Contre-passation d'un effet de commerce escompté

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CONTRE-PASSATION D'UN EFFET DE COMMERCE ESCOMPTà‰,
APRàˆS L'OUVERTURE D'UNE PROCà‰DURE COLLECTIVE à€ L'ENCONTRE DU TITULAIRE DU COMPTE

Sujet proposé par M le Pr Prà¼m,
Traité par Olivier GAMARD, Jean Christophe MONNE et Eric WOLFF, étudiants en maîtrise droit privé à  Nancy



1 - QUESTIONS REPONSES

INTRODUCTION :

Avant de nous intéresser aux conséquences de la contre-passation d'un effet de commerce escompté après l'ouverture d'une procédure collective l'encontre du débiteur, il convient de définir les termes qui sont indispensables à  une bonne compréhension du sujet.
Tout d'abord, un effet de commerce est un titre négociable donnant droit au paiement d'une somme d'argent. L'escompte est l'avance avant l'échéance faite au porteur d'un effet de commerce de la somme portée sur celui-ci diminuée des frais du service.
Le compte en banque se définit comme le document comptable qui retrace les opérations effectuées par le client dans sa relation avec un établissement de crédit.
Deux opérations juridiques principales sont à  distinguer et à  définir plus spécialement. Il s'agit de la notion de procédures collectives, qui sont des procédures qui s'appliquent aux entreprises qui sont dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec leur actif disponible. La contre-passation, quant à  elle, exprime l'entrée en compte de la créance de recours que l'établissement de crédit a escompté sur son client.

1.1 COMPTE NON CLOTURE ET CONTRE-PASSATION

La contre-passation intervenue après la procédure collective du remettant vaut-elle paiement lorsque le compte n'est pas clôturé ?

Si le remettant est in bonis et que le compte n'est pas clôturé, la contre-passation équivaut à  un paiement. L'effet novatoire du compte courant fait disparaître l'effet de règlement. Dès lors le banquier est privé de tous ses droits cambiaires sur l'effet contre-passé.
Cette hypothèse ne s'applique normalement qu'au redressement judiciaire o๠l'administrateur (ou le représentant des créanciers) peut exiger le maintien du contrat de compte courant, évitant ainsi la clôture du compte. Pour la liquidation judiciaire, le clôture du compte est automatique et nous nous plaçons par conséquent dans la seconde question. A noter que si le compte continue à  fonctionner postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire, ce fonctionnement est sans incidence sur la position de la jurisprudence, qui met en place une sorte de présomption irréfragable de clôture du compte au jour du pronconcé de la liquidation judiciaire.
De plus, en cas d'effet impayé, la contre–passation est opérée automatiquement par l'ordinateur de la banque. Or la contre-passation doit exprimer la volonté certaine de la banque et le caractère automatique ne permet pas de l'exprimer. La banque peut donc revenir sur cette contre-passation, mais dans un bref délai.

Jurisprudence :
- Cass Com. 25 janvier 1955
- Cass Com. 20 mars 1979
- Cass Com. 17 mars 1982
- Cass Com. 10 janvier 1983
- Cass Com. 6 novembre 1984
- Cass Com. 8 decembre 1987


1.2 CONTRE-PASSATION ET COMPTE CLOTURE

La contre-passation intervenue après la procédure collective du remettant vaut-elle paiement lorsque le compte est clôturé ?

En théorie, la contre-passation devrait toujours avoir un effet novatoire et donc valoir paiement.
Néanmoins, cette contre-passation ne vaut pas paiement et le banquier conserve donc la propriété de l'effet impayé, ainsi que la possibilité d'exercer ses recours cambiaires.
En effet, la clôture a fait cesser le fonctionnement normal du compte et justifie que l'entrée en compte n'ait plus d'effet novatoire.
Dans le cas du redressement judiciaire, on constate que le prononcé de la décision n'entraîne pas immédiatement clôture du compte. Néanmoins on considère que le banquier ne pouvait pas retenir le solde créditeur du compte de son client en redressement judiciaire en vue de pouvoir contrepasser, si besoin est, les effets escomptés et revenus impayés.

