Elargissement de la saisine du Conseil Constitutionnel

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ça m'étonne qu'on en ait pas encore parlé ici, donc je me lance :)

Depuis la loi du 23 juillet 2008, le Conseil Constitutionnel peut être saisi par la Cour de Cassation, ou le Conseil d'Etat.

Un nouvel alinéa a été rajouté à l'article 61, que je cite :

Citation :

Art. 61-1.- [Entrée en vigueur dans les conditions fixées par les lois et lois organiques nécessaires à leur application (article 46-I de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008)] Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article.


Pour un peu plus d'informations (ou de rafraîchissement) :

Citation :

Le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de la République, le Premier ministre ou le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat. Depuis 1974, il peut aussi être saisi par 60 sénateurs ou 60 députés (cf. art. 61 de la Constitution de 1958). Toutefois, à l'occasion de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, un article 61-1 ainsi rédigé a été inséré à la suite de l'article 61:

"Art. 61-1.-Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé."

Pour vérifier de la constitutionnalité d'une loi, le Conseil constitutionnel doit être saisi après le vote de la loi par le Parlement mais avant la promulgation par le Président de la République. Pour connaître de la constitutionnalité des traités, le Conseil est saisi après la signature du traité, mais avant la ratification de celui-ci. Dans tous les cas, il ne peut pas être saisi directement par les justiciables au cours d'un procès par voie de question préjudicielle, contrairement par exemple à la Cour Suprême des États-Unis d'Amérique ou le Tribunal Constitutionnel Fédéral en Allemagne (Il est désormais possible au citoyen de le faire indirectement, via le Conseil d'état ou la Cour de cassation. voir Article 61-1 de la constitution ci-dessus). Les réformes en ce sens ont toutes été abandonnées et le précédent président, Pierre Mazeaud, a publiquement précisé qu'il était défavorable à une telle réforme.

La saisine par le simple citoyen du Conseil constitutionnel a été évoquée le 14 juillet 1989 par le président de la République François Mitterrand. Cependant, le Projet de loi constitutionnelle n° 1203 portant révision des articles 61, 62 et 63 de la Constitution et instituant un contrôle de constitutionnalité des lois par voie d'exception déposé à l'Assemblée nationale le 30 mars 1990 n'a pas été adopté au Sénat. L'objectif de ce projet était d'ouvrir à toute personne la possibilité de contester, par voie d'exception à l'occasion d'une procédure juridictionnelle, la constitutionnalité de dispositions de lois, dès lors que ces dispositions porteraient atteinte à ses droits fondamentaux. Par ailleurs, cette réforme aurait entraîné la perspective d'une annulation de lois déclarées inconstitutionnelles a posteriori, c'est-à-dire après leur entrée en vigueur.

Toutefois le Conseil n'a pas besoin d'être saisi lorsqu'il s'agit d'une loi organique ou du règlement d'une assemblée parlementaire car il les contrôle obligatoirement, comme cela est prévu par les articles 46 et 61 (1er alinéa) de la Constitution.



Pierre Mazeaud était complètement contre cet élargissement.
Mais on a pas attendu longtemps après son départ pour mettre en place une réforme constitutionnelle :D

Et vous alors ? Vous en pensez quoi ?

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Dans le fond, je suis personnellement contre. Pourquoi ? Car dès que l'on donne un moyen quelconque aux hommes, ceux-ci ne savent pas l'utiliser savamment ni avec parcimonie. Ainsi donner le pouvoir aux particuliers de soulever une inconstitutionnalité pour leur cas ouvre la potentialité à une multitude de recours pas toujours bien fondés et à la va-vite.
Je pense que le contrôle a priori remplit son office, puisque comme pour la population, l'élargissement aux 60 députés/sénateurs a gavé les oppositions successives comme moyen de pression, de retard etc. pour une loi qui ne leur plaisait pas, mais au moins c'était avant qu'elle entre en vigueur.

Est-ce que l'inconstitutionnalité pourra être invoquée dans les moyens par le demandeur au pourvoi ? Dans ce cas-là, les juges de cassation vont devoir se battre avec des moyens tirés par les cheveux dans pas mal de cas, le temps étant ce qu'il est.
Si en revanche seules les deux juridictions suprêmes elles-mêmes, de leur propre chef trouvent une possible inconstitutionnalité dans une situation particulière, et non sur demande d'une partie, accordée par ladite juridiction, alors ce contrôle a posteriori est un contrôle a posteriori déjà plus satisfaisant, les juges ici nommés étant capables, je pense, d'utiliser a bon escient ce moyen.

