cependant des aides provenant de l'Etat qui sont toujours insaisissables. Il permet au créancier nanti de percevoir directement les recettes des distributeurs ou des exploitants de salles, et ce sans même attendre l'échéance de sa propre créance. Les recettes s'imputeront alors sur le montant de sa créance.
Ce mécanisme a donc l'avantage (6) de « pallier le risque d'une diminution de la valeur du film objet du nantissement au fur et à  mesure de l'exploitation. L'amenuisement (en valeur) de la garantie initiale est alors compensé par une réduction progressive de la créance à  mesure des recettes encaissées. » Ces recettes dépendront principalement du succès que l'Å“uvre cinématographique (c'est-à -dire le bien incorporel) rencontrera ; l'élément corporel (les négatifs qui sert à  tirer les copies positives destinées à  la projection sur les écrans) n'ayant que très peu de valeur en soi.

Aussi faute de pouvoir profiter des recettes d'exploitation, le créancier nanti risquerait de se retrouver à  terme avec une sà»reté « inutile » ou dépréciée.

Ce droit aux recettes rend d'un point de vue pratique la réalisation du nantissement rare : en effet, souvent, l'encaissement des recettes suffit à  rembourser le créancier de son avance. Ce n'est que lorsque les recettes se révèlent insuffisantes pour désintéresser totalement le créancier que la réalisation du nantissement est nécessaire. Cependant il n'est pas certain que la vente du film produise elle-même grand-chose.
« Aucun bailleur de fonds n'a jamais espéré se faire rembourser ses avances sur le prix de vente aux enchères du film lui-même et de ses copies lavande.

Notes
(6) comme le souligne Grégoire LOISEAU, dans Droit & Patrimoine, juillet- aoà»t 2002.
C'est la délégation de recettes qui malgré ses aléas constitue sa meilleure garantie qu'elle ait été constituée directement ou qu'elle intervienne comme accessoire de plein droit du nantissement du film lui-même. » (7).

Il semble donc indiscutable, au final, que le droit aux produits de l'exploitation, qui n'est certes qu'un accessoire au nantissement constitué sur le film, s'avère être un élément majeur de cette sà»reté.
Ce système constitue un véritable progrès par rapport aux pratiques antérieures.
Les sommes versées par le débiteur avant l'opposition restent définitivement acquises au créancier nanti. Ce droit direct du créancier est protégé au besoin pénalement contre le risque de détournement, par le producteur, des produits de l'exploitation. (8)

- quelle est le nature exacte de ce droit direct sur les recettes ?
? Sur ce point, il existe une controverse doctrinale :
Si l'on s'en tient à  :
- la nature même du nantissement de films cinématographiques
- à  la double garantie possible (sur le film, meuble corporel, ou sur les droits intellectuels, meuble incorporel)
- à  l'obligation de publicité pour compenser l'absence de dépossession
- à  l'inscription qui fixe le rang ces créanciers bénéficiant d'un nantissement
- le droit de suite se prolongeant dans une procédure de purge

Toutefois, certains auteurs estiment qu'il s'agirait plutôt d'un gage (10). D'autres encore considèrent que l'encaissement direct des recettes constitue une action directe, qui va plus loin que le gage et que l'hypothèque (11).
Il semblerait donc que ce droit direct soit abusivement appelé « délégation de recettes » puisque finalement le consentement du débiteur n'est pas nécessaire dans cette opération, contrairement à  l'opération proprement dite de la délégation (12).
L'action directe ne paraît pas non plus appropriée. (13).

Notes
(7)J. Patarin,Le nantissement sur les films cinématographiques,in Le gage commercial., sous dir. De Hamel, Dalloz, 1953.
(8) arrêt du 12 avril 1995 ; arrêt du 3 janvier 1964.
(9) Cabrillac, thèse de 1954 ; Grégoire Loiseau, dans Droit & Patrimoine, juillet- aoà»t 2002 ; Planiol et Ripert, Lyon-Caen et Lavigne.
(10) Escarra et Rault, Traité de droit commercial.
(11) Marty, Raynaud et Jestaz.
(12) Mestres, Putman, Billiau.
(13) Jamin « la notion d'action directe, thèse Paris I, LGDJ 1991, n°144, p.114 et 115.
D'autres auteurs pensent qu'il s'agit d'une simple cession de créances profitant de plein droit au créancier nanti. (14)La qualité de fiducie a également été proposée mais elle paraît devoir être réservée au cas, envisagé par la loi, o๠les recettes font l'objet de manière autonome d'une cession à  titre de garantie (15).
Ces qualifications demeurent des cas isolés : l'hypothèque mobilière semble la qualification la plus adaptée.

1.5 Les droits du créancier à  l'échéance.
- quels sont ces droits?
A défaut de paiement à  l'échéance, le créancier pourra réaliser son gage : huit jours après une sommation de payer restée sans réponse, il peut demander au président du Tribunal de Commerce de Paris (qui est alors seul compétent en cette matière, et ce pour toute la France), d'ordonner la mise aux enchères du film .Une fois la vente effectuée, le créancier nanti bénéficiera d'un droit de préférence sur le prix obtenu. Il pourra ainsi demander la vente du film remis en garantie, et se faire payer par préférence sur le prix de celle-ci
Quant à  la nature exacte de ce droit de préférence : il semble analogue à  celui d'un créancier gagiste. C'est du moins ce que pense la doctrine.
Cependant, en 1953, Patarin hésitait quant à  la nature de ce droit de préférence en raison de l'absence de toute précision à  cet égard dans la loi du 22 février 1944.(16)
Quel est le rang accordé au créancier nanti ?
Ainsi le créancier régulièrement nanti sur un film ou un de ses éléments prime entre autres : le privilège des salariés (17), le privilège des auteurs (assimilé au privilège des salariés).Il est en revanche primé par le super privilège, le privilège du Trésor (18), celui de la Sécurité Sociale( dans la mesure o๠il aurait fait l'objet d'une inscription au greffe du tribunal de commerce, en application du décret du 10 décembre 1956), par les créanciers postérieurs de L621-32 du Code de Commerce, par le privilège de conservation de la chose en vertu d'un principe de portée générale que la loi de 1944 n'a pas modifié.(19)
Notes