Jurisprudence :
- Cass Com. 27 novembre 1962
- Cass Com. 7 avril 1998
- Cass Com. 5 mai 1998

2 – LISTE CHRONOLOGIQUE DES DECISIONS

QUESTION n° 1

- Cass Com. 25 janvier 1955, JCP 1955 II n° 8547 bis, note H. CABRILLAC - D. 1957, 287 note Ph. Neel
- Cass Com. 20 mars 1979, Bull civ IV n°108 p.84, pourvoi 77-14604
- Cass Com. 17 mars 1982, Bull civ IV n° 111 p. 99, pourvoi n° 80-16223
- Cass Com. 10 janvier 1983, Bull civ IV, n° 5 p.4, pourvoi n° 81-15968
- Cass Com. 8 decembre 1987, D. 1988, jurisprudence p.53

QUESTION n° 2

- Cass Com. 27 novembre 1962, Bull civ III n° 486 p.398
- Cass Com. 7 avril 1998, JCP ed. E 1998 p.1143, note Stoufflet - Quotidien juridique n° 40, 19 mai 1998 p.9. pourvoi n° 95-6613 - Droit bancaire et de la bourse 1998 n°70 p.190 note STOUFFLET - Revue de jurisprudence commerciale 1999-05 n°5 p. 201 note M-N LEGRAND
- Cass Com. 5 mai 1998, pourvoi n°95-21106




3 – PRESENTATION DES DECISIONS

QUESTION N° 1

Décision n°1 : Com. 25 janvier 1955

FAITS ET PROCà‰DURE :

Mme Chaddi est titulaire d'un compte courant auprès d'une banque, le CNEP. Elle remet à  l'escompte des lettres de change qui reviennent impayées. La banque contre-passe au débit du compte de Mme Chaddi le montant des traites escomptées. La contre-passation est réalisée antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective de Mme Chaddi.
La Cour d'appel de Montpellier dans un arrêt du 23 janvier 1952 condamne la banque à  restituer à  la masse des créanciers les traites en cause au motif que la contre-passation avait éteint tous les droits de la banque sur ces titres.

MOYENS INVOQUà‰S ET SOLUTION DE LA COUR DE CASSATION :

Un pourvoi en cassation est formé par la banque. Le moyen unique conteste la décision de la Cour d'Appel au motif que la contre-passation n'a pas pour effet, quel que soit le moment o๠elle est effectuée, de faire perdre au banquier la propriété des traites qu'il a reçues par endossement et dont il peut poursuivre le recouvrement auprès des signataires précédents.
La Cour de Cassation, par un attendu de principe, rejette cette argumentation, motif pris que la contre-passation en compte courant d'effets non payés à  l'échéance est réalisée à  un moment o๠le débiteur est encore « in bonis » et que le compte n'est pas clôturé, ce qui équivaut à  un paiement et prive de par là  même le banquier de ses recours en paiement contre les endossataires successifs de la traite.

APPORT ET PORTà‰E DE LA Dà‰CISION

Lorsque le compte est clôturé, le banquier qui contre-passe le montant des effets de commerce escomptés sur le compte clôturé de son débiteur ne perd pas la propriété des effets de commerce contre-passés et qui plus est n'est pas tenu d'imputer les paiements reçus d'autres signataires desdits effets. Cette jurisprudence est établie depuis fort longtemps, dans la mesure o๠elle résulte d'un arrêt de la Cour de Cassation du 19 novembre 1888.
En revanche la Cour se voyait confrontée au problème inverse : quelles étaient les conséquences de la contre-passation d'un effet de commerce sur un compte non encore clôturé, et plus particulièrement sur les conséquences relatives à  la propriété des effets.
La Haute Juridiction consacre ainsi une solution inverse, et décide que la contre-passation sur un compte non clôturé « in bonis » équivaut à  un paiement pour le banquier qui doit donc restituer les effets contre-passés à  la masse des créanciers.
Cette décision de principe se justifie particulièrement en raison de l'effet de règlement du compte courant.
La solution de la Cour de Cassation constitue toujours aujourd'hui notre droit positif et a reçu de nombreuses confirmations.