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Master Droit public des affaires Lyon 3

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Mao

En même temps, si on n'accorde pas assez de droits directs aux citoyens, est-ce que ça risque pas de saper encore plus la démocratie?
Je sais qu'il y a bien des combats à faire en matière d'"éducation" (juridique, plus largement politique) citoyenne, en matière d'information et surtout de désinformations (pouvoir médiatique toussa). Mais si on ne permet pas dans les Institutions un possible recours pour les citoyens, c'est rester dans l'exception française et accepter un système qui se pratique aussi largement au niveau de l'Europe. La technocratie européenne et l'ENArchie française quoi...
Je suis peut être un peu naïf mais la saisine du CC par les citoyens pourrait être une bonne chose. A vérifier en pratique en somme.
Et puis j'éprouve un certain amour pour la Constitution de 1793 C'est cette date je crois[/orange]:oops: [/color]

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" Oderint dum probent. "

Brestois expatrié à Lyon

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Personnellement, je suis contre aussi (bon, je sais, c'est trop tard pour être contre, mais je n'adhère pas trop à l'idée). En fait, pourquoi donner l'occasion à la Cour de Cassation et au Conseil d'Etat de venir même de saisir le Conseil Constitutionnel ?

Le pouvoir législatif appartient au Parlement, alors je pense qu'il est logique que des parlementaires (députés, sénateurs) puissent saisir le Conseil Constit lors de doutes sur la constitutionnalité de la loi en question. Mais le fait de donner à la Cour de Cassation et au Conseil d'Etat le pouvoir de saisine me laisse perplexe, pour plusieurs raisons :

-d'un côté, je trouve que ça entraînerai un certain "rabais" du Parlement même, car une loi aurait été votée et promulguée, sans que ceux-ci ne "s'en aperçoivent" et une haute juridiction s'en est aperçue elle !

-deuxio : une demande par une juridiction (aussi suprême soit-elle) de juger la constitutionnalité de la loi entraîne aussi un déclin de celle-ci. En effet, après la Constitution, la loi est la norme suprême, et pouvoir remettre en question une loi, encore plus, sa constitutionnalité, ça entraînera une chute de la "valeur" de celle-ci.

-tertio : le Conseil Constit juge la constitutionnalité de la loi, pas si elle a été correctement appliquée ou pas, ce n'est pas son rôle. Le conseil constitutionnel est une institution solennelle, élargir sa saisine à des hautes juridictions, et peut-être un jour, à des individuels tendrait à faciliter son accès, et donc, un déclin de celle-ci !

Un accès trop facile tend à rendre une juridiction moins importante, moins solennelle à mon avis.

En fait, le Conseil Constitutionnel c'est comme une fille : c'est chouette quand ça se fait désirer, on a l'impression qu'elle est inaccessible et c'est là que réside tout le challenge, mais une fois qu'elle cède, on s'en fiche presque et elle perd de tout son pouvoir !

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Je n'ai jamais été fan du conseil constitutionnel et ce pour différentes raisons.

Tout d'abord la nomination purement politique et le poste de droit accordé au Président de la République. Lorsqu'on nomme des types, on s'assure systématiquement de leurs opinions.
2 exemple à ce niveau:
-Lorsqu'en 1962, De Gaulle organise le référundum pour le passage eu suffrage universel direct de l'élection du Président de la République, le conseil constitutionnel et son Président le premier declare celui-ci conforme à la constitution. Ils sont peu nombreux les constitutionnalistes à considérer ce référundum comme constitutionnel à l'époque, et beaucoup évoque l'ascendant considérable qu'exercait De Gaulle sur un Léon Noel qui n'a probablement pas eu le cran de contredire le Général.
-La rétention de sûreté, où un conseil constitutionnel de droite va élaborer une solution extrement bancal pour valider cette mesure en partie. D'un coté il nie le caractère repressive de la mesure, mais d'un autre coté y reconnait une privation de liberté justifiant la non retroactivité. Un peu etrange, si on voulait sauver ce texte malgré une unimité contre lui on n'aurait pas fait différement.

Ensuite, chaque juge à l'instar des Etats-Unies devrait étre juge de la constitutionnalité des lois. Ce sytème fonctionne parfaitement aux Etats-Unis. On peut m'objecter bien sur que la Cour Suprême est nommée par le Président, et c'est vrai. C'est une tare de cette juriditiction suprême. Lorsque les juges sont nommés par des démocrates, les juges sont plus soucieux des libertés individuelles et de l'évolution des moeurs, lorsqu'il s'agit de juges élus par les républicains, c'est beaucoup plus lent principalement sur l'évolution des moeurs. Par une nomination interne on éviterait que l'interprétation de la constitution soit fonction du Président en place.
Ensuite, chaque juge est juge de la conventionnalité des lois. A part le texte de la constitution aucune logique rationnelle ne permet de justifier cet état de fait. Le juge peut considérer qu'un acte ou qu'une loi ne respecte pas le droit communautaire et ainsi faire annuler toute décision prise en vertu de cette acte ou de cette loi, pourquoi ne le pourrait'il pas concernant le respect de la loi ou de l'acte à la constitution?

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"....durant les années en cause, ladite commune invitait les promoteurs immobiliers sollicitant des autorisations d'urbanisme à effectuer des contributions volontaires aux finances locales ainsi que les poursuites dont le maire a fait l'objet pour ces faits; ... justifiant suffisamment que la dépense litigieuse a été faite dans l'intérét de la société et peut, dès lors être déduite de ses résultats imposables..." CE 24/05/2006 "M. Genestar"