CE 16 Janvier 2006

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Bonsoir,
J'ai un commentaire à faire de la décision du Conseil d'Etat en date du 16.01.2006 Fédération du Crédit Mutuel Centre Est Europe ( http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000008243816&fastReqId=47847711&fastPos=1)

Je bloque sur les sous parties du plan
Ma problématique pour l'instant c'est le juge de l'excès de pouvoir est-il compétente pour annuler des recommandations d'organismes tels que la commission des clauses abusives?

Je pensais faire comme plan
I. La recevabilité du REP
A. La nécessité de la règle préalable

II. L'illégalité de l'acte ministériel.

Je bloque surtout sur le II, je pense qu'il faut parler de la décision du ministre mais je ne vois pas comment, de même pour mon I, si je mets la règle préalable dans le A je ne vois pas quoi mettre pour le B.
J'attends vos conseils
Merci

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Bonjour,

Peut tu nous expliquer rapidement la façon dont tu as compris l'arrêt ?
Je ne retrouve pas les principaux point soulevés dans l'arrêt dans ton plan (d'ailleurs l'acte ministériel n'est pas illégal).

Un petit conseil concernant ta problématique : concentre toi plutôt sur la qualification juridique des recommandations émmanants de ladite commission pour en tirer des conséquences tant sur la recevabilité du REP, que sur le contrôle de sa publication.

bon courage

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Bonsoir,

La portée de l'arrêt se concentre principalement sur ce que peut le juge administratif contre cette recommandation.
Il se dit lui-même incompétent pour contrôler la légalité interne de cet acte, seulement la légalité externe.
Je pense qu'il y a un parallèle à faire avec directives et autres actes.

Bonne soirée

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Master Droit public des affaires Lyon 3

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ce n'est pas vraiment exact, la recommandation est un acte non décisoire et donc de ce fait le recours n'est pas recevable contre cet acte (premier point de l'arrêt).
La contestation de l'acte est également impossible par voie d'exeption (c'est à dire qu'on ne pourra pas exciper de l'illégalité de la recommandation a l'occasion d'un recours contre la décision de publication de l'acte) et c'est pour cette raison que le juge ne contrôle que la légalité externe de la décision de publication (mais est-ce qu'une décision de publication fait grief ? en l'espèce il semble que 1)la publication est distincte de l'acte et peut donc être contesté séparément 2) modifie l'ordonancement juridique mais je ne comprend pas pourquoi)

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Camille Intervenant

Bonsoir,
Pour moi, cet arrêt est un peu plus subtil mais plus simple ! Manifestement, la FÉDÉRATION DU CRÉDIT MUTUEL CENTRE EST EUROPE a bien cru se reconnaître expressément et s'est sentie visée au vu de la formulation de la fameuse recommandation, en son point 5, parce qu'elle commercialise justement des "contrats de prêt immobilier comportant une telle clause". Donc, elle a cru pouvoir faire tout annuler, publication et recommandation, en vertu du L. 132-4 du code de la conso qui dit que :
"rendre publiques ces recommandations qui ne peuvent contenir aucune indication de nature à permettre l'identification de situations individuelles".

Et le Conseil d'Etat répond : Non, non, aucune indication de nature à permettre l'identification de la FÉDÉRATION DU CRÉDIT MUTUEL CENTRE EST EUROPE dans cette recommandation qui "se borne à évoquer en termes généraux une clause de variation du taux d'intérêt liée au statut coopératif du prêteur".
Point.

Le CE en profite pour rappeler, juste avant, les seuls (autres) cas qui auraient pu permettre, soit de faire annuler la publication par le ministre, soit de faire annuler la recommandation, pour les éliminer, de manière à déboucher sur le seul motif possible d'annulation, dans le cas présent, qui aurait été qu'on puisse identifier des "situations individuelles".

Selon moi.

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Comme il y a deux "considérant" je voulais faire une première partie sur le 1er et la seconde partie sur le second considérant.
Le premier concerne effectivement la qualification juridique des recommandations qui ne sont que des recommandations et s'imposent pas aux particuliers donc pas de possibilité de faire un REP
Et la seconde partie, concerne le fait que le juge administratif peut juger l'illégalité concernant la forme de la décision du ministre mais pas le contenu.
Merci

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oui mais l'intérêt de ce second considérant c'est que le juge considère la décision (la publication par le ministre de la recommandation) comme décisoire (puisqu'il admet le REP) alors qu'elle a pour objet de publier une autre décision, la recommandation, qu'il a considéré comme non décisoire ce qui peut paraitre paradoxal puisque qu'une publication, par définition, n'ajoute rien au texte qu'elle publie.

Du coup les deux considérant sont liés et il ne me semble pas judicieux de les traiter de façon différencié.

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J'ai essayé de prendre en compte les diverses informations que vous m'avez donné, j'ai élaboré pour l'instant le plan suivant, je bloque sur le B (est ce que je peux faire un parallèle avec les actes détachables des contrats qui sont attaquables par un REP depuis la Jp Martin 1905?)
Merci

I. La recevabilité du REP
A. Une nécessité de modification de l’ordonnancement juridique
- Le REP = PGD depuis l’arrêt Dame Lamotte, voie de droit ouverte même si silence de la loi.
- seuls les actes unilatéraux décisoires peuvent faire l’objet d’un REP. Cela implique que les actes préparatoires c’est à dire les actes qui s’insèrent dans le processus d’édiction d’une décision ultérieure ne peuvent pas être attaqué devant le juge de l’excès de pouvoir car ces actes ne font pas grief ne modifient l’ordonnancement juridique.
- ce qui est énoncé par la commission des clauses abusives se sont des recommandations, pas de modification de l’ordonnancement juridique. Valeur de préconisation.
- la décision du ministre de publier les recommandations est un acte administratif unilatéral, peut faire l’objet d’un REP car modification de l’ordonnancement juridique.

B. La nécessité de reconnaissance de situations individuelles.
- pour l’ouverture d’un REP contre les recommandations de la commission des clauses abusives, il aurait fallu que soit mentionné, en l’espèce, le Crédit Mutuel Centre Est Europe, ce n’est pas le cas, donc pas de REP.
- Le ministre n’a pas à vérifier que la commission des clauses a correctement appliquer les textes de lois. Appréciation souveraine.
- Le juge administratif vérifie que cette décision de publier ne fait pas grief, ne vise pas expressément des situations individuelles.


II. Une décision apparaissant contradictoire
A. L’admission d’un REP contre la décision ministériel
- le Ministre décide de publier des recommandations qui ne modifie pas l’ordonnancement juridique, or cette décision est susceptible de faire l’objet d’un REP.
- Cette décision ministériel de publication ne modifie pas les recommandations faites par la commission des clauses abusives.
- Le juge va vérifier que la décision n’est pas entachée d’illégalité externe, d’erreur de fait, de droit ou de détournement de pouvoir. Il ne vérifie pas le contenu.

B.

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Camille Intervenant

Bonjour,

Et la seconde partie, concerne le fait que le juge administratif peut juger l'illégalité concernant la forme de la décision du ministre mais pas le contenu.


A mon humble avis, si.
Supposons, par exemple que la FÉDÉRATION DU CRÉDIT MUTUEL CENTRE EST EUROPE ait commercialisé un produit exclusif baptisé "FruktiFondsDeKonghs KouilleHenHor" ( * ) et que la commission ait écrit une recommandation du genre "une clause qui laisse au seul prêteur le choix de la variation du taux ainsi que de son amplitude ou qui confère à son organe de direction un pouvoir de décision en cas de différend crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, alors que les titres des produits, tels que "FruktiFondsDeKonghs" ou "KouilleHenHor", laissent penser à l'emprunteur qu'il va s'en faire des grosses avec ce genre de produits attrape-c***" et que le ministre la fait publier telle quelle au JO, la FEDERATION aurait eu de très bonnes chances d'obtenir gain de cause. Et bel et bien sur la base du contenu de ladite recommandation.
Maintenant, de savoir s'il aurait fallu attaquer sur le fondement d'une illégalité externe, d'une erreur de fait, d'une erreur de droit, d'un détournement ou d'un excès de pouvoir, là je ne sais pas trop, mais une chose est certaine, les dispositions du L132-4 du code de la conso n'auraient pas été respectées…


( * ) Toute ressemblance avec etc., etc. 4.gif

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Déjà je pense que tu as une très bonne piste concernant ton I/II, je pense que l’articulation que tu as choisit est la bonne. Le seul bémol me concernant se situe dans la formulation des titres, celui de ton II est correct (il est même bien) mais celui de ton I semble trop théorique pour un commentaire d’arrêt.

Concernant tes dévellopements au sein de chaque partie :


I.

Pour ton grand A, j’aurais fait la même chose que toi c’est à dire parler du principe (la non recevabilité des actes non décisoirs dans le cadre du REP) puis souligner que le CE l’applique en l’espèce aux recommandations.
Pour le grand B, en revanche je me serais concentré sur la décision ministerielle c’est à dire parler dans un premier temps de la recevabilité de ladite décision puis évoquer rapidement le fait que cela pose problème

II.

Pour le grand A, je suis là encore d’accord avec toi c’est à dire que je trouve pertinent d’expliciter pourquoi le fait de contrôler la décision du publication pose problème (la éventuellement tu peux parler de la théorie de l’acte détacheable en disant qu’en contrôlant la publication il la considère comme détacheable de la recommandation ce qui peut paraître étonnant).
Pour le grand B, tu peut évoquer ce qu’à exposé Camille un peu plus haut car il semble que cela soit la clef de l’arrêt (c’est à dire parler de la disposition législative qui contraint le juge à vérifier, au moment de la publication, si la recommandation ne vise pas des situations individuelles) : cet arrêt et donc une décison d’opportunité ce qui explique pourquoi elle semble à première vue si contradictoire.

NB : même en considérant cet arrêt comme étant une décision « d’opportunité » un problème subsiste : jamais le juge ne va contrôler le contenu de la recommandation (irrecevabilité du recours contre la recommandation, contrôle de légalité externe de la décision de publication) or comment le juge fait-il pour dire que la recommandation à une portée générale et impersonnelle sans effectuer un contrôle de légalité interne (contrôle du contenu) de la recommandation ? Ce contrôle il le fait implicitement ce qui montre bien l’embarras dans lequel le place cette disposition du code de la consomation.

Après ce n'est que mon point de vue sur l'arrêt, en tout cas je pense que ton I et II montre que tu as plutôt bien cerné l'arrêt !
Bon courage !

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Camille Intervenant

Re,
- la décision du ministre de publier les recommandations est un acte administratif unilatéral, peut faire l’objet d’un REP car modification de l’ordonnancement juridique.

Moi, ce n'est pas tout à fait ce que je lis :

Considérant
(...)
que, sous réserve de la condition posée par l'article L. 132-4 du code de la consommation et relative au risque d'identification de situations individuelles, l'appréciation à laquelle se livre le ministre pour décider une telle publication n'est pas davantage susceptible d'être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir ;

Donc, en principe, d'une manière générale, "l'appréciation à laquelle se livre le ministre pour décider une telle publication n'est pas ... susceptible d'être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir"
SAUF...
"sous réserve de la condition posée par l'article L. 132-4 du code de la consommation et relative au risque d'identification de situations individuelles"
Donc, à mon humble avis, tout tourne autour de la question de savoir si on peut, à la lecture de la recommandation, identifier des situations individuelles alors que les recommandations doivent viser des situations et des considérations générales.

Dit autrement, une commission de quoi que ce soit ne pourrait pas écrire une recommandation, et un ministre la publier au JO, qui dirait que devrait être considéré comme abusif "de proposer à la vente des sandwiches constitués de 5 étages de steaks hachés, entrelardés d'oignons de Katmandou et arrosés de mayo au gingembre et à la fleur de pavot" alors que MacDoo vient de lancer à grands renforts de publicité son nouveau "Super-Méga-Erotico-Hallucino-BigMac" avec, devinez quoi dedans...
4.gif

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Donc cela voudrait dire que pour savoir si oui ou non on contrôle la recommandation (en l'espèce a l'occasion du contrôle de la décision de publication), le juge va regarder si le contenu de la recommandation est ou non contraire au code ... en gros cela revient à faire dépendre la recevabilité du recours du bien fondé du recours.

Quelque peu scabreux comme raisonnement non ?

Tout aurait été plus simple si le juge avait accepté de contrôler la légalité interne (accepter de contrôler la légalité interne tout en excluant le contrôle de la recommandation cela revient à vider de sens ce contrôle puisque l'objet de la publication c'est la recommandation) de la décision de publication, mais contrôler le contenu de la publication c'est contrôler par voie d'exeption la recommandation et ça le juge administratif c'est toujours refusé de le faire (puisque la recommandation est un acte non décisoir) en application de la jurisprudence dame lamotte.
En réalité le CE bricole ici une solution bancale (en détacheant artificiellement la publication de la recommandation) pour être en conformité avec une disposition législative sans pour autant revenir sur dame lamotte.

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Après être aller voir les conclusion du commissaire du gouvernement Guyomar (Ajda 2006 n°15 p 828) il s'avère que la décision de publier un avis, recommandation, ... est un acte distinct (et non pas détacheable) dudit avis, recommandation, ... et ce depuis l'arrêt du CE en date 21 octobre 1988 église scientologique de paris.

le commissaire du gouvernement de l'époque Olivier Van Ruymbeke :

« [...] ce n'est pas parce qu'un avis, un rapport ou un document n'a pas le caractère d'une décision administrative faisant grief qu'il en va de même de la décision de publier une telle décision ».


Sur la question de savoir si cette décision (de publié l'acte) à un caractère décisoir ou non,l'argument est un argument d'opportunité :

Olivier Van Ruymbeke :

« une décision de publier un rapport [...] heurte les intérêts des personnes concernées et ce bien plus durement que l'édiction de telle ou telle mesure juridique »


Conséquence : la décision de publier une recommandation est bien un acte administratif décisoir ce qui justifie un contrôle de légalité de ladite décision.
Conséquence, Camille est dans le vrais (et donc a contrario moi dans le faux) lorsqu'elle dit que le CE opère un contrôle du contenu de la décision de publication (et non de la recommandation) lorsqu'il verifie que la recommandation n'est pas de nature à permettre l'identification de situations individuelles (en quelque sorte l'on peut dire que le ministre était tenu de vérifier avant la publication que la recommandation n'était pas de nature à permettre une telle identification).

Il y a donc deux actes dans cet arrêt : l'un est non décisoir (la recommandation) l'autre et décisoir (la décision de publication)

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Merci beaucoup pour tous vos conseils, ils m'ont vraiment aidé à cerner l'arrêt. Voilà le plan définitif que j'ai élaboré.

J'ai mis deux problématiques qui sont:
1° Le juge de l’excès de pouvoir est-il compétent pour annuler des recommandations de la d’organismes telle que la commission des clauses abusives?
2° Le juge administratif est-il compétent pour juger de la légalité externe de décisions ministérielles de publier des recommandations dans le cadre d’un REP?


I. La réunion de deux conditions du REP
A. Une nécessité de modification de l’ordonnancement juridique
B. La reconnaissance du caractère décisoire de l’acte ministériel.

II. Une décision apparaissant contradictoire
A. Un contrôle du juge administratif ne semblant concerné que la légalité externe de l’acte ministériel
B. Un contrôle du juge administratif de la légalité des actes administratifs décisoires renforcé.

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Camille Intervenant

Bonjour,
Il y a donc deux actes dans cet arrêt : l'un est non décisoir (la recommandation) l'autre et décisoir (la décision de publication)

Oui, mais tout ça ne me parait pas illogique. Comme son nom l'indique, une recommandation n'a aucun caractère contraignant. Donc on ne peut pas taxer d'excès de pouvoir ce qui n'a aucun pouvoir (sauf de persuasion).
De plus, tant que cette recommandation n'est pas publiée, pas diffusée officiellement, pas portée à la connaissance du "vulgum pecus", elle reste "dans le sérail" secret et feutré des ministères et commissions. Donc, personne d'extérieur ne peut demander quoi que ce soit.

Et à mon avis, il faut distinguer l'acte d'un sinistre ministre qui ne ferait que publier telle quelle cette recommandation, à titre informatif seulement, tout en "incitant gentiment" les professionnels du secteur à s'en inspirer, et l'acte qui consisterait, sous une forme ou sous une autre, à décréter que "Après consultation et sur recommandation de la commission Patati, à partir de dorénavant et jusqu'à désormais, devront être considérées comme abusives les clauses qui disent que… et attention à ceux qui passeraient outre, je - par le truchement d'un juge - leur promets le pilori ou la potence".
Dans un cas, je vois mal comment on pourrait parler d'excès de pouvoir (sauf aux réserves déjà indiquées), entachant une publication qui, en soi, "n'a pas de pouvoir", alors que dans l'autre cas, si (pour autant que le ministre ait bien excédé ses pouvoirs en décrétant ce qu'il a décrété).
4.gif


P.S. : décisoire prend un e, même au masculin…

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bonjour,

Je suis d'accord avec toi pour dire que ce qui rend l'acte décisoire (4.gif) c'est en quelque sorte son effet psychologique (l'expression est peut être malheureuse mais je n'en trouve pas d'autre pour qualifier ledit effet qui n'est certainement pas juridique)va avoir sur ses destinataires.

Du coup le CE fait quand même sacrément évoluer la notion de "décisoire"(cette évolution peut être constaté, pour les circulaire, dés 2002 et l'arrêt Duvignère dans lequel le juge accepte de contrôler des circulaires impératives non-interprétatives), puisqu'il n'est plus indispensable que l'acte modifie l'ordonnancement juridique pour recevoir une telle qualification et puisse, in extenso, faire l'objet d'un REP.

Cette évolution est quand même critiquable, car si elle améliore "le droit au recours des administrés" (puisqu'elle l'étend à des actes ayants des conséquences métajuridique) elle introduit une part de subjectivité dans le contrôle du juge (savoir si l'actes produit des effets autres que juridiques sur la situation du destinataire de l'acte) ce qui est quand même paradoxal puisque dans le cadre du REP, le juge est censé se limiter à un contrôle objectif (c'est la portée de dame lamotte)