Dispense d'un commun accord du préavis et assedic

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Bonjour,

Le cas d'espèce que je vais ici évoquer semble inédit et appelle donc à réflexion sur la question du point de départ du versement du revenu de remplacement lorsqu'un salarié, licencié par son employeur pour un autre motif qu'une faute grave, renonce d'un commun accord avec l'entreprise, à l'exécution du préavis.

La jurisprudence en vigueur de la Cour de Cassation sur l'interprètation à donner de l'ancien article L122-8 du Code du Travail, édicte que le renoncement d'un commun accord à l'exécution du préavis, fixe la date de fin du contrat de travail à la date de départ de l'entreprise qui précède le délai-congé.

Cette même jurisprudence fixe par ailleurs que le renoncement d'un commun accord à l'exécution du délai-congé, ne laisse ni l'employeur, ni le salarié, débiteurs l'un envers l'autre du préavis.

Le code du travail (ancien article L351-1) retient que les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail, et recherchant activement un nouvel emploi, ont droit au revenu de remplacement.

Le règlement UNEDIC fixe quant à lui que sont considérées comment étant "involontairement privées d'emploi" les personnes dont "la rupture" du contrat de travail résulte d'un licenciement.

Ce même règlement fixe également que le revenu de remplacement est versé à la fin du contrat de travail.

Ce ne quoi, en application de la jurisprudence et des dispositions précitées, l'ASSEDIC ne peut opposer que le revenu de remplacement sera versé au salarié dans l'attente du versement par l'employeur de l'indemnité compensatrice de préavis.

Or, en l'espèce, l'ASSEDIC retient jusqu'à présent cette thèse en se défendant notamment que l'inobservation du préavis n'a pas pour but d'avancer la date à laquelle le contrat prend fin (sous entendu la fin théorique du préavis).

Une juridiction de première instance a d'ailleurs débouté l'ASSEDIC de cette interprètation, en se limitant à retenir ce que disent le droit en la matière et l'interprètation de ce droit par la jurisprudence de la Cour de Cassation, ainsi que ce qu'énonce la règlementation UNEDIC.

La juridiction d'appel a quant à elle fait droit au versement différé du revenu de remplacement en retenant que même si la privation d'emploi est involontaire du fait du licenciement, la privation de revenu qui était celle résultant du droit au préavis, est volontaire.

L'affaire a fait l'objet d'un pourvoi en cassation dont le moyen unique de cassation présenté a été de dire, qu'il ne peut y avoir confusion faite entre privation involontaire d'emploi résultant d'un licenciement et privation volontaire d'indemnité compensatrice de préavis résultant de la renonciation d'un commun accord à l'exécution du préavis.

Le conseiller rapporteur désigné au pourvoi résume le dossier à la question suivante à poser à la Cour : "Cette affaire revient dès lors à dire, si le salarié qui renonce au paiement de sommes que l'employeur était tenu de lui verser, peut réclamer de la collectivité des assurés sociaux la prise en charge de ces sommes"

L'avocat général désigné au pourvoi émet l'avis suivant : « Je conviens que l’on peut disserter à l’infini sur le sens qu’il convient de donner à la notion de privation involontaire d’emploi prévue à l’article L351-1 du Code du Travail. Même si le doute est permis, il m’apparaît possible de considérer que, en l’espèce, l’intéressé se trouvait dans cette situation. En outre, accueillir le pourvoi reviendrait, me semble t-il, à admettre la régularité de la substitution d’un débiteur à un autre, le premier devant s’acquitter avec des deniers publics. Je suis au rejet »

Or, et ce sont les magistrats de la Cour de Cassation qui devront trancher, le conseiller rapporteur comme l'avocat général semblent ensemble occulter la propre jurisprudence de la Cour de Cassation fixant que lorsqu'il y a renoncement d'un commun accord à l'exécution du préavis, le salarié et l'employeur ne sont plus débiteurs l'un envers l'autre du préavis.
Comment dès lors retenir la notion de "substitution de débiteurs" lorsque les intéressés ne sont eux-mêmes plus débiteurs l'un envers l'autre des sommes afférant au préavis.
Comment encore retenir que la collectivité des assurés sociaux supporterait les sommes (indemnité compensatrice de préavis) que l'employeur aurait prétendument été tenu de verser (alors qu'il y a constation de renoncement d'un commun accord à l'exécution du préavis)

Une telle interprètation ne créee t-elle pas un mélange des genres entre les nature juridique et montants différents des sommes afférant à l'indemnité compensatrice de préavis (laquelle, selon l'ancien art L122-8 du Code du Travail, ne doit faire perdre au salarié aucun des salaire et avantages qu'il aurait reçus s'il avait accompli son préavis) et le revenu de replacement qui n'a pour vocation que d'indemniser la perte involontaire d'emploi sur une base de calcul qui n'est pas du tout celle de l'indemnité compensatrice de préavis.

En conclusion, le salarié qui fait lui-même les frais de la perte des salaire et avantages qu'il aurait perçus s'il avait accompli son préavis, peut-il être en même temps considéré comme faisant supporter à la collectivité son droit de revendiquer un revenu de remplacement de son seul licenciement, droit bien entendu avancé de la durée de non exécution du préavis (le nombre maximum de jours indemnisables restant quant à lui inchangé, puisque subordonné à une exigence préalable de durée de cotisations au régime avant la rupture du contrat de travail.

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Le droit, rien que le droit.

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Camille Intervenant

Bonjour,
N'y a-t-il pas un mix entre deux situations différentes ?
- Dispense d'effectuer le préavis mais préavis payé quand même. Dans ce cas, la fin de contrat est réputée intervenir à la fin du délai de préavis. De toute façon, l'ASSEDIC calcule la période de carence en fonction de "ce qu'on touche en plus", moyennant un savant calcul et quelques exceptions, ce qui reviendrait au même ;
- Dispense d'effectuer le préavis et mois correspondant au préavis non payés non plus. Dans ce cas, selon moi, l'ASSEDIC n'a pas à en tenir compte.

C'est un peu curieux, votre problème, parce que de mémoire le questionnaire ASSEDIC qu'il faut remplir ne discerne pas clairement la période de préavis.
On ne fait que lister tout ce qui a été versé en distinguant seulement la partie salaires versés de telle date à telle date et la partie indemnités, mais sans mentionner si le préavis a été effectué ou pas, il me semble.

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Hors Concours

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Non Camille, le problème soulevé à ma discussion n'est pas celui de savoir si le questionnaire ASSEDIC demande ou non si le préavis a été exécuté ou non.

La problème est celui d'analyser en droit si, comme vous le soulignez à bon escient, par l'absence de versement d'une indemnité compensatrice de préavis (auquel ni le salarié, nil l'employeur ne pouvaient se prévaloir du fait d'un renoncement d'un commun accord à l'exécution dudit préavis), l'ASSEDIC peut quand même opposer que la fin du contrat de travail reste celle de la fin théorique du préavis, pour fixer qu'à compter de cette dernière date, le point de départ du versement du revenu de remplacement.

Par l'analyse de la jurisprudence en vigueur en la matière (notions de date de fin de contrat de travail en cas de renoncement d'un commun accord au préavis ; d'obligation ou pas, en l'espèce, de payer l'indemnité compensatrice de préavis ?) partant de l'interprètation faite de l'art L122-8 du Code du Travail, puis des interprètations de l'art L351-1 du C.T. et règlement d'assurance chômage, la réponse semble être : NON.

C'est la Cour de Cassation qui tranchera par un arrêt attendu d'ici la fin du mois.

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Le droit, rien que le droit.

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Bonjour,
il me semble que votre question rejoint celle ci:

http://www.juristudiant.com/forum/viewtopic.php?t=7626

si c'est la cas, la réponse est que le point de départ pour l'ouverture du droit aux ASSEDIC c'est la fin du préavis, exécuté ou non (en fait le terme de "départ" est à entendre au sens large: le salarié qui n'effectue pas son préavis payé, est déjà parti, physiquement de l'entreprise, mais est toujours lié à celle ci).

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L'arrêt Cass.soc a été rendu le 26 Juin 2008 et publié au bulletin.
Il s'agit du pourvoi N° 07-15478

Cet arrêt mérite d'être critiqué quant au non respect du droit positif qu'il suscite.

L'article L122-16 du Code du Travail fixe tout d'abord que la fin légale du contrat de travail est celle du départ du salarié de l'entreprise.

Cette fin du contrat de travail est donc à distinguer de la fin théorique d'un préavis inexécuté d'un commun accord.

L'article L122-8 du Code du Travail fixe que l'inobservation du délai congé, dans le seul cas d'un droit ouvert à versement d'indemnité compensatrice de préavis, n'a pas pour conséquence d'avancer la date à laquelle le contrat prend fin.

L'article 8 du règlement UNEDIC annexé de la Convention d'assurance chômage applicable au litige, fixe que la fin du contrat de travail doit se situer dans un délai de 12 mois dont le terme est l'inscription comme demandeur d'emploi du salarié dont le contrat de travail a été rompu pour cause de licenciement.

Les articles 30 à 32 du même règlement Unedic, fixent les délais de carence et différés légaux applicables au lendemain de la fin légale du contrat de travail, ainsi que le point de départ du revenu de remplacement à compter du lendemain de cette même fin légale du contrat de travail.
L'arrêt de la Cour de Cassation du 26 Juin 2008 fait mention d'un préavis" conventionnel" de 3 mois, lequel, selon l'annexe IV-Ingénieurs et Cadres de la Convention Collective des Transporteurs routiers N° 3085 applicable au litige, prévoit la possibité pour le salarié licencié, d'écourter d'un mois le préavis sans qu'il ait à obtenir l'accord de son employeur dès lors que ce dernier en a été avisé au minimum 15 jours avant la date d'expiration du 2ème mois de préavis, le salarié licencié se privant alors volontairement du salaire non pas qu'il "aurait dû" mais qu'il aurait pu percevoir, la disposition conventionnelle plus avantageuse que la loi, lui permettant de s'en priver et donc, à ce que la fin théorique du préavis soit donc ramenée à +2 mois et non à +3 mois.

La Cour de Cassation qui a donc non seulement reconnu la fin légale du contrat de travail comme étant celle de la date précédant le début du préavis (par distinction faite de la date différente de fin théorique du préavis", se devait donc non seulement d'appliquer les textes précités en vigueur, mais encore de vérifier qu'en appliquant une carence de +90 jours au titre du préavis "conventionnel"non effectué évoqué au moyen, ce n'était pas "à bon droit" que la Cour d'Appel avait retenu que la renonciation volontaire à un revenu que le salarié aurait dû percevoir de l'employeur, pouvait justifier le non versement du revenu de remplacement dès le lendemain de la fin du contrat de travail (après application des carences et différés légaux).

En retenant le contraire, alors que le salarié licencié bénéficiait en outre de dispositions conventionnelles plus favorables autorisant l'écourtement du préavis de +90 à +60 jours, la Cour de Cassation a non seulement violé la loi, mais a encore légiféré en lieux et place des partenaires sociaux, signataires d'un règlement annexe à la Convention d'assurance chômage 2004, disposant que la fin légale du contrat de travail au lendemain de laquelle est versé le revenu de remplacement, ne peut être en même temps celle de la fin théorique du préavis.

L'article L122-16 du Code du Travail a donc été violé pour faire passer en force un principe contraire aux dispositions de l'article L351-1 du Code du Travail permettant au salarié involontairement privé d'emploi, recherchant activement un nouvel emploi, et apte au travail, à bénéficier immédiatement du revenu de remplacement.

Le règlement d'assurance chômage fixe d'ailleurs la privation involontaire d'emploi au seul licenciement et non à son accessoire que reste la possibilité ouverte au salarié et à l'employeur, de convenir ensemble de l'inexécution du préavis et donc du renoncement aux indemnités compensatrices qu'ils se doivent l'un envers l'autre lorsqu'est faite l'obligation réciproque de respecter un préavis.


Commentaire site internet :

« Sous réserve des périodes de carences prévues par les Assedic, l’indemnisation d’un salarié licencié ou involontairement privé d’emploi débute après la fin de son contrat de travail, qui correspond au terme du préavis. Attention : quand le salarié a renoncé volontairement à son préavis, l’indemnisation débute à la fin théorique du préavis que le salarié aurait dû effectuer. Et cela même s’il n’a touché aucune indemnité compensatrice pendant cette période. Pour la Cour de cassation, les Assedic n’ont pas à indemniser un salarié qui a perdu volontairement un revenu qu’il aurait dû percevoir de son employeur. (arrêt du 26 juin 2008) «

Etant concerné par l'arrêt auquel vous faites référence, j'ai lu très attentivement votre commentaire soulignant notamment "Sous réserve des périodes de carences prévues par les ASSEDIC".

Les articles 30 à 32 du règlement annexé de la convention d'assurance chômage applicable au litige, précisent en effet quelles sont ces carences légales, et quel est ensuite le point de départ légal du revenu de remplacement versé par les ASSEDIC.

Ce point de départ est effetivement fixé au lendemain de la fin (légale) du contrat de travail elle même fixées par l'article 8 du même règlement.

Force est de constater que cet article 8 n'a jamais fixé la fin du contrat de travail comme étant à la fois celle de la fin théorique du préavis dont il y a eu dispense d'un commun accord, le terme étant celui, bien au contraire, de la date d'inscription comme demandeur d'emploi du salarié licencié.

En d'autres termes, l'ASSEDIC qui revendiquerait que la fin du contrat de travail serait celle du terme du préavis théorique, doit alors ne pas accepter l'inscription comme demandeur d'emploi du salarié licencié dont la dispense d'exécution du préavis résulte d'un commun accord avec l'employeur, avant le terme du préavis théorique qu'elle soutient.

La Cour de Cassation n'a donc pas dit le droit, mais a légiféré en lieux et place des partenaires sociaux, lesquels n'ont jamais fixé en leur règlement applicable, que la fin légale du contrat de travail, serait celle de la fin théorique d'un préavis non exécuté d'un commun accord.

D'ailleurs l'article L122-16 du Code du Travail fixant la fin légale du contrat de travail, n'a pas davantage prévu cela, puisque c'est bien le départ de l'entreprise qui fixe légalement cette fin légale..

La Cour de Cassation a d'ailleurs reconnu que cette fin légale du contrat de travail est bien celle de la date qui précède le préavis, puisqu'elle en a volontairement fait la distinction de la fin théorique du préavis, aucun revenu de remplacement (selon elle) ne pouvant être versé entre ces 2 dates.

Dès lors elle a instauré une carence supplémentaire en se plaçant elle-même dans l'illégalité.

L'arrêt mérite encore la critique en ce sens qu'elle a retenu du moyen entrepris que la durée du préavis était "conventionnelle".

Que l'annexe IV de convention collective des transports routiers N°3085 concernée, fait état que l'obligation de respecter le préavis de 3 mois pour un cadre ou ingénieur, peut être écourtée pour le salarié licencié, d'un mois sans qu'il y ait lieu d'obtenir l'accord préalable de l'employeur, mais seulement sous réserve que le salarié licencié en ait fait la demande au moins 15 jours avant l'expiration du 2ème mois de préavis.

Cela change complètement la donne puisque le salarié ne renonce plus à un salaire qu'il "aurait dû' percevoir, mais seulement à un salaire qu'il "aurait pu" percevoir.

La Cour de Cassation qui a donc retenu l'application par l'ASSEDIC d'une carence de 90 jours au titre du préavis tout en tirant un trait sur une disposition plus favorable que la loi (la convention collective) permettant au salarié licencié, d'avoir la faculté de renoncer volontairement et sans accord de son employeur, à l'exécution du préavis durant le 3ème mois.

L'arrêt est donc particulièrement critiquable en ce sens qu'il tire un principe d'ordre général à une situation particulière où la Convention collective ainsi que le règlement UNEDIC article 8-Convention 2004, n'ont jamais ensemble fixé que la fin du contrat de travail, serait celle du terme d'un préavis théorique, ce préavis théorique pouvant être, entre autres, limité à une durée de 2 mois....

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Le droit, rien que le droit.