Avis sur commentaire d'arrêt Plen.

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Bonjour à tous,

A titre exceptionnel, j'aurais aimé avoir votre avis sur commentaire d'arrêt concernant sa rédaction, et si vous avez le temps dans le fond. Il n'est pas à rendre vu que la séance de TD est passé. Je me suis permis de le mettre car il est assez court.

Soyez très critique s'il vous plait, c'est pour progresser :).

Citation :

Commentaire de l'arrêt du 29 juin 2001:

Dans un arrêt du 29 juin 2001 rendu en assemblée plénière, la Cour de cassation a été confronté à une affaire qui soulève de grandes questions sociétales quant à la place de l'enfant à naitre dans le droit.
En l’espèce le conducteur d’une automobile, en état d’imprégnation alcoolique, est entré en collision avec une automobiliste enceinte de 6 mois, causant ainsi des blessures à la mère et surtout la mort de l’enfant qu’elle portait.
Le tribunal du premier degré a condamné le prévenu sous le chef d'atteinte involontaire à la vie de l'enfant à naître.
La Cour d’appel de Metz a écarté cette qualification au motif que la loi pénale est d’interprétation stricte, qu’il ne peut y avoir homicide à l’égard d’un enfant dont le cœur battait à la naissance et qui a respiré et non comme en l’espèce à l’égard d’un enfant dont la mort avait été causée in utero et qui était donc mort né.
La Cour de cassation doit répondre répondre à la question de savoir si l’homicide involontaire peut il être étendu à l'être vivant qui est en cours de gestation ?
La Cour de cassation pose en sa plus haute formation que : « le principe de la légalité des délits et des peines, s’oppose à ce que l’incrimination prévue par l’art 221-6 du Code pénal, réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître »
Comment analyser l'ensemble de ce sujet, sans en étudier d'abord le champ d'application de cette infraction pénale, puis nous verrons la non-application de celle-ci dans le cas d'un enfant en gestation.

I- Le champ d'application de l'homicide involontaire

Pour mieux comprendre, il faut se pencher sur la portée générale de l'article 221-6 du Code pénal puis voir si celle-ci inclut l'enfant en gestation.

A- Causer la mort d'autrui involontairement

Selon le premier alinéa de l'article 221-6 du Code pénal, "Le fait de causer [par] manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire".
Les peines sont de trois ans d'emprisonnement et de 45.000€ d'amende, ou de cinq ans d'emprisonnement et 75.000€ en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement.
En l'espèce, le prévenu a causé involontairement la mort de l'enfant à naitre de la victime lors d'un accident de voiture.
Pour que la responsabilité pénale du prévenu soit engagée, il est établi qu'il y a un lien de causalité entre l'accident et la mort prématurée de l'enfant à naitre. Le premier jugement a établit cette causalité en condamnant le prévenu sous le chef d'atteinte involontaire à la vie de l'enfant à naître. La cour d'appel a écarté ce chef d'accusation pour un motif de droit et non d'espèces. La causalité est donc bien avérée. L'enfant à naître est-il pour autant pris en compte par la loi pénale ?

B- Le cas spécifique d'un enfant en gestation

L'enfant à naitre n'est pas protégé pénalement au titre de l'infraction des personnes. En effet, il faudrait que celui-ci ait la qualité de personne. Or dans l'état actuel de la législation, il ne bénéficie pas de ce statut, donc d'aucun régime juridique propre.
La cour d'appel dans cette affaire a une approche légèrement différente. Elle considère qu'il peut y avoir personne que si l'enfant a respiré et que son cœur battait, c'est-à-dire qu'il soit viable au moment . Elle envisage dans le cas d'un interprétation extensive de l'article 221-6 de Code pénal la possibilité d'incriminer le prévenu responsable de la mort. En l'espèce, l'enfant n'est pas né viable donc elle a écarté l'incrimination.

Cette notion de viabilité de l'enfant a été reprise dans l'esprit du code civil en matière de succession où l'enfant est considéré comme né si l'en va de son intérêt : Infans conceptus pro nato habetur. En effet, le code civil impose sa viabilité à la naissance par la suite comme condition.
Le Procureur général fait une interprétation extensive.
Son motif est que la loi pénale n'exclut pas l'enfant à naître et il reproche à la cour d'appel de vouloir limiter la loi en ajoutant les conditions à l'incrimination.

II – L'exclusion par la jurisprudence de cette qualification pour l'enfant en gestation

Cette partie appelle à se concentrer sur la solution de la Cour de cassation puis sur son indication particulière donnée à la fin de celle-ci.