Le créancier bénéficie également d'un droit de suite complet (20), « sans restriction » (21) qui n'a pas été expressément prévu par la loi mais qui résulte directement de l'inscription du nantissement et de la non- dépossession. Le défaut de dépossession est pallié par une inscription (22) faite auprès du Registre Public de la cinématographie (RCPA), placé auprès du Centre national de la cinématographie. Ce procédé permet de rendre opposable le nantissement aux tiers (23). L'inscription d'un acte ne peut avoir lieu qu'après l'immatriculation de l'Å“uvre à  laquelle il se rapporte..
Du fait de cette opposabilité, le créancier pourra saisir le bien grevé à  l'échéance, il faut lui octroyer un droit de suite complet, c'est-à -dire lui permettre de saisir le bien grevé entre les mains d'un tiers détenteur sans que celui-ci puisse se prévaloir de la règle « en fait de meuble la possession vaut titre » ; mais le droit de suite ne peut être accordé dans sa plénitude que si le tiers est devenu propriétaire de ce bien grevé.
Ce droit de suite, à  l'instar de l'hypothèque, a été reconnu au créancier par le législateur de façon implicite en organisant une procédure de purge (articles 42 et43 CIC) qui permet à  l'acquéreur, s'il le souhaite, de libérer le film des charges qui le grèvent.
La purge est un contrepoids au droit de suite. Elle permet au tiers acquéreur d'éviter de se laisser saisir. Elle ménage parfaitement les intérêts en présence : ceux du créancier, du vendeur constituant et de l'acquéreur. Par notification au créancier, l'acquéreur propose à  celui- ci le prix qu'il est tenu de payer. Si le créancier est d'accord, il se paye sur ce prix. Le film est alors libéré du droit de suite. S'il n'est pas d'accord en revanche, le créancier pourra le mettre en vente aux enchères avec un prix majoré du dixième (surenchère stricto sensu) et s'engagera à  se porter lui-même acquéreur en l'absence de surenchère.
Dans tous les cas le bien est libéré.(24)







Notes



2. Liste chronologique des décisions :


QUESTION n° 1 : Pas de décision
QUESTION n° 2 : Pas de décision
QUESTION n° 3 :Pas de décision
QUESTION n°4
Cour de Cassation Chambre Criminelle, 3 janvier 1964, Dalloz 1964 sommaire 46.
Cour de Cassation Chambre criminelle, 12 avril 1995, publié au bulletin n° de pourvoi 94-82970

QUESTION n°5
Tribunal de Commerce de la Seine, 21 juillet 1949, Recueil Dalloz 1949 (page 512)
Cour d'appel de Paris, 30 avril 1954, Gazette du Palais 1954 (page396)
Tribunal Civil Seine, 23 février 1957
Cour d'appel de Paris, 12 décembre 1964, Dalloz 1965 (page 596) note Cabrillac
Cour de Cassation Chambre Commerciale,16 novembre 1971,Bulletin civil IV n°277










3. Présentation des décisions :

QUESTION n°1 : Pas de décision
QUESTION n°2 : Pas de décision
QUESTION n°3 : Pas de décision
QUESTION n°4 : Pas de décision
- Synthèse des décisions présentées :
Avant l'échéance de la créance, le créancier nanti bénéficie d'un droit direct sur les recettes protégé pénalement ; en attestent les deux décisions ci-dessous dans lesquelles la Cour de Cassation applique le délit de détournement de gage à  la délégation de recettes.
Décision n° 1 : du 3 janvier 1964
REFERENCES : Cour de Cassation Chambre Criminelle, 3 janvier 1964, Dalloz 1964 sommaire 46.
RESUME DES FAITS : pas de faits.
QUESTION PRECISE SOUMISE AU JUGE : le créancier nanti bénéficie –t- il d'une protection contre un éventuel détournement des produits de l'exploitation ?
SOLUTION DONNEE : La Cour de Cassation a déclaré coupable le débiteur ,« emprunteur ou donneur de gage, détourné, au préjudice de divers créanciers, de recettes données par lui en garantie, conformément à  l'art 3 de la loi du 22 février 1944 , le prévenu qui, au mépris de diverses inscriptions prises au Registre Public de la Cinématographie sur divers films, inscriptions valant transport cession de créances et nantissement et garantissant des remboursements dus à  plusieurs créanciers, a perçu clandestinement divers produits d'exploitation desdits films et détourné ainsi le gage de ses créanciers »

Décision n° 2 : du 12 avril 1995
REFERENCES : Cour de Cassation Chambre criminelle, 12 avril 1995, publié au bulletin n° de pourvoi 94-82970

RESUME DES FAITS : La société Coline, dirigée par Pierre Kalfon, a donné à  la société Gaumont créancière nantie de celle-ci en garantie de sa créance et par le biais d'un contrat de distribution les recettes de son film. Antenne 2, chargée de la télédiffusion du film a versé ces recettes entre les mains de la société Coline laquelle ne les a perçues sans les remettre à  sa société créancière.
QUESTION PRECISE SOUMISE AU JUGE : Le droit direct du créancier est-il protégé pénalement contre le risque de détournement par le producteur des produits de l'exploitation ?
SOLUTION DONNEE : La Cour de Cassation a admis l'application de l'article 314-5 du Code Pénal, sanctionnant le fait par un constituant de détourner l'objet constitué en gage, lorsque le producteur d'un film consent une délégation de recettes en fraude des droits du créancier nanti.
« […] qu'en ayant perçu puis disposé du produit de l'exploitation par télédiffusion du film sans avoir pu représenter les fonds à  la société Gaumont qui en formait légitimement demande, le prévenu qui a eu conscience d'agir en fraude des droits de celle-ci, a détourné le gage de son créancier[…] »
POSITION PAR RAPPORT A D' AUTRES DECISIONS : La position de la Cour de Cassation est la même depuis 1964.
QUESTION n°5 :
- Synthèse des décisions présentées :
Le créancier jouit d'un droit de préférence qui lui permet de primer en autres, une fois le gage réalisé, les salaires. Toutefois ce droit n'est pas absolu en ce sens que le créancier est primé, notamment, par le privilège de la conservation de la chose et du Trésor Public. Le créancier bénéficie en outre d'un droit de suite qui résulte directement de l'inscription du nantissement au Registre Public de la Cinématographie dans le but de la rendre opposable aux tiers (dont la notion est à  préciser).
Décision n° 1 : du 21 juillet 1949
REFERENCES : Tribunal de Commerce de la Seine, 21 juillet 1949, Recueil Dalloz 1949 (page 512)

