Commentaire d'arrêt, lacunes méthodologiques

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Bonjour

Je suis en L3 et j'ai toujours autant de mal à bien faire mes commentaires. Pour les préparations maison, je tourne autour de 12 après parfois plusieurs heures de travail. Je détaille bien mes fiches d'arrêt et je pense avoir peu de difficultés à cerner les bons problèmes de droit.

Mon problème, c'est l'analyse détaillée de l'arrêt et le recensement des composantes de la décision qu'il faut discuter; situer l'arrêt dans un contexte juridico-socio-économique, apprécier sa valeur et sa portée: des directives vagues qui n'ont plus vraiment de signification pour moi quand il faut les appliquer...

Je pars du principe que mes connaissances sur le sujets sont faibles à la base.Le préalable indipensable est, semble-t-il la bonne maîtrise du cours, mais il se trouve que le mien ne me satisfait jamais; donc je suis parti pour me noyer dans les recherches; manuels, notes de jurisprudence, internet... et m'appuyer largement sur les analyses des autres – je me contente de reformuler ou de compléter les idées que je lis de façon à les intégrer à mon developpement et les faire coller à mon poblème. C'est bien beau mais c'est très long, fastidieux et pas utile dans la perspective d'un exam où on n'a rien.

Et quand il s'agit de batir le plan à partir de tout ça, je prends même pas la peine de jeter les idées et les regrouper une à une, de plus général au plus anodin pour dégager les grands axes. Je lis tout, j'essaie d'avoir une vue d'ensemble et hop, après des heures de travail (peu efficaces)une illumination; je torche un plan d'un trait, en quelques instants que je modifie rarement (fatigue et impatience d'en finir...).
En fait (comme dans la dissertation), j'essaie surtout de caser spécieusement le savoir dont je dispose à ce moment précis, dans un developpement pour qu'il réponde à la problématique selon une logique complètement biaisée, sans réfléchir en profondeur et envisager les aspects les plus pertinents – qui sont developpés dans le corrigé des profs.

Donc voilà, je cherche des conseils à ce stade de la préparation du commentaire: la recherche des infos, leur mise au service de la reflexion, toujours dans le cadre restreint de l'arrêt, et leur hiérarchisation dans un plan cohérent. Concrètement et minutieusement, comment vous y prenez vous pour réfléchir sur l'arrêt, le discuter au stade préparatoire et batir votre plan? Bien gérer son temps et son intelligence...comment casser la baraque^ ^.

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Salut Aydin,

Je pense que tu as cerné le souci toi-même :

Citation :

Et quand il s'agit de batir le plan à partir de tout ça, je prends même pas la peine de jeter les idées et les regrouper une à une, de plus général au plus anodin pour dégager les grands axes. Je lis tout, j'essaie d'avoir une vue d'ensemble et hop, après des heures de travail (peu efficaces)une illumination; je torche un plan d'un trait, en quelques instants que je modifie rarement (fatigue et impatience d'en finir...).
En fait (comme dans la dissertation), j'essaie surtout de caser spécieusement le savoir dont je dispose à ce moment précis, dans un developpement pour qu'il réponde à la problématique selon une logique complètement biaisée, sans réfléchir en profondeur et envisager les aspects les plus pertinents – qui sont developpés dans le corrigé des profs.


Je ne sais pas s'il y a une méthode meilleure qu'une autre pour réaliser un commentaire de décision. Je te donne la mienne, qui vaut ce qu'elle vaut.

Je lis d'abord la décision plusieurs fois, en délimitant les parties. Puis je prépare la fiche de la décision. Ensuite sur le brouillon je note les points du cours qui s'y rattachent, les grands thèmes, je consulte le Code aux articles cités pour vérifier l'état de la jurisprudence, les éventuels revirements, les mots qui changent dans les attendus. J'essaie de situer la décision dans le rappel du cours : quelle partie est concernée, est-ce que c'est différent de ce qu'on a vu en cours, est-ce que c'est un PBRI ou juste une décision d'espèce...

Et après, je fais un tour dans la RTDCiv histoire de situer l'arrêt s'il a été commenté - c'est concis et synthétique, ça donne une base à partir de laquelle investiguer. Je regarde les commentaires aussi du JCP, du Defrénois, de la Gazette du Palais et des Petites affiches s'il y en a, pour faire le point sur la question. Le commentaire d'un point de droit impose de connaître à fond le sujet, sans faire de blabla sur le domaine, large, du thème.

Une fois effectué le tour des sources, je me remets sur le problème de droit évoqué par la décision, et je le traite en fonction de ce qui a été dit.

Parfois, le problème peut se scinder en deux parties, qui feront le I et le II du commentaire, avec une critique dans chaque partie. Toute les décisions ne s'y prêtent pas, mais c'est une technique utile. Pour les commentaires comparés, un plan I - notion, II - régime peut être sympa. Dans tous les cas, une bonne connaissance du thème ( cours, Lamy, manuels, jurisprudence ) est nécessaire pour pouvoir critiquer la décision au regard de la doctrine. Il ne faut pas chercher à caser ses connaissances s'il n'y a pas de critique dedans, ce n'est pas une dissertation.

Citation :

Je pars du principe que mes connaissances sur le sujets sont faibles à la base.Le préalable indipensable est, semble-t-il la bonne maîtrise du cours, mais il se trouve que le mien ne me satisfait jamais; donc je suis parti pour me noyer dans les recherches; manuels, notes de jurisprudence, internet... et m'appuyer largement sur les analyses des autres – je me contente de reformuler ou de compléter les idées que je lis de façon à les intégrer à mon developpement et les faire coller à mon poblème. C'est bien beau mais c'est très long, fastidieux et pas utile dans la perspective d'un exam où on n'a rien.

En même temps, à un niveau L3 tu n'as pas encore tous les mécanismes pour avoir tes propres opinions, c'est nécessaire de s'appuyer sur les critiques des auteurs pour pouvoir situer la décision dans son contexte. Pour comprendre comment on critique, on apprécie, on commente le travail des juges, qui n'est pas toujours bon. Comment on replace l'arrêt ou comment on prend du recul. Le cours est une base mais il ne suffit pas : tu ne vas pas inventer non plus une analyse.

Avec le temps et la pratique, tu verras que tu commenceras à voir d'un oeil critique les décisions. Lire la doctrine t'entraîne à cet exercice sans que tu t'en rendes compte.

A l'examen, on ne te demande pas de faire un commentaire comme à la maison, c'est sûr. Mais il y a des chances que tu te souviennes des doctrines lues pendant le semestre, et que certaines puissent s'appliquer au sujet. C'est l'entraînement qui va te permettre de maîtriser le commentaire. Si tu veux, poste tes plans sur le forum quand tu as un commentaire à faire, on verra ce qui va et ce qui peut s'améliorer. Mais rassure-toi, tu es sur la bonne voie, il y a pas mal d'étudiants qui ne lisent aucune doctrine en master pour un commentaire.

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Votre sujet a peut-être déjà été traité : avez-vous utilisé la fonction recherche ? :wink:
http://forum.juristudiant.com/search.php

*Membre de la BIFF*

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Salut, merci pour les conseils et voici mon commentaire de l'arrêt d'assemblée plénière du 7 juillet 2006.

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJur ... &fastPos=1

Enjeu: recevabilité d'une seconde demande à laquelle les juges du fond opposent l'autorité de la chose jugée (l'assemblée plénière approuve l'arrêt de la CA et rejette le pourvoi).

Faits & procédure: G.Cesario assigne en paiement d'une somme d'argent son frère, cohéritier de leur défunt père en paiement d'une somme d'argent, se prétendant titulaire d'une créance de salaire différé sur la succession de son père pour avoir travaillé sans rémunération. Rejet de sa demande (motif: activité non exercée au sein d'une exploitation agricole).
Il forme une autre demande ayant même objet mais sur un autre fondement, l'enrichissement sans cause. Un jugement est rendu en 1ère instance (on imagine un rejet), il fait appel et la CA juge irrecevable sa demande en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au 1er jugement relatif à la 1ère demande. Pourvoi en cassation du demandeur, la CCASS le rejette: les deux demandes ont le même objet, obtenir paiement d'une somme d'argent, peu importe que les fondements soient différents, il y a autorité de la chose jugée (ACJ).

PB: Recevabilité d'une seconde demande ayant même objet, entre les mêmes parties mais fondée sur un autre moyen que la 1ère.

I/ LA FIN DE NON-RECEVOIR TENANT A L'ACJ
A/CONDITIONS DE L'ACJ

1351: l'ACJ fait obstacle au renouvellement d'une demande entre les mêmes parties, présentant les mêmes causes et le même objet que la précédénte.

En l'espèce, les 3 conditions cumulatives sont remplies: triple identité reconnue par la CCASS: « [demande]  formée entre les mêmes parties, tendait à obtenir paiement d'une somme d'argent à titre de rémunération d'un travail prétendument effectué sans contrepartie financière ».

Mais si l'identité d'objet (paiement) et de parties ne posent pas de problème d'appréciation, il en va différemment pour la question de la cause, appréciée singulièrement par la Cour.

B/Irrecevabilité des nouveaux moyens: conception de la cause exclusive des moyens de droit

La cour écarte les moyens de droit de son appréciation de la cause: en l'espèce, le salaire différé selon le code rural (1ère demande) et l'enrichissement sans cause (2e).

Or la solution classique est d'identifier la cause au moyen de droit et donc de juger recevable une demande fondée sur un moyen de droit différent de la précédente.

En refusant cette conception, la cour la cour réduit necessairement la cause aux faits: non rémunération d'un travail prétendument effectué sans contrepartie.

Elle fonde sa décision sur une obligation nouvelle

II/L'OBLIGATION DE CONCENTRER SES MOYENS

A/UNE EXIGENCE NOUVELLE

« attendu qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci »

Le demandeur ne peut, semble-t-il, plus réitérer sa demande en la fondant sur de nouveaux moyens. Ainsi l'arrêt met fin à une jurisprudence séculaire en posant une condition que 1351 ne contenait pas

csq: si le demandeur ne soulève pas tous les moyens dès la 1ère instance, il sera définitivement débouté, sous reserve de la survenance de nouveaux faits.

B/UNE SOLUTION AUX CONSQUENCES INCERTAINES
la véritable explication de l'arrêt se trouve dans la volonté d'empêcher la multiplication des instances autour d'une même affaire.

Certes la bonne administration de la justice et la protection des justiciables légitiment l'objectif visant à sanctionner les comportements exagérément processifs. Mais c'est partager le sort de ces derniers avec celui des plaideurs de bonne fois qui ont pu croire que le moyen invoqué lors d'une 1ère procédure suffisait à leur apporter le succès.

Aussi cette solution contraint les parties à multiplier les moyens et exposer dans l'assignation les plus approximatifs voire les plus improbables, de peur qu'on puisse leur reprocher de ne pas avoir soulevé le bon à temps – arrêt à mettre en perspective avec avec celui du 21/12/07 qui érige le relevé d'office des moyens par le juge à une simple faculté et non comme une obligation, ce qui limite d'autant plus les chances des demandeurs de fonder leur demandes sur les « bons » moyens.


PS: j'ajoute que sans la note de G.Wiederkehr (la semaine juridique), j'aurais été incapable d'arriver à ça, et encore je crois bien que j'aurais pas pu en faire davantage...