Erreurs d'un notaire

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Camille Intervenant

Bonjour,

Un notaire commet deux erreurs dans une déclaration de succession, d'une part en omettant une partie de l'actif brut, et, d'autre part, en imputant des frais indus dans le passif brut. Un peu moins de 3 ans plus tard, les héritiers se font redresser. L'Administration fiscale retient leur bonne foi et ne réclame, en plus du principal, que des "intérêts de retard", à l'exclusion donc d'indemnités ou de pénalités.
Les héritiers se retournent contre le notaire en remboursement de ces seuls "intérêts de retard".
Le notaire argue que, malgré ses fautes, il n'y a pas eu préjudice du fait que l'Administration n'a fait que "récupérer" l'enrichissement indu, au profit des héritiers pendant ces presque 3 ans, lié à des sommes qui ne leur appartenaient pas puisque, "virtuellement", elles appartenaient déjà à l'Administration dès le versement des droits de succession.
C'est d'ailleurs bien l'argumentaire de l'Administration fiscale elle-même pour justifier ces fameux "intérêts de retard", qui ne sont pas, semble-t-il, assimilables à une sanction fiscale (confirmé par le Conseil d'Etat).
Argument valable, pas valable ? Comment le contrer ?
Merci pour vos réponses éclairées.

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Salut camille

Citation :

l'Administration n'a fait que "récupérer" l'enrichissement indu


C'est quoi cet enrichissement indu redevable à l'administration fiscale et invoqué par le notaire? Si le notaire avait réglé correctement la succession, les héritiers n'auraient pas eu à payer les intérêts de retard, c'est ça?
Dans ce cas, 1382 cc...

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Camille Intervenant

Bonjour,
Merci pour la réponse.
Très simple. L'administration fiscale considère que les intérêts de retard ne sont pas une sanction fiscale (à ne pas confondre avec les pénalités ou indemnités ou majorations) et qu'ils ne correspond qu'au "prix du temps", au "loyer de l'argent", si on préfère. Si l'administration avait touché l'argent quand elle devait le recevoir, cet argent aurait fait "des petits" pour son propre compte, alors que ne l'ayant touché que plus tardivement, c'est le contribuable qui a bénéficié des "petits" en question, bien que cet argent ne lui appartienne plus "virtuellement". Ce sont ces "petits" (ou du moins une estimation "à la louche" - et même "à la grosse louche"...) qu'elle ne fait que récupérer (en plus du principal, bien sûr). Donc, vu comme ça, il n'y a pas de préjudice.

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Camille Intervenant

Re-Bonjour,
Pour la bonne information, le taux des intérêts de retard, c'est 0,75% par mois, ce qui au bout de 3 ans, voire 4, commence à faire un taux intéressant pour l'administration...

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0,40 %/mois

Quant à l'explication du notaire, c'est juste une pirouette, un petit air qu'il vous joue au flutiau pour vous entrainer au canal ...

Si vous êtes en mesure de prouver qu'il avait tous les éléments pour établir correctement la déclaration, que vous lui avez signifié son erreur et sommé de la rectifier avant le dépôt alors on pourrait considérer qu'il vous cause préjudice et vous doive réparation ....

Mais par ailleurs, la déclaration de succession est signée sous votre responsabilité, et il vous appartenait de la faire modifier avant de la signer.

En tout état de cause, il sera inutile de botter en touche avec le trésor en le revoyant vers la responsabilité présumée du notaire.

Vous êtes le seul redevable des pénalités, et c'est vous ensuite qui éventuellement en chercherez la responsabilité et la prise en charge par le notaire.

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Camille Intervenant

Bonjour,
Exact pour les 0,4% actuellement (taux modifié récemment). A l'époque des faits (et des méfaits...), c'était encore 0,75%.
Les erreurs n'ont été découvertes qu'après le dépôt de la déclaration (je n'entre pas dans tous les détails, mais il s'agissait d'une succession assez complexe).
Ne pas confondre : c'est vrai qu'officiellement, la déclaration de succession est signée officiellement sous la responsabilité des héritiers, mais cette responsabilité, c'est seulement vis-à-vis du fisc. Si c'est le notaire qui rédige, il engage sa responsabilité vis-à-vis des héritiers, pas vis-à-vis du fisc.
C'est pourquoi, comme vous le dites, le Trésor, n'a pas à tenir compte des dérapages du notaire.
Mais ce n'était pas le problème exposé.