RESUME DES FAITS : La société GTC a été admise au passif de la liquidation Vedis Films en tant que créancier chirographaire et non privilégié de ladite liquidation, ce dont elle fait réclamation au tribunal dans la mesure o๠elle aurait tiré des copies de deux films afin de conserver leur valeur. Par un jugement du 12 mai 1949,ce même tribunal a prononcé l'admission à  titre chirographaire et provisionnelle de la société GTC au passif de la liquidation Vedis Films. La société GTC a demandé que sa demande soit jugée au fond.

QUESTION PRECISE SOUMIS AU JUGE : Quelles sont les conditions d'application de l'article 2102§3 du code civil qui confère au conservateur d'une chose un rang privilégié dans le passif d'une liquidation ?
SOLUTION DONNEE : Le privilège spécial créé par l'article 2102§3 code civil ne s'applique que lorsque les frais engagés ont empêché la chose de périr ou de se dévaluer (interprétation restrictive de l'article).

« le privilège spécial créé par l'art.2102,§3,c.civ. ne peut être invoqué que s'il est nettement établi que les frais engagés ont empêché la chose de périr ou de se dévaluer notablement, la notion de « frais pour la conservation » ne devant être interprétée et appliquée que d'une manière restrictive. »
« …ne peut être admise au passif privilégié de la faillite…la créance d'une société qui a tiré des copies de films…que si les frais de tirage ont été utiles, il n'était pas nécessaire de les engager dans un délai déterminé »

POSITION PAR RAPPORT A D' AUTRES DECISIONS : Le jugement du tribunal de commerce de la Seine du 21 juillet 1949 précise pour la première fois les conditions d'application de l'article 2102 §3 du Code Civil. Un arrêt du 19 janvier 1959 complète le travail entrepris par la Cour en 1959 en apportant certaines nuances à  l'application de l'article 2102 §3 du Code Civil. (ci- joint en annexe le sommaire de la décision).
APPRECIATION PAR LES COMMENTATEURS : aucun
……………………
Décision n°2 : du 30 avril 1954

REFERENCES : Cour d'appel de Paris (4e chambre), 30 avril 1954, Gazette du Palais 1954 (page 396)

RESUME DES FAITS : Le 16 juin 1937, sieur Kirsanoff a déposé au siège de l'Association des Auteurs de Films le manuscrit d'un scénario, dont il était l'auteur et auquel il donnait pour titre « La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a ». Le film issu de ce scénario fut exploité par la société Le Trident. En 1947, les parts de cette société passèrent aux mains de tiers mais la propriété du film quant à  elle a été conservée indivisément par les quatre associés qui l'ont cédée à  la dame Henriquez.
La société Gaumont projeta un film sous le titre du film de Kirsanoff. Mais la dame Henriquez prétendait que cette projection constituait « [une] usurpation de propriété littéraire et artistique et la contrefaçon prévue et réprimée par la loi du 19 juillet 1793 ». Elle fait alors pratiquer le 3 novembre 1951 la saisie- contrefaçon du film incriminé.

QUESTION PRECISE SOUMIS AU JUGE : A partir de quand et comment les droits du cessionnaire du film résultant de la cession et relatifs à  l'ensemble du film ou à  l'un de ses éléments deviennent –ils opposables aux tiers ?

SOLUTION DONNEE : Des articles 2, 3 dernier alinéa, et 3§1de la loi du 22 février 1944, la Cour d'appel en déduit : que même si le producteur n'est pas obligé de déposer le titre de son film, et si à  défaut de ce dépôt, l'inscription des cessions ou conventions concernant ce film n'est pas requise, « le manquement à  ces formalités entraîne l'inopposabilité aux tiers des droits qui découlent de ces cessions ou conventions. » « Cette inopposabilité frappe les droits du cessionnaire du film qui résultent de la cession et qui sont relatifs à  l'ensemble du film ou à  l'un de ses éléments (comme le titre par exemple). » Concrètement : le nantissement est rendu possible par le fait que le film est identifié par un dépôt du titre au registre public de la cinématographie. Il faut donc que le titre provisoire ou définitif du film ait fait l'objet d'un dépôt au registre public avant de constituer la sà»rété.
La Cour rajoute que cette loi n'est pas rétroactive ; cependant celle-ci « règle les conditions d'exercice des droits acquis antérieurement et se rattachant à  des titres de films anciens, pour la période postérieure à  sa promulgation. »(article 13 de la loi)
En ce qui concerne un film antérieur à  la loi du 22 février 1944, qui a fait l'objet d'une cession postérieure à  cette loi, (ce qui est le cas en l'espèce) « il appartient donc au cessionnaire soit d'exiger de ses cédants le dépôt du titre, soit d'user de la procédure dérogatoire précisée aux §§ 3 et 4 de l'article 13, et de requérir l'inscription de la cession. »
Ainsi : à  défaut de cette inscription, la saisie- contrefaçon, prévue par la loi du 19 juillet 1793, pratiquée en l'espèce par dame Henriquez envers ce film portant le même titre est nulle.
POSITION PAR RAPPORT A D'AUTRES DECISIONS : Pas d'autres décisions rendues à  ce sujet.
APPRECIATION PAR LES COMMENTATEURS : aucun
……………………
Décision n° 3 : du 23 février 1957
REFERENCES : Tribunal Civil Seine, 23 février 1957, JCP 1957, II, 9921, note Becqué.