APPRà‰CIATION PAR LES COMMENTATEURS :

Le Professeur Henry Cabrillac avait déjà  réalisé un commentaire de l'arrêt de la Cour d'Appel dans cette affaire (Montpellier 23 janvier 1952, JCP 1952, II, 6788 obs Cabrillac) dans lequel il approuvait la solution donnée par les magistrats.
Dans son commentaire de la décision de la Cour de Cassation, il réitère son approbation mais préfère s'attarder sur les conséquences de la décision plutôt que sur ses raisons. Il observe que cette décision tend à  limiter les effets de la décision de 1888 précitée puisque cette jurisprudence ne s'applique désormais que lorsque le compte est clôturé.
De plus l'auteur rappelle que la contre-passation reste toujours facultative pour le banquier qui peut préférer exercer directement ses recours cambiaires contre les endossataires successifs de l'effet de commerce plutôt que de réaliser une contre-passation.

Décision n°2 : Com. 20 mars 1979

FAITS :

La société Roc-Marine a remis les 19 et 22 juin 1974 à  la BNP(la banque) deux chèques. La banque en a immédiatement porté le montant au crédit du compte du remettant mais ceux-ci étant sans provision ,elle les a contre-passés et conservés.
Le remettant ,à  savoir la société Roc Marine, « in bonis » lors de la remise de ces chèques, a été déclarée par la suite en liquidation des biens et la banque n'a rien à  espérer de ce côté. La banque décide alors de se tourner vers le tireur en vue de lui réclamer le paiement des chèques. Ce dernier, ayant déjà  réglé le montant desdits chèques à  la société Roc Marine, refuse en faisant valoir que la banque est sans droit à  son égard puisqu'elle a contre-passé les chèques à  une époque o๠le remettant est « in bonis » et de ce fait cette contre-passation vaut paiement. Pour se défendre la banque fait valoir que le compte du remettant est insuffisant pour absorber une contre-passation.
La Cour de cassation suit les juges du fond et rejette le pourvoi au motif que la banque qui contre-passe alors que le remettant est « in bonis « et que le compte n'est pas clôturé ,perd tous ses droits sur les effets contre-passés peu importe que le compte dudit remettant soit insuffisant.

PORTà‰E :

Depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 19 novembre 1888, il est admis qu'en cas de contre-passation intervenant après la « faillite » du remettant le banquier récepteur reste propriétaire lorsque, après la contre-passation , le solde du compte s'avère débiteur à  la charge du remettant. Suite à  l'arrêt du 25 janvier 1955, la Cour de cassation a distingué selon que le compte est en cours de fonctionnement ou clôturé. Dans le premier cas qui ici nous intéresse la contre-passation intervenant à  un moment o๠le remettant est « in bonis » équivaut à  un paiement privant le banquier de tous ses droits sur les effets contre-passés.
Mais en aucun cas il n'a été, jusqu'à  cette décision du 20 mars 1979, distingué selon que le compte du remettant s'est avéré suffisant ou non pour absorber la contre-passation.
En l'espèce, la BNP a pour but de faire lever toutes hésitations quant à  cette question du caractère suffisant ou non du compte. En effet, cette dernière a tout intérêt à  argumenter dans le sens d'une insuffisance conduisant à  la reconnaissance de l'absence de paiement suite à  la contre-passation.
Par cet arrêt la Cour de cassation rappelle que la contre-passation intervenue alors que le remettant est « in bonis » et que le compte n'est pas clôturé équivaut à  un paiement privant le banquier de tous ses recours mais apporte une précision essentielle en affirmant le caractère indifférent de l'insuffisance du compte.
Cette solution semble pouvoir également s'appliquer aux effets de commerce. La cour de cassation étend effectivement la portée d'un arrêt relatif à  ceux-ci. Cette position n'est pas incompatible avec les effets de commerce. Dès lors la contre-passation d'un effet de commerce escompté sur un compte non clôturé est possible dès lors que le compte est « in bonis » mais dont le solde n'a pas à  être suffisant.

Décision n°3 : Com. 17 mars 1982

FAITS ET PROCà‰DURE :

La Société SACTI tire une lettre de change sur la Société SNEM. Cette lettre de change est remise à  l'escompte à  la banque qui crédite le compte de la SACTI du montant de l'effet escompté.
La SACTI est placée en liquidation judiciaire le 20 décembre 1974. A l'échéance de la lettre de change , la SNEM refuse de payer et la banque opère une première contre-passation qu'elle annule, puis une seconde quelques jours plus tard.
La banque engage par la suite un recours en paiement contre la SNEM pour le montant intégral de la lettre de change
La Cour d'Appel (Chambéry, 17 juillet 1980) condamne la SNEM à  payer à  la banque le montant intégral de la lettre de change.
La SNEM forme un pourvoi en Cassation et la Cour de Cassation rejette son pourvoi par le présent arrêt.

MOYENS INVOQUà‰S ET SOLUTION DE LA COUR DE CASSATION :

En premier lieu la SNEM conteste la validité de la contre-passation effectuée par la banque. En effet, elle estime que le fait que la contre-passation ait été réalisée une première fois, puis annulée, la seconde ne peut valoir remise.
La Cour de Cassation s'en remet au pouvoir d'appréciation des juges du fond et estime que ces derniers doivent apprécier le caractère volontaire de la contre-passation, qui en l'espèce n'est présent qu'au jour de la seconde contre-passation.
Ensuite, la SNEM invoque un moyen de procédure lié à  une violation de l'article 16 du NCPC. Nous ne développerons pas ici ce moyen puisqu'il n'a pas un lien direct avec le sujet traité.
De plus, elle invoque que la contre-passation ne peut valoir paiement que pour autant que le compte n'est pas clôturé. La SNEM retient ici que le compte a continué de fonctionner postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire et invoque donc l'effet de règlement du compte courant pour être dégagée de ses obligations de paiement.
La Cour de Cassation rejette cet argument au motif que la liquidation judiciaire emporte de plein droit clôture du compte et de ce fait que postérieurement à  l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire la contre-passation de l'effet de commerce impayé ne peut valoir paiement.
Enfin, la SNEM soutient que dans tous les cas la contre-passation opère paiement à  hauteur du solde créditeur du compte et que de ce fait la banque n'est pas fondée à  la poursuivre pour obtenir le paiement intégral de l'effet de commerce.
La Cour de Cassation rejette une nouvelle fois cette argumentation au motif que la banque conserve ses recours cambiaires faute de paiement et qu'elle peut donc actionner le tiré accepteur pour l'intégralité de la somme par lui due.

APPORT ET PORTà‰E DE L'ARRÊT

Plusieurs apports sont à  souligner dans cet arrêt. Tout d'abord, la Cour de Cassation relève que la contre-passation, pour être valable, doit comporter non seulement un élément matériel (le débit du compte) mais aussi un élément intentionnel (la volonté de contre-passer). De plus, l'appréciation de cet élément intentionnel relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
Ensuite, la Haute Juridiction nuance ici sa jurisprudence de 1955. En l'espèce, il semble que postérieurement à  l'ouverture de la procédure collective le compte a continué à  fonctionner et que le débiteur est bien « in bonis ». Ainsi, par application de la jurisprudence de 1955, le pourvoi indique-t-il que ces deux éléments étant réunis, la contre-passation vaut paiement et donc que la banque ne peut actionner le tiré accepteur pour obtenir un nouveau paiement. La Cour rejette cette argumentation en soulevant que la contre-passation effectuée postérieurement à  l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ne peut valoir paiement. Ainsi, la jurisprudence instaure-t-elle une sorte de présomption irréfragable de clôture du compte par le seul effet du prononcé de la liquidation judiciaire à  l'encontre du tireur.
De ce fait la Cour ne peut que rejeter le dernier argument du demandeur au pourvoi qui invoque que la contre-passation valant paiement à  hauteur du solde créditeur du compte, la banque ne peut l'actionner qu'à  hauteur de la somme restée impayée. Or la Cour de Cassation rejette l'effet de règlement de la contre-passation réalisée postérieurement à  l'ouverture de la procédure collective du tireur.
Ainsi cet arrêt nuance la position de la Cour exprimée dans l'arrêt de 1955 précédemment étudié en limitant la portée de ce dernier aux seuls cas o๠la procédure collective n'est pas encore ouverte à  l'encontre du débiteur.

Décision n°4 : Com. 10 janvier 1983

FAITS ET PROCà‰DURE :

Une société tire une lettre de change qui est acceptée par le tiré. La lettre de change est remise à  l'escompte auprès d'une banque. Le 7 octobre 1976, le tiré refuse de payer la banque qui contre-passe une première fois le montant de l'effet de commerce au débit du compte du remettant mais annule peu de temps après cette contre-passation avant de la réaliser à  nouveau le 26 janvier 1977.
La Cour d'appel de Rennes condamne par la suite le tiré accepteur à  verser à  la banque le montant de la lettre de change.
Le tiré forme un pourvoi en Cassation et la Cour de Cassation rejette son pourvoi.

MOYEN INVOQUà‰ ET SOLUTION DE LA COUR DE CASSATION :

A l'appui de son pourvoi, le demandeur invoquait une violation par la Cour d'Appel de l'ex article 121 du code de commerce, aujourd'hui article L 511-12 du code de commerce, qui consacre l'inopposabilité des exceptions au paiement autres que celles liées à  la relation entre le tiré et le titulaire de la lettre de change.
En effet, le demandeur estime que la contre-passation réalisée par la banque le 7 octobre 1976, alors que le tireur était encore « in bonis », ne produit que les effets d'une cession ordinaire et non celles d'un endossement, ce qui empêche le jeu de l'article 121 du code de commerce précité.
La Cour de Cassation rejette cette argumentation du demandeur. En effet, elle estime qu'il est de l'appréciation souveraine des juges du fond de déterminer la nature de l'opération. Le fait que la contre-passation ait été annulée marque l'absence de volonté de la banque de contre-passer l'effet et il ne s'agit donc pas d'une contre-passation valable, la date retenue étant celle du 26 janvier 1977, date postérieure à  l'ouverture de la procédure collective.

APPORT ET PORTà‰E DE L'ARRÊT :

On constate que la Cour de Cassation confirme l'arrêt du 17 mars 1982 : pour être valable la contre-passation doit exprimer la volonté du banquier de contre-passer l'effet, à  défaut il ne s'agit pas d'une contre-passation.
De plus, la Haute Juridiction rappelle que la contre-passation réalisée postérieurement à  l'ouverture de la procédure collective ne prive pas le banquier de la propriété de l'effet et donc de ses recours cambiaires contre le tiré accepteur qui est tenu de payer.

Décision n°5 : Com. 8 décembre 1987

FAITS :

La société Stratimme Cappello dispose d'un compte courant ouvert dans les livres de la Banque nationale de Paris (BNP) et bénéficie dans le cadre du fonctionnement de ce compte d'un plafond d'escompte et d'un découvert dont le montants sont déterminés. Cette dernière a été mise en redressement judiciaire avec monsieur Delaby en tant qu'administrateur. Il informe la BNP qu'usant de la faculté que lui offre l'article 37 al 1er de la loi du 25 janvier 1985 ( devenu l'article L621-28 du code de commerce), il opte pour la poursuite de la convention de compte courant.
La banque lui répond qu'elle considére que le compte courant a été clôturé de plein droit par l'effet de redressement judiciaire.
La société Stratimme Cappello et l'administrateur ont alors assigné la BNP devant le tribunal qui a ouvert la procédure pour qu'il ordonne que soient continués la convention de compte courant ainsi que le plafond d'escompte et de découvert contractuellement fixés.
Les juges de première instance ont accueilli cette demande.
La cour d'appel a quant à  elle considéré que l'administrateur ne peut exiger le maintien de la convention de compte courant et des concours financiers accordés par la BNP au motif que ces conventions et concours ont été consentis par la banque à  la société en considération de la personne.
La cour de cassation casse et renvoie au motif que les ouvertures de crédits bancaires consenties en compte courant, en cours au moment du jugement de redressement judiciaire, relèvent de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 ce qui autorise l'administrateur à  pouvoir en exiger la continuation pendant la période d'observation.

PORTà‰E :

L'intérêt principal de cet arrêt est de trancher le débat engagé suite à  une controverse liée à  l'application de la loi du 25 janvier 1985 réformant le droit des procédures collectives.
Pour une partie des auteurs, le principe de la continuation des contrats en cours d'exécution doit recevoir une exception lorsque le contrat est marqué par la considération de la personne (cas des concours bancaires).
Pour d'autres, aucune exception n'a lieu d'être en vertu de l'adage « là  o๠la loi ne distingue pas il n'y a pas lieu de distinguer ».
La cour de cassation dans l'arrêt du 8 décembre 1987 permet à  l'administrateur judiciaire d' exiger la continuation du compte pendant la période d'observation avec tous les droits y afférents. On peut souligner que la Haute juridiction n'a pas retenu l'objection tirée de « l'intuitus personae » qui imprègne l'ouverture de crédit. Il faut ajouter que la Cour de cassation s'est montrée sensible à  l'esprit de la loi de 1985, cela se traduisant par la référence à  l'article 37 al 1er servant de fondement à  la censure prononcée.
Par cette décision, il apparaît que la continuation des concours bancaires a été décidée quel qu'en soit l'objet (ouverture de crédit, découvert , autorisation d'escompte) et quel qu'en soit le support (par exemple le compte bancaire).
Ainsi la contre-passation d'un effet de commerce escompté semble encore possible. La faculté de continuation du compte pour les sociétés en redressement judiciaire entraîne la détermination d'un solde provisoire qui ne s'oppose donc pas à  cette contre-passation dès lors que le compte est « in bonis » (cf la jurisprudence Com 17 mars 1982).

QUESTION N° 2

Décision n° 6 : Com 27 novembre 1962

FAITS :

La SA AKKAWI a été placée en règlement judiciaire. Un litige l'oppose à  la Banque Internationale de Commerce concernant l'obligation de divulgation de l'existence des effets de commerce escomptés, non payés à  l'échéance et conservés par elle après contre-passation.
L'obligation de la banque est-elle compatible avec la clôture du compte et avec le droit de poursuite des co-obligés par la banque ?

SOLUTION ET PORTà‰E :

Cet arrêt précise que l'obligation de la banque n'est pas incompatible avec la clôture du compte et le droit de poursuite. Pour cela elle se base sur le fait que la contre-passation d'un effet de commerce escompté sur un compte courant clôturé ne vaut pas paiement. Dès lors la banque peut poursuivre les co-obligés au paiement. Cet arrêt précise également que la banque ne peut pas recevoir plus que ce qui lui est dà».
« L'OBLIGATION POUR LA BANQUE DE RENDRE COMPTE DE L'EXISTENCE DES EFFETS ET DES PAYEMENTS QU'ELLE EN A RECUS, DEDUITE PAR L'ARRET ATTAQUE DE L'IMPOSSIBILITE POUR ELLE DE PERCEVOIR UNE SOMME SUPERIEURE A CELLE POUR LAQUELLE ELLE A ETE ADMISE A LA FAILLITE DE LA SOCIETE AU TITRE DE SON COMPTE-COURANT, N'EST INCOMPATIBLE NI AVEC LA CLOTURE DE CE COMPTE NI AVEC LE DROIT DE LA BANQUE DE POURSUIVRE LES TIERS CO-OBLIGES AU PAYEMENT DES EFFETS ».

Cet arrêt semble poser une nuance à  la jurisprudence de 1888 (précité) concernant les effets de commerce escomptés. En effet l'arrêt souligne que la contre-passation d'un effet de commerce escompté sur un compte clôturé ne vaut pas paiement. Cette solution a été reprise depuis et est encore la solution en vigueur.