L'argumentaire du notaire est le suivant :
Le fait, pour les héritiers, d'avoir conservé une somme de X pendant Y années leur a procuré un avantage financier qu'il fait retrancher du préjudice brut supposé (le montant des intérêts de retard).
Or, cet intérêt de retard "vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales" (Conseil d'Etat 12/04/2002). De là à conclure que l'un compense l' autre...
Et, en tout état de cause, pour que la chose puisse être jugée valablement, les héritiers auraient à fournir tous éléments permettant de juger de l'avantage financier procuré auxdits héritiers par l'erreur ou les erreurs du notaire. Lequel avantage serait à défalquer des intérêts de retard.
Pas mal, non ?
Si on suit son raisonnement jusqu'au bout et qu'il soit démontré que cet avantage financier est supérieur aux intérêts de retard, le notaire va finir par demander une commisssion sur ces gains...

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Citation :

Mais par ailleurs, la déclaration de succession est signée sous votre responsabilité, et il vous appartenait de la faire modifier avant de la signer.

Oui enfin, si on fait appel à un notaire pour régler une succession, c'est qu'on ne connait pas les règles applicables en la matière pour la régler soi-même...donc la seule chose que doit faire le notaire, c'est son boulo, et pas se décharger ensuite...

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eh oui, l'on fait confiance à l'Homme de l'Art. Si bien que l'on écoute plus ou moins distraitement lors des signatures d'actes..Ne trouvez-vous pas qu'il serait judicieux, de la part des Notaires, de proposer un projet d'acte avant signature afin que les personnes soient à même d'y apporter leur réflexion le jour de la dite signature???

En tous cas, pour bien des personnes tout cela est bien compliqué et elles font entièrement confiance. Le fisc veille. Au final l'héritier paiera des frais de succession moult fois payés par les précédents propriétaires au cours des siècles, et se retrouver devant les Magistrats pour tenter de trouver qui a fait quoi demande, très certainement, une énergie colossale, pour peut-être un bien maigre résultat.

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Camille Intervenant

Bonjour,

Citation de gerald :

Citation :

Mais par ailleurs, la déclaration de succession est signée sous votre responsabilité, et il vous appartenait de la faire modifier avant de la signer.

Oui enfin, si on fait appel à un notaire pour régler une succession, c'est qu'on ne connait pas les règles applicables en la matière pour la régler soi-même...donc la seule chose que doit faire le notaire, c'est son boulo, et pas se décharger ensuite...


Entrez dans n'importe quelle étude de notaire et prenez l'un des petits dépliants vantant la profession de notaire, c'est écrit en toutes lettres "Faites confiance à votre notaire", "Confiez-lui tous vos actes importants", "Un vrai professionnel à votre service", etc. etc.
Remarquez, ça fait longtemps que j'ai appris à ne plus croire aux mirages de la pub... :D

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Olivier Intervenant

bon alors ne nous énervons pas...

Le notaire a sans doute commis une erreur mais c'est à VOUS de le prouver, et en tout état de cause sa responsabilité ne pourra être recherchée que pour obtenir dédommagement des sommes que VOUS devez à l'administration fiscale.
La rédaction de la déclaration de succession n'est pas un monopole du notaire, il le fait pour vous rendre service (et je le plains…) ! Ceci dit effectivement le fait que la déclaration soit signée sous votre responsabilité ne vous interdit pas de rechercher celle du notaire rédacteur, mais ne vous dispense pas de régler le fisc pour autant !

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Avant de poster, merci de lire la charte du forum

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Camille Intervenant

Bonjour,

Citation de Olivier :

bon alors ne nous énervons pas...

Tout-à-fait d'accord. Est-ce que j'ai l'air de m'énerver ?[img:16cy5by5]http://smileys.sur-la-toile.com/repository/Zen/zen.gif[/img:16cy5by5]



(Roûhgn' de Diou ! [img:16cy5by5]http://smileys.sur-la-toile.com/repository/M%E9chant/I_ANGR%7E1.GIF[/img:16cy5by5] )



Citation de Olivier :


La rédaction de la déclaration de succession n'est pas un monopole du notaire, il le fait pour vous rendre service (et je le plains…) !

Euh... Vous n'enjolivez pas un peu ? Ou alors, il faudrait considérer que tout professionnel qui fournit une prestation à un particulier le fait pour lui rendre service... Remarquez, vu sous un certain angle, c'est vrai, mais ça ne remet pas en cause sa responsabilité professionnelle quand il commet des erreurs. D'ailleurs, le sujet ne portait pas sur les erreurs elles-mêmes.

Citation de Olivier :


Ceci dit effectivement le fait que la déclaration soit signée sous votre responsabilité ne vous interdit pas de rechercher celle du notaire rédacteur, mais ne vous dispense pas de régler le fisc pour autant !

Je vous rassure, le fisc a été payé depuis belle lurette et dans les temps impartis. C'est depuis ce temps-là que le notaire traîne des pieds...

Citation de Olivier :


sa responsabilité ne pourra être recherchée que pour obtenir dédommagement des sommes que VOUS devez à l'administration fiscale

C'est justement sur ce point que le notaire discute maintenant (après avoir tourné autour du pot pour d'autres raisons trop longues à expliquer)(mais je peux le faire en MP si ça vous intéresse).

Son argumentaire : les héritiers ont récolté un avantage financier en faisant fructifier pour leur propre compte les sommes qu'ils devaient au fisc. Ce gain financier doit donc être retranché des intérêts de retard qu'ils ont payé au fisc.
Comme les intérêts de retard correspondent précisément à l'avantage financier dont le fisc n'a pas pu bénéficier, de là à dire que l'un va compenser l'autre, il n'y a qu'un pas.

Cette façon de présenter les choses et de tourner sa propre erreur à son avantage me choque un peu mais n'est pas illogique.
Alors ? Son argument est-il valable - même s'il est choquant- et, sinon, comment le contrer ?

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Salut,

Camille, j'ai un lien pour toi. ça parle de la responsabilité des notaires. ça pourra peut-être t'aider:
http://perso.orange.fr/carole.gouye/notaire.htm

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Camille Intervenant

Merci Gérald,
Mais j'ai trouvé bien d'autres liens similaires.
La Chambre Départementale a depuis longtemps "botté en touche" en prétendant ne pas être concernée et qu'il fallait continuer à discuter avec le notaire. D'autant qu'il n'est pas dans l'idée des héritiers de faire sanctionner le notaire par une mesure disciplinaire, mais de seulement se faire rembourser les intérêts de retard par le notaire.
Tout le problème est : avant d'engager la responsabilité du notaire, encore faut-il qu'il y ait préjudice. Ici, le notaire ne discute pas - pour le moment - de sa responsabilité, mais de l'existence même d'un préjudice chiffrable.
Si "gain financier du fait de l'erreur du notaire" - "intérêts de retard du fisc" = 0, où est le préjudice ? Selon son argumentaire...

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Camille Intervenant

Bonjour,

Citation de ceanothe :

eh oui, l'on fait confiance à l'Homme de l'Art. Si bien que l'on écoute plus ou moins distraitement lors des signatures d'actes..Ne trouvez-vous pas qu'il serait judicieux, de la part des Notaires, de proposer un projet d'acte avant signature afin que les personnes soient à même d'y apporter leur réflexion le jour de la dite signature???

Je dirais que les erreurs commises ici n'étaient pas évidentes à détecter, mais elles auraient quand même dû l'être par un notaire attentif. Très difficilement décelables par quelqu'un qui n'est pas du métier (et, à l'époque, j'en savais beaucoup moins que maintenant).

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Je ne vois pas d'autres fondements que celui de l'article 1382 du code civil, sur la responsabilité du fait personnel.
Il y a clairement eu une faute du notaire qui n'a pas fait correctement le réglement de la succession, mais ça ne suffit pas. Il faut, comme il (le notaire) l'a dit prouver le lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Pour cela, il faut reprendre les chiffres de la succession si celle-ci avait été correctement réglée, et voir si les intérêts de retard dûs à l'administration vous ont fait perdre de l'argent, c'est à dire si le taux appliqué par l'administration est supérieur à celui d'une banque qui le fait fructifier...

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Camille Intervenant

Bonjour,
OK, mais, si ce raisonnement est valide, laisse-t-il sous-entendre que les héritiers doivent présenter des éléments de nature à permettre à la cour d'apprécier l'avantage financier ou alors est-ce à la cour de se dépatouiller toute seule pour l'estimation ?
Parce que, déjà, le gain financier brut sera difficile à évaluer, vu que ladite somme était "noyée" dans le reste d'un portefeuille. Sur quelles bases faire ce calcul ? Le taux légal ? L'évolution du CAC40 ? Le taux du Livret A ? Une moyenne statistique des taux servis par les banques, tous supports confondus et tous frais déduits ?

Ensuite, il faudra en déduire l'impact de ces gains sur les impôts sur le revenu et l'impact de l'excédent de patrimoine sur les ISF.
En tout état de cause, il sera difficile, pour les héritiers, de prétendre que, globalement, le gain financier net serait nul…
Situation d'autant plus paradoxale que, finalement, le notaire table, si on lit entre les lignes, sur l'habileté des héritiers à avoir judicieusement placé cet argent. Meilleurs auront été leurs placements, moins le notaire subira les conséquences de ses erreurs. Un peu fort de café quelque part, non ?

A la limite, si on pousse le bouchon un peu loin, mais en sens inverse - qui prouve que ladite somme n'a pas, comme par hasard, servi justement à des placements malheureux et que le gain est nul sinon négatif ? :))

Donc, qui doit prouver quoi ? Les héritiers, qu'il n'y a pas eu enrichissement ou le notaire, qu'il y a eu enrichissement ?
Comment une cour peut-elle juger sur la base d'un hypothétique enrichissement, sans pouvoir vérifier s'il a eu lieu ou pas ?

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Bonjour,

Ouais c'est compliqué...parce que dans ce cas, le préjudice dépendrait de l'opération effectuée par les héritiers. ça colle pas! Allez lui dire à votre notaire!
;)

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Camille Intervenant

Bonjour,

Citation de gerald :


Ouais c'est compliqué...parce que dans ce cas, le préjudice dépendrait de l'opération effectuée par les héritiers. ça colle pas!
;)

C'est, à mon avis, exactement ça qu'il cherche à faire valoir.

En fait, c'est un petit peu plus subtil...

Le notaire se réfère à l'arrêt de la Cour de Cassation suivant (Civ1, 15 février 2005). Extrait :
Citation :


Cour de Cassation Chambre civile 1
Audience publique du 15 février 2005 Cassation
N° de pourvoi : 03-12273 Inédit
(…)

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que Maxime C... est décédé le 2 février 1992, ne laissant aucun enfant à sa survivance et en l'état d'un testament olographe instituant comme légataires à titre universel Mme X... et Maurice Y..., ce dernier décédé le 24 mai 1992 laissant comme héritières Mme Solange Y... épouse Z... et Mme Danielle Y... épouse A... ; que M. B..., notaire, a été chargé du règlement de la succession ; que, lui reprochant d'avoir tardé à déposer la déclaration de succession, Mmes Z... et A... l'ont assigné en paiement d'une somme équivalente aux intérêts de retard réclamés par l'administration fiscale ;

Attendu qu'après avoir retenu que M. B... avait commis une faute en ayant attendu le 30 avril 1997 pour déposer la déclaration de succession, cependant qu'il disposait des éléments pour ce faire depuis le début de l'année 1995, l'arrêt attaqué, pour fixer le préjudice de Mmes Z... et A... au montant des intérêts de retard réclamés par l'administration fiscale, a considéré que si le notaire avait fait diligence en déposant la déclaration de succession au début de l'année 1995 ses clientes n'auraient pas payé des intérêts de retard sur les sommes provenant de la succession qu'elles n'avaient perçues qu'au dernier trimestre de l'année 1997 et qu'elles n'avaient donc pu faire fructifier avant cette date ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions de M. B..., si Mmes Z... et A..., en conservant dans leur patrimoine le montant des droits de succession dont elles étaient redevables sur leurs biens personnels à compter de leur exigibilité, n'en avait pas retiré un avantage financier de nature à venir en compensation, fût-ce partiellement, avec les intérêts de retard réclamés par l'administration fiscale, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le surplus des griefs ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 janvier 2003
(…)




Si j'analyse correctement cet arrêt, il est bien reproché à la cour d'appel, d'avoir considéré les intérêts de retard comme formant le préjudice "brut de fonderie", sans rechercher si la faute du notaire n'avait pas, en contrepartie, bénéficié au moins partiellement aux héritiers.

Et, sans avoir encore cherché très loin, puisque c'est la même cour et à la même date, j'ai trouvé un deuxième arrêt qui semble aller dans le même sens (sauf que, ce coup-ci, il ne tourne pas à l'avantage du notaire) et que je résume pour alléger, mais qu'on peut consulter dans son intégralité sur Legifrance :

Citation :


Cour de Cassation Chambre civile 1
Audience publique du 15 février 2005 Rejet
N° de pourvoi : 03-10835 Inédit
(…)
Sur les deux moyens, réunis :

Attendu que, dans le cadre du partage des biens indivis que les consorts A... avaient reçus en donation-partage selon un acte qu'il avait antérieurement dressé, M. X..., notaire, a établi, concomitamment à l'acte de partage, quatre actes par lesquels les co-indivisaires se sont réciproquement cédé des parts qu'ils détenaient dans des sociétés civiles immobilières ;
que les consorts A... ayant dû acquitter des redressements fiscaux au titre des plus-values immobilières réalisées, ils ont recherché la responsabilité civile de la SCP B… et X... sur le fondement d'un manquement au devoir de conseil et d'information ;

Attendu que la SCP B… et X... fait grief à l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 novembre 2002) de l'avoir déclarée responsable à hauteur des trois-quarts du préjudice subi par les consorts A... à la suite des cessions intervenues et de l'avoir condamnée à payer à chacun d'eux, à titre de réparation, les trois-quarts des plus-values, intérêts et pénalités effectivement payés à la suite desdites cessions, outre les intérêts légaux à compter de la date du paiement,
(…)

Alors selon le moyen :
(…)
2 / que le propre de la responsabilité étant de remettre les parties dans l'état où elles se seraient trouvées si la faute n'avait pas été commise, sans qu'il en résulte pour la victime ni perte ni profit, en mettant à la charge du notaire le montant de l'imposition due sur les plus-values payé par les consorts A..., sans préciser suivant quel régime fiscal ils auraient pu échapper à cette imposition, la cour d'appel aurait enrichi ceux-ci qui, tout en demeurant propriétaires des parts sociales, se trouvaient déchargés de l'imposition prévue par la loi en cas de vente de ces parts et aurait ainsi violé l'article 1382 du Code civil ;
(…)
4 / que la SCP notariale ayant fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que certaines des plus-values dont les consorts A... demandaient à être indemnisés, étaient étrangères aux biens cédés par les actes établis par le notaire, la cour d'appel, qui devait trancher le litige dont elle était saisie, en la condamnant "à payer à chacun des consorts A..., à titre de réparation, les trois-quarts des plus-values, intérêts et pénalités effectivement payés à la suite des cessions intervenues", sans évaluer le montant de ce préjudice, a entaché sa décision d'un déni de justice en violation de l'article 4 du Code civil ;


Mais attendu
(…)
qu'ayant ainsi caractérisé la faute commise par le notaire qui s'était borné à rappeler l'obligation de déclaration à l'administration fiscale des plus-values, évoquées comme susceptibles d'avoir été réalisées, sans même en indiquer l'ordre de grandeur, non plus que celui de l'imposition corrélative, et ayant relevé que, sans cette faute, les cessions litigieuses ne seraient pas intervenues, ce dont il résultait que ni la taxation ni les intérêts et majorations n'auraient été appliqués, la cour d'appel, qui n'a fait que réparer, dans la proportion qu'elle a souverainement appréciée, le préjudice subi par les consorts A..., découlant du paiement de cette imposition, afférente à ces seules cessions, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCP B… et X... aux dépens ;




Arrêt qui semble confirmer quand même qu'on ne peut pas s'en tenir qu'aux seuls intérêts de retard pour déterminer le préjudice réellement subi et que c'est bien à la cour d'appel qu'il revient d'apprécier "souverainement" la proportion, à savoir ici les trois-quarts du préjudice "brut".

Donc, en résumé :

Préjudice brut (résultant de l'erreur du notaire) = intérêts de retard payés au fisc
Avantage financier (résultant de l'erreur du notaire) = à déterminer (ici ¼ du préjudice brut)
Préjudice net = Préjudice brut – Avantage financier = reste à la charge du notaire (ici ¾ du préjudice brut)

Ce que voudrait sûrement démontrer le notaire, c'est :
Avantage financier (résultant de l'erreur du notaire) = Préjudice brut
Préjudice net = Préjudice brut – Avantage financier = Préjudice brut - Préjudice brut = 0... :))

Citation de gerald :


Allez lui dire à votre notaire!
;)

Euh... depuis quelques temps, les relations se limitent aux échanges... épistolaires.. :))
Pensez ! D'ici que le notaire démontre que, tous calculs faits, les héritiers ont gagné plus que les intérêts de retard, il serait peut-être capable de réclamer une commission sur les gains ! :D

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Au regard de ces arrêts, il semble que les juges sanctionnent prioritairement le manquement au devoir de conseil et de renseignement du notaire.
Pour ce qui est de son erreur ayant entraîné le versement d'intérêts de retard à l'administration fiscale, il faut montrer que ces intérêts de retard vous ont causé un préjudice...donc si vous avez planqué initialement l'argent dans un coffre enterré dans le jardin sans l'avoir fait fructifié en banque, vous pourrez démontrer le préjudice :)
C'te logique! :wink:

Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,
Donc, si je comprends bien, il faudrait produire devant la Cour la pelle et la pioche ayant servi à enterrer puis à déterrer le coffre-fort ainsi que, bien sur, ledit coffre oxydé et rouillé par un long séjour dans la terre, avec quelques morceaux de billets restés collés à l'intérieur ? :roll:
Est-ce qu'il faut aussi produire une analyse de la terre ?


Post-scriptum à l'attention de Monsieur l'Administrateur de ce site.
Dans quel forum pourrais-je poster une petite annonce ?
Je recherche un coffre-fort très vieux, très oxydé avec beaucoup de rouille partout, comme s'il avait séjourné longtemps dans la terre. Je n'ai ni besoin que le mécanisme de fermeture soit en état ni même de la clef ou du code, du moment qu'il serait livré portillon ouvert... S'il grince lamentablement quand on agit dessus, ce serait encore mieux... :D

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Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,
Quelques nouvelles de mon histoire, passée au TGI…
Les notaires successeurs ont mis été hors de cause. Un office notarial n'est pas doté de la personnalité morale. Ainsi, le notaire qui succède à un autre notaire ne peut être rendu responsable des fautes commises par celui-ci.

Les fautes du défunt notaire ont, elles, été reconnues.
Donc, de ce côté-là, "va bene"…

Côté préjudice…
"En l’absence de pièce à l’appui de leurs affirmations, les demandeurs ne justifient pas du préjudice financier allégué dans la mesure où ils ont disposé pendant quatre ans de la somme représentant le montant des droits complémentaires qui étaient dus en 1999, et où lesdits droits n’ont été assortis que des intérêts de retard à l’exclusion de toute pénalité, lesquels ont, de surcroît, fait l’objet d’une remise partielle. En conséquence, il y a lieu de les débouter de ce chef de demande."
En réalité, quelques documents produits mais manifestement insuffisants. On en reste d'ailleurs à se demander quels documents probants auraient pu être produits, le tribunal ne donnant aucune piste sur ce point Bien évidemment, la somme correspondant aux droits supplémentaires (révélés 4 ans plus tard) n'a pas été placée sur un compte rémunéré, somme laissée tranquillement à faire des petits pendant la durée nécessaire pour pouvoir déterminer avec certitude combien elle avait réellement rapporté. Et si les demandeurs avaient été du genre à mettre l'argent dans un coffre et à l'enterrer au fond du jardin ?

Comment déterminer combien peut rapporter une somme de 100 euros au bout de 4 ans, à supooser que moi, Camille, je dispose d'un patrimoine comprenant un livret A à la Caisse d'Epargne, un compte sur livret au Crédit Agricole, un PEA à la Banque Populaire, un ou deux portefeuilles d'actions à la Banque Rotschild, un pavillon de 25 pièces avec piscine olympique au Vésinet, un château de 20 hectares sur les bords de Loire, un yacht dans la baie de Cannes, deux ou trois Rolls et un Boeing 747 ? (bon, j'exagère un tout petit peu…)(surtout que le Boeing 747 me coûte plus qu'il ne me rapporte, mais enfin bon…)(je vous dis pas quand je passe à la pompe…).

Donc, reste une somme (raisonnable, semble-t-il, mais sans aucun rapport avec le montant des intérêts de retard) au titre de l'article 700 du NCPC et une somme similaire pour préjudice moral : tracas et soucis (même remarque…).

Bref, ma première réaction : le tribunal a "botté en touche". La preuve n'a pas été suffisamment faite que les demandeurs n'avaient pas gagné beaucoup moins que les 9% l'an des intérêts de retard.
Ce qui, de toute façon, serait une démonstration par l'absurde puisque aucun document ne permettra jamais de démontrer qu'on n'a pas pu "gagner plus que" dans les documents que l'on présente, mais au contraire qu'on n'a pas pu "gagner moins que" (à moins de faire une analyse exhaustive du patrimoine initial, du patrimoine final, en tenant compte des évolutions du périmètre patrimonial au fil des années. Autant dire, un travail de romains).

Si moi, Camille, je montre que j'ai fait mieux ou moins bien que le CAC40, rien ne prouve que je n'ai pas fait encore mieux et il me semble un peu "fort de café" d'admettre que c'est grâce à mon habileté dans la gestion de cette somme que la faute du notaire s'en trouverait, dans le fond, très diminuée dans ses conséquences…
Autrement dit, un tribunal me demanderait d'amener des documents qui tendraient à démonter que le notaire me doit moins que ce que je réclame, le tout grâce à moi !
A l'inverse, cela signifierait-il que, me croyant propriétaire de cette somme, l'ayant si mal placée que ça m'en a coûté plus cher que si je ne l'avais pas eue, ce serait le notaire qui en serait responsable ???
En réalité, c'est absurde. Parce que lui ne peut pas être tenu pour responsable de mes erreurs de gestion de cette somme.


Mais, en réalité, je me demande plutôt, en jouant les "avocats du diable", si le jugement n'a pas un sens différent : les intérêts de retard ne sont que la compensation du préjudice subi par le Trésor pour avoir reçu une certaine somme en retard. Ils n'ont, le Conseil d'Etat l'a rappelé, ni le caractère d'une sanction ni le caractère d'une pénalité. Ils n'ont pour objet que de compenser "l'usure du temps". Autrement dit, le fait de payer quatre ans plus tard une somme due quatre ans plus tôt et donc, à la clé, un intérêt qui compense "l'usure du temps", ce dernier n'aurait pas la nature d'un préjudice pour celui qui la paie, que l'erreur soit de son fait ou non. Autrement dit, on paierait la même somme "à euros constants", en quelque sorte.
Dans cette interprétation, le notaire aurait bien commis des erreurs, mais des erreurs sans conséquences matérielles, au sens que les impôts donnent à "intérêts de retard".

Sinon, comment comprendre " où lesdits droits n’ont été assortis [u:j0z8dh8n]que[/u:j0z8dh8n] des intérêts de retard [u:j0z8dh8n]à l’exclusion de toute pénalité[/u:j0z8dh8n], lesquels ont, de [u:j0z8dh8n]surcroît[/u:j0z8dh8n], fait l’objet d’une remise partielle." ?
Autrement dit, les choses eussent été différentes si nous avions été assujettis à des pénalités ou des sanctions.
Le notaire serait alors , à l'évidence, redevable de l'intégralité des pénalités ou des sanctions.

Et même, traduction façon Camille : "De quoi vous plaignez-vous, M'sieu dames ? Vous "croyez" avoir subi un préjudice, alors qu'en fait, il n'en est rien. Vous n'avez même pas payé la totalité des intérêts de retard que vous auriez normalement dû payer, alors que demande le peuple ?".

Vu différemment : vous achetez un véhicule neuf à un garagiste. Quatre ans plus tard, vous constatez que vous payez votre essence deux fois plus cher à la pompe. Vous ne pouvez pas rendre votre garagiste responsable de ce fait sous prétexte qu'il aurait dû vous conseiller d'acheter un camion-citerne rempli d'essence pour éviter l'augmentation des prix au fil des années.

Le plus étonnant, c'est que j'ai pas mal d'arrêts de cassation sur les fautes d'un notaire dans des cas similaires, mais qui ne donnent pas de solution quand à l'évaluation du préjudice lui-même puisque la cour se contente de remettre" en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt".
Je suppose donc que tout se joue "au tour d'après" mais je n'en ai pas les traces…

Que penser de tout ça ?

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