Arrêt de cassation visant les art 1147 et 1382 du c. civ

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Bonjour,

Ma question porte sur l'analyse d'un arrêt de cassation visant les articles 1147 et 1382 du code civil.

Je vous joins le texte de l'arrêt.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche du pourvoi de la société Saxby Manutention, moyen étendu d'office par application de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile au pourvoi de la société Soderep et au pourvoi incident de la Commercial Union Assurance Company Limited, assureur de Saxby ;



Vu les articles 1147 et 1382 du Code civil ;

Attendu que, dans un groupe de contrats, la responsabilité contractuelle régit nécessairement la demande en réparation de tous ceux qui n'ont souffert du dommage que parce qu'ils avaient un lien avec le contrat initial ; qu'en effet, dans ce cas, le débiteur ayant dû prévoir les conséquences de sa défaillance selon les règles contractuelles applicables en la matière, la victime ne peut disposer contre lui que d'une action de nature contractuelle, même en l'absence de contrat entre eux ;

Attendu qu'un avion de la compagnie norvégienne Braathens South American and Far East Airtransport, dite Braathens SAFE, a été endommagé pendant l'opération destinée à l'éloigner à reculons du point d'embarquement de ses passagers pour lui permettre de se diriger ensuite par ses propres moyens vers la piste d'envol ; qu'en effet, le tracteur d'Aéroports de Paris qui le refoulait s'étant brusquement décroché de la " barre de repoussage " attelée par son autre extrémité au train d'atterrissage, l'appareil et le tracteur sont entrés en collision ; que l'accident a eu pour origine une fuite d'air comprimé due à un défaut de l'intérieur du corps d'une vanne pneumatique fabriquée par la société Soderep et incorporée au système d'attelage de la barre au tracteur par la société Saxby, devenue depuis lors Saxby Manutention, constructeur et fournisseur de l'engin à Aéroports de Paris ; que la compagnie Braathens SAFE ayant assigné en réparation Aéroports de Paris ainsi que les sociétés Saxby Manutention et Soderep, l'arrêt attaqué a dit la demande non fondée en tant que dirigée contre le premier en raison de la clause de non-recours insérée dans le contrat d'assistance aéroportuaire liant la compagnie demanderesse à Aéroports de Paris ; qu'en revanche, il a déclaré les sociétés Saxby Manutention et Soderep, la première en raison, notamment, du mauvais choix de la vanne devant équiper le tracteur, responsables, chacune pour moitié, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

Attendu qu'en statuant ainsi par application des règles de la responsabilité délictuelle à l'égard des sociétés Soderep et Saxby Manutention, alors que, le dommage étant survenu dans l'exécution de la convention d'assistance aéroportuaire au moyen d'une chose affectée d'un vice de fabrication imputable à la première et équipant le tracteur fourni par la seconde à Aéroports de Paris, l'action engagée contre elles par la compagnie Braathens SAFE ne pouvait être que de nature contractuelle, la cour d'appel, qui ne pouvait donc se dispenser d'interpréter la convention d'assistance aéroportuaire, a, par refus d'application du premier et fausse application du second, violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois des sociétés Soderep et Saxby Manutention et du pourvoi incident de la Commercial Union Assurance Company Limited :

CASSE ET ANNULE, en ce qu'il a déclaré responsables, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, les sociétés Saxby Manutention et Soderep des conséquences dommageables de l'accident survenu le 10 juillet 1979 à l'aéroport de Paris-Orly, l'arrêt rendu le 14 février 1985, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens



Ma question porte sur la convention d'assistance aéroportuaire et le raisonnement de la Cour de cassation. Quelqu'un peut-il m'expliquer comment se justifie la décision de la Cour faisant référence au pourvoi : " attendu qu'en statuant ainsi ... la cour d'appel, qui ne pouvait donc se dispenser d'interpréter la convention d'assistance aéroportuaire a, par refus d'application du premier et fausse application du second violé les textes susvisés" ?

Je ne vois pas le rapport entre le raisonnement de la Cour et les textes susvisés en ce qui concerne ce moyen.

Merci pour votre attention et votre aide.

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L'article 1382 est le siège de la responsabilité civile délictuelle pour faute, la Cour d'appel l'a utilisé pour engager la responsabilité délictuelle de Saxby et de Sodorep

L'article 1147 est le siège d'une responsabilité civile contractuelle sans faute, la Cour de cassation estime que la Cour d'appel aurait du utiliser cet article plutôt que l'article 1382 du code civil.

En appliquant l'article 1382 à la place de l'article 1147, et en n'appliquant pas l'article 1147 mais l'article 1382 du code civil, la Cour d'appel a donc violé l'article 1382 *et* l'article 1147, voilà pourquoi la Cour de cassation rend sa décision au visa de ces deux articles.

Et pourquoi la Cour d'appel aurait du utiliser l'article 1147 et non pas l'article 1382?

=> Précisément parce que selon la Cour de cassation, la responsabilité de Saxby et Sodorep envers Braathens est contractuelle (donc fondée sur l'article 1147) et non pas délictuelle (donc on écarte l'article 1382).

Si j'ai bien compris les faits, on a un lâcis de contrats dépendant d'un point de vue économique :

- une convention d'assistance aéroportuaire Braathens - Aéroport de Paris
- un contrat Aéroport de Paris - Saxby
- un contrat Saxby - Sodorep

Braathens devrait donc, normalement, être considérée comme un tiers aux contrats conclus entre Aéroport de Paris et Saxby, et entre Saxby et Sodorep.
Or, pour la Cour, ces contrats font partie d'un même " groupe de contrats " (attention le raisonnement fera l'objet d'un revirement de jurisprudence par la suite). La qualité de partie ou de tiers doit donc s'apprécier par rapport à ce groupe de contrat, et non par rapport à chaque contrat pris individuellement.
Il en résulte qu'Aéroport de Paris, Saxby, et Sodorep, sont toutes parties à un même ensemble contractuel, et donc la responsabilité civile qu'elles engagent les unes vis à vis des autres est de type contractuel.

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- Henri Lacordaire

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un visa vient fonder la décision qui doit etre rendu.les articles 1147 et 1382 ont semaient une confusion dans la décision de la cour d'appel.hormis cela c'est un contrat qui lie saxby et soderep.qui font un job ensemble.d'ou les 2 on une responsablité du fait du contrat qui les lie a réparer les dommages causés a braathens

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Camille Intervenant

Bonjour,
C'est sympa d'exhumer une file vieille de trois ans...
Jell a dû régler son problème depuis.

Bizarre, à l'époque, j'avais zappé cet arrêt.

Et après examen très attentif de cet arrêt, j'ai un peu l'impression qu'autant les commentaires ci-dessus que ceux que j'ai pu lire à droite ou à gauche sur internet sont passés un peu à côté de la question...

Je suis prêt à parier que devant la cour d'appel de renvoi, non seulement la compagnie Braathens sera déboutée de son action sur le fondement contractuel vis-à-vis d'Aéroport de Paris, puisqu'elle avait bien signé un contrat d'assistance aéroportuaire, mais qu'elle avait bien été déboutée par la première cour d'appel ("demande non fondée") mais elle sera aussi déboutée de son action sur le fondement contractuel toujours, mais vis-à-vis des sociétés Soderep et Saxby pour le même motif, contrairement à ce que j'ai pu lire par ci par là...

D'ailleurs, même si l'arrêt suivant ne semble pas être la suite directe de l'arrêt ci-dessus...
Cour de cassation chambre civile 1
Audience publique du mardi 25 octobre 1994
N° de pourvoi: 92-19179
Non publié au bulletin Rejet

on y trouve quand même de très curieuses coïncidences...
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Arrêt rejetant le pourvoi de la compagnie Braathens contre un arrêt d'appel rendu au profit de Aéroport de Paris et des sociétés Soderep et Saxby.
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Hors Concours