LRAR obligatoire (code urbanisme) ou hiérarchie des normes ?

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Bonjour



Dans son article L.112-15, le CRPA précise




Lorsque l'administration doit notifier un document à une personne par lettre recommandée, cette formalité peut être accomplie par l'utilisation d'un envoi recommandé électronique au sens du même article L. 100 ou d'un procédé électronique permettant de désigner l'expéditeur, de garantir l'identité du destinataire et d'établir si le document a été remis. L'accord exprès de l'intéressé doit être préalablement recueilli.



L'article R*.424-10 code urbanisme précise que




La décision accordant ou refusant le permis ou s'opposant au projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal.





D'après la hiérarchie des normes, la loi est supérieure au décret. Donc en théorie, l'administration peut envoyer un message électronique recommandé au destinataire. Seulement quid de savoir si le destinataire reçoit bien ledit message, car ce dernier peut partir dans les indésirables.



Dans cette réponse ministérielle, Page 84
que je remets ici, car le lien est plus clair

Citation :




Question: 16 septembre 2021. − M. Philippe Folliot attire l’attention de Mme la ministre de la cohésion des
territoires et des relations avec les collectivités territoriales* au sujet de la suppression de la possibilité de notifier les demandes de pièces et les modifications de délai par mail dans le cadre des autorisations d’urbanisme.
En effet, le décret n° 2021-981 du 23 juillet 2021 supprime cette possibilité...



Réponse:





...
Une condition supplémentaire est néanmoins requise par le second alinéa de l’article L. 112-15 du code des relations entre le public et l’administration dès lors qu’un envoi par lettre recommandée est imposé par voie papier, comme c’est
souvent le cas dans le cadre des actes de procédure d’autorisation d’urbanisme en raison des effets juridiques
attachés à la date de réception des notifications.

Dans cette hypothèse, le CRPA impose ainsi par parallélisme de procéder à un envoi par recommandé électronique ou par un procédé électronique équivalent de type « téléprocédure ». L’envoi d’un simple courriel ne peut remplir cette condition. L’article R.* 423-48 du Code de l’urbanisme ne mentionnait pas explicitement cette condition, ce qui pouvait poser des difficultés d’interprétation.
Son abrogation met fin à cette ambiguïté, sans remettre en cause la possibilité pour l’administration, en application du régime général : - de notifier aux usagers, au moyen d’un recommandé électronique, d’une téléprocédure ou d’un autre procédé électronique équivalent, les demandes de pièces complémentaires, modifications de délai d’instruction ou décisions ; - et plus largement, d’échanger par simple courriel pour toute correspondance opérationnelle ne nécessitant pas de notification par pli recommandé en application du code de l’urbanisme...





Aussi, la réponse ministérielle met en avant que la possibilité d'utiliser le courrier électronique s'arrête devant les obligations imposées par le code de l'urbanisme pour des notifications par pli recommandé. De fait, l'article créé par la loi, le L.112-15 CRPA aurait "moins" de valeur que l'article R*.424-10 c. urba, ce qui inverserait la hiérarchie des normes.

Où mon raisonnement pêche-t-il je vous prie ?

Il s'agit là d'un débat que j'ai dans le cas d'une décision d'opposition à une déclaration préalable reçue par mail. Pour moi, cette décision de refus n'est pas légalement notifiée car ne respectant le R*.424 c.urba.
Or en face, on me soutient qu'elle est valable du L.112-15 CRPA

Qui a raison et pourquoi ?

Je vous remercie pour tous les éclaircissements ou réflexions que vous pourrez m'apporter.

Bonnes fêtes de fin d'année. Dernière modification : 24/12/2023 - par Floris22

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Isidore Beautrelet Administrateur

Bonjour


Seulement quid de savoir si le destinataire reçoit bien ledit message, car ce dernier peut partir dans les indésirables.


C'est en effet une question très intéressante car tout le monde n'a pas forcément le réflexe de vérifier ses indésirables




Où mon raisonnement pêche-t-il je vous prie ?


Alors effectivement si on lit la dernière phrase de la réponse ministérielle, on comprends que L.112-15 doit être écarté pour les correspondances pour lesquels un texte exige une LRAR papier (sans précision de la nature du texte, ce qui clôturait tout débat sur la supériorité de la loi au décret).

Plus précisément, L.112-15 serait une disposition générale, qui doit s'effacer devant des dispositions spéciales tel que l'article R.424-10.

Toutefois, les réponses ministérielles n'ont aucune valeur juridique. C'est une réponse ministérielle qui le dit 😁

https://www.senat.fr/questions/base/1997/qSEQ970700441.html

De plus, mon analyse reposant sur l'adage specialia generalibus derogant pourrait être vite mise à mal par une interprétation stricte de cet adage. Il est souvent traduit en droit comme étant un principe selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales. Mais ce sont les lois, pas les décrets.
On en reviendrait au point de départ, un conflit entre un décret et une loi doit se régler par la hiérarchie des normes.


En conclusion, la seule solution est que la réponse ministérielle soit reprise dans une loi, car à défaut les éventuels conflits seront remis à l'interprétation souveraine des juges du fond et il est fort à parier qu'ils feront une application bête et méchante de la hiérarchie des normes :
1) Les lois sont supérieures aux décrets.
2) Les réponses ministérielles n'ont aucune valeur juridique ou du moins les juges n'y sont pas tenu.


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Merci Isidore

L'administration va aussi devoir prouver que le message envoyé nécessitait un AR. Et vu les moyens dont nous disposons, je ne vois pas comment cela pourrait être.

Que le message soit envoyé et reçu par l'expéditeur, c'est faisable, mais qu'il soit en AR (1) et qu'il n'ait pas été dans les indésirables (2), il faudra s'accrocher.

Et comme c'est à l'administration d'apporter la preuve que le message était bien en AR, les juges n'ont pas fini de se tirer les cheveux.



Au regard du L.112-15, la notice d'explication de ce texte serait la bienvenue je crois.

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Je rajoute une pièce.

Un avocat, dans une présentation faite par diaporama en 2023 auprès des architectes de l'État (de mémoire), a inscrit dans son déroulé que la décision devait être notifiée par LRAR, sans parler de la voie électronique.

Page 21 : https://www.parc-monts-ardeche.fr/wp-content/uploads/ppt-contentieux-de-lurbanisme-vf.pdf


Je crois qu'il va falloir que je lui écrive. Dernière modification : 23/12/2023 - par Floris22

Publié par
Isidore Beautrelet Administrateur

Bonjour



Et comme c'est à l'administration d'apporter la preuve que le message était bien en AR, les juges n'ont pas fini de se tirer les cheveux.

Et oui ! La suppression des courriers papiers est motivés par des considérations économiques et accessoirement écologiques. Toutefois d'un point de vue juridique c'est une très mauvaise idée car cela aboutit à la problématique que tu soulignes. Malheureusement, lors de la décision de suppression du recours au courrier papier, il est rare qu'une personne pense aux aspects juridiques.





Un avocat, dans une présentation faite par diaporama en 2023 auprès des architectes de l'État (de mémoire), a inscrit dans son déroulé que la décision devait être notifiée par LRAR, sans parler de la voie électronique.

Très intéressant ! Tu devrais en effet prendre contact avec lui.



Je te souhaite un bon réveillon Dernière modification : 24/12/2023 - par Isidore Beautrelet

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Dans le code de l'urbanisme, pour l'application du domaine législatif


Article L426-1


Modifié par LOI n°2018-1021 du 23 novembre 2018 - art. 62
Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent titre.




Et dans ce titre, nous trouvons



Article L424-1

Modifié par LOI n°2021-1104 du 22 août 2021 - art. 246




L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable.





Aussi, le L.112-15 CRPA est il au même niveau L.426-1 c.urba qui précise qu'un décret va fixer les modalités d'application. Pour notre question, le décret est le R*.424-10 c.urba donc le pli envoyé par LRAR via la voie postale est obligatoire.

Ai-je bon ?

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Je vous souhaite un joyeux Noël, un excellent réveillon.