"Affaire du Drac" - Arrêt Crim, cass, 12 décembre 2000.

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Bonsoir,

Pour mon TD de droit pénal j'ai un commentaire à rendre sur le thème de la responsabilité pénale des personnes morales, en mettant l'accent sur la notion d'activités susceptibles de faire l'objet de convention de délégation de service public dans la responsabilité pénale des collectivité territoriales.

L'arrêt sur lequel repose la rédaction de mon commentaire est celui de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 12 décembre 2000, ci-après cité :

Sur le premier moyen de cassation produit pour la ville de B..., pris de la violation des articles 121-2 du Code pénal, 1er de la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a retenu la responsabilité pénale de la commune de B... ;

" aux motifs que la ville de B... peut être déclarée responsable pénalement, si les infractions reprochées ont été commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public ; qu'en l'espèce, l'activité de la commune qui se situe à la périphérie du service public stricto sensu, qui exclut toute immixtion dans la responsabilité pédagogique des maîtres et qui n'emporte pas transfert de la surveillance des élèves, n'est ni par sa nature ni en vertu de la loi, insusceptible de délégation ; que ni la circulaire du 3 juillet 1991 ni la convention cadre, relative à la participation de personnels de la ville de B... aux activités d'enseignement dans les écoles maternelles et élémentaires de la ville, conclue entre la commune de B... et l'inspection académique en référence à cette circulaire, n'envisagent le transfert de la surveillance des élèves ou une immixtion dans la responsabilité pédagogique des maîtres ; que, dès lors, l'activité exercée par la ville de B..., qui n'a eu qu'un rôle d'intendance, n'était pas insusceptible de délégation ; que, dans la circulaire précitée, le ministre de l'Education nationale admet la possibilité de confier à une personne de droit privé la participation régulière d'intervenants extérieurs aux activités d'enseignement ; que le mode de rémunération importe peu dès lors qu'il n'y a pas eu délégation ; que, de toute façon, le mode de rémunération de l'éventuel délégataire n'a de valeur que lorsqu'il s'agit de délégations de service public, industriel et commercial ; que, dans le domaine socioculturel, le titulaire du contrat peut être rémunéré par la perception de redevances sur l'usager et disposer de compléments de rémunération issus de l'Administration contractante comme des aides ou des subventions ;

" alors, d'une part, qu'une commune ne peut déléguer que la gestion de services publics locaux dont elle est l'organisateur, à l'exclusion des activités pour lesquelles elle participe à un service public d'Etat ; qu'en l'espèce l'activité litigieuse consistait, non en la gestion d'un service public local dont la commune était elle-même l'organisateur, et qui aurait pu être confiée par elle à un tiers dans le cadre d'un contrat, mais en la participation à un service public d'Etat, en l'espèce l'enseignement, activité que la commune, qui en était elle-même chargée par l'Etat, ne pouvait confier à un tiers dans le cadre d'une convention de délégation ; qu'en estimant le contraire pour retenir la responsabilité pénale de la commune, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que relèvent de la mission d'enseignement et, partant, d'un service public d'Etat, les activités périscolaires consistant en des activités d'éveil des enfants, notamment les activités de découverte des sites naturels et de la faune sauvage ; qu'il s'ensuit que l'activité de la commune de B..., qui s'associe à l'organisation de "classes
d'environnement" et d'"activités hors de l'école", en mettant à la disposition des enseignants des animateurs agréés, qui participent à la définition du contenu des activités proposées et qui peuvent, le cas échéant, assumer la surveillance d'une partie des élèves, est une activité
de participation au service public de l'éducation qui, en tant que telle, n'est pas délégable ; qu'en estimant le contraire la cour d'appel a violé les articles 121-2, alinéa 2, du Code pénal et 1er de la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 ;

" alors, de troisième part, qu'il résulte de la circulaire du 3 juillet 1992, relative à la participation d'intervenants extérieurs aux activités d'enseignement, ayant servi de référence à la convention cadre conclue entre la commune de B... et l'inspection d'académie, que si la responsabilité pédagogique de l'organisation des activités scolaires incombe à l'enseignant,
l'intervenant extérieur "apporte un éclairage technique ou une autre forme d'approche qui enrichit l'enseignement et conforte les apprentissages conduits par l'enseignant de la classe", c'est-à-dire contribue au contenu de l'enseignement, et que si l'enseignant assume, en principe, la surveillance de sa classe, il "peut se trouver déchargé de la surveillance de groupes d'élèves confiés à des intervenants extérieurs" ; que, dès lors, l'activité exercée par
la ville de B... ne se limitait pas à un rôle d'intendance, mais consistait, ainsi que la commune le faisait valoir dans ses conclusions d'appel (pages 11 in fine, 12, paragraphes 1er et 14), en une collaboration aux tâches de pédagogie périscolaire et de surveillance des élèves, activités ne pouvant faire l'objet d'une délégation ; qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a
dénaturé les termes de la circulaire du 3 juillet 1992 ;

" alors, de quatrième part, que la responsabilité pénale de la ville de B... ne pouvait être retenue que si l'activité litigieuse exercée par elle avait pu être confiée par la commune à un tiers, dans le cadre d'une convention de délégation de services publics ; qu'en énonçant qu'il résulte de la circulaire du 3 juillet 1992 que le ministre de l'Education nationale admet la possibilité pour l'Etat de confier à une personne de droit privé la participation régulière
d'intervenants extérieurs aux activités d'enseignement, la cour d'appel a encore violé l'article 121-2, alinéa 2, du Code pénal ; " alors, de cinquième part, que, dans ses conclusions d'appel (page 12, paragraphe 2), la commune de B... faisait valoir que son activité de participation au service public de l'enseignement, et plus précisément à l'organisation d'activités des élèves en dehors de l'école, n'était pas délégable, dès lors qu'elle faisait l'objet d'une convention conclue intuitu personae entre l'inspection d'académie et la ville ; qu'en retenant la possibilité d'une délégation, sans répondre à ce moyen péremptoire de la commune tiré de ce qu'elle ne
pouvait confier à un tiers une activité pour l'exercice de laquelle elle avait été personnellement choisie par l'Etat, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;

" alors, de sixième part, qu'en toute matière, qu'il s'agisse d'un service public, industriel et commercial ou d'un service public socioculturel, la délégation de service public n'est possible que si la rémunération du cocontractant peut être substantiellement assurée par les résultats
de l'exploitation ; qu'en concluant à une possibilité de délégation au motif de l'inapplicabilité du critère de la rémunération dans le domaine du service public socioculturel, la cour d'appel a violé l'article 121-2, alinéa 2, du Code pénal ;

" alors, enfin, qu'il n'est pas contesté en l'espèce, que, s'agissant d'un service public à caractère social, la participation financière demandée aux parents d'élèves était symbolique ; que, dès lors, saisie de la question de savoir si l'activité de la commune, en l'espèce non déléguée, aurait pu faire l'objet d'une délégation de service public, la cour d'appel devait rechercher, en tenant compte du caractère social du service public, et du caractère
essentiellement gratuit de l'enseignement, si l'éventuel cocontractant aurait pu tirer de la gestion déléguée une rémunération plus substantielle ; qu'en s'abstenant d'effectuer cette recherche, au motif inopérant que le critère de la rémunération n'était pertinent que si le contrat était effectivement conclu, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale " ;

Vu l'article 121-2 du Code pénal ;

Attendu qu'aux termes du deuxième alinéa de ce texte, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public ;

Attendu que, pour dire la commune de B... susceptible de poursuites pénales à raison de l'accident, la cour d'appel énonce que les faits reprochés ont été commis à l'occasion de l'exercice, par la commune, d'activités " à la périphérie du service public de l'enseignement ", auxquelles les personnes privées peuvent participer, qui ne relèvent pas d'une prérogative de
puissance publique et qui peuvent, dès lors, être déléguées ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'exécution même du service public communal d'animation des classes de découverte suivies par les enfants des écoles publiques et privées pendant le temps scolaire, qui participe du service de l'enseignement public, n'est pas, par
nature, susceptible de faire l'objet de conventions de délégation de service public, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire, et de mettre fin au litige ; "



J'ai élaboré un plan j'aimerais donc avoir votre avis s'il vous plaît. Toute critique étant la bienvenue afin d'améliorer mon devoir. 3.gif

I. LA RECONNAISSANCE D'UNE RESPONSABILITÉ PÉNALE DES PERSONNES MORALES.

a. Le domaine d'application de cette responsabilité pénale des personnes morales.

b. Une interprétation des juges du fond restrictive, de la notion d'activités délégables.

II. LA CONSÉCRATION JURISPRUDENTIELLE DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, PERSONNES MORALES.

a. Un principe régulièrement rappelé par la Cour de cassation.

b. L'admission d'une jurisprudence moins favorable pour la victime ?


Je vous en remercie par avance.

Cordialement,
MarineR.

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Bonjour,

Personne n'a d'avis sur mon commentaire d'arrêt ? Peut-être que le post est trop long et décourageant... :-(.

Toujours dans l'attente d'un avis.

Cordialement,
MarineR.

Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,
Hélas, hélas, à titre perso, je ne vais pas beaucoup pouvoir vous aider parce que je ne vois pas ce que cet arrêt apporte de nouveau par rapport à la responsabilité des personnes morales, ici les collectivités territoriales, vu que l'article 121-2 qui y fait référence était, en 2000, déjà assez ancien et pas modifié sur ce point par la loi 2000-647 du 10 juillet 2000 :

Article 121-2
Version en vigueur du 1 mars 1994 au 11 juillet 2000
Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7 et dans les cas prévus par la loi ou le règlement, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public.

La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits.

Article 121-2
Version en vigueur du 11 juillet 2000 au 10 mars 2004
Modifié par Loi n°2000-647 du 10 juillet 2000 - art. 8 JORF 11 juillet 2000

Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7 et dans les cas prévus par la loi ou le règlement, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public.

La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3.

Donc, pour moi, la Cour n'a fait que rappeler l'application correcte du deuxième alinéa, pas nouveau à la date de l'arrêt d'appel...

Ce que cette loi du 10 juillet 2000 a surtout changé, c'est plutôt pour Mauricette Z..., Véronique X... et l'association A..., il me semble.

Le seul point, à mon sens, qui pourrait être nouveau, vu par certains, dans cet arrêt serait peut-être :

Mais attendu qu'en statuant ainsi,

alors que l'exécution même du service public communal d'animation des classes de découverte suivies par les enfants des écoles publiques et privées pendant le temps scolaire, qui participe du service de l'enseignement public, n'est pas, par nature, susceptible de faire l'objet de conventions de délégation de service public,

la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

qui peut surprendre compte tenu des circonstances de l'accident, mais hélas parfaitement exact. Et pas nouveau non plus.

Selon moi. 25.gif

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Hors Concours

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Je vous remercie tout de même.

Cordialement,
MarineR.