Décision n° 7 : Com 7 avril 1998

FAITS :

La société Cee de Hond a été placée en redressement judiciaire. La banque a refusé de rendre le solde du compte à  l'administrateur. Au vu des prétentions de la banque et de la demande de l'administrateur judiciaire, le compte doit être clôturé.
La cour d'appel de Versailles le 4 mai 1995 a rejeté la position de la banque qui souhaitait conserver le solde créditeur du compte pour le paiement des encours escomptés si ceux-ci revenaient impayés. La banque souhaitait que ces sommes lui servent de garantie.
La banque peut-elle conserver le solde créditeur d'un compte pour l'affecter au paiement d'encours escomptés et non encore revenus impayés ?

SOLUTION ET PORTà‰E :

Pour la cour de cassation, les contre-passations d'effets de commerce ne sont qu'éventuelles et une banque ne peut pas retenir le solde créditeur d'un compte au paiement de créances incertaines.
En effet la contre-passation d'effets de commerce peut intervenir à  tout moment, même une fois le compte clôturé. La banque souhaitait donc que le solde créditeur garantisse la future contre-passation impayée.
La cour de cassation ne retient pas cet argument car la banque peut contre-passer les effets à  tout moment.
Dès lors, il existe un aléa quant à  la date de contre-passation. La cour de cassation estime que cet aléa permet de ne pas retenir le solde créditeur pour garantir les effets de commerce escomptés.

Cet arrêt se base sur la jurisprudence antérieure (cf arrêt du 27/11/1962) qui précise que la contre-passation d'un effet de commerce escompté peut intervenir à  tout moment et ce même une fois le compte clôturé (du fait d'une procédure collective ou non).
Ainsi bien que la contre-passation intervienne après le redressement judiciaire ou la clôture du compte, le banquier ne peut pas retenir le solde créditeur en vue de pouvoir contre-passer les effets escomptés et revenus impayés.

Décision n° 8 : Com 5 mai 1998

FAITS :

La banque a procédé à  une contre-passation d'un effet de commerce escompté puis a déclaré sa créance au liquidateur judiciaire de la société MCTI, tireur de l'effet. Pour la banque cette contre-passation vaut paiement.
La contre-passation d'un effet de commerce escompté vaut-elle paiement lorsque le tireur est en procédure collective ?

SOLUTION ET PORTà‰E :

La cour de cassation précise que la contre-passation ne vaut paiement que si elle est effectuée avant le redressement judiciaire. En effet une fois le compte clôturé, l'effet de règlement du compte disparaît et donc la contre-passation ne peut plus valoir paiement.

Toutefois cet arrêt est ambig༠du fait de l'utilisation du terme « redressement judiciaire » alors qu'il s'agit d'une liquidation judiciaire. Cela n'a pas de conséquence pratique importante.
En effet, dans les deux cas, le compte devrait être clôturé à  moins que l'administrateur judiciaire ne demande sa continuation. Dans cette hypothèse, appliquera-t-on la règle dérogatoire vue ci-dessus (cf arrêt Com 8 décembre 1987) ou la cour de cassation fera-t-elle un revirement de jurisprudence en ne distingant plus entre la continuation du compte ou non ? La solution de l'espèce ne nous permet pas de répondre à  cette question mais cette jurisprudence semble encore pouvoir s'appliquer.




4 – REFERENCES DOCTRINALES


- « La contre-passation en compte courant : un vieux problème toujours d'actualité » H. Synvet, mélange Derruppé 1991 p. 193

- « La contre-passation des effets de commerce impayés », in « Droit Bancaire », T. Bonneau, 5e édition, ed Montchrestien p 266, §388.

- « Chronique de Droit Bancaire », JM Marmayou, Bull Aix 1999-2 chron. 1 p. 7. http://www.bulletin.aix.u-3mrs.fr/extraits-jm.marmayou-bullaix1999-2.htm

-Droit bancaire Gavalda et Stoufflet 5ème édition n°328

-Chronique C. Gavalda JCP 1963 n°1763

-CONDITIONS GENERALES PROFESSIONNELS ET ENTREPRISES BANQUE POPULAIRE CONVENTION DE COMPTE BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE