Commentaire d'arrêt 4 avril 2019

Publié par

Bonjour j'ai eu un commentaire d'arrêt à faire sur l'ordonnance du 4 avril 2019 du Conseil d'État, est-ce que vous pourriez me donner vos avis sur mon travail ?



Commentaire d’arrêt : CE, ord. 4 avril 2019, France Télévisions

Il s’agit d’une ordonnance rendue par le Conseil d’État en date du 04 avril 2019 portant sur le référé-liberté.

En l’espèce, la société France Télévisions a décidé d’organiser dans la perspective des élections au Parlement européen un débat devant être diffusé sur France 2 le 4 avril 2019. Elle a invité à participer à ce débat neuf personnalités politiques. Mais MM. Benoît Hamon, François Asselineau et Florian Philippot, eux aussi candidats aux élections n’ont pas été invités.

MM. Hamon, Asselineau et Philippot saisissent le tribunal administratif de Paris le 27, 29 et 30 mars 2019, par la voie d’un référé-liberté, pour demander d’ordonner à la société France Télévisions de les inviter à participer au débat télévisé organisé le 4 avril. Le 1 er avril 2019, le tribunal administratif de Paris rend 3 ordonnances qui ordonnent à la société nationale France Télévisions soit d’inviter MM. Hamon, Asselineau et Philippot au débat du 4 avril 2019 soit d’organiser un autre débat avant le 23 avril. La société France Télévisions fait appel de ces ordonnances devant le juge des référés du Conseil d’État qui rend une ordonnance d’annulation des ordonnances du tribunal administratif de Paris le 04 avril 2019.

Ne pas inviter des personnalités politiques sur un débat politique hors période électorale porte-t-il atteinte au principe de pluralisme juridique ? Peut-on invoquer le référé-liberté pour annuler une telle décision ?

Le Conseil d’État dans son ordonnance du 4 avril 2019 annule les trois ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Paris aux motifs que les règles qui régissent en matière de communication audiovisuelle, la période électorale n’étaient pas encore applicable à la date du débat télévise en cause, que ni la loi du 30 septembre 1986, ni les recommandations du CSA n’imposent à France Télévisions (hors période électorale) le respect d’une stricte égalité de traitement entre toutes les personnalités politiques et que 9 personnalités politiques représentant des mouvements qui expriment les grandes orientations de la vie politique nationale étaient représentés et donc qu’il y avait une pluralité de partis et groupements politiques et donc aucune atteinte au principe de pluralisme politique.



Nous verrons donc que cette ordonnance porte sur le recours contentieux qu’est le référé-liberté avec la mise en cause d’une atteinte au principe de pluralisme juridique (II)

I. Une ordonnance portant sur un recours contentieux : Le référé-liberté[/b]

Cette ordonnance porte sur un recours contentieux et plus particulièrement le référé-liberté, il est donc judicieux de voir la définition et les caractéristiques du référé-liberté (A) pour ensuite voir si ces caractéristiques s’appliquent aux demandes faites par MM. Hamon, Asselineau et Philippot (B).

A.La notion de référé-liberté[/b]

La notion de référé-liberté a été consacrée par la loi du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives. En effet, cette loi a créé des procédures d’urgence devant le juge administratif dont la procédure de référé-liberté.

Après avoir été créé par la loi du 30 juin 2000, la référé-liberté a été introduit à l’article L.521-2 du Code de justice administrative. Cet article défini donc ce qu’est un référé-liberté, il dispose que « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ».

Il y a donc dans cet article, plusieurs critères pour qu’un référé-liberté puisse être invoqué. En effet, il doit y avoir une urgence, il faut qu’une liberté fondamentale soit atteinte, de manière grave et manifestement illégale par une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public.

Il faut donc se demander si toutes ces conditions sont appliquées aux demandes faites par MM. Hamon, Asselineau et Philippot pour pouvoir invoquer le référé-liberté (B).

B. L’application des critères du référé-liberté aux demandes de MM. Hamon, Asselineau et Philippot[/b]

Comme dit précédemment, il faut donc la réunion de plusieurs critères pour pouvoir invoquer un référé-liberté. Il est donc opportun de reprendre chacun de ces critères pour voir s’ils sont respectés.

Le premier critère est l’urgence. L’urgence peut être appréciée de deux manières, soit de manière concrète, il y a urgence quand « la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre » (CE, ord, 19 janvier 2001, Confédération nationale des radios libres) soit de manière objective avec la mise en balance de l’ensemble des intérêts en présence (CE, ord, 28 février 2001, Société sud-est assainissement). Dans notre cas on peut donc admettre que la décision de la société France Télévisions de ne pas inviter MM. Hamon, Asselineau et Philippot porte préjudice à la situation des requérant qui ne pourront pas exprimer leur opinion en vue des élections au Parlement européen.

Le deuxième critère est la liberté fondamentale. En effet, pour pouvoir invoquer le référé-liberté, il faut qu’une liberté fondamentale soit lésée. La plupart du temps, une liberté fondamentale est une grande liberté garantie par la Constitution, sont donc des libertés fondamentales, la liberté d’aller et venir, la liberté d’expression, le droit à la vie, etc. Mais dans ce cas, a-t-on une liberté fondamentale qui est lésée ? A priori oui, le principe de pluralisme politique au premier abord se voit être lésé, car on interdit à certains parties politique de s’exprimer.

Le troisième critère est une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public. La question qui se pose donc est de savoir si la société France Télévisions est une personne morale de droit public ou un organise de droit privé chargé de la gestion d’un service public. L’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que « Les sociétés énumérées aux articles 44 et 45 poursuivent, dans l'intérêt général, des missions de service public ». L’article 44 de cette même loi énumère comme société la société nationale de programme France Télévisions. Enfin l’article 47 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que « L’État détient directement la totalité du capital des sociétés France Télévisions (…) ». Il résulte donc de tous ces articles que la société nationale de programme France Télévisions estbien un organisme privé chargé de la gestion d’un service public et donc entre dans le champ des dispositions de l’article L.521-2 du Code de justice administrative.

Le dernier critère est une atteinte grave et manifestement illégaleà la liberté fondamentale. Il n’y a pas de définition « d’atteinte grave et manifestement illégale », seule chose que l’on peut dire, c’est que cette illégalité doit « sauter aux yeux », l’illégalité doit être flagrante.

Après avoir évoqué la notion de référé-liberté et ces caractéristiques, nous verrons plus en détail ce qu’est le principe de pluralisme politique (II).

II. Une ordonnance portant sur le principe de pluralisme politique[/b]

Nous verrons donc quelles sont les règles de représentation des partis et groupements politiques sur les chaînes politiques (A), règles qui nous permettront de dire qu’il n’y a aucun atteinte grave et manifestement illégale au principe de pluralisme politique et donc d’annuler les ordonnances du tribunal administratif de Paris (B).

A.Les règles de représentation des partis et groupements politiques sur les chaînes publiques[/b]

Il existe des règles de représentation des partis et groupements politiques sur les chaînes publiques. C’est le Conseil supérieur de l’audiovisuel qui est chargé d’organiser ces règles. L’article 2 de la délibération du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 4 janvier 2011 dispose que « Les éditeurs de services de radio et de télévision respectent le principe de pluralisme (…) pendant les six semaines précédant le jour du scrutin ». Les élections au Parlement européen étant le 26 mai, le délai de six semaines ne court pas à la date du 4 avril, donc la société France Télévision n’était, en aucun cas, obligé d’inviter MM. Hamon, Asselineau et Philippot.

L’article 1 de la délibération du 22 novembre 2017 relative au principe de pluralisme politique dans le services de radio et de télévision dispose que « les éditeurs veillent à assurer aux partis et groupements politiques qui expriment les grandes orientations de la vie politique nationale un temps d'intervention équitable au regard des éléments de leur représentativité, notamment les résultats des consultations électorales, le nombre et les catégories d'élus qui s'y rattachent, l'importance des groupes au Parlement et les indications de sondages d'opinion, et de leur contribution à l'animation du débat politique national ». La société France Télévisions ayant invité 9 personnalités juridique représentant des mouvements qui expriment les grandes orientations de la vie politique nationale et qui se répartissent sur toute l’étendue de l’éventail politique a donc suivit les recommandations du Conseil supérieur de l’audiovisuel et n’avait donc pas l’obligation ni par la loi, ni par les recommandations d’inviter MM. Hamon, Asselineau et Philippot.

La société France Télévisions ayant respecté la loi et les recommandations du Conseil supérieur de l’audiovisuel, il n’y a donc aucune atteinte grave et manifestement illégale au principe de pluralisme politique (B).

B.Aucune atteinte grave et manifestement illégale au principe du pluralisme politique[/b]

Le principe de pluralisme politique est un principe consacré par la Constitution. La loi du 30 septembre 1986 prévoit que le Conseil supérieur de l’audiovisuel « assure le respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d’information politique et général ». C’est donc comme dit précédemment le Conseil supérieur de l’audiovisuel qui gère les règles de représentation des partis et groupements politiques à la télévision. MM. Hamon, Asselineau et Philippot ont invoqué le référé-liberté, car ils estimaient qu’il y avait une atteinte grave et manifestement illégale au principe de pluralisme juridique n’ayant pas été invité au débat du 4 avril par France Télévision. Or, la société France Télévisions a respecté les recommandations du Conseil supérieur de l’audiovisuel en invitant 9 personnalités politique de différents mouvements politiques et n’était pas obligé de respecter une stricte égalité de traitement entre toutes les personnalités politiques, il n’y a donc aucune atteinte grave et manifestement illégale au principe de pluralisme politique, car différents partis et groupements politiques sont représentés. Il est donc normal pour le Conseil d’État d’annuler les ordonnances faites par le tribunal administratif de Paris, car les conditions du référé-liberté avec une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale n’est pas caractérisée. Dernière modification : 08/04/2020 - par Chris / Joss Beaumont Modérateur