Magistrat judiciaire, auditeur/assistant de justice : quelques informations

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MorganM Intervenant

Bonjour à tous,

Devant les nombreux messages et interrogations posées sur le forum relativement à la profession de magistrat, Isidore Beautrelet m’a proposé de rédiger un topic d’informations sur le métier de juge/procureur. Ce post a donc pour objet de tenter de répondre à une partie des questions les plus régulièrement posées et d’éclairer toutes personnes aspirant ou s’intéressant à cette profession. Comme ce sujet s’adresse à tout public, j’ai vulgarisé et simplifié un bon nombre de choses pour éviter de rentrer trop dans les détails et faciliter la compréhension.

I. Qu’est-ce qu’un magistrat ?

Le terme magistrat paraît pour beaucoup abstrait et peu de gens savent réellement quel est leur rôle. D’abord, les magistrats de l'ordre judiciaire forment le pouvoir juridictionnel ou judiciaire (autorité judiciaire selon la Constitution française), qui est l’une des trois composantes mentionnées dans la théorie des trois pouvoirs qui caractérisent nos démocraties. Le pouvoir judiciaire se place ainsi aux côtés du pouvoir exécutif (le gouvernement) et du pouvoir législatif (le parlement). Dans la Constitution française on ne parle que "d'autorité" et non de "pouvoir" judiciaire. Il n'en demeure pas moins que la magistrature judiciaire est "protégée" par la Constitution et surtout, indépendante des deux autres pouvoirs du fait du principe de séparation des trois pouvoirs.


Quelle différence entre magistrat administratif et judiciaire - En France, il existe deux grandes catégories distinctes de magistrats, selon que le litige concerne l’administration/une personne publique ou non (ex : une mairie, une préfecture). On considère en effet que les lois relatives à l’administration/l’Etat/personne publique constituent un domaine particulier qui doit être dévolu à un magistrat qui ne s’occupe que de cela. Il existe donc deux ordres juridictionnels : l’ordre juridictionnel administratif et l’ordre juridictionnel judiciaire. Attention, seuls les magistrats de l'ordre judiciaire possèdent un statut qui est protégé par la Constitution et par une loi organique (qui est une loi hiérarchiquement supérieure aux lois ordinaires) alors que le statut des magistrats administratifs résulte d'une loi ordinaire (le code de justice administrative). A nuancer toutefois car l'indépendance des magistrats administratifs restent garanties par le Conseil constitutionnel (principe fondamental reconnu par les lois de la République) Ainsi, nous avons :

- Magistrats de l’ordre administratif : de manière très simplifiée, ceux-ci sont chargés de trancher les litiges dans lesquels l’administration/une personne publique est partie (ex : un litige entre un habitant et le maire ; un litige entre un fonctionnaire et la collectivité territoriale qui l’emploie, un recours d’un contribuable contre les finances publiques…). Ces magistrats sont affectés au sein des juridictions administratives : tribunaux administratifs, cours administratives d’appel, Conseil d’Etat. Ils sont formés par le Centre de formation de la juridiction administrative à Montreuil.

- Magistrats de l’ordre judiciaire : ceux-ci interviennent dans tous les autres litiges où l’administration n’est en principe pas partie (je fais ici un raccourci car il existe en réalité quelques exceptions…). Ce sont les litiges entre particuliers (civils, commerce…), en matière de droit pénal, prud’hommes.. (exception : en matière pénale il est parfaitement envisageable qu'une personne publique soit jugée par des magistrats de l'ordre judiciaire). Ces magistrats sont formés par une seule école en France, l’Ecole Nationale de la Magistrature à Bordeaux. Ils sont affectés notamment dans des tribunaux judiciaires (ex. tribunaux de grande instance et d'instance), les cours d’appel et la Cour de cassation. On trouve également des magistrats judiciaires, mais non professionnels, dans des juridictions particulières (tribunaux de commerce, conseils de prud’hommes : ils sont composés respectivement de commerçants et de salariés/employeurs qui demeurent toutefois formés par l'ENM). D'autres juridictions telles le tribunal paritaire des baux ruraux/tribunal des affaires de la sécurité sociale sont présidées par un magistrat professionnel aux côtés duquel siègent des magistrats non professionnels.

En dépit de leur appellation et de leur fonction communes, les magistrats administratifs et judiciaires demeurent bel et bien deux professions véritablement distinctes : ils ont leur propre procédure, leur propre « droit » et sont formés par deux écoles différentes ; ils n'ont pas le même statut.

Rôle du magistrat judiciaire - Le magistrat de l'ordre judiciaire (et seul ce dernier) est gardien des libertés individuelles (article 66 Constitution) c'est pourquoi l'on dit qu'il est "garant des droits et libertés". Ces magistrats ont pour fonction de veiller à l’application du droit et de la loi telle qu’elle est édictée par le législateur et en sanctionner la violation. En d’autres termes, s’il n’y avait pas de magistrat, légiférer (faire des lois) ne servirait pas à grand-chose puisqu’il n’y aurait personne pour veiller à ce qu’elles soient respectées.

Ainsi, en matière civile (litige entre particuliers), le magistrat tranche le litige conformément à la loi et rend une solution fondée en droit. Il peut arriver néanmoins que la loi soit imprécise, incomplète, ou qu'elle laisse une marge d'appréciation dans son application. Le magistrat n'est alors pas simplement "la bouche de la loi" et dispose d'un pouvoir d'interprétation voire de création du droit. Il peut ainsi contribuer à faire évoluer le droit suivant les évolutions de la société. Le magistrat ne saurait être déconnecté du monde dans lequel il vit et rendre des solutions parfaitement abstraite.

En matière pénale, le magistrat fait là encore appliquer la loi. C'est surtout là que son rôle de gardien des droits et libertés se manifeste. Ainsi, le magistrat veille au respect des droits fondamentaux des personnes tout au long de la procédure pénale c'est à dire, au cours de l'enquête des services de police ou de gendarmerie. C'est par exemple pour cela que le magistrat du parquet est systématiquement informé par les forces de l'ordre qu'une personne est placée en garde à vue : la mesure de garde à vue est une atteinte à la liberté de la personne et le magistrat doit donc en être informé afin de pouvoir contrôler si la mesure est justifiée.


II. La carrière du magistrat judiciaire

Les magistrats de l’ordre judiciaire sont eux-mêmes divisés en deux branches :

- Les magistrats du parquet (également appelés magistrature debout ou ministère public) : dans l’ordre hiérarchique : les substituts du procureur, les vice-procureurs, les procureurs adjoints et procureurs de la République, …

- Les magistrats du siège (magistrature assise) : les juges (selon les grades : juge du tribunal judiciaire, vice-président, président de chambre, président de tribunal judiciaire, conseiller de cour d'appel, premier président de cour d'appel...…).

Ces magistrats sont répartis dans des tribunaux judiciaires ou dans des cours d'appel. On trouve donc à la fois des magistrats du parquet et des magistrats du siège dans ces juridictions :

- dans chaque tribunal judiciaire, il y a d'une part un parquet (dirigé par un procureur qui est à la tête de plusieurs vice procureurs et substituts du procureur) et d'autre part, des juges (organisés, mais pas dirigés, par un président du tribunal).

- dans chaque cour d'appel il y a un parquet général (dirigé par le procureur général), et des juges d'autres part, appelés ici "conseillers" (et organisés, mais non dirigés, par le premier président de la cour d'appel).

Il faut bien comprendre ici que le parquet et le siège n'ont pas de compte à se rendre entre eux. Ce sont deux "services" différents. Par exemple dans un tribunal :

- les substituts n'ont aucun compte à rendre aux juges.

- le procureur qui dirige son parquet n'a aucun compte à rendre au président du tribunal et inversement : il s'agit en fait de son homologue, chacun gère ses propres effectifs. Mais ils peuvent travailler ensemble pour organiser l'activité générale du tribunal


Quelle différence entre un magistrat du parquet et un magistrat du siège (procureur et juge)?

Tout d’abord, le juge est indépendant et ne peut pas être muté, on dit qu'il est inamovible. Les différents grades de juges (juge, vice président, président) servent principalement pour l'avancement de carrière, la rémunération... A noter toutefois que l'organisation/répartition des juges dans leurs services et leur notation se fait par le président du tribunal. Il y a donc une relation hiérarchique en ce qui concerne l’organisation du service tenu par le juge.

Le magistrat du parquet peut en revanche recevoir des directives dans L’exercice de ses fonctions. Contrairement à la magistrature assise (aux juges, donc), il existe une hiérarchie ici : le procureur est le "chef" des vice-procureurs qui est le "chef" des substitut du procureur… Au-dessus du procureur du TJ, on trouve le procureur général de la cour d'appel. Et au-dessus des procureurs généraux on trouve in fine le ministère de la justice garde des sceaux qui est un membre de l'exécutif. Bien que le magistrat du parquet n'est pas inamovible, il est en pratique très rare qu'il soit muté (cas exceptionnels de sanctions disciplinaires...).

A noter que la relation hiérarchique avec l'exécutif qui fait si souvent débat est à nuancer. D'abord, le ministre de la justice ne peut pas donner de directive particulière à un procureur dans une affaire donnée (il ne peut demander un classement sans suite concernant telle personne). Il ne peut que donner des directives générales aux procureurs concernant la politique pénale (par exemple : s'il veut que les procureurs fassent preuve d'une plus grande sévérité en matière de violences intrafamiliales...).

De même, la relation hiérarchique entre le procureur général de la cour d'appel et les différents procureurs des tribunaux qui dépendent de cette cour d'appel est à relativiser. Les procureurs des tribunaux disposent d'une autonomie dans la gestion de leur parquet. Finalement, le rapport hiérarchique concerne essentiellement le parquet du tribunal en lui-même. (entre les substituts, vice procureur et procureurs). Cette relation hiérarchique est normale dans la mesure où, dans chaque tribunal, le procureur fait appliquer sa politique pénale (ex : en Bretagne où les infractions liées à l'alcool sont courantes, il y aura une plus grande sévérité du parquet en la matière et le procureur peut par exemple décider que ces infractions fassent l'objet de poursuites plus sévères. Or, pour appliquer cette politique pénale, il est nécessaire que le procureur puisse l'imposer aux substituts de son parquet...).

Il existe en pratique de grands débats sur l'indépendance des procureurs...et certains plaident pour une vraie césure entre l'exécutif et les parquets. Il faut toutefois prendre garde à ne pas trop fantasmer et exagérer le lien existant entre l'exécutif et les procureurs...

Une autre différence entre le parquet et le siège est l'existence d'un véritable travail d'équipe au parquet, tandis que les juges travaillent beaucoup plus en autonomie.


A. Le parquet


Rôle - Le parquet est chargé de requérir, demander au juge l’application de la loi. Lorsque sont portés à sa connaissance des faits illégaux (notamment en matière pénale), il va poursuivre la personne auteure de ces faits devant le tribunal afin qu’elle y soit jugée.

Exemple : une personne commet un vol dans un magasin, le procureur ayant connaissance des faits va poursuivre celle-ci devant le tribunal correctionnel et demander au juge, au nom de la société, que cette personne soit condamnée à une certaine peine. Il demande donc au juge d’appliquer la loi qui, en l’espèce, incrimine le vol. Le juge, quant à lui, n’est pas tenu d’accéder à cette « demande », ou alors, il peut y accéder mais ne pas prononcer la peine requise par le parquet.


Le procureur est donc en quelque sorte l’avocat de la société, car il n’est pas dans l’intérêt de celle-ci de laisser un délinquant impuni dans la nature (sans quoi il pourrait par exemple récidiver). En ce sens, il est une sorte de « partie » au procès, Presqu’au même titre que le délinquant qu’il poursuit et l’avocat qui le défend. A l’inverse, le juge, est « au milieu », et tranche l’affaire.

Néanmoins le rôle du parquet ne se limite pas qu'à l'audience car il dispose d'un rôle essentiel en amont, c'est à dire durant la phase d'enquête.

Rôle du parquet dans l'enquête - Pour remplir sa mission, le procureur a besoin de moyens, notamment pour avoir connaissance des faits illégaux. Bien entendu, ce ne sont pas les procureurs qui patrouillent dans les villes ou campagnes pour constater les infractions ! Il dispose donc de la police judiciaire (effectifs de gendarmerie et de police nationale). Ainsi, la loi prévoit que le procureur est le directeur de la police judiciaire et les enquêteurs sont en permanence en contact avec lui pour le tenir informé des avancées d’une enquête, de faits nouveaux, etc.

L’objectif sera surtout pour le procureur, d’obtenir grâce aux enquêteurs, des preuves à l’encontre de la personne qu’il entend poursuivre et ce afin d’obtenir sa condamnation par un juge du tribunal. Néanmoins, le procureur étant un magistrat judiciaire, il veille aux droits fondamentaux des personnes : il doit trouver un juste équilibre entre d'une part, faire usage de moyens de coercition pour établir la culpabilité de la personne et d'autre part, que les droits de la personne ne soient pas violés et que les moyens d'enquête utilisés ne soient pas disproportionnés. C'est pour cela qu'il est systématiquement informé du placement en garde à vue d'une personne et qu'il peut en ordonner la libération s'il estime que la mesure n'était pas justifiée.

Le fait que le procureur soit directeur de la police judiciaire implique donc qu'il peut :

- demander aux forces de l'ordre d'ouvrir une enquête pour investiguer sur tel fait

- demander aux enquêteurs de procéder à tel acte d'investigation qu'il estime nécessaire (perquisition, interpellation, géolocalisation, etc) : c'est pour cette raison que l'on dit que le procureur participe à la "stratégie de l'enquête" : en effet, il décide avec les enquêteurs, du moment le plus opportun pour interpeller/placer en garde à vue une personne (notamment si des preuves ont suffisamment été réunies par les enquêteurs).

- décider, à la fin de l'enquête, du sort du mis en cause. le parquet dispose d'une grande palette d'options : classement sans suite, classements sous condition (indemnisation, accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière...), mesure de composition pénale, procédure de jugement accéléré dite "ordonnance pénale", comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (le fameux "plaider coupable"), ou encore, passage devant le tribunal.

Ainsi, en France, les enquêtes se font sous l'autorité du magistrat. Le rôle du magistrat du parquet ne se limite donc pas qu'aux réquisitions à l'audience : il assure véritablement un suivi en amont de l'audience, durant toute la phase d'enquête. D'ailleurs, l'article 41 du code de procéure pénale dispose bien que le procureur a tous les pouvoirs et prérogatives attachés à la qualité d'officier de police judiciaire.

Le parquet joue également un rôle essentiel après l’audience, en matière d’exécution des peines.

Spécialisation - Selon les tailles des villes, les parquets sont composés de plusieurs sections : sections éco-financières (procureurs spécialisés en matière de délinquance financière : abus de confiance, escroquerie, etc), section stupéfiants, infractions de la route, parquet des mineurs… Il est donc possible de se spécialiser au parquet.

B. Les juges


S’agissant du juge, il est donc un magistrat judiciaire indépendant chargé de trancher les litiges conformément à la loi. Il rend des jugements, ordonnances, arrêts… qui ont en principe pour effet de donner une solution au procès qui lui est soumis. Il existe plusieurs fonctions tellement le champ est large :

- Juge aux affaires familiales

- Juge des enfants

- Juge du tribunal judiciaire siège civil : vice caché, problème de contrat, Droit des assurance, droit de la construction, contentieux civil, baux commerciaux, procédures collectives et autres....

- juge des contentieux de la protection : tutelles, surendettement, prêt consommation.. (anciens juges d'instnace), litige inférieur à 10 000€

- Juge d’instruction : c’est ici un cas particulier car le juge d’instruction ne tranche pas le litige en tant que tel. Il présente un rôle similaire à celui du procureur durant l’enquête. Il est saisi sur de grosses enquêtes complexes ou en cas de faits criminels. C’est alors lui qui prend la direction de l’enquête et est chargé de mener toute investigation nécessaire à la manifestation de la vérité. il dispose donc des effectifs de la police judiciaire pour ce faire. Le rôle du juge d’instruction est d’instruire le dossier, c’est-à-dire le préparer en faisant toutes les recherches nécessaires pour qu’il soit complet et prêt à être jugé par le tribunal (ou une cour d’assises). De plus, la procédure devant le juge d’instruction octroie des droits au mis en examen (consultation du dossier, etc) alors que l’enquête diligentée par le procureur reste secrète. Ici aussi, le juge d’instruction peut se spécialiser dans certaines grandes juridictions en matière écofinancières (pôle financier du TGI de Paris), délinquance ou criminalité organisée (JIRS), il y a une section spécialisée en matière de grands accidents collectifs, ou de santé publique, ou encore récemment en matière antiterroriste.

- président du tribunal correctionnel : il condamne ou relaxe des prévenus qui comparaissent suite aux enquêtes diligentés par le procureur ou à l’instruction.

- Juge de l’application des peines : c’est lui qui est chargé d’assurer le suivi des personnes condamnées à une peine d’emprisonnement / travaux d’intérêts généraux, etc. Il va pouvoir décider d’un aménagement de peine (bracelet électronique, etc) si la personne montre qu’elle fait des efforts pour se réinsérer dans la société.

Je passe sur les nombreuses autres fonctions (juge de l’exécution, juge de la liberté et de la détention qui décide notamment de l’incarcération provisoire d’une personne en l’attente de son jugement, juge placé, juge des référés, …). Dans les faits, un magistrat peut avoir plusieurs casquettes, surtout dans les petits tribunaux. Un juge du TGI, même JAF, peut être amené à faire du pénal en qualité d'assesseur aux audiences correctionnelles.

Particularité des tribunaux de commerce et prud’hommes - A ce stade, il convient de préciser que les juges des tribunaux de commerce et conseils de prud’hommes ne sont pas des magistrats professionnels. Il n’est donc pas possible, en sortie d’école, de devenir juge dans ces juridictions car les tribunaux de commerce sont composés de magistrats non professionnels qui sont généralement des commerçants (assureur,…). Les conseils des prud’hommes sont composés de conseillers salariés dans la vie active et d'employeurs. A la limite, la seule possibilité pour un magistrat de faire du contentieux prud’homal est d’être juge départiteur (il s’agit d’un juge du tribunal d’instance ayant pour fonction de trancher entre les conseillers de prud’hommes lorsque ceux-ci n'arrivent pas à s'entendre sur la solution à donner au litige). En revanche, le parquet possède divers rôles en matière commerciale, et le ministère public est présent dans de nombreuses audiences (procédures collectives, etc).

A noter que le contentieux du tribunal de commerce et du CPH revient de nouveau aux magistrats professionnels en cas d'appel : il est donc possible pour un magistrat professionnel de se "spécialiser" en matière commerciale, après plusieurs années de services, lorsqu'il devient conseiller de cour d'appel (chambre commerciale ou sociale des cours..).

Aspects humains - Ainsi, si la connaissance parfaite du droit est requise, ce ne sont pas là les seuls aspects car la dimension humaine est énormément présente. Contrairement à ce que l’on peut penser, le juge n'est pas que la bouche de la loi ; il conserve une marge d’interprétation dans ses décisions et doit tenir compte dans certains cas de nombreux facteurs particuliers. Il ne suffit pas d'être un excellent théoricien pour être un bon magistrat.

Diversité des carrières - Vous l’aurez donc compris, il y a de nombreuses spécialisations possibles et donc de multiples possibilités de carrières très variées. En plus de ces fonctions diverses, il y a de multiples possibilités pour les magistrats d’être en service détaché et travailler ainsi dans des institutions administratives (il y a des magistrats détachés au ministère de la justice, ou encore au sein d’organismes tels que TRACFIN, ou même à l’ONU, dans des ambassades à l’étranger… et même... à la SNCF). Les possibilités sont très nombreuses.

Le magistrat ne fait donc généralement pas sa carrière dans une même spécialité ni dans une même juridiction. Pour avoir de l’avancement (augmenter en grade pour les juges ou en hiérarchie pour les procureurs) et donc augmenter son salaire, les magistrats doivent obligatoirement changer de juridiction. A cette occasion, ils peuvent changer de fonction (passer de juge des enfants à JAF, ou encore de l’instruction à juge du tribunal correctionnel… Tout est possible, même passer de juge à procureur !). Très rares sont donc ceux qui occupent la même fonction toute leur vie. Cela participe de la richesse du métier et évite d’instaurer une lassitude dans le métier.

Positionnement du lycée/étudiant quant à la profession – Tout cela explique notamment qu’il n’est pas judicieux de sortir du lycée en ayant pour volonté d’être précisément « juge des enfants » ou « juge d’instruction ». Un magistrat peut être amené à occuper de nombreux postes différents au cours de sa carrière et ne sera pas juge des enfants toute sa vie par exemple. Avant d’être juge des enfants, il est d’abord un juge, et avant même d’être juge, il est un magistrat. Il faut donc s’assurer que ce métier, dans sa globalité, vous intéresse eu égard notamment aux missions fondamentales qui lui incombent (« gardien des libertés », application de la loi, avoir de l’intérêt pour le service public et l’intérêt général car le magistrat œuvre pour la société [cf. le visa « au nom du peuple français » figurant sur les décisions judiciaires], et surtout aimer le rapport humain..).

Il faut bien garder en tête que c'est une vocation et que le métier de magistrat implique un grand investissement. Il implique également une mobilité sur le territoire.


Ce cheminement de pensée se fait sur le long terme, en se renseignant sur le net, en visionnant des documentaires, en faisant des stages…

III. Comment devenir magistrat ?


Le droit n’est pas une matière enseignée au lycée. Aussi, l’importance de la filière importe peu. Chacune a son avantage : Scientifique vous permettra d’être à l’aise dans le raisonnement juridique et très rigoureux, économie vous permettra d’avoir des connaissances en la matière (non négligeable) et dans le monde social et de développer une culture générale en vous ouvrant sur le monde, de même que la L qui vous confèrera aussi des capacités rédactionnelles.

A. Devenir magistrat administratif


Pour de plus amples détails à ce sujet, je vous renvoie vers d’autres articles du forum. Vous pouvez également poser des questions sur ce topic afin que des experts plus calés que moi vous y répondent. Je peux toutefois esquisser un début de réponse : le recrutement se fait :

- Par la voie de l’ENA après un BAC +3 (plutôt BAC +5 avec une prépa Science Po…),
- Par recrutement direct : il y a alors un concours pour ceux qui sont titulaires d’un niveau Bac + 3 minimum (sauf erreur),
- Par nomination au tour extérieur pour les fonctionnaires de catégorie A.

Ainsi, le parcours peut donc être une licence de droit suivie d’un master 1 et 2 en droit administratif, ou encore une prépa Science Po suivie d’une formation à l’ENA.

B. Devenir magistrat judiciaire


Trois concours - Il faut pour cela réussir le concours d’entrée à l’Ecole Nationale de la Magistrature située à Bordeaux. En réalité, il y en a plusieurs en fonction du profil du candidat (pour de plus amples détails concernant les diverses conditions, se référer au site de l’ENM) :

- Le premier concours : pour les étudiants titulaires d’un niveau minimum Bac + 4
- Le deuxième concours : pour les fonctionnaires ayant quatre années d’exercice au moins,
- Le troisième concours : pour les salariés du secteur privé ayant huit ans d’expérience au moins
- Concours complémentaire : pour les personnes ayant sept années d’activité professionnelle dans le secteur privé ou public dans le domaine juridique,
- Recrutement sur titre possible

Celui qui nous intéresse particulièrement est le premier concours. S’agissant d’abord de la filière lycéenne, le rapport du jury relève une forte proportion de Bac ES, suivis des S puis des L mais comme dit plus haut, le choix de la filière importe peu.

Programme – le programme du concours est très dense et étudie tous les aspects des matières (alors qu’à luniversite, bien souvent le droit civil et le droit pénal ne peuvent être étudiés dans leur exhaustivité à moins d’en faire une spécialisation en master..). Il se divise en deux parties : les écrits (l’admissibilité, avec des épreuves de dissertation en droit et en culture générale). Puis, si vous réussissez avec succès les écrits, vous êtes convoqués à de nouvelles épreuves, les oraux (grand oral, oraux de culture général et de droit).

[Actualisation] - le programme jusqu’en 2019 était grosso modo le suivant (pour de plus amples détails, se reporter au site ENM) :

Programme d’Admissibilité (écrits) :
- culture générale
- droit civil : droit des personnes, de la famille, droit des biens, droit des successions, droit des contrats, droit de la responsabilité
- procédure civile et procédures civiles d’exécution
- droit pénal général (la loi pénale, la responsabilité pénale...)
- droit pénal spécial
- procédure pénale (les principes de base, le procès pénal de l’enquête au jugement..)
- droit public/constitutionnel (les autorités de la Ve, le fonctionnement du régime, les libertés, les autorités administratives indépendantes...)
- droit administratif (service public, droit de la responsabilité administrative, droit des contrats administratifs, actes administratifs)

Les épreuves d’admissibilité sont donc les suivantes :
- une dissertation de culture générale 5h
- une dissertation de droit civil/procédure civile 5h
- une dissertation de droit pénal/procédure pénale 5h
- un cas pratique de droit civil/procédure civile de 2h
- un cas pratique de droit pénal/procédure pénale de 2h
- trois questions à réponses courtes en droit public

Admission
- note de synthèse
- oral de langue vivante
- oral de droit européen et de droit international privé
- oral de droit social et de droit commercial
- oral de mise en situation et entretien avec le jury

Le nouveau programme du concours a été dévoilé et publié. Il sera en vigueur pour les candidats qui passeront le concours dès 2020. En voici les grands changements (pour plus d’informations, se reporter au site de l’ENM) :

Pour l’admissibilité:
- suppression d’une épreuve de dissertation et d’une épreuve de cas pratique : cela ne change pas l’etendue des révisions. Seulement, il y aura un tirage au sort : si la dissertation qui tombe est en droit civil, alors le cas pratique sera le droit pénal. Dans le doute, il faudra toujours réviser l’intégralité.
- la note de synthèse qui était en admission, passe en admissibilité
- augmentation significative du coefficient du cas pratique qui passe de 1 à 4, ce dernier passant au demeurant de deux heures à trois heures
- diminution du coefficient de culture générale qui passe de 5 à 4
- suppression du droit administratif dans le programme de révision
- allongement du programme de droit civil : ajout du régime général des obligations, des contrats spéciaux (contrat de prêt et contrat de vente), des sûretés (cautionnement)
- modification de l’épreuve de droit public qui passe de deux heures à trois heures et de trois questions à réponse courte à deux questions de réflexion
- intégration de l’influence du droit européen sur l’entretien droit civil et pénal (qui était, à vrai dire, déjà pris en compte avant la réforme)

Pour l’admission :
- possibilité de faire un choix d’option entre le droit de l’UE ou droit international privé
- possibilité de faire un choix entre droit des affaires, droit social, droit administratif



Il faut retenir que la culture G reste une épreuve phare du concours, mais qu'elle est mise au même niveau que les épreuves juridiques qui voient leur importance augmentée. En revanche, les oraux sont facilités puisque le programme est moindre du fait de la possibilité d'option entre les matières

Pour cette nouvelle année il est encore difficile de connaître les attendus des correcteurs. L'augmentation des coefficients des matières juridiques révèlent que les examinateurs souhaitent observer les raisonnements et les capacités juridiques des candidats. Mais l'on ne sait pas à quoi s'attendre s'agissant de la durée des cas pratiques qui passent de 1h à 3h.

Sélectivité du concours - le concours est assez sélectif. Je n'ai pas de pourcentage précis mais l'on doit être à +/- 10% entre l'effectif national des écrits et les candidats admis à l'ENM. (environ 390 admissibles aux écrits pour le 1er concours, sur environ 2000 à 3000 candidats, sachant toutefois que sur ce nombre initial tous ne se présentent pas aux épreuves...). (Puis aux oraux, environ 200 candidats sont déclarés admis sur les 390, on est donc sur un taux de 40 à 50% soit une chance sur 2).

Enquête de moralité - une enquête de moralité est effectuée pour tous les candidats déclarés admissibles aux écrits. Elle implique notamment la consultation du casier, fichiers judiciaires, et parfois une audition dans un commissariat/brigade.

Zoom sur le grand oral - le grand oral se déroule comme suit :

- mise en situation collective avec d'autres candidats sur un sujet qu'il faut résoudre à plusieurs, devant les membres du jury. 30mn maximum.

- 30mn de préparation sur un sujet de culture général pour faire un exposé de 5mn devant le jury

- 40mn environ d'entretien avec le jury portant sur l'exposé de culture G, puis les motivations, le parcours, etc.






Quel cursus envisager pour s’y préparer ?

1er cursus classique - Le cursus classique est, après le bac, d’entrer en faculté de droit et d’y suivre une licence de droit et au moins un master 1 voire un master 2. Le master2 n'est pas indispensable. Néanmoins la majorité des candidats sont titulaires d'un M2.

Choix du master - Quel master choisir alors ? De mon point de vue, je conseillerai de choisir celui que l’on préfère. En effet, le programme du concours à l’ENM est très large et varié (la plus importante, culture générale, suivie du droit civil/procédure civile, du droit pénal/procédure pénale, un peu de droit administratif, du droit des affaires/droit social et bien d’autres réjouissances..). Aussi, il faut en principe consacrer au minimum une année à ne préparer que le concours, généralement juste après le M2 (Notons toutefois que certains candidats parviennent à réussir le concours en parallèle de leur M2, mais ceux-ci ne relèvent pas de la majorité!). Durant cette année de préparation, vous consacrerez votre temps à préparer intégralement et en détail les matières du concours. Celles-ci sont la plupart du temps déjà vues en licence (mais de façon moins approfondie) donc vous aurez déjà quelques bases. Vous pouvez donc :

- Faire un master en relation avec les matières du concours (style masters justice, procès et procédure / droit pénal et carrière judiciaire / droit civil). L’avantage ici est que vous aurez un aperçu des matières du concours et que vous pourrez consolider vos bases acquises en licence mais gare à ne pas être lassé d’étudier pendant trop d’années les mêmes matières… De plus, vous développerez un profil « classique » car la majorité des candidats au concours ENM suivent ce genre de parcours. L’autre inconvénient réside dans les possibilités de rebondir en cas d’échec : hormis si vous visez d’autres concours, vous ne séduirez pas forcément tous les recruteurs avec un master justice procès et procédure par exemple.

- Faire un master qui n’est pas directement lié au programme (style masters en droit des affaires, voire fiscalité, ou encore droit pénal financier…). L’avantage du droit des affaires est qu’il conserve généralement quelques matières fondamentales de droit civil tout en élargissant votre culture au droit des entreprises dont certaines dimensions figurent également au programme du concours (oraux principalement). L’avantage de suivre ce genre de cursus atypique est de se démarquer des profils types du candidat ENM qui a suivi un master en droit pénal ou droit civil ; en revanche, vous partirez peut être désavantagé par rapport aux autres s’agissant de la préparation des matières du concours puisque ceux ayant fait un cursus adapté aux matières du concours auront des connaissances plus fraîches que vous, qui aurez étudié de nouvelles matières. En revanche, l’avantage ici est de s’assurer des possibilités de rebondir en cas d’échec.

Il faut donc vraiment choisir non seulement en fonction de ses compétences (par exemple, si vous avez besoin de bachoter énormément, mettez l’accent sur un master qui vous prépare déjà aux matières du concours afin de faciliter votre année de préparation qui suivra) mais aussi en fonction de ce qui vous plaît (c’est un gage de réussite que d’étudier dans le domaine que l’on apprécie...).

Deuxième cursus possible - L’autre possibilité est d’intégrer science po Paris afin d’être diplômé Bac +4/+5 ou encore un institut d’étude politique qui vous délivre un diplôme équivalent. Chaque année de nombreux candidats ayant une telle formation sont admis au concours d’entrée à l’ENM. Ce succès s’explique par le fait que ces formations enseignent une bonne culture générale aux candidats ainsi que de bonnes méthodes de travail ; ces étudiants sont généralement bons en dissertation et ont une bonne capacité à voir les choses sous plusieurs angles, ainsi qu’à relier des sujets entre eux. Ce qui est primordiale pour le concours car, s’il faut connaître les matières en détail, on vous aussi d’avoir un recul afin d’en comprendre la substance et ne pas appliquer « bêtement » une règle de droit sans en comprendre la portée. De même, en culture générale, (qui ne porte d’ailleurs plus ce nom), il s’agit de comprendre le monde dans lequel on vit, ce qui implique de multiples dimensions (géopolitique, art, histoire, géographie, social….).

La préparation proprement dite - Dans tous les cas, une fois votre niveau bac+4 ou bac +5 acquis grâce à un master en droit ou à un diplôme de Science po/IEP, il vous faudra généralement, comme dit plus haut, vous consacrer à une année de préparation au concours. Cette année peut se faire seul ou accompagnée d’une prépa : il existe alors de nombreuses préparations publiques (style master « magistrature », qui, tout en délivrant un master 2, sont censées vous préparer au concours de l’ENM – attention toutefois à la qualité de ces préparations et aux possibilités de plans B en cas d’échec…) ou privées (certaines sont efficaces mais très onéreuses). L’école Science Po Paris offre aussi une préparation au concours de l’ENM (là aussi onéreuse) qu’il est possible d’intégrer après avoir eu au minimum un bac+4 : donc un master 1 en droit ou un diplôme d’IEP / Science Po. L’ENM propose également des classes préparatoires notamment pour les étudiants boursiers.

Il existe pléthores de sujets relativement à ces préparations, mais il faut garder à l’esprit que, si celles-ci vous aident en fournissant cours de qualité, méthodologie, etc., c’est votre travail qui fera la différence.

A noter qu'à l'oral, les expériences professionnelles, stages, reconversion, etc sont très appréciées.

IV. Formation à l’ENM


Pour de plus amples informations, se référer au site de l’ENM. La formation à l’ENM se déroule en 31 mois mais est très pratique ("école d'application" où l'auditeur, l'élève magistrat, est mis en situation professionnelle). Les candidats ayant réussi les épreuves intègrent l’ENM avec le statut « d’auditeur de justice » et sont rémunérés environ 1600 à 1 800,00 euros par mois (traitement de base + indemnité). Ils alternent entre cours pratiques (simulation d’audience, positionnement du magistrat, cours théoriques…) et stages (force de l’ordre, administration pénitentiaire, cabinet d’avocats, et bien évidemment, en juridiction).

En règle générale cela s'organise comme suit :

*15j de rentrée à l'ENM à Bordeaux - en février

*trois semaines de stage : il faut faire huit voeux d'affectation dans un tribunal judiciaire. Les trois semaines se répartissent ainsi : première semaine d'immersion dans le tribunal judiciaire où vous êtes affecté, puis deux semaines dans un service d'enquête (police et/ou gendarmerie) du ressort de ce tribunal

*trois mois de stage dans un cabinet d'avocats : six voeux possibles classés de 1 à 6. C'est l'ENM qui affecte ensuite dans les cabinets d'avocats en essayant de tenir compte des voeux (on ne peut les choisir)- de mars à juin

*neuf mois de scolarité à Bordeaux dont deux semaines en stage pénitentiaire. de juin à février N+1

*environ un an de stage juridictionnel dans un tribunal où l'on exerce toutes les fonctions de magistrat (période évaluée) - février N+1 à février N+2

*deux à trois mois de stages extérieurs et chez des partenaires de l'institution judiciaire (base de l'armée de l'air, hôpital, direction générale de la police judiciaire....) février N+2 à avril N+2

*4 mois de préparation aux fonctions choisies


La fin de la scolarité est sanctionnée par de nouvelles épreuves (avant les 4 mois de préparation aux fonctions) : le résultat obtenu à ces épreuves détermine le rang de classement de l’auditeur, ce qui lui permet de choisir parmi les postes disponibles. Il faut savoir que les postes proposés en sortie d’école sont généralement ceux qui n’ont pas été choisis par les magistrats eux-mêmes (par exemple, la région Bretagne étant très prisée des magistrats, peu ou pas de poste en Bretagne sont proposés en sortie d’école…). Ensuite, le fait d’être dernier au classement ne donnera pas autant de choix que si l’on est premier puisque le dernier devra choisir parmi les postes qui restent.

Tout cela pour dire que l’auditeur de justice n’occupera pas forcément la fonction qu’il rêve en sortie d’école (les fonctions de juge d’instruction, très prisées, ne seront pas forcément possibles immédiatement) ni la région qu’il souhaite (dans la plupart des cas, certains font des compromis en choisissant soit la région qui leur plaît mais une fonction différente de celle qu’ils souhaitaient, soit la fonction qu’ils souhaitaient mais dans une région excentrée…). Toutefois, au bout de quelques années d’exercice (deux à trois ans), il est possible de changer de juridiction ou de fonction. C’est souvent à cette occasion que les jeunes magistrats pourront occuper le poste qu’ils souhaitaient, ou se rapprocher de leur famille.

Il est donc important, encore une fois, de garder en tête que la fonction voulue ne sera peut être pas obtenue immédiatement en sortie d’école, et qu’il faudra peut être passer par d’autres postes auparavant. De même, il est possible que le premier poste obtenu ne se trouve pas dans la région de votre famille/conjoint(e)…

Ces paramètres sont à prendre en compte dans vos choix, au même titre que la particularité de la carrière du magistrat, très mobile pour peu que l’on souhaite une vie professionnelle riche et diversifiée.

V. Le poste d'assistant de justice

Depuis quelques années, il est possible pour les étudiants ayant un bac+4 minimum et préparant des concours de travailler à temps partiel dans des juridictions judiciaires ou administratives.

Il s'agit de CDD de deux ans, renouvelables deux fois, à raison d'un travail de deux jours par semaine (pour une rémunération d'environ 500€). L'assistant de justice prête serment devant la cour d'appel du ressort de la juridiction dans laquelle il sera amené à travailler.

Le rôle d'un AJ est d'assister le magistrat dans son travail. Les tâches sont très variées et distinctes selon le service dans lequel on se trouve :

- il peut s'agir de rédiger des projets de jugements types en matière civile (baux locatifs pour le tribunal d'instance par exemple) ou de faire des travaux de recherches jurisprudentielles.
- au niveau du parquet : il peut s'agir de traiter les mails de demandes de réponses pénales envoyés par les enquêteurs (traitement en temps réel, surtout dans des contentieux de masse tels que la circulation routière et les atteintes aux biens, dossiers peu complexes : il s'agira alors de déterminer les orientations de l'enquête ou d'en assurer le suivi) ce qui implique recherches d'antécédents de la personne mise en cause et propositions de poursuites pénales. Toujours au parquet, il peut également s'agir de rédiger des projets d'actes en matière de dossiers à l'information, tels que des réquisitoires introductifs/supplétifs/définitifs, des référés-détention ; ou encore des synthèses de dossiers, des rapports d'appel (en matière de détention provisoire), des réquisitions sur détention provisoire, etc.
- dans une cour d'appel : certains postes sont proposés pour la chambre de l'instruction, section écofi par exemple (notes de synthèse, etc).

Les postes dans les tribunaux de province, notamment ceux proposés dans les petits parquets, sont intéressants car ils peuvent permettre de faire des tâches très variées et diversifiées. Néanmoins, le poste et les tâches proposées dépend beaucoup du/des magistrats que l'on assiste.

La procédure de recrutement dépend également de chaque magistrat : il peut s'agir d'un simple entretien individuel, ou d'entretiens collectifs impliquant un test portant sur la rédaction d'un réquisitoire définitif par exemple.

Ces postes sont assez demandés ; il est recommandé d'envoyer un CV et une lettre de motivation adressée au président du tribunal de grande instance (pour un poste au siège) mais également au procureur de la République (pour un poste au parquet). Il est aussi possible de s'adresser à la cour d'appel qui centralise les candidatures et postes disponibles dans les tribunaux de son ressort.

Ces postes sont très intéressants car ils permettent d'enrichir sa préparation aux concours en ayant un oeil pratique sur la procédure et le métier de magistrat. Ils sont également très utiles pour les oraux.

VI. Annales

Pour l'année 2019, les sujets de dissertation du premier concours de l'ENM étaient les suivants :

- Culture générale : La démocratie.
- Droit civil et procédure civile : Le nom, le sexe, le corps : la place de l'ordre public en droit des personnes.
- Droit pénal et procédure pénale : Le choix de la peine pour les personnes majeures.
- Droit public : Le droit souple en droit administratif/la liberté de manifestation sur la voie publique en droit interne (hors sanctions pénales)/l'indépendance du Parlement.


VII. Témoignages

Auditeur de justice depuis peu, voici de manière succincte mon parcours (sans prétention aucune, il s'agit de donner un exemple des parcours possibles) . Après un bac S, j'ai effectué deux années de médecine que je n'ai pas validées. En revanche j'ai obtenu une passerelle en 2e année de biologie mais... je me suis réorienté en L1 de droit. J'ai donc suivi une licence de droit puis un master 1 en droit des affaires. Ensuite, j'ai longuement hésité à suivre un M2, mais la durée des études compte-tenu de mes échecs en médecine m'ont contraint à ne pas faire de M2 et me préparer au concours pendant un an (préparation privée + assistant de justice dans un parquet). J'ai par ailleurs toujours travaillé en parallèle des études : divers jobs étudiants, saisonniers, ainsi qu'un temps partiel en cabinet d'avocats pendant la licence. Ces expériences sont un énorme plus à faire valoir au grand oral !

D'autres témoignages sont les bienvenus et je suis libre par MP ou sur le forum pour livrer quelques conseils.

N'hésitez pas à poser des questions supplémentaires car tous les détails n'ont sans doute pas été évoqués ici ! En espérant que ces lignes vous aideront dans vos recherches.



Il existe un site très complet en la matière : https://fromenmwithlove.com/ Dernière modification : 10/11/2020 - par MorganM

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LouisDD Administrateur

Salut

Je voudrais vous remercier personnellement et d’avance pour les futurs lecteurs.

En effet me destinant à cette profession, ce sujet m’a particulièrement intéressé ! J’avais déjà l’essentiel, mais la petite précision sur une prépa par l’enm pour les boursiers m’invite à compléter ces connaissances pour voir ce qu’il en est parce que ça me parait être un bon tuyau !!

Ensuite je sais que rôdent ici des juristes en herbe qui se dirigent vers ce corps de métier, ainsi il leur sera bénéfique de lire un pareil rassemblement d’informations !!

Bonne soirée à vous

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Le précieux... enfin la charte du forum quoi !

Ma méthode de travail

"Plus que des lois de procédure, ce sont des lois de neutralité fiscale qui sont le meilleur remède aux tentations d'abus de droit." Maurice Cozian (1936-2008)


"Fear," he used to say, "fear is the most valuable commodity in the universe." Max Brooks, WWZ

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MorganM Intervenant

Tant mieux si ce post vous a aidé. J’aurai pu rajouter encore quelques précisions sur les prépas (il y a beaucoup à dire là-dessus..) mais ce n’était pas la vocation première du topic. Et il existe de nombreux sujets spécifiques sur le net.

Néanmoins, si vous avez des questions complémentaires, n’hésitez pas à les poser ici afin que quelqu’un vous y réponde ou à m’envoyer un message privé.

Publié par

Bonsoir, merci pour ce formidable article, la profession de magistrat paraît tellement obscure, j'ai attendu d'être en deuxième année pour entendre parler de l'ENM. J'aurai tout de même deux trois petites questions, plutôt pratique. Premièrement, sur le site de l'ENM il est écrit qu'un magistrat en début de carrière touche