A – La nécessaire stricte interprétation de la loi pénale

Le droit pénal est régit par un certain nombre de principes très importants comme celui de la légalité des délits et des peines. Il impose une interprétation stricte de la loi pénale.
Dans le cas de cet arrêt, la Cour de cassation va interpréter la loi de manière restrictive. Elle efface toutes les conditions prévues par la cour d'appel en excluant tout simplement l'incrimination d'homicide involontaire pour un enfant à naitre.
Elle suit un autre raisonnement que la cour d'appel mais arrive à la même solution. Par un souci de simplicité, elle ne fait que rejeter le pourvoi et soustrait son raisonnement à celui de la cour d'appel.
Elle rend cet arrêt en formation plénière afin de bien trancher cette question de principe et assumer de manière solennelle l'entière responsabilité de la solution.
Elle finit sa solution en précisant que dans ce type de question, les textes particuliers sur l'enfant à naitre déterminent le régime juridique et qu'il convient de s'y reporter afin d'éviter de verser dans une interprétation souple de la loi pénale.

B - Le recours à des textes spécifiques sur l'embryon ou le fœtus

Du fait de la rédaction en terme généraux, il se profile que la Cour de cassation a voulu donner une force particulière à cette solution en la détachant des faits. Cependant, elle reste strictement dans son rôle et n'édicte aucune règle.
Le cas de l'enfant en gestation dans l'hypothèse d'un homicide involontaire revient donc à chercher le régime juridique particulier qui lui est appliqué.
On peut noter que certaines juridictions du fond ont retenu la qualification d’homicide par la commission d’infraction ayant engendré le décès du fœtus, c’est notamment le 13 mars 1997, Cour d’appel de Lyon : le fœtus est assimilé au genre humain et n'est pas considéré comme une personne.


Il n'existe à proprement parler aucun texte définissant le régime juridique propre à l'enfant en gestation, il n'est pas une personne titulaire de droit subjectif. Dans l'arrêt commenté, on est face à une création de droit par le juge. Le juge déduit des conditions, pour l'article 211-6 de Code pénal, d'autre textes en rapport avec l'enfant en gestation. La question ne se réduit pourtant pas à une simple question propre au droit, à sa technique mais un réel sujet de société lourd de morale, de philosophie. Ce sont les représentants du peuple qui ont à leur charge de traiter le sujet en s'entourant éventuellement de commissions éthiques afin de trouver un équilibre entre les intérêts des êtres vivants et de ceux à naître.


Je ne sais pas si c'est permis de faire ce genre de petites demandes à titre exceptionnel. En tout cas, je vous remercie par avance. Au pire, n'hésitez pas à l'envoyer à la corbeille.

Cordialement,

Caserio

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J'ai demandé cet avis à un camarade qui a su me répondre.
Une petite réponse aurait été la bienvenue quand même...
Bonne journée.

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Camille Intervenant

Bonjour,
Juste un petit détail...

Citation de Caserio :


Elle rend cet arrêt en formation plénière afin de bien trancher cette question de principe et assumer de manière solennelle l'entière responsabilité de la solution.

pas vérifié pour ce cas d'espèce mais en temps ordinaire, qui dit assemblée plénière dit cassation sur renvoi à une cour d'appel après une première cassation par une assemblée "spécialisée". Obligatoire, si j'ai bonne mémoire, quand la 2e cour s'est "obstinée" à juger dans le même sens que la première, sans tenir compte des "judicieuses observations" de la première Cour de cassation.
Donc pas forcément "histoire de marquer le coup".

Pour le reste, selon moi, pour qu'il y ait "mort légale", il faut qu'il y ait eu préalablement "naissance légale" et "vie légale". Donc, des signes de vie constatés après l'accouchement, ne serait-ce que quelques instants.
Dans ce cas, mais dans ce cas seulement, on accorde des droits, "rétroactifs" en quelque sorte, à cet enfant.
Le terme d'enfant "mort-né" prête à confusion en ce sens qu'il était réputé mort avant l'accouchement, donc pas "né", en fait. Donc, pas d'existence légale.
Au sens strict, "mort-né" ne devrait désigner que l'enfant qui décède pendant l'accouchement, c'est-à-dire "mort en naissant", mais ni avant ni après.

De toute façon, typiquement le sujet genre "planche bien savonnée"... :ymdaydream:

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Hors Concours

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Ok ok je te remercie. J'avais pas vu la réponse avant.

Cordialement