RESUME DES FAITS : Tenoudji a conventionnellement accordé à  Orson Welles une avance de fonds pour la réalisation du film « Othello », dont celui-ci est le producteur. O.Welles a par le même acte consenti à  Tenoudji, en garantie de sa créance, un nantissement des recettes producteur à  provenir de la vente ou de la diffusion du film. Tenoudji inscrit régulièrement son nantissement au Registre Public de la cinématographie.
D'autre part, Trauner, a été reconnu créancier du producteur (ie O.Welles) , pour une somme représentant les salaires relatifs à  l'emploi de directeur artistique qu'il a tenu pour la réalisation du film « Othello » par une décision prud'homale. Il y a donc conflit entre ces deux créanciers : entre d'une part le prêteur de fonds en vue de la réalisation du film, et le directeur artistique.
QUESTION PRECISE SOUMIS AU JUGE : Le privilège résultant du nantissement du film cinématographique prime-t -il le privilège attaché aux salaires dus en raison de la production dudit film ? Sous quelles conditions ?
SOLUTION DONNEE : Le tribunal déclare le privilège mobilier spécial attaché au nantissement constitué sur tout ou partie du droit de propriété ou d'exploitation d'un film cinématographique, quand ledit nantissement a été régulièrement inscrit au Registre public prime le privilège général garantissant les salaires et appointements de tous ceux qui louent leurs services.
POSITION PAR RAPPORT A D'AUTRES DECISIONS : Pas d'autres décisions rendues à  ce sujet.
APPRECIATION PAR LES COMMENTATEURS : Un commentaire de cet arrêt a été rédigé par Emile BECQUE.

Celui-ci soulève la difficulté tenant à  la rédaction de l'article 36 du CIC selon lequel le créancier nanti encaisse seul et directement le montant des produits du film, à  concurrence de ses droits et suivant l'ordre de son inscription, « nonobstant toute opposition autre que celle fondée sur un privilège légal. » Pour lui cette expression est impropre et obscure.
En effet, « prise au pied de la lettre », cette formule peut être interprétée comme désignant d'une façon générale tous les privilèges répondant à  la définition de l'article 2095 du Code Civil, c'est-à -dire constituant une faveur accordée par la loi en considération de la qualité de la créance(à  l'exception des sà»retés conventionnelles maladroitement dénommées privilèges) : or si l'article 36 du CIC avait une telle portée, le « privilège légal » qui garantit le paiement des salaires primerait alors la sà»reté du nantissement sur film cinématographique née d'un contrat. Pourtant, en l'espèce, le Tribunal civil de la Seine n'a pas adopté cette solution. Il a jugé que le texte légal n'était pas suffisamment explicite pour que l'on puisse l'interpréter comme dérogeant à  la primauté des privilèges mobiliers spéciaux sur les privilèges généraux ( à  l'exception évidemment des frais de justice, et du superprivilège ).
Emile BECQUE enfin précise que « les arguments sur lesquels le Tribunal s'est appuyé pour donner la priorité au privilège résultant du nantissement du film cinématographique sont très solides mais pas absolument décisifs. » En effet,malgré la nécessité économique d'encourager la production sous toutes ses formes, les textes les plus récents font primer les salariés, conformément aux tendances sociales alors dominantes. Pour lui donc, c'est au législateur que revient le rôle de prendre parti, et ce sans ambiguïté, pour déterminer quel privilège prime l'autre, en raison de la mauvaise rédaction de la loi.



……………………

Décision n°4 : 12 décembre 1964

REFERENCES : Cour d'appel de Paris, 12 décembre 1964, Dalloz 1965 (page 596) note Cabrillac

RESUME DES FAITS : Le Trésor Public en l'espèce invoquait son privilège pour le recouvrement des taxes sur le chiffre d'affaires, mais celui –ci s'est heurté au concours de deux autres créanciers : - un créancier (La Société des films Marceau) titulaire d'un nantissement sur le film de l'espèce, à  savoir « Juliette ou la clef des songes », nantissement entraînant une délégation de recettes.
- un créancier ( Tenoudji ) qui se prévalait de cessions ou délégations consenties en garantie d'avance, et - le bénéficiaire (Bernheim) d'une délégation effectuée à  titre de propriété.


QUESTION PRECISE SOUMIS AU JUGE : Quel rang occupe le Trésor public par rapport aux bénéficiaires des délégations de recettes du film?
SOLUTION DONNEE : le Trésor public prime le bénéficiaire des délégations sur les recettes du film. Ce privilège légal n'a pas d'effet rétroactif.

« Le privilège du Trésor pour le recouvrement des taxes sur le chiffre d'affaires est un privilège légal qui s'exerce avant tout autre ; il prime les privilèges spéciaux mobiliers et par conséquent, les privilèges appartenant aux bénéficiaires des délégations sur les recettes du film. »
« Toutefois, l'opposition fondée sur le privilège légal n'a pas d'effet rétroactif ; elle paralyse, à  compter du jour o๠elle se manifeste, le droit du délégataire d'encaisser les produits du film, mais le délégataire est et demeure propriétaire des produits qu'il a jusque-là  perçus ou qui l'ont été pour son compte par un mandataire de justice. »

POSITION PAR RAPPORT A D'AUTRES DECISIONS :
La Cour d'appel de Paris pose le principe mais celle-ci va dans le sens d'une jurisprudence bien ancrée qui reconnaît la primauté des privilèges fiscaux du premier groupe sur celui du créancier gagiste.( Arrêt com. 15 janvier 1957 3 arrêts rendus : introuvables par manque de référence)

APPRECIATION PAR LES COMMENTATEURS : Cabrillac va commencer par distinguer les délégations qui correspondent à  une opération de garantie, c'est à  dire celles correspondant aux rapports existant entre créanciers privilégiés et délégataires de recettes qui sont définis par l'art 36 du CIC et la délégation de recettes effectuée à  titre de propriété.
Ainsi, en cas de délégation correspondant à  une opération de garantie, le délégataire de recettes doit avoir, selon Cabrillac, le rang reconnu d'une façon général à  tout créancier gagistes (Déjà  reconnu par le Trib.civ. de Seine 23 février 1957). C'est d'ailleurs à  ce titre qu'a été écarté en sa faveur le privilège général des salaires alors qu'il s'est incliné devant le privilège pour frais de conservation de la chose (Trib. Com .Seine, 19 janvier 1959. D1959)
Il est donc logique que La cour de Paris ait proclamé le rang prioritaire au Trésor, et ceci va bien dans le sens d'une jurisprudence bien établie qui fait passer les privilèges fiscaux du premier groupe avant celui du créancier gagiste .
Quant à  la délégation de recettes effectuée à  titre de propriété : La cour a affirmé l'incontestable priorité des privilèges fiscaux sur les droits de tout délégataires.
Ceci résulte d'une combinaison des articles 36 et 33 du CIC; combinaison engendrant un résultat paradoxal : étant une créance transférée en propriété, cela implique qu'elle sorte du patrimoine de l'auteur du transfert des lors que la convention est publiée pourtant, les créanciers de l'auteur du transfert peuvent exercer leur privilèges sur les sommes dues au nouveau titulaire de la créance de la recette. Ceci n'est pas logique.
Le problème, pour Cabrillac, c'est d'admettre que la créance de recettes figure dans le patrimoine du débiteur cédant, ce qui pour lui revient à  violer l'art 33 al 3 qui consacre la possibilité d'un transfert en propriété.

Quant à  la mise en Å“uvre de la priorité donnée aux privilèges fiscaux :
La cour d'appel rejette le fait que le fisc se fasse payer sur toutes les recettes que l'administrateur judiciaire détient. Position étrange pour Cabrillac dans la mesure o๠l'opposition paralyse le droit d'encaisser les recettes appartenant au délégataire qu'à  partir du jour o๠elle a été formée et que les recettes encaissées auparavant, fut-ce par un tiers agissant pour son compte sont devenues sa propriété.
Il n'y a donc pas d'effet rétroactif de l'opposition ; il y a donc une amélioration de la situation des délégataires.
Pour l'arrêt il n'y a d'acquis qu'à  partir de l'encaissement de sorte que l'opposition empêche le délégataire de prétendre aux recettes déjà  réalisées mais encore détenues par l'exploitant de la salle au distributeur.
Cabrillac se demande si il ne vaudrait pas mieux considérer que le délégataire a un droit acquis sur les recettes réalisées jusqu'à  l'opposition donc sur les recettes exigibles même si le délégataire ne les a pas recouvrées, car ainsi il serait prémuni contre le retard apporté à  l'encaissement de sommes dont il pouvait exiger le versement avant l'opposition .


Décision n°5 : 16 novembre 1971

REFERENCES : Cour de Cassation Chambre Commerciale,16 novembre 1971,Bulletin civil IV n°277.


RESUME DES FAITS : L'arrêt attaqué a déclaré inopposable à  la masse des créanciers du règlement judiciaire de la société Cineurop, les délégations de recettes ayant été consenties à  la société Intra-Bank Beyrouth pour deux raisons :
-les délégations imparfaites n'ont pas fait l'objet d'actes enregistrés dà»ment signifiés aux débiteurs des créances déléguées.
- les délégations litigieuses n'ont pas été transcrites au Registre Public de la Cinématographie, ce qui les rend inopposables aux tiers au nombre desquels il y avait lieu de compter la masse des créanciers.

QUESTION PRECISE SOUMISE AU JUGE : La masse des créanciers chirographaires est-elle considérée comme tiers au sens de l'article 33 du Décret du 27 janvier 1956 ?

SOLUTION DONNEE : Ce texte dispose qu'en cas de non-inscription de certains actes ou conventions, parmi lesquelles les délégations des produits d'un film, « les droits résultant desdits actes ou conventions […] ne peuvent être opposées aux tiers ; qu'à  raison de la généralité des termes « tiers » ainsi employés, la Cour d'Appel a pu considérer que les créanciers chirographaires du délégant possédaient cette qualité au sens dudit décret et qu'en conséquence, les délégations litigieuses leurs étaient inopposables. »

POSITION PAR RAPPORT A D'AUTRES DECISIONS : Aucune autre décision n'a été rendue sur ce sujet.
APPRECIATION PAR LES COMMENTATEURS : aucune



4. Références doctrinales :





Cabrillac , Thèse : la protection du créancier dans les sà»retés mobilières conventionnelles sans dépossession, 1954, Montpellier, n° 53.
Cabrillac et Mouly , droit des sà»retés, 5ème éd., Litec, n° 712.
Cabrillac et Petel, Dalloz 1994, chronique 243, n° 10.
Escarra et Rault , Traité théorique et pratique de droit commercial, les contrats commerciaux, les ventes commerciales, par Hémard, n° 598.
Gautier, Propriété littéraire et artistique , PUF droit, 5ème éd. refondue, n° 362 et 367.
Hamel, Lagarde et Jauffret , Traité du droit commercial , tome 2, n° 1280 à  1283.
Legeais , Thèse sur les garanties conventionnelles sur créance , Economica 1986, n° 375 à  380.
Marty, Raynaud et Jestaz , Droit civil, obligations , 2ème éd., tome 2, n° 473.
Mestres, Putman et Billiau , Traité de droit des sà»retés , LGDJ 1996, n° 962 et 1009.
Patarin, Le nantissement dur films cinématographiques, le gage commercial , sous la direction de Hamel, 1953.
Simler et Delebecque , Les sà»retés , Précis Dalloz, 4ème éd., n° 715.
Roland Tendler , Les sà»retés , Manuel Dalloz de droit usuel, n° 163 et s.
Vivant , L'immatériel en sà»reté, Mélanges Cabrillac , Dalloz/Litec 1999, p.419-420








5. Annexes :

LOI :
CODE DE L'INDUSTRIE CINEMATOGRAPHIQUE (qui reprend la loi du 22 février 1944)
Titre III : Le registre de la cinématographie
Article 31
Il est tenu à  Paris, au centre national de la cinématographie, un registre public destiné à  assurer la publicité des conventions visées aux articles 32 et 33 et intervenues à  l'occasion de la production, de la distribution et de l'exploitation des films cinématographiques produits, distribués ou exploités en France.
*Le registre public institué par le présent article prend le nom de << Registre public de la cinématographie et de l'audiovisuel >>, Décret nº 87-348 du 22 mai 1987.*
Article 32
Le titre provisoire ou définitif d'un film destiné à  la projection publique en France doit être déposé au registre public de la cinématographie à  la requête du producteur ou de son représentant qui remet à  l'appui une copie du contrat ou une simple déclaration émanant du ou des auteurs de l'oeuvre originale dont le film a été tiré ou de leurs ayants droit, justifiant de l'autorisation de réaliser ledit film d'après cette oeuvre et précisant le délai pour lequel l'autorisation de l'exploiter est conférée. Le conservateur du registre public attribue un numéro d'ordre au film dont le titre est ainsi déposé.
Si le producteur d'un film cinématographique s'abstient d'effectuer ce dépôt, il peut en être requis par toute personne ayant qualité pour demander l'inscription d'un acte, d'une convention ou d'un jugement énumérés à  l'article 33 ; ce dépôt devra être effectué à  peine de dommages-intérêts au plus tard dans le mois de la mise en demeure notifiée au producteur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Toute clause résolutoire des conventions intervenues entre auteurs et producteurs est nulle et sans valeur si, lors du dépôt du titre, elle ne fait pas l'objet d'une inscription dans les conditions prévues à  l'article 33.
En cas de carence du producteur, cette inscription peut être effectuée à  la requête de l'auteur dans les quinze jours qui suivent le dépôt du titre du film.

Article 33
Pour les films dont le titre a été préalablement déposé dans les conditions prévues à  l'article précédent, doivent être inscrits au registre public, à  la requête de la partie la plus diligente et sans que cette inscription puisse avoir pour effet de conférer aucun privilège nouveau au profit de son bénéficiaire, sauf cependant ce qui est dit aux articles 34, 35 et 36 :
1º Les cessions et apports en société du droit de propriété ou d'exploitation, ainsi que les concessions de droit d'exploitation d'un film, doit de l'un quelconque de ses éléments présents et à  venir ;
2º Les constitutions de nantissement sur tout ou partie des droits visés à  l'alinéa précédent ;
3º Les cessions, transports et délégations, en propriété ou à  titre de garantie, de tout ou partie des produits présents et à  venir d'un film ;
4º Les conventions relatives à  la distribution d'un film ;
5º Les conventions emportant restriction dans la libre disposition de tout ou partie des éléments et produits présents et à  venir d'un film ;
6º Les cessions d'antériorité, les subrogations et les radiations totales ou partielles se rapportant aux droits ou conventions susvisées ;
7º Les décisions de justice et sentences arbitrales relatives à  l'un des droits visés aux alinéas précédents.
L'inscription est réalisée par dépôt au registre public de deux exemplaires, deux expéditions ou deux copies conformes de ces actes, conventions ou jugements qui doivent mentionner le numéro d'ordre attribué au film dont il s'agit ; toutefois un exemplaire ou une expédition peut être remplacé par une copie conforme. Les copies seront certifiées exactement collationnées par le requérant ; les renvois, mots rayés, et blancs bà¢tonnés y seront décomptés et approuvés. Un des documents sera conservé au registre public, l'autre sera rendu au déposant après que le conservateur y aura fait mention de l'inscription.
En cas de non-dépôt du titre du film et de non-inscription des actes, conventions ou jugements susmentionnés, les droits résultant desdits actes, conventions ou jugements ne peuvent être opposés aux tiers.
Article 34
Le rang des inscriptions est déterminé par l'ordre dans lequel elles sont requises.
Article 35
Le privilège résultant du contrat de nantissement s'établit sans dépossession par le seul fait de l'inscription visée à  l'article 33. Les inscriptions de nantissement sont, sauf renouvellement préalable, périmées à  l'expiration d'un délai de cinq ans.
Article 36
Sauf dispositions contraires portées au contrat et inscrites au registre public, le bénéficiaire d'un des droits visés aux alinéas 2º et 3º de l'article 33 dà»ment inscrit, et sur production de l'état prévu à  l'article 37, encaisse seul et directement, nonobstant toute opposition autre que celle fondée sur un privilège légal, à  concurrence de ses droits et suivant l'ordre de son inscription, le montant des produits du film, de quelque nature qu'ils soient, et ce, sans qu'il soit besoin de signification aux débiteurs cédés qui seront valablement libérés entre ses mains.

Article 37
Le conservateur du registre public est tenu de délivrer à  tous ceux qui le requièrent copie ou extrait des énonciations portées au registre public et des pièces déposées à  l'appui des inscriptions ou certificats s'il n'existe point d'inscription.
Il est responsable du préjudice résultant tant de l'omission sur le registre public des inscriptions requises en son bureau que du défaut de mention dans les états ou certificats qu'il délivre d'une ou plusieurs inscriptions existantes, à  moins que l'erreur ne provienne de désignations insuffisantes qui ne pourraient lui être imputées.
Le conservateur est tenu d'avoir un registre sur lequel il inscrit, jour par jour et dans l'ordre des demandes, les remises qui lui sont faites d'actes en vue de leur inscription, laquelle ne peut être portée qu'à  la date et dans l'ordre desdites remises.
Le conservateur est tenu de se conformer, dans l'exercice de ses fonctions, à  toutes les dispositions des articles 31 à  43, à  peine des sanctions et dommages-intérêts prévus par l'article 2202 du Code civil à  l'encontre des conservateurs des hypothèques.
Article 38
Ainsi qu'il est dit à  l'article 1085 du Code général des impôts, sont affranchis du timbre :
1º Les registres, les reconnaissances de dépôt, les états, les certificats, les copies et extraits tenus ou dressés en exécution des dispositions des articles 31 à  43 ;
2º Les pièces produites pour l'accomplissement d'une des formalités visées aux articles 31 à  43 et qui restent déposées au registre public, à  condition que ces pièces mentionnent expressément leur destination.
Article 39
Toute requête aux fins d'inscription, toute demande de renseignements, toute délivrance d'états, certificats, copies ou extraits donnent lieu à  la perception d'un émolument.
Article 40
Le conservateur du registre public sera choisi parmi les agents de l'administration de l'Enregistrement ; un décret contresigné par le ministre de l'économie et des finances et par le ministre chargé de l'industrie cinématographique déterminera le taux et les conditions de perception de l'émolument visé à  l'article précédent et l'attribution de son produit.
Au regard des articles 5 à  11 de la loi du 21 ventôse an VII et des textes qui ont modifié ou complété ces articles, la conservation du registre public de la cinématographie est assimilée à  une conservation des hypothèques en ce qui concerne le cautionnement à  fournir par le préposé.
Article 41
Les droits visés à  l'article 33 devenus régulièrement opposables aux tiers avant la mise en vigueur de la loi nº 90 du 22 février 1944 sont conservés dans leur rang antérieur s'ils font l'objet d'une inscription dans les trois mois de ladite mise en vigueur.
A défaut, ils ne prendront rang à  l'égard des tiers que dans les conditions fixées à  l'article 34.
Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article 33, les inscriptions visées au présent article seront admises sur production d'un certificat délivré par le directeur général du centre national de la cinématographie, dans le cas o๠un mois après la mise en demeure notifiée au producteur par lettre recommandée, le requérant n'aurait pu obtenir de ce dernier une attestation précisant le numéro d'ordre attribué au film dont il s'agit, conformément à  l'article 32.
La production de ce certificat suppléera à  la formalité de dépôt du titre prévue audit article 32.
Article 42
A peine de nullité, il ne peut être procédé à  la vente aux enchères publiques, volontaire ou forcée, d'un film ou de l'un quelconque de ses éléments, que quinze jours après une sommation d'assister à  la vente que le poursuivant doit faire signifier à  chacun des créanciers inscrits au registre public de la cinématographie, au domicile élu dans l'inscription.
Article 43
Lorsque la vente de ces biens n'a pas eu lieu aux enchères publiques, l'acquéreur qui veut se garantir des poursuites des créanciers inscrits est tenu, à  peine de déchéance et au plus tard dans la quinzaine de la sommation de payer à  lui faite, de notifier à  tous ces créanciers au domicile par eux élu dans leurs inscriptions : ses nom, prénoms et domicile, le prix d'achat, l'énumération et le montant des créances privilégiées avec déclaration qu'il est prêt à  les acquitter sur-le-champ jusqu'à  concurrence de son prix.
Tout créancier inscrit peut requérir la vente aux enchères publiques des biens cédés de gré à  gré, en offrant de porter le prix à  un dixième en sus et de donner caution pour le paiement des prix et charges ou de justifier de solvabilité suffisante.
Cette réquisition doit être signifiée à  l'acquéreur et au débiteur précédent propriétaire dans la quinzaine de la notification visée à  l'alinéa 1er du présent article et contenir assignation devant le tribunal de commerce de Paris pour voir statuer qu'il sera procédé à  la mise aux enchères publiques.
Article 44
Le centre national de la cinématographie est habilité à  communiquer aux distributeurs, producteurs et ayants droit délégataires de recettes, tels qu'ils sont désignés dans les conventions, jugements et actes quelconques inscrits au registre public de la cinématographie, conformément aux dispositions du présent titre, tous renseignements relatifs aux recettes et produits quelconques relevant de l'exploitation et de l'exportation des films cinématographiques sur lesquels ils ont des droits.
Les distributeurs, producteurs et ayants droit délégataires de recettes sont tenus de communiquer au centre national de la cinématographie tous renseignements relatifs aux versements qui leur sont faits respectivement par les exploitants, distributeurs et producteurs de films.
Les dispositions du présent article sont également applicables aux titulaires de contrats de travail conclus à  l'occasion de la réalisation d'un film cinématographique et conférant à  leur bénéficiaire un droit de pourcentage sur les recettes du film.

CODE PENAL
(Partie Législative)
Article 314-5 (Ordonnance nº 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 3 Journal Officiel du 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002)
Le fait, par un débiteur, un emprunteur ou un tiers donneur de gage, de détruire ou de détourner l'objet constitué en gage est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende.
La tentative de l'infraction prévue au présent article est punie des mêmes peines.


JURISPRUDENCE :

Cour de Cassation Chambre Criminelle, 3 janvier 1964, Dalloz 1964 sommaire 46.
Crim.3 janv.1964.
Dalloz 64 sommaire (46)


Vol, détournement de gage, nantissement de films, produits d'exploitation, perception clandestine, c.pen art 400, applicatio.


A été de bon droit déclaré coupable d'avoir, étant débiteur, emprunteur ou donneur de gage, détourné, au préjudice de divers créanciers, de recettes données par lui en garantie, conformément à  l'art 3 de la loi du 22 février 1944 , le prévenu qui, au mépris de diverses inscriptions prises au registre pub de la cinématographie sur divers films, inscriptions valant transport cession de créances et nantissement et garantissant des remboursements dus à  plusieurs créanciers, a perçu clandestinement divers produits d'exploitation desdits films et détourné ainsi le gage de ses créanciers (1)

(X…) Du 3 janvier 1964.ch.crim.NM Zambeaux, pr .Pihier.rap.Boucheron, av gen. Lyon-Caen, Mayer et Sourdillat, av.
Rejet du pourvoi contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 12 décembre 1962.
Note (1) V RepCom. V° Nantissement des films, par G. Ripert, n° 5 et s ; Rep Crim, V° Détournement d'objets saisis ou donnés en gage, par J. Vassogne et C. Bernard n) 26 et s.

Cour de Cassation Chambre criminelle, 12 avril 1995, publié au bulletin n° de pourvoi 94-82970
Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 12 avril 1995 Rejet

N° de pourvoi : 94-82970
Publié au bulletin

Président : M. Simon, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Rapporteur : Mme Ferrari.
Avocat général : M. Dintilhac.
Avocats : M. Foussard, la SCP Piwnica et Molinié.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REJET du pourvoi formé par Kalfon Pierre, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 17 mai 1994, qui, pour détournement de gage, l'a condamné à  10 000 francs d'amende, a ordonné que cette condamnation ne serait pas inscrite au bulletin n° 2 de son casier judiciaire et a statué sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 381 et 400, alinéa 5, du Code pénal, 314-5, alinéa 1er, du nouveau Code pénal, 1134 du Code civil, 33-3° et 36 du Code de l'industrie cinématographique, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre Kalfon coupable de détournement de gage, lui a infligé une amende et l'a condamné à  payer 1 800 000 francs à  titre de dommages et intérêts à  la société Gaumont ;
" aux motifs que la société Coline a donné à  la société Gaumont, en garantie de la créance de cette dernière, les recettes du film "Cotton Club" ; que la somme de 1 800 000 francs a été payée par Antenne 2 entre les mains de la société Coline ; que Pierre Kalfon n'a pas été en mesure de remettre la somme à  la société Gaumont ; qu'il n'est pas établi que des comptes aient été à  faire entre les parties ou encore que la société Coline ait eu une créance certaine à  l'encontre de la société Gaumont ; que Pierre Kalfon ne pouvait disposer de la somme qui lui a été payée par Antenne 2 et qu'ayant utilisé les fonds sans pouvoir les représenter, il a bien commis un détournement de gage ;
" alors que, premièrement, le nantissement prévu aux articles 33-3° et 36 du Code de l'industrie cinématographique porte sur la créance du producteur à  l'encontre de l'exploitant du film, en contrepartie du droit qui lui a été concédé de projeter le film ; qu'en décidant que le gage portait sur une somme d'argent, bien corporel, et non sur un droit de créance, bien incorporel, les juges du fond ont appliqué le détournement à  une chose qui n'avait pas été donnée en gage ; que l'arrêt a, dès lors, été rendu en violation des textes susvisés ;
" alors que, deuxièmement, nonobstant le paiement effectué par Antenne 2 entre les mains d'une société dirigée par Pierre Kalfon, les droits de la société Gaumont à  l'encontre d'Antenne 2, en sa qualité de créancier gagiste, et notamment le droit d'obtenir un paiement direct de la part d'Antenne 2, demeuraient intacts ; qu'en toute hypothèse, faute d'avoir constaté que, par ses agissements, Pierre Kalfon avait porté atteinte aux prérogatives du créancier gagiste, et notamment au droit d'obtenir le paiement direct à  l'encontre d'Antenne 2, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" et alors que, troisièmement, à  supposer même que la somme de 1 800 000 francs ait été payée par erreur entre les mains d'une société dirigée par Pierre Kalfon, de toute façon, cette circonstance ne pouvait révéler l'existence d'un détournement ; qu'elle pouvait, le cas échéant, engendrer un droit à  répétition au profit de la société Antenne 2, mais qu'elle ne pouvait en aucune façon, dès lors que la publicité du nantissement avait été régulièrement faite, altérer les droits que détenait la société Gaumont en sa qualité de créancier gagiste ; qu'à  cet égard encore, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société Coline, titulaire en France des droits d'exploitation du film intitulé " Cotton Club ", a confié à  la société Gaumont la codistribution exclusive de ce film en salles et à  la télévision " non payante " ; qu'en garantie du paiement des commissions revenant à  la société Gaumont et du remboursement de ses frais de publicité et de laboratoire, la société Coline lui a cédé les produits à  venir de l'exploitation du film par la télévision " non payante " ;
Attendu que la société Coline, alors en règlement judiciaire, et la société des Films Number One, sa locataire gérante, ont cédé le droit de télédiffusion du film à  la société Antenne 2 pour le prix de 1 800 000 francs ; que, sur plainte avec constitution de partie civile de la société Gaumont qui n'obtenait pas la rétrocession de cette somme, Pierre Kalfon, dirigeant des sociétés Coline et Films Number One, est poursuivi pour détournement de gage ;
Attendu que, pour le déclarer coupable de ce délit, l'arrêt attaqué relève que le contrat de distribution comportant la " délégation de recettes " a été publié au registre public de la cinématographie ; qu'il énonce, à  bon droit, que, par l'effet de cette inscription et en vertu des articles 33 et 36 du Code de l'industrie cinématographique, l'affectation des recettes du film à  la sà»reté de la créance de la société Gaumont constitue un gage au profit de celle-ci ;
Que les juges ajoutent qu'en ayant perçu puis disposé du produit de l'exploitation par télédiffusion du film sans avoir pu représenter les fonds à  la société Gaumont qui en formait légitimement la demande, le prévenu, qui a eu conscience d'agir en fraude des droits de celle-ci, a détourné le gage de son créancier ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments le délit retenu à  la charge du demandeur, a justifié sa décision ;
D'o๠il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.







Tribunal de Commerce de la Seine, 21 juillet 1949, Recueil Dalloz 1949 (page 512)


Cour d'appel de Paris, 30 avril 1954, Gazette du Palais 1954 (page396)



Tribunal Civil Seine, 23 février 1957



Cour d'appel de Paris, 12 décembre 1964, Dalloz 1965 (page 596) note Cabrillac



Cour de Cassation Chambre Commerciale,16 novembre 1971,Bulletin civil IV n°277