Le cautionnement réel

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Un petit doute à ce sujet...
Le cautionnement est une sûreté personnelle, et apparaît comme tel dans le code civil.
D'où vient alors le terme "cautionnement réel"? de la doctrine? de la pratique? de la jurisprudence?
Peut-on considérer, si c'est le cas, qu'il s'agit d'un abus de langage?

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D'après mes souvenirs, la doctrine a qualifié l'opération de " cautionnement réel " pour illustrer le fait de se porter garant pour autrui. Le cautionnement donne une véritable image d'engagement personnel, et réel donne l'assiette de la sûreté, donc c'est une expression très parlante.

La jurisprudence a repris les termes - dans les arrêts on lit " cautionnement réel ", même lors des conflits entre première chambre civile et chambre commerciale - les mots influençant le régime juridique. Tantôt sûreté mixte mâtinée des règles protectrices des cautions en tant qu'engagement personnel, tantôt sûreté réelle pure.

C'est la thèse de la sûreté réelle pure qui a été retenue en décembre 2005 : « qu'une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation d'autrui et n'étant pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas » Donc la notion de " cautionnement " réel a été totalement évacuée et remplacée par la périphrase " sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers ". En changeant les mots, on peut peut-être encadrer le régime, mais comme en février 2006 une décision est venue rappeler la faculté des parties de constituer un cautionnement qui serait " personnel et réel " à condition qu'elles le précisent expressement à l'acte...

Du coup je me demande si les abus de langage peuvent disparaître :?

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*Membre de la BIFF*

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ouais, merci pour ces précisions...je posais cette question par rapport à un arrêt qui est tombé cette année au CFPN:

Citation :

LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 25 juin 2003), que M. X..., marié sous le régime de la communauté universelle, a souscrit, sans le consentement de son épouse, un nantissement de titres dématérialisés, entrés dans la communauté, en garantie d'une dette contractée pour un tiers auprès de la Banque nationale de Paris, aux droits de laquelle se trouve la société anonyme Banque nationale de Paris Paribas (la banque) ; que Mme X..., son épouse, a assigné la banque en mainlevée du nantissement ;




Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen, que le nantissement constitué par un tiers pour le débiteur est un cautionnement réel soumis à l'article 1415 du Code civil ; qu'en l'espèce, en décidant que le nantissement donné par M. X... en garantie du remboursement du prêt accordé à la société par la banque ne pouvait être assimilé à un cautionnement réel entrant dans le champ d'application de l'article 1415 du Code civil, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


Mais attendu qu'une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui et n'étant pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas, la cour d'appel a exactement retenu que l'article 1415 du Code civil n'était pas applicable au nantissement donné par M. X... ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme X... aux dépens ;


Voilà...et j'ai dit en gros que la Cour redonnait au cautionnement sa vraie signification en considérent qu'il s'agit avant tout d'une sûreté personnelle pour ne pas voir l'article 1415 s'appliquer.
J'ai dit que cette décision s'inscrivait dans la lignée d'un courant jurisprudentiel assez stricte qui cherche à rendre au contrat de cautionnement sa pleine efficacité, sans rechercher à protéger systématiquement le constituant (de la sûreté).
C'est un peu sévère dans cet arrêt, d'autant plus que les époux étaient mariés sous le régime de la communauté universelle...

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D'autant que le rapport Grimaldi condamne le cautionnement réel, même si ça n'a pas été transposé, le gouvernement n'ayant pas reçu d'habilitation au sujet du cautionnement. En revanche l'article 1422 Cciv a été modifié par l'ordonnance du 23/03/2006 : " ( les époux ) ne peuvent non plus, l'un sans l'autre, affecter l'un de ces biens à la garantie de la dette d'un tiers ". Ca coupe court à toute tentative d'opposition des exceptions au créancier et courcircuite du même coup l'utilité du cautionnement réel puisqu'il était utilisé pour contourner la règle de l'article 1415 Cciv.

Donc plus de rigueur dans l'exécution du contrat de cautionnement et la consécration de la thèse du cautionnement réel-sûreté réelle pure ( en opposition aux arrêts de 2002 ) en accord avec la mouvance législative et jurisprudentielle. On pourrait même dire que l'esprit de la décision s'inspire du projet avant même la réforme. Mais je ne sais pas si ça a clarifié vraiment :oops:

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Citation :

Ca coupe court à toute tentative d'opposition des exceptions au créancier et courcircuite du même coup l'utilité du cautionnement réel puisqu'il était utilisé pour contourner la règle de l'article 1415 Cciv.


ouhla...je n'ai pas compris en quoi le cautionnement réel permet de contourner l'article 1415...
Je pensais qu'au contraire, l'appellation "cautionnement réel" permettait aux époux d'opposer au créancier le défaut de consentement de l'autre afin de se prévaloir de la protection de cet article...

Citation :

Donc plus de rigueur dans l'exécution du contrat de cautionnement et la consécration de la thèse du cautionnement réel-sûreté réelle pure ( en opposition aux arrêts de 2002 )

Oops...J'avais compris que les juges reconsidéraient la caution comme une sûreté personnelle à part entière, et refusaient d'y greffer le mot "réel" afin d'éviter de qualifier de "caution" des sûretés qui s'en rapprochent mais qui n'en sont pas.

Dans cet arrêt, des époux veulent que les juges qualifient le nantissement de titres de "caution réelle", l'un d'eux n'ayant pas donné son consentement, ça permettait de contrecarrer le créancier en se fondant sur 1415, c'est-à-dire un texte qui protège les biens communs en cas de défaut de consentement de l'autre époux.
Les juges auraient pu dire qu'il s'agissait d'un cautionnement réel. Ils l'avaient déjà fait dans d'autres espèces, notamment en 2002.
Là, ils refusent d'accoler à caution le mot "réel" qui serait la porte ouverte à la remise en cause de la parole donnée...
...j'ai compris l'arrêt comme ça...

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de quand date l'arret de la chambre mixte?

jai vu vu le cautionnement réel en le distinguant du cautionnement hypothécaire.
la caution réelle se contente d'affecter un de ses bines à la garantie de la dette du débiteur. la nature juridique du cautionnement réel a fait l'objet de nombresuses polémiques. (voir notamment dans la revue de droit bancaire et financier 2003 p 523 "le cautionnement (ir)réel ou de quelques difficultés pratiques liées à l'émregence de l'engagement personnel de la caution réelle " de F. Sauvage, y a aussi de J François "l'obligation de la caution réelle" Rép.Défrénois 2002 p 1208)
pour certains auteurs, la caution réelle ne s'est pas personnllement engagée, elle n'est tenue que réellement.
dès lors, si le créancier se retourne vers elle, il ne pourra passaisir que le bien affecté en garantie.
pour d'autres,la caution réelle est tenue personnellment à hauteur de la valeur du bien affecté en garantie. le crancier peut donc saisir tous les biens de la caution dans la limite de la valeur du bien considéré.
larret de 2002 (civ1. 15/05/02 ) a opté pour la seconde conception dans le silence des parties.

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master 1 juriste d'enprise

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Citation de gerald :

ouhla...je n'ai pas compris en quoi le cautionnement réel permet de contourner l'article 1415...


Ben, en théorie la loi de 1985 visait à protéger le patrimoine commun des époux. Donc chacun ne peut se porter " caution " que sur ses biens propres, pour éviter que la communauté soit engagée par un cautionnement non désiré par l'un des époux.

En pratique le créancier peut exiger deux dérogations :
- soit l'article 1415 Cciv qui permet au conjoint de " consentir " au cautionnement, donc de renoncer expressément à la protection légale ( là les biens concernés seront les propres de la caution et l'ensemble des biens communs, à l'exception des propres de l'époux consentant )
- soit demander que les époux se portent ensemble personnellement caution, et le créancier le demande souvent.

Du coup si la Cour affirme que le " cautionnement réel " n'est pas une sûreté personnelle mais une sûreté réelle pure, comme l'a affirmé en principe l'arrêt de 2005, il n'y a pas techniquement de " cautionnement " obérant le patrimoine commun. Pas de cautionnement, donc pas d'opposabilité des exceptions au paiement comme le défaut de consentement de l'époux, et l'article 1415 Cciv n'a pas son rôle à jouer puisqu'il ne s'agit pas d'un " cautionnement ou d'un emprunt ". Ca désavantage beaucoup l'autre époux puisqu'on passe outre son consentement.

D'où la période de vide entre décembre 2005 et mars 2006, puisque c'est avec la réforme de 2006 que l'article 1422 Cciv a été complété par une disposition affirmant que les époux ne peuvent l'un sans l'autre affecter un bien de la communauté à la garantie de la dette d'un tiers.

Tu as raison quand tu dis que les juges considèrent la caution comme une sûreté purement personnelle. Ils " remettent " à leur place les différentes sûretés pour les rendre plus efficaces. En jonglant avec la réforme ça donne des solutions bizarres, surtout que les chambres ont qualifié le " cautionnement réel " en 2002 de sûreté réelle mixte pouvant bénéficier des exceptions du cautionnement, comme bonbon l'a justement expliqué.

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merci pour toutes ces précisions...j'ai juste oublié de parler de la réforme avec l'article 1422... :cry:
enfin on verra...

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Aaaah, mais je veux pas te faire stresser, pardonne moi :? :oops: On l'a vu en cours lorsque la réforme est passée, et l'article 1422 Cciv je l'ai vu en faisant des recherches. Tu as donné l'idée principale, comme le disait Olivier dans un autre message tu auras peut-être une bonne surprise.

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SALUT les camarade, comment vous allez?bien jespère! je suis passionné de votre débat sur le cautionnement réel et je voudrait votre soutien. en effet, je suis etudiant en master II recherche en droit privé fondamental à l'université Ouaga2, et j'ai pour thème "LE CAUTIONNEMENT REEL EN DROIT OHADA DES SURETES", mais j'ai des difficulté pour retrouver une documentation sur ce thème je demande votre soutien en ce sens, ci joint mon mail sawadogoalhoussene@yahoo.fr merci d'avance

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SALUT les camarade, comment vous allez?bien jespère! je suis passionné de votre débat sur le cautionnement réel et je voudrait votre soutien. en effet, je suis etudiant en master II recherche en droit privé fondamental à l'université Ouaga2, et j'ai pour thème "LE CAUTIONNEMENT REEL EN DROIT OHADA DES SURETES", mais j'ai des difficulté pour retrouver une documentation sur ce thème je demande votre soutien en ce sens, ci joint mon mail sawadogoalhoussene@yahoo.fr merci d'avance

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Bonsoir,
Le "hic",c'est qu'ici vous êtes sur un site essentiellement français, donc le droit OHADA est assez peu connu dans le coin...
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SALUT je suis d'accord, mais le droit OHADA est essentiellement calqué sur le droit français et ce qui vaut pour le droit français vaut substantiellement pour le droit OHADA, et en plus cela pourrait m'aider à faire davantage du droit comparé si bien sur je reçois la documentation. merci pour la réponse

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Bonjour,
Oui, mais si vous n'avez pas une dcumentation "frappé du sigle" OHADA, elle ne vaudra pas un clou, mêmesi vous expliquez que :
le droit français vaut substantiellement pour le droit OHADA
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Yn Membre VIP

De la difficulté pour trouver de la documentation sur le droit OHADA ? Tout est accessible en ligne, via une recherche google, en trois ou quatre clics tu devrais trouver.

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« Je persiste et je signe ! »

Docteur en droit, Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne.