Cours de droit institutionnel de l'Union Européenne

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Article publié par Jeeecy.

( dernière mise à  jour par Mathou le 18/08/2005 )


Vous trouverez d'abord le plan et ensuite le cours résumé. Nous remercions alice et véro (deux utilisatrices inconnues) pour nous avoir transmis ces précieux documents.

PLAN:

CHAPITRE 1 / LES SOURCES DU DROIT COMMUNAUTAIRE

Section 1 : Les traités communautaires (droit primaire)
I : La multiplicité des traités
1/ Inventaire des traités
A/ Les traités originaires
B/ Les traités et actes modificatifs
C/ Les quatre traités composites
2/ Autonomie des traités communautaires
II : Contenu des traités
1/ Préambule et dispositions liminaires
2/ Clauses institutionnelles
3/ Clauses matérielles
4/ Clauses finales
III : Autorité des traités
1/ Prééminence des traités
2/ Durée des traités
3/ Révision des traités
4/ Application des traités dans l'espace

Section 2 : Le droit communautaire dérivé
I/ Régime d'édiction du droit communautaire dérivé
1/ Fondement juridique des actes communautaires dérivés
A/ Principe de la compétence d'attribution
B/ Critère de choix de la base juridique
2/ Les compétences
A/ Conditions de recours à  l'article 308
B/ Principe de légalité communautaire
C/ Principe de non intervention des instruments normatifs
D/ Principe de hiérarchisation
3/ Les formes
4/ L'entrée en vigueur
A/ La publicité préalable
B/ L'entrée en vigueur
5/ Application dans le temps
A/ Effet immédiat des règles nouvelles
B/ La rétroactivité
II/ Nomenclature des sources du droit communautaire dérivé
1 : Les règlements
A/ La portée générale
B/ Obligatoire pour tous
C/ Son applicabilité directe
2/ Les directives
A/ Pas de portée générale
B/ Lie quant aux résultats
C/ Son inapplicabilité directe
3/ Les décisions
4/ Les avis et recommandations prévus par les traités
III Les actes hors nomenclature
1/ Les actes atypiques
A/ Règlements intérieurs
B/ Directives, recommandations et avis à  effet interne
C/ Décisions sans destinataire
2/ Les actes des institutions non prévus par les traités
A/ Actes du conseil
B/ Actes de la commission
C/ Actes interinstitutionnels

Section 3 : Le droit issu des engagements extérieurs des communautés et le droit international général
I/ Accords conclu par les communautés avec des états tiers et des OI
II/ Actes unilatéraux pris par des organes de certains accords externes des communautés
III/ Traités conclu par les états membres avec des états tiers
IV/ Rang des engagements externes dans l'ordre juridique communautaire
V/ Règles de droit international et coutume internationale

Section 4 : Sources complémentaires
I/ Conventions communautaires et européennes
II/ Décisions et accords convenus par les représentants des gouvernements des états membres réunis au sein du conseil
III/ Déclarations, résolutions et prises de position relatives aux communautés et adoptées par les états membres
IV/ Droit complémentaire et ordre juridique communautaire

Section 5 : Les sources non écrites
I/ Les méthodes d'interprétation de la CJCE
1/ Prédilection pour les méthodes systématiques et téléologiques
2/ Dépassement des méthodes d'interprétation
A/ Le principe de souveraineté des états
B/ La règle de l'effet utile
C/ La méthode déductive
II/ Les principes généraux du droit communautaire
1/ Nature et origine
A/ Les PGD
B/ Les PGDIP
C/ Les principes généraux communs au droit des états membres
2/ Les principes appliqués par la CJCE
A/ droits fondamentaux des personnes
B/ Les autres principes
C/ Les principes à  caractère technique

CHAPITRE 2 / RAPPPORT DU DROIT COMMUNAUTAIRE ET DU DROIT NATIONAL

Section 1 : Nature des compétences attribuées aux états
I/ Compétences de contrôle et compétences d'action
II/ Compétences de type international et de type étatique

Section 2 : Le système communautaire d'attribution des compétences
I/ Technique des attributions de compétences
1/ Les compétences spécifiques
A/ Méthode d'attribution
B/ Résultat
2/ Compétences subsidiaires
A/ Fondement
B/ Conditions
C/ Pratique
3/ Compétences implicites
II/ Rapport entre compétences communautaires et nationales
1/ Compétences réservées aux états
2/ Compétences concurrentes
A/ Non exercées
B/ Exercées partiellement
C/ Exercées en totalité
3/ Compétences exclusives
A/ La politique commerciale
B/ La pêche en mer
4/ Conséquences de ces règles de compétence
III/ Nature des attributions de compétences
Section 3 : Le système communautaire d'exercice des compétences
I/ Le principe de subsidiarité
1/ Fondement et nature
2/ Contenu
3/ Champ d'application
4/ Mise en Å“uvre
2/ Le principe de proportionnalité

CHAPITRE 3 / CARACTERES DU DROIT COMMUNAUTAIRE

Section 1 : Primauté du droit communautaire
I/ Principe de primauté
A/ Consécration du principe
1/ L'arrêt Costa c/ Enel
2/ Les apports de l'arrêt
B/ Les conséquences du principe de primauté du droit communautaire sur les normes directement applicables (contentieux de première génération)
1/ Effets de l'incompatibilité
2/ Obligations des autorités nationales
C/ Conséquences de la primauté traduite en un contentieux de deuxième génération
1/ Invocabilité de régularisation du droit national
2/ Invocabilité de réparation
II/ Primauté du droit communautaire en France
A/ Le droit communautaire et la constitution
1/ Immunité constitutionnelle de l'acquis communautaire
2/ Limites constitutionnelles à  l'intégration
B/ Le droit communautaire et la loi
1/ Position du conseil constitutionnel
2/ Position du juge judiciaire
3/ Position du juge administratif

Section 2 : Applicabilité directe du droit communautaire
I/ Principe de l'effet direct
A/ Applicabilité directe et droit communautaire
B/ Critères de l'applicabilité directe
1/ Analyse
2/ Synthèse
II/ Applicabilité directe des différentes normes du droit communautaire
A/ Les traités
1/ Dispositions à  applicabilité directe complète
2/ Dispositions à  applicabilité directe limitée
3/ Dispositions non directement applicables
B/ Règlements et décisions adressés aux particuliers
1/ Les règlements
2/ Les décisions
C/ Décisions et directives adressées aux états
1/ Fondement spécifique
2/ Portée de l'invocabilité des directives
3/ Résistance à  l'invocabilité des directives
III/ Effets de l'applicabilité directe

Section 3 : Applicabilité immédiate
I/ Principe de l'applicabilité immédiate
II/ Applicabilité immédiate des différentes normes communautaires
A/ Les traités
B/ Le droit dérivé
1/ Les règlements
2/ Les directives et décisions
3/ Les accords externes

CHAPITRE 4 / LE SYSTEME JUDICIAIRE DES COMMUNAUTES

Section 1 : Le recours préjudiciel
I/ Conditions de renvoi par les juridictions nationales
A/ Le droit de renvoyer
1/ Qualité pour renvoyer
2/ Mise en Å“uvre du droit de renvoyer
B/ Obligation de renvoyer
1/ Assujettis à  l'obligation de renvoi
2/ Mise en Å“uvre de l'obligation de renvoi
II/ Procédure spéciale des affaires préjudicielles
A/ Compétence affirmée de la CJCE
B/ La saisine
C/ Déroulement de la procédure
III/ Normes susceptibles de renvoi
A/ Le droit communautaire primaire
B/ Le droit communautaire dérivé
C/ Droit issu des engagements extérieurs
D/ Sources complémentaires du droit communautaire
IV/ Objet de la compétence préjudicielle
A/ L'interprétation
1/ Interpréter
2/ Sans appliquer
B/ Appréciation de validité
1/ Contrôler la légalité
2/ Sans en tirer les conséquences
V/ Comportement de la cour face aux questions préjudicielles
A/ L'obligation de répondre
B/ La volonté de répondre utile
VI/ Autorité des décisions préjudicielles
A/ caractère obligatoire
B/ Portée générale
C/ Portée rétroactive

Section 2 ! Les recours directs
Sous section 1 : le recours en annulation
I/ Titulaires de l'action en annulation
A/ Recours des opérateurs constitutionnels
B/ Recours des requérants ordinaires dans le cadre CECA
1/ Les requérants ordinaires au sens du traité
2/ Recours contre les décisions et recommandations individuelles
3/ Recours contre les décisions et recommandations générales
C/ Recours des requérants ordinaires dans le cadre des traités de Rome
1/ L'intérêt à  agir
2/ Les actes susceptibles d'être attaqués
3/ Le lien entre l'acte attaqué et le requérant
D/ Recours des requérants secondaires
II/ Actes susceptibles de recours en annulation
A/ Les auteurs de l'acte attaquable
B/ Nature de l'acte attaqué
III/ Cas d'annulation
A/ Incompétence
B/ La violation des formes substantielles
C/ La violation du traité ou de toute autre règle de droit relative à  son application
D/ Le détournement de pouvoir
IV/ Les arrêts d'annulation
A/ Contenu de l'arrêt
B/ Effets de l'annulation
C/ Autorité de la chose jugée

Sous section 2 : Le recours en carence
I/ Dans le cadre du traité CECA
II/ Dans le cadre des traités de Rome
A/ Titulaires du recours
B/ Actes attaquables
C/ Procédure
Sous section 3 : Le recours en responsabilité extracontractuelle
I/ Régime général
A/ Recevabilité du recours
1/ Les parties
2/ Les délais de recours
3/ L'action en constatation de responsabilité
B/ Les faits dommageables
1/ La faute
2/ La responsabilité sans faute
C/ Les dommages réparables
II/ Responsabilité du fait de l'activité juridique
A/ Illégalité et responsabilité
1/ Le recours de légalité et recours en indemnité
2/ Illégalité et faute
B/ Dommages causés par l'activité normative
1/ Fonction normative et responsabilité
2/ Conditions de la responsabilité du fait des règlements
III/ Limites de la responsabilité des communautés
A/ Responsabilités des communautés et des agents
B/ responsabilités des communautés et des états
1/ L'exécution irrégulière d'actes valables
2/ L'exécution régulière d'actes non valables
3/ Concours de faute nationale et communautaire

Sous section 4 : le recours en manquement
I/ La conception large de la notion de manquement
II/ Procédure
A/ Le rôle prédominant de la commission
B/ La conception objective de la procédure
III/ Le traité CECA
A/ Constatation du manquement
B/ Sanction du manquement
IV/ Les traités de Rome
A/ phase administrative préalable
1/ Poursuite à  l'initiative de la commission
Ë Différents stades de la procédure
Ë Liberté d'appréciation de la commission
2/ Poursuite à  l'initiative d'un état membre
B/ phase juridictionnelle
1/ Autorité de la CJCE
Ë Mesures d'urgence
Ë Jugement au fond
2/ Autorité et exécution des arrêts
Ë Autorité
Ë Inexécution des arrêts de manquement
V/ La conception restrictive des circonstances exonératoires



Voici le cours résumé:

L'ordre juridique international régit essentiellement les relations entre les Etats. Il se caractérise par une décentralisation laissant aux Etats le contrôle direct sur les sources, sur sa mise en Å“uvre (exécution par les Etats eux même), sur sa sanction (pas de recours au juge sans consentement des Etats).
Le droit communautaire constitue « un ordre juridique propre, intégré au système juridique des états membres » CJCE 15/7/1964 Costa c/ Enel
C'est un ordre juridique car il règle les " pouvoirs, droits et obligations des sujets, ainsi que les procédures pour faire constater et sanctionner toute violation" (CJCE 13/11/1964 Commission c/ Luxembourg et Belgique).
C'est un ordre juridique propre c'est à  dire qu'il y a autonomie du droit communautaire par rapport au droit international.


CHAPITRE PREMIER : LES SOURCES DU DROIT COMMUNAUTAIRE

Ces sources proviennent des traités constitutifs, de la pratique des institutions et des Etats, d'une systématisation de la CJCE.
Le noyau central (droit communautaire au sens étroit) équivaut aux sources primaires et aux sources dérivées. Au sens large, le droit communautaire est constitué de l'ensemble des règles de droit applicables dans l'ordre juridique communautaire : PGD, jurisprudence, droit issu des relations extérieures, droit complémentaire.


Section 1 : Les traités communautaires (droit primaire)

I La multiplicité des traités

1/ Inventaire des traités

A/ Les traités originaires

Il s'agit :
- CECA ‡ traité de Paris (18/4/1951 – 23/7/1952)
- CEE et CEEA ‡ Traité de Rome (25/3/1957 – 14/1/1958)


B/ Les traités et actes modificatifs

Ë actes instituant un tronc commun institutionnel :
- convention relative à  certaines institutions communes (25/3/1957)
- traité instituant un conseil et une commission unique (Traité de Bruxelles le 8/4/1965)

Ë Traités budgétaires
- Luxembourg (22/4/1970)
- Bruxelles (22/7/1975)

Ë Décision d'avril 1970 remplacée par décision du 29/9/2000 (système de ressources propres) et décision du 20/9/1970 (SUD pour les représentants de l'assemblée).
Ë Actes d'adhésion

C/ Les quatre traités composites

Ils sont constitués du droit communautaire assimilable aux traités (dispositions modifiant les traités constitutifs) et du droit communautaire complémentaire appartenant aux deuxième et troisième pilier.

Ë AUE Luxembourg et La Haye des 17 et 28 février 1986 – 1/7/1987
- mise en place du marché intérieur pour 1992
- Coopération politique
- Confirmation de l'existence du conseil européen

Ë Traité de Maastricht (7/2/1992)
- institutionnalisation de l'union européenne
- mise en place d'une structure à  3 piliers avec :

° pilier communautaire : notion de citoyenneté, union économique et monétaire. Compétences accrues (cohésion économique et sociale, recherche, développement, environnement, coopération au développement, éducation, formation professionnelle, jeunesse, culture, santé, transports, télécoms, énergie). Renforcement du régime démocratique (élargissement de la procédure de coopération, avis conforme du parlement, vote à  la majorité qualifiée au sein du conseil, droit de codécision du parlement).

° la PESC
° la JAI
Ë Traité d'Amsterdam 2/10/1997
Composé d'une structure tripartite avec modifications de fond, simplification des traités communautaires et numérotation en continu.
Ce traité promeut l'emploi, la mise en place d'un espace de libertés.
Ë Traité de Nice

- réorganisation du système communautaire
° au niveau politique : pondération des voies affectées aux états lors des votes du conseil à  la majorité qualifiée. Il faut que la décision recueille le vote favorable de la majorité des états membres. De plus, mise en place de la majorité qualifiée repondérée, et du filet démographique (la majorité doit représenter 62% de la population totale de l'union).
: la commission et le traité CE insistent sur la nécessaire indépendance des membres vis à  vis des états.
° au niveau juridictionnel : possibilité de créer de nouvelles juridictions spécialisées
: promotion du tribunal de première instance
- avancée du processus communautaire
° extension du vote à  la majorité
° renforcement des coopérations renforcées
° Défense des droits fondamentaux.

2/ L'autonomie des traités communautaires

Les trois traités constituent 3 groupes d'engagements indépendants, instituant des institutions qui exercent leur pouvoir dans le cadre de chacune des communautés. Les rapports entre les trois traités sont régis par l'article 305 CE. Les règles du traité CE (traité général) ne modifient pas celles du traité CECA et ne dérogent pas à  celles du traité CEEA (CECA et CEEA sont des traités spéciaux).
L'indépendance entre les trois traités a été plusieurs fois affirmée par la cour, notamment dans un arrêt CJCE 14/2/1962 Confédération nationale des producteurs de fruits et légumes (transposition de dispositions plus libérales concernant la recevabilité du recours en annulation). Par contre, en cas de lacunes des traités spéciaux, les dispositions du traité général s'appliquent (CJCE 15/12/1987 Deutsche Babcock).
La CJCE, en vu d'une meilleure harmonisation, interprète aujourd'hui les dispositions des trois traités à  la lumière les unes des autres. Par exemple, elle se base sur l'article 241 CEE et 156 CEEA pour donner une portée générale à  l'exception d'illégalité dans le cadre du traité CECA (CJCE 13/6/1958 Méroni).



II Contenu des traités

1/ Préambule et dispositions liminaires

Dans les préambules, on trouve les buts ultimes que recherchent les chefs d'Etats. Ces buts peuvent être éthiques, politiques ou sociologiques. Ces buts sont ensuite repris de façon plus globale dans les dispositions liminaires des trois traités.
Des actions peuvent être énumérées pour parvenir à  ces buts. Toutefois, ces dispositions contenant principes et objectifs n'ont pas d'applicabilité directe mais elles ne sont pas pour autant de simples déclarations d'intention. D'ailleurs la CJCE s'y réfère comme elle le fait pour toute autre disposition des traités. C'est le cas dans l'arrêt CJCE 5/2/196 Van Gend en Loos o๠la cour se réfère au préambule du traité CEE pour affirmer le principe de l'effet direct du droit communautaire.
L'utilité de ces dispositions est surtout mise en avant en matière d'interprétation finaliste en tant que fondement et moyen privilégié (CJCE 21/2/1973 Europembalage). Il est reconnu à  ces mesures le caractère fondamental puisqu'elles commandent impérativement l'interprétation des traités dans leur ensemble. Ce caractère impératif est fixé par l'arrêt CJCE 21/6/1958 groupement des hauts fourneaux et ascieries belges et par l'arrêt CJCE 10/12/1974 Charmasson. Leur effet utile ne peut être compromis (CJCE 12/12/1974 Walrave).
Enfin, ces dispositions ont vocation de mettre en lumière les compétences potentielles des communautés.

2/ Les clauses institutionnelles

Elles mettent en place le système institutionnel des communautés. On les considère comme la « constitution » des communautés. La CJCE utilise d'ailleurs les termes de « constitution » et de « charte constitutionnelle » (CJCE 23/4/1986 Les verts c/ parlement européen).

3/ Les clauses matérielles

Elles représentent la plus grande partie des traités. Elles fixent le régime économique et social. Elles sont différentes, malgré la communauté d'inspiration des trois traités, compte tenu des domaines qu'elles régissent et des solutions particulières qu'elles proposent.
On distingue dans ces clauses matérielles celles émanant du traité CE (traité cadre) de celles émanant des traités CECA et CEEA (traités lois). Les clauses du traité cadre fixent les objectifs à  atteindre et les principes à  mettre en Å“uvre par les institutions, institutions libres ensuite d'élaborer la législation européenne.
Les clauses matérielles sont directement applicables c'est à  dire qu'elles font naître du droit dont les particuliers peuvent se prévaloir, ou bien elles doivent faire l'objet de mesures d'application émanant des institutions ou des Etats.

4/ Les clauses finales

Elles concernent les modalités d'engagement des parties au traité ainsi que leur entrée en vigueur et leurs révisions.



III L'autorité des traités

1/ La prééminence des traités

Les traités sont situés en haut de la hiérarchie de l'ordre juridique communautaire. Ils prévalent sur toutes les autres sources de droit dont les traités institutifs en constituent le fondement, le cadre, les limites. Cette primauté est garantie par de nombreuses voies juridictionnelles.
L'article 300 CE prévoit que la cour peut être saisie pour avis par le conseil, la commission, un Etat ou le parlement lorsqu'un accord international est envisagé. Si l'avis de la cour est négatif, il faudra une révision des traités (CJCE avis 26/4/1977)
Les traités communautaires l'emportent sur les traités conclus entre les Etats membres hors cadre des communautés. Les traités antérieurs ne restent valables que s'ils sont compatibles avec les traités institutifs. Quant aux traités postérieurs, ils ne peuvent contrevenir aux règles posées par les trois traités CEE, CECA et CEEA.
Les traités communautaires l'emportent aussi sur les traités postérieurs signés entre Etats membres et Etats tiers. Par contre, les traités antérieurs sont supérieurs aux traités UE sans toutefois que l'Etat puisse s'en prévaloir à  l'encontre des communautés (CJCE 27/2/1962 Commission c/ Italie).
On a donc comme pyramide :

- Traités antérieurs entre Etats membres et Etats tiers
- Traités communautaires
- Traités conclu entre Etats membres et traités postérieurs entre Etats membres et Etats tiers.


2/ La durée des traités

Le traité CECA a été institué pour 50 ans. Les institutions ont décidé de ne pas le maintenir au delà  de son terme de 2002 (décision du conseil du 29/4/1991). Il y a donc eu reprise des secteurs sidérurgiques et charbonniers par le traité CE.
Les traités CEEA et CE ont une durée illimitée.
Aucun des traités ne prévoit la possibilité de retrait ni de procédure d'exclusion. Toutefois, sur la base d'un accord conclu entre tous les Etats, un retrait serait envisageable.
L'adhésion d'un Etat à  l'union européenne entraîne une limitation définitive de ses droits souverains (CJCE 15/7/1964 Costa c/ Enel).

3/ La révision des traités

Ë Procédure générale
La procédure a été unifiée par l'article 48 UE. L'initiative peut venir des gouvernements des états membres, de la commission. Le parlement ne peut pas déclencher la procédure.
Le projet de révision est ensuite transmis au conseil qui doit consulter le parlement et le cas échéant la commission et la BCE. Il émet un avis à  la majorité simple. Le président du conseil convoque alors les représentants gouvernementaux qui négocient et arrêtent le contenu du traité de révision. Ce traité doit ensuite être ratifié par les Etats membres.

En résumé :
- engagement de la procédure par un Etat membre ou la commission
- projet de révision adressé au conseil avec : consultation de la BCE, du parlement ou de la commission
: avis du conseil à  la majorité simple
- prise du contenu du traité de révision
- ratification par tous les états

Ë Procédure de révision simplifiée
Elle ne peut avoir lieu que dans le champ communautaire strict. Elle permet la révision des dispositions des traités communautaires en éludant la phase diplomatique (convocation des représentants des gouvernements et négociation).

Ë Procédure de révision internationale
Les traités européens relevant du droit international. L'accord de toutes les parties suffit à  réviser le traité (théorie de l'acte contraire). Donc, a priori, cette procédure pourrait être utilisée. Mais a fortiori, c'est improbable depuis un accord unilatéral des 4 institutions, et depuis l'arrêt CJCE 8/4/1976 Defrennes.

4/ L'application des traités dans l'espace

Elle est définie par l'article 289 CE.
Le droit communautaire s'applique aux territoires des Etats membres, et il couvre l'espace aérien, la mer territoriale et les zones économiques.
Les traités s'appliquent également aux territoires non européens des Etats membres (Madère, Açores).
Le statut des DOM doit être défini par référence à  la constitution française. En vertu de cette constitution, ils font partie de la république. Donc, les traités leur sont applicables (CJCE 10/10/1978 Hansen).
Pour les TOM, une liste spéciale est dressée pour préciser que ces territoires sont soumis à  un régime spécifique d'association (articles 182 à  188).
Les traités ne s'appliquent pas aux états tiers mais certains territoires (enclaves autrichiennes, Monaco, San Marin) ont été intégrés au territoire douanier de la communauté.
Une union douanière partielle a été mise en place en 1990 avec l'Andorre.
Il faut préciser que l'application du droit communautaire est envisageable pour des actions extérieures au territoire mais susceptibles d'avoir des effets sur le territoire communautaire. Ceci se trouve fréquemment en matière de droit de la concurrence.
Ex : CJCE 24/02/1970 Continental Can.
Cet arrêt concerne la sanction par la cour d'un abus de position dominante par une société extérieure au droit communautaire. La cour admet que la commission puisse imputer l'abus de position dominante commis par une société américaine à  cette société au motif que l'acte en cause affecte les conditions du marché à  l'intérieur de la communauté. Cette société relève donc du droit communautaire.
Enfin, certains actes communautaires comme les décisions en matière d'aide au développement ou comme les sanctions économiques envers les états tiers s'appliquent à  l'extérieur de la communauté.


Section 2 : Le droit communautaire dérivé

A la différence du droit primaire qui est un droit conventionnel, le droit dérivé est un droit légiféré c'est à  dire que c'est la communauté elle même qui édicte ce corps de règles de manière quasi-autonome. Toutefois, ce droit dérive des traités car il est pris en application et pour l'application des traités.
Le caractère législatif peut être appliqué au droit dérivé puisque ce sont les institutions qui l'exercent selon une procédure préétablie. D'ailleurs, la CJCE se positionne par rapport à  ce caractère législatif. Dans l'arrêt CJCE 17/12/1970 Köster, elle parle du « système législatif du traité ». Dans l'arrêt CJCE 9/3/1978 Simmenthal, elle utilise l'expression « pouvoir législatif de la communauté ».
Le traité d'Amsterdam dans l'article 207 CE considère que le conseil agit « en sa qualité de législateur ».
Le pouvoir de décision varie selon les traités et les secteurs visés. Dans le traité CECA, le pouvoir principal de décision est détenu par la commission alors que dans le traité de Rome, le pouvoir principal appartient au conseil.
Dans certains cas, la commission a des pouvoirs propres de décision lorsque le traité le prévoit et elle peut se voir consentir des délégations de pouvoir par le conseil.
Pour ce qui est du parlement, il n'avait au départ qu'un rôle consultatif. Depuis les traités de 1970 et 1975 (Luxembourg et Bruxelles), il exerce un véritable pouvoir de codécision parfois, dès lors que l'on se trouve dans la matière budgétaire. De plus, l'AUE a renforcé la consultation du parlement (procédure de coopération). Les traités de 1992 et de 1997 renforcent cette procédure et introduisent un pouvoir de codécision législative.
Le conseil exerce un pouvoir au moins politique dans les affaires communautaires.

I Le régime d'édiction du droit communautaire dérivé.
1/ Fondements juridiques des actes communautaires dérivés

La base juridique constitue le fondement des compétences et pouvoirs des institutions. L'absence de ces bases empêche les institutions d'agir et c'est en s'appuyant sur les traités qu'elles choisissent l'outil juridique à  utiliser.
Les traités peuvent laisser le choix aux institutions mais si le type d'acte est prévu par le traité, les institutions doivent s'y conformer. Toutefois, en cas d'imprécision des traités, la cour s'autorise une interprétation constructive. Ainsi, elle a décidé que « la législation communautaire doit être claire et son application prévisible » CJCE 1993 France c/ commission. Cet impératif de sécurité juridique exige que tout acte visant à  créer des effets juridiques emprunte sa force obligatoire à  une disposition du droit communautaire qui doit être expressément indiquée comme base légale et qui prescrit la forme juridique dont l'acte doit être revêtu.

2/ Critères de choix de la base juridique

Un contentieux important s'est développé du fait de la multiplication des bases juridiques concurrentes intervenant sur un même point et la CJCE a dà» trancher les litiges.
Ex : CJCE 26//1987 Commission c/ conseil
Etait en cause le recours à  l'article 308 par le conseil, concurremment à  l'article 1. Ces deux articles comportant des règles différentes, la cour a considéré que le choix de la base juridique était susceptible d'avoir des conséquences sur l'harmonisation du contenu du règlement attaqué (relatif au système de préférence tarifaire généralisé). Elle a donc corroboré l'avis de la commission qui estimait que l'utilisation de l'article 13 était suffisante.
Lorsque plusieurs bases juridiques sont invoquées, la cour vérifie qu'il ne s'agit pas d'un prétexte pour contourner l'intervention d'une institution ou le recours à  la règle majoritaire au sein du conseil.
Ex : CJCE 11/6/1991 Commission c/ conseil – arrêt du dioxyde de titane
Est en cause une directive présentant le caractère d'une action en matière d'environnement au sens du traité et le caractère d'une mesure d'harmonisation ayant pour objet l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur (article 95). La cour estime que l'utilisation de la double base vide la procédure de coopération prévue par l'article 95 de sa substance. De plus, une mesure ne saurait relever du l'article 175 du seul fait qu'elle poursuit également des objectifs de protection de l'environnement. Donc, une action visant à  harmoniser les règles nationales en matière de protection d'un secteur de l'industrie est de nature à  contribuer à  la réalisation du marché intérieur. Donc, application de l'article 95.
Ex : CJCE 17/3/1993 Commission c/ conseil
La cour valide l'utilisation de l'article 175 par le conseil comme base d'une directive relative aux déchets (protection de l'environnement).

3/ Les compétences

A/ Le principe de la compétence d'attribution

Durant longtemps, l'utilisation des instruments juridiques était réservée à  la commission (traité CECA) ainsi qu'à  la commission et au conseil (traité de Rome). C'est le traité de Maastricht qui innove.
D'abord, le parlement est admis à  adopter des règlements, directives et décisions par le biais de la procédure de codécision (article 249 CE). Avec le conseil.
Les organes de la BCE peuvent adopter des règlements, décisions, avis et recommandations.
Toutefois, cet usage ne leur est ouvert que dans les conditions prévues par les traités. Il y a donc compétence d'attribution mais pas de pouvoir normatif général.

B/ Le principe de la légalité communautaire

L'article 7 CE précise que « chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées par le traité ». A cette fin, est mis en place un contrôle juridictionnel de légalité (article 20 CE).
Chaque traité constitue le fondement, le cadre et les limites des pouvoirs des institutions d'édicter le droit (CJCE 7/5/1969 Torrekensi). Les institutions doivent donc respecter la base juridique, les dispositions générales des traités mais aussi le bloc de légalité communautaire (engagements internationaux et PGDC).

C/ Le principe de non interversion des instruments normatifs

Lorsque les traités ne précisent pas la catégorie d'actes à  prendre, le conseil décide, détermine et adopte les mesures nécessaires. Lorsque les traités leur laissent le choix entre plusieurs catégories, les institutions ont libre choix d'avoir recours à  l'instrument le plus approprié compte tenu de la nature et du contenu de l'acte (CJCE 15/3/1967 Cimenteries CBR). Par contre, si le traité précise la catégorie d'acte, l'institution n'a pas le choix (CJCE 15/7/1960 Italie c/ Hautes autorités).

D/ Le principe de hiérarchisation

On distingue le droit dérivé de premier niveau (qui trouve sa base dans les traités) du droit dérivé de second niveau (mesures destinées à  l'exécution du droit de premier niveau).

3/ Les formes

Le dispositif des actes communautaires est toujours précédé de :

Ë l'indication des dispositions en vertu desquelles ils sont arrêtés
Ë le visa concernant les avis, propositions, et consultations recueillies
Ë la motivation.
Cette obligation de motivation a une portée générale et elle s'applique tant aux décisions individuelles qu'aux actes à  portée générale. Cette motivation a d'ailleurs été étendue spontanément aux avis et recommandations. Ainsi, les motifs et les intentions des institutions sont donc toujours portées à  la connaissance du public. D'ailleurs la CJCE précise que la motivation a pour but de donner aux parties la possibilité de défendre leurs droits, à  la cour d'exercer son contrôle et aux Etats d'être informés des conditions d'application du traité » CJCE 4/7/196 Commission c/ Allemagne

La motivation est une formalité substantielle dont la violation entraîne l'illégalité de l'acte (CJCE 8/2/1969 Mandelli c/ commission).
La cour impose que la motivation recouvre deux aspects :
- la disposition doit préciser la base juridique de l'acte dans une indication explicite (visa) ou implicite (considérants) CJCE 26/3/1987 Commission c/ conseil
- les raisons pour lesquelles l'acte est fondé doivent apparaître de façon claire et non équivoque (CJCE 9/7/1969 Commission c/ Italie).
Le degré de motivation varie en fonction de la nature de l'acte, de sa matière et des circonstances. Ainsi, par exemple, la motivation devra toujours être touffue en matière économique (CJCE 4/7/1963 Allemagne c/ commission). Par contre, la décision se plaçant dans la continuité d'une pratique constante peut être motivée sommairement. Le cas le plus fréquent est celui de la décision adressée à  un Etat lui intimant l'ordre de récupérer une aide fournie à  une entreprise dont il a été informé par une décision précédente qu'elle était illégale. Mais dès lors que l'institution modifie ses habitudes, sa décision doit être motivée de façon extrêmement explicite (CJCE 26/1//1975 groupement des papiers peints de Belgique).

4/ L'entrée en vigueur

A/ La publicité préalable

Par un arrêt CJCE 25/1/1979 Racke, la cour à  précisé qu'un acte communautaire n'est pas opposable aux justiciables avant qu'ils aient pu en prendre connaissance.
Le traité de Maastricht prévoit que l'obligation de publication s'applique :
- à  l'ensemble des règlements, directives, décisions adoptés par le parlement et le conseil dans le cadre de la codécision
- aux directives du conseil et de la commission adressées à  tous les Etats membres.
Toutefois, le défaut de publication n'a d'effet que sur le caractère obligatoire et non sur la légalité du texte (CJCE 29/5/1974 Hauptzollant Bielefield).
Les autres actes du conseil et de la commission doivent seulement être notifiés à  leurs destinataires.
La publication se fait au JOCE devenu JOUE depuis le traité de Nice.

B/ L'entrée en vigueur

Les actes notifiés entrent en vigueur au jour de leur notification.
Les actes publiés, eux, entrent en vigueur soit à  la date fixée par eux, soit à  défaut, le vingtième jour après publication.
Les institutions peuvent prévoir une entrée en vigueur retardée (c'est à  dire postérieure au 20ème jour après publication) ou une application différée (prise d'effet postérieure à  l'entrée en vigueur). Elles peuvent également utiliser l'entrée en vigueur immédiate en cas de nécessité impérieuse, sous contrôle de la CJCE qui vérifie que l'auteur de l'acte a eu « des raisons sérieuses de considérer que tout délai entre la publication et l'entrée en vigueur aurait pu être préjudiciable à  la communauté » CJCE 13/12/1967 Max Neumann.

5/ Application dans le temps

Les actes communautaires bénéficient d'une présomption de validité.

A/ L'effet immédiat des règles nouvelles

La CJCE dans son arrêt 4/7/1973 Westzucker précise que les lois modificatives d'une disposition s'appliquent aux effets futurs des situations crées sous l'empire de la loi ancienne. Ceci signifie que les règlements communautaires régissent toutes les situations actuelles ou futures tombant dans leur champ d'application. Toutefois, ils se doivent de ne pas interférer avec les droits définitivement acquis sous l'empire d'une réglementation antérieure.
Les intéressés n'ont pas droit acquis au maintien d'une réglementation antérieure. Mais ils bénéficient de la théorie de la protection de la confiance légitime dans la réglementation existante qui engage la responsabilité extra contractuelle de la communauté en cas de suppression ou de modification avec effet immédiat et sans avertissement, d'une réglementation, sans prendre les mesures transitoires. Les communautés peuvent s'exonérer en se basant sur l'intérêt public péremptoire justifiant cette suppression ou cette modification (CJCE 14/5/1975 CNTA).

B/ La rétroactivité

Dans son arrêt CJCE 6/4/1962 Bosch, la cour, sans poser un véritable principe de non rétroactivité, définit les règles de l'application rétroactive. Elle le fait par référence au PGDC de sécurité juridique.
La rétroactivité est possible à  deux conditions :
- lorsque cette rétroactivité était probable ou prévisible. En effet, il ne suffit à  l'institution d'arguer d'une simple nécessité pour mettre à  mal la théorie de la confiance légitime ; Il faut que la croyance des intéressés soit illégitime.
- Lorsque la commission a informé les intéressés de la future adoption de mesures à  caractère rétroactif.


II Nomenclature des sources du droit communautaire

Au terme de l'article 249 CE, le parlement, conjointement avec le conseil, le conseil et la commission arrêtent les règlements et les directives, prennent les décisions et formulent des recommandations ou des avis. Toutefois, la nature de ces actes ne dépend pas de leur dénomination par l'autorité qui les a pris mais de leur objet et de leur contenu. C'est pourquoi la cour s'arroge le droit de les requalifier si nécessaire (CJCE 14/12/1962 confédération nationale des fruits et légumes).
Il n'existe aucune hiérarchie entre ces normes.

1/ Les règlements (décision générale CECA)

C'est à  travers les règlements que s'exprime le caractère législatif des communautés. Il existe une hiérarchie entre règlements de base et règlements d'application (CJCE 10/3/171 Tradax).

A/ Le règlement a une portée générale

Il contient des dispositions générales et impersonnelles. Il établit des principes normatifs, pose de façon abstraite les conditions de leur application et formule les conséquences juridiques qui en découlent (CJCE 21/6/1958). Le règlement est, selon la cour, un acte quasi législatif à  caractère normatif erga omnes (CJCE 20/3/1959 Firma 1 Nola).

B/ Le règlement est obligatoire dans tous ses éléments

Le règlement est un pouvoir normatif complet car l'institution peut prescrire un résultat, imposer les modalités d'application et d'exécution. L'Etat ne peut formuler de réserves lors de l'adoption de ces normes. De même, l'application ne peut pas être incomplète (CJCE 7/2/1073 Commission c/ Italie), ni sélective (CJCE 30/11/1972 Granaria).

C/ Le règlement est directement applicable

Il s'insère automatiquement dans l'ordre juridique des Etats. Il ne nécessite pas de réception et au contraire, les exclut (CJCE 7/2/1973 Commission c/ Italie).
Le règlement s'impose à  tous les sujets c'est à  dire les sujets de droit interne des Etats. Il engendre donc des droits et des obligations pour les particuliers eux-mêmes (individus, Etat, entreprises, institutions européennes). La cour le confirme dans ses arrêts CJCE 14/12/1972 Politi et CJCE 10/10/1973 Variola.
Enfin, il s'applique sans distinction à  tous les Etats membres.

2/ Les directives (recommandations CECA)

C'est une méthode de législation à  deux étages avec une technique de la loi cadre complétée par les décrets d'application (directives de base et directives d'application).
La directive lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à  atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à  la forme et aux moyens.

A/ La directive n'a pas en principe de portée générale

La directive ne lie que ses destinataires.
Elle est un mécanisme à  double détente puisqu'elle acquiert un effet normatif lorsque sa mise en Å“uvre nationale passe par des mesures législatives ou réglementaires. Elle se présente la plupart du temps comme un système de législation indirect c'est à  dire un acte ayant une portée générale dès lors qu'elle s'adresse à  tous les Etats (CJCE 22/2/1984 Kloppenburg).

B/ La directive lie quant au résultat tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à  la forme et aux moyens.

Cela signifie que l'Etat a le choix de l'acte juridique de transposition. Toutefois, ce choix n'est pas totalement discrétionnaire puisqu'il est conditionné par l'objet de la directive. Ainsi le recours à  la simple circulaire (France) ou à  des pratiques administratives (Italie) est insatisfaisant car les mesures de transposition doivent être contraignantes.
L'Etat a le choix de désigner les services chargés de l'appliquer. Il choisit également les moyens et les formes de l'acte. Toutefois, une tendance s'est développée, faisant que les institutions communautaires ont tendance à  adopter des directives comportant des obligations très précises à  la charge des Etats, ne laissant à  ces derniers que le choix des formes et non plus des moyens. Les directives ressemblent alors de plus en plus à  des règlements.

C/ La directive n'est pas en principe directement applicable

La directive appelle un acte national de mise en Å“uvre : la transposition. Elle n'est en aucun cas un acte de réception c'est à  dire un acte d'introduction dans l'ordre juridique interne, ni un acte de transformation du droit communautaire en droit national puisque l'état se plie au cadre fixé par la directive.
Les états ont obligation de transmettre à  la commission les mesures prises pour transposer et appliquer les directives en droit interne (CJCE 22/2/1079 Commission c/ Italie). Toutefois, la cour est compréhensive et laisse beaucoup de temps aux Etats pour transposer.
Ex : la directive « oiseaux » de 1979 n'a entraîné les premières condamnations pour non transposition qu'en 1998.

En France, les transpositions posent problème car :
- leurs enjeux politiques sont importants
- chacun prêche pour sa paroisse (intérêts locaux en jeu)
- elles concernent souvent des sujets sensibles que le parlement et le gouvernement préfèrent éluder.
Depuis 1992, il y a eu création d'une commission qui fédère les ministères concernés par la transposition, en vu de coordonner leur travail.
De plus, le parlement transfère ses compétences en matière de transposition au gouvernement qui transpose sous couvert d'une loi d'habilitation prise sur le fondement de l'article 38 de la constitution.
Les finalités poursuivies par les directives sont diverses mais un domaine de prédilection est celui de l'harmonisation des législations nationales.
Une dernière question est de savoir si les particuliers ont la possibilité d'invoquer directement une directive devant les juridictions nationales. La pratique et la jurisprudence l'acceptent assez largement.

3/ Les décisions (décisions individuelles CECA)

Elles sont des actes obligatoires en tous leurs éléments pour les destinataires qu'elles désignent. Elles n'ont pas toutes les mêmes effets et elles ont de multiples fonctions.
La décision n'a pas de portée générale puisqu'elle n'est valable que pour ses destinataires. La plupart du temps, adressée à  un Etat, à  une entreprise ou à  un particulier, elle est un acte individuel d'exécution comparable à  un acte administratif individuel. Mais parfois, elle édicte des objectifs dont la réalisation passe par l'édiction de mesures nationales à  portée générale. Elle devient alors un instrument de législation indirecte.
La décision est obligatoire dans tous ses éléments.
La décision peut avoir ou non une applicabilité directe selon ses destinataires. Elle a un effet direct pour les particuliers et les entreprises. Par contre, seules les mesures nationales d'application ont un effet direct sur les particuliers si le destinataire de la décision est un Etat.

4/ les avis et recommandations prévues par les traités

Ils ne lient pas les destinataires c'est à  dire qu'ils n'ont pas force contraignante. Ils sont de simples instruments d'orientation de la législation (CJCE 10/12/1957 Société des usines à  tubes de la Sarre).
Si les avis ne peuvent que donner une opinion, les recommandations sont des invitations à  adopter des règles de conduite (elles sont en ce sens une source indirecte de rapprochement des législations nationales). Ces textes ont donc un caractère incitatif mais les recours sont irrecevables contre eux. Toutefois, ils ont un effet direct puisque la cour a précisé que les juges nationaux sont tenus de les prendre en considération lorsqu'elles éclairent l'interprétation des dispositions nationales ou lorsqu'elles ont pour objet de compléter les dispositions du droit communautaire (CJCE 13/12/1989 Grimaldi).


III Les actes communautaires hors nomenclature

1/ Les actes atypiques

A/ Les règlements intérieurs

Ce sont des textes dont les institutions ont été invitées à  se doter. La plupart font partie du droit organique des communautés mais n'ont pas de portée générale ni de caractère obligatoire. Ces textes sont publiés mais ce n'et pas une condition de leur applicabilité.

B/ Les directives, recommandations et avis à  effet interne

Ce sont des actes adressés par une institution à  une autre institution dans le cadre du mécanisme décisionnel des communautés.

C/ Les décisions sans destinataire

Certaines décisions se situent hiérarchiquement au dessus des règlements de base. C'est le cas des actes par lesquels le conseil met en Å“uvre ses pouvoirs de révision autonome des traités.
D'autres ont également une portée normative telles que les décisions du conseil prises sur la base de dispositions habilitantes génériques (comme l'article 308 par exemple).
Enfin, certaines décisions ont la simple portée d'un acte intérieur ou organique.

2/ Les actes des institutions non prévus par les traités

Ce sont les résolutions, délibérations, conclusions, communications, déclarations. La cour a admis la légitimité de ces actes non prévus par les traités, sous réserve qu'ils ne dérogent pas aux traités constitutifs (CJCE 3/2/1976 Manghéra et CJCE 8/4/1976 Defrennes).

A/ Les actes du conseil

Ils servent la plupart du temps à  établir des principes fondamentaux sur lesquels l'action de la communauté doit être basée et à  fixer les délais en vu de la réalisation de cette action. Ces actes sont de simples actes préparatoires de futurs actes obligatoires. Ils ne sauraient donc produire des effets de droit dont les justiciables pourraient se prévaloir (CJCE 24/10/1973 Schlitter). Toutefois, la cour ne s'arrête pas à  la dénomination formelle de l'acte. Elle envisage son contenu. L'arrêt de principe : CJCE 31/3/1971 Commission c/ conseil – arrêt AETR. Par un acte qualifie de délibération, le conseil avait adopté une position de négociation pour la conclusion de l'AETR, conclusion qui devait intervenir dans le cadre de la commission économique pour l'Europe dépendant des nations unies. Conformément à  cette déclaration, les Etats devaient mener eux-mêmes la négociation et signer l'accord de façon individuelle. La commission, exclue du processus, introduit un recours et demande l'annulation de la décision au motif que l'AETR, concernant la politique des transports, relève désormais de la communauté et non des Etats membres. La cour accepte et précise que le recours en annulation doit être ouvert à  l'encontre de toute décision prise par les institutions, quelle qu'en soit la forme ou la nature, dès lors que la décision est susceptible de produire des effets de droit. Elle considère que la conclusion de l'accord entraînera des modifications des règlements communautaires applicables au transport routier.

B/ Les actes de la commission

Certaines communications sont de simples avis à  caractère général. Elles n'ont donc qu'une portée juridique indirecte par le biais de la mise en jeu de la responsabilité de la communauté au titre du principe général de confiance légitime (CJCE 4/2/1975 compagnie continentale France).
D'autres communications en revanche manifestent une volonté d'édicter un acte juridique liant son auteur. Cette pratique visant à  se fixer des règles indicatives a été acceptée par le tribunal de première instance 12/12/1996 AIUFFASS.

C/ Les actes interinstitutionnels

Ce sont des déclarations communes à  plusieurs institutions contenant des engagements réciproques à  suivre une procédure qu'elles déterminent, ou à  respecter certains principes de fond. Les institutions sont liées politiquement et moralement mais pas juridiquement (sauf lorsque ces déclarations contiennent des obligations précises et inconditionnelles).
Cet aspect non juridique semble avoir été renié par un arrêt CJCE 19/3/1996 commission c/ conseil o๠la cour a annulé une décision du conseil qui violait un engagement qu'il avait conclu avec la commission.


Section 3 : Le droit issu des engagements extérieurs des communautés et le droit international général

I Les accords conclu par les communautés avec des états tiers et des OI

Les accords régulièrement conclus dans le cadre de leurs compétences externes par les communautés s'intègrent dans l'ordre juridique communautaire (CJCE 30/4/1974 Haegeman).
Les traités conclus ont le même régime que l'acte communautaire. Donc, lorsque l'autorisation de conclure est donnée par voie de règlement, celui-ci doit être publié. Pour les autorisations par décision du conseil, tant que la publication n'a pas eu lieu, l'accord est inopposable aux justiciables (CJCE 25/1/1979 Racke). L'acte ne devient partie intégrante de l'ordre juridique communautaire qu'à  son entrée en vigueur.


II Les actes unilatéraux prix par les organes de certains accords externes des communautés

Il existe de nombreux accords conclu par la communauté avec des états tiers, qui instituent des organes de gestion et leur confère droit d'adopter des actes obligatoires unilatéraux. La CJCE a accepté que ces actes fassent partie intégrante de l'ordre juridique communautaire dans un arrêt CJCE 5/2/1976 Bresciani. De plus, elle a décidé que ces actes, du fait de leur rattachement direct à  l'accord qu'ils mettent en Å“uvre, sont partie intégrante du droit communautaire (CJCE 20/9/1990 Sevince).


III Certains traités conclu par les Etats membres avec des Etats tiers

La cour considère que des accords conclu entre les membres, mais sans passer par la communauté, lient la communauté. Jusqu'ici, étaient concernés les accords conclu avant 1958 par les Etats qui ont ensuite transféré leurs compétences à  la communauté (CJCE 12/12/1972 international fruits compagny) Toutefois, la cour a jusqu'ici refusé de transposer cette solution à  la CESDH, lui refusant ainsi la place de source fondamentale de légalité communautaire.


IV Le rang des engagements externes dans l'ordre juridique communautaire

Le droit des engagements externes s'insère dans l'ordre juridique communautaire entre le droit primaire et le droit dérivé. En effet, ces accords sont conclu en application des traités constitutifs et sont soumis au principe de compétence d'attribution et de légalité communautaire => infériorité par rapport aux traités. D'un autre coté, il y a supériorité au droit dérivé car ils lient les institutions dans l'exercice de leur pouvoir normatif.
Ces engagements font partie du bloc de légalité (CJCE 12/12/1972 International fruits compagny).


V Les règles générales du droit international et la coutume internationale

La reconnaissance du fait que les règles de droit international font partie de l'ordre juridique communautaire s'est faite au fil des arrêts de la cour. Dans son arrêt CJCE 12/12/1974 international fruits compagny, la cour vérifie la validité des actes communautaires au regard des règles du droit international. Puis, au coup par coup, en fonction des domaines concernés, la cour assujetti le droit communautaire à  l'obligation de respecter le droit international. L'arrêt de principe : CJCE 16/6/1998 Racke : « les compétences de la communauté doivent être exécutées dans le respect des règles du droit coutumier. Il s'ensuit que les règles du droit coutumier international font partie de l'ordre juridique communautaire ».


Section 4 : Les sources complémentaires du droit communautaire

Par opposition au droit dérivé et au droit issu des engagements extérieurs des communautés qui résultent tous deux de l'exercice par les institutions de compétences qui leur ont été attribuées par les traités, le droit considéré ici résulte d'accords entre Etats dans les domaines de compétence nationale retenue.
Ils sont du droit communautaire au sens large.

1/ Les conventions communautaires

Les traités prévoient parfois l'intervention des conventions internationales formelles pour les compléter. Toutefois, rien n'interdit aux Etats de faire la même chose lorsque les traités n'en prévoient pas la possibilité. Ces conventions sont généralement prises sur l'initiative conjointe du conseil et de la commission. La négociation se fait avec l'assistance de la commission. Le projet est ensuite transmis au conseil et à  la commission qui émettent un avis public. La convention est signée auprès du secrétaire général du conseil.

2/ Les conventions européennes

C'est le modèle consacré par le traité d'Amsterdam pour les domaines du troisième pilier. Ces conventions sont adoptées à  l'unanimité par le conseil et elles entrent en vigueur dès ratification par la moitié des Etats membres. Les mesures d'application de ces conventions sont adoptées à  la majorité des 2/3 du conseil réunissant les parties.
La CJCE est compétente pour connaître des renvois préjudiciels, ainsi que de la validité et de l'interprétation des mesures d'application.


II Les décisions et accords convenus par les représentants des gouvernements des Etats membres réunis au sein du conseil

Ces décisions peuvent être prises conformément au texte des traités qui prévoient le commun accord des gouvernements des Etats membres. Ce procédé est un exercice en commun des compétences retenues des états. On note trois utilisations :
- dans les matières que le traité lui même a réservé aux Etats
- sur les problèmes qui ne sont pas régis par les traités
- sur les problèmes qui ne sont qu'en partie régis par les traités.

Ces accords sont le plus souvent adoptés sur proposition de la commission et après consultation de l'assemblée. Ils sont arrêtés à  l'occasion d'une cession du conseil en présence de la commission. Ils sont publiés au JOCE. Toutefois, ce ne sont pas des actes institutionnels car ils ne sont pas adoptés par les institutions et leur adoption se réalise selon des modalités différentes. Ce sont des actes conventionnels interétatiques.


III Les déclarations, résolutions et prises de position relatives aux communautés qui sont adoptées d'un commun accord par les Etats membres.

Ils ne comportent aucune procédure d'engagement juridique et traduisent simplement une volonté politique. Il s'agit la plupart du temps d'actes mixtes émanant à  la fois du conseil et des représentants des gouvernements des états. Ils visent à  programmer une activité relevant pour partie de la compétence des Etats et pour partie de la compétence des institutions.


IV Le droit complémentaire et l'ordre juridique communautaire

Bien qu'ils soient extérieurs au droit communautaire, il est quand même lié. N'ayant pas son fondement dans les traités, il n'existe pas de subordination vis-à  vis-d'eux mais on considère qu'il y a compatibilité c'est à  dire que le droit complémentaire ne doit pas aller à  l'encontre des traités.
En ce qui concerne le rapport entre le droit complémentaire et le droit dérivé, plusieurs solutions :
- dans les domaines de compétence communautaire exclusive, le droit complémentaire n'a pas sa place
- dans les domaines de compétence exclusive des Etats, les actes institutionnels sont subordonnés au droit complémentaire.
Les actes du droit complémentaire ne peuvent faire l'objet d'un renvoi préjudiciel ni même d'un contrôle de légalité. Toutefois, la CJCE a la possibilité de les sanctionner s'ils sont incompatibles avec les traités.


Section 5 : les sources non écrites du droit communautaire

Si la coutume est quasi inexistante en droit communautaire, la jurisprudence, elle, tient un place prépondérante.

I Les méthodes d'interprétation de la CJCE

1/ La prédilection pour les méthodes systématiques et téléologiques

La cour dans l'ensemble reprend les modalités interprétatives de la convention de Vienne sur le droit des traités (1969). Toutefois, elle considère que le contexte général (méthode systématique) ainsi que l'objet et le but (méthode téléologique) prennent le pas sur l'interprétation (CJCE 16/12/1960 Humblet).

A/ La méthode systématique

C'est l'interprétation des normes dans le cadre de leur rapport systématique avec d'autres normes et avec l'ensemble de la réglementation, en tenant compte de leur place et de leur fonction (CJCE 3/2/1976 Manghéra).

B/ La méthode téléologique

Le système sur lequel repose la réglementation doit être analysé dans le cadre des objectifs fixés par les traités. Donc, si la cour utilise parfois la méthode téléologique seule, elle combine la plupart du temps les deux.

C/ L'interprétation du droit primaire

La méthode systématique et téléologique est la méthode matérielle pour interpréter les traités. Cette méthode se retrouve dans la jurisprudence constructive de la cour, permettant de donner aux traités leur caractère systématique et dynamique dans les objectifs et buts à  atteindre que l'on retrouve notamment dans les articles liminaires. C'est notamment en s'appuyant sur les objectifs des traités qu'elle a dégagé des principes fondamentaux dont elle se sert comme instrument opératoire en vue d'interpréter restrictivement les exceptions qui peuvent leur être apportées et en vue d'écarter les conséquences d'une carence normative du conseil.
La cour se réfère au contexte juridique de la règle générale. Elle replace, lorsqu'elle interprète le droit primaire, les articles posant problème dans le cadre des divisions du traité ou dans l'ensemble des traités, s'appuyant sur certaines dispositions pour en interpréter d'autres. Le droit est donc utilisé par la cour comme un levier d'intégration au delà  de la lettre des textes, voire même à  l'encontre des textes (rare).

2 / Le dépassement des méthodes d'interprétation du juge

A/ Le principe de souveraineté des Etats

La CJCE considère que les finalités d'intégration des traités communautaires autorisent des interprétations allant à  l'encontre de la souveraineté des états. Ainsi, elle ne se réfère jamais au comportement des Etats pour éclairer a position d'un traité. Elle considère que le traité se suffit à  lui même. Il n'y a pas de caducité ou de désuétude pouvant découler de l'inapplication des dispositions du traité.
De même, elle ne se réfère jamais à  la volonté des auteurs des traités. Elle privilégie le droit objectif.
Enfin, en matière de droit dérivé, la cour ne tient pas compte des déclarations unilatérales des Etats (CJCE 30/1/1985 commission c/ Danemark et CJCE 15/4/1986 Commission c/ Belgique). Elle ne se base que sur le contexte objectif de la règle de droit.

B/ La règle de l'effet utile

La CJCE ne se borne pas à  écarter l'interprétation d'une disposition qui lui ferait perdre son effet utile, elle rejette les interprétations qui auraient pour conséquence d'affaiblir ou de limiter l'effet utile d'une disposition (CJCE 6/10/1970 Franz Grad). C'est également le cas dans l'arrêt CJCE 17/12/1980 commission c/ Belgique o๠la cour a considéré qu'il fallait éviter que « l'effet utile et la portée de la décision du traité relative à  la libre circulation des travailleurs et à  l'égalité de traitement des ressortissants des Etats membres ne soient limités par des interprétations tirées du seul droit national ».
De plus, la CJCE privilégie l'interprétation dont l'effet utile est le plus grand de façon à  créer une interprétation évolutive qui modernise le traité en tenant compte des besoins nouveaux.

C/ La méthode déductive

La CJCE n'hésite pas à  aller au delà  de la pensée des auteurs des traités pour déduire les conséquences du droit communautaire et pour préserver et augmenter les acquis communautaires. Il ressort de cette méthode la primauté du droit communautaire (CJCE 15/7/1964 Costa c/ Enel), et son autonomie (CJCE 17/12/1980 Commission c/ Belgique). De même, la cour a déduit le parallélisme des compétences internes et externes (CJCE 31/3/1971 Commission c/ conseil).


II Les principes généraux du droit communautaire

Ces principes sont déduits de la nature même des communautés, de l'économie, du système établi par les traités et des objectifs que ceux ci assignent aux institutions. Il s'agit de principes structurels du droit communautaire c'est à  dire inhérents à  l'objectif du texte.
Ces PGDC ont une valeur supérieure à  celle du droit dérivé puisqu'ils s'imposent aux institutions. Ils s'imposent aussi aux Etats membres pour tout acte entrant dans le champ d'application du droit communautaire (CJCE 18/6/1991 ERT et CJCE 17/4/1997 EARL de Kerlast).

1/ Nature et origine des PGDC

Les PGDC sont des règles de droit non écrites que le juge découvre et applique. Pour les découvrir, le juge se réfère à  trois sources.

A/ Les PGD

Ce sont des principes communs à  l'ensemble des systèmes juridiques nationaux ou internationaux. Ils sont difficiles à  identifier. Ainsi, le caractère général de tels principes a pour inconvénient d'en réduire le nombre et donc le recours que peut en avoir la cour. Mais ils présentent l'avantage de par leur universalité, d'être parfaitement acceptables dans l'ordre juridique communautaire. Il s'agit par exemple du principe du caractère contradictoire du procès découlant de l'arrêt CJCE 22/3/1961 SNUPAT.

B/ Les PGDIP

Ils se révèlent en règle générale incompatibles avec la structure et les exigences de système communautaire. Ainsi, la CJCE a considéré que la partie lésée par l'inexécution des obligations d'un contrat incombant à  l'autre partie ne peut se prévaloir du principe de réciprocité pour inexécuter à  son tour (CJCE 13/11/1964 Luxembourg c/ Belgique).
C'est donc à  titre exceptionnel que la cour utilise des PGDIP.

C/ Les principes généraux communs aux droits des Etats membres

C'est la principale source d'inspiration de la CJCE. Celle-ci, dans un arrêt CJCE 12/7/1957 Algéra avait déjà  affirmé son devoir de s'inspirer des règles reconnues par les législations, la doctrine et la jurisprudence des pays membres. Elle s'appuie aujourd'hui par exemple sur le principe d'égalité devant la réglementation économique (CJCE 21/6/1958 hauts fourneaux et ascieries belges) ou sur le principe de continuité des structures juridiques (CJCE 25/2/1969 Klamp).
La CJCE ne se contente toutefois pas d'une superposition des droits. Elle s'efforce de dégager à  partir de l'esprit des droits nationaux, des principes relevant d'un patrimoine commun. Ces principes peuvent donc résulter de la convergence de l'ensemble des règles mais également d'un courant minoritaire ou majoritaire, dès lors que les autres Etats n'ont pas de règles allant à  l'encontre du principe découvert par la cour. C'est ce qui s'est produit avec les principes de proportionnalité, de confiance légitime qui proviennent du droit allemand.
La CJCE se réfère à  ces principes pour apprécier la régularité de l'action des institutions, spécialement en imposant des limites à  leur pouvoir discrétionnaire. Ils servent également à  la cour pour éclairer le sens des dispositions communautaires et pour combler les lacunes du droit communautaire.

2/ Les principes appliqués par la cour et leur autorité juridique

A/ Les droits fondamentaux des personnes

Il n'existe pas de catalogue des droits fondamentaux, propre à  la communauté. La CJCE refuse de contrôler, sous peine de compromettre l'application uniforme du droit communautaire, les actes communautaires au regard des droits fondamentaux protégés par les constitutions nationales (CJCE 15/7/1960 comptoirs de la Ruhr). Mais refusant d'en rester là , la CJCE 17/12/1970 internationale Handelsgesselschaft précise que « le respect des droits fondamentaux fait partie intégrante des PGDC dont la cour assure le respect » et que « la sauvegarde de ces droits, tout en s'inspirant des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, doit être assurée dans le cadre de la structure et des objectifs de la communauté ».
L'arrêt CJCE 14/5/1974 Nold c/ commission apporte trois précisions quant au mécanisme de détermination du contenu de ces droits :
- expression du principe de standard maximum européen c'est à  dire application au niveau communautaire de la garantie nationale la plus étendue
- expression du principe de standard minimum européen c'est à  dire que le droit communautaire doit tenir compte des instruments internationaux de protection des droits de l'homme auxquels les états membres ont coopéré ou adhéré. C'est le cas pour la CESDH.
- Il est possible d'opposer à  ces droits certaines limites justifiées par les objectifs d'intérêt général poursuivis par la communauté.
La CJCE, par référence à  la CESDH, a établi une liste de droits fondamentaux. On trouve :
- le droit de propriété tel que garanti par les systèmes constitutionnels des états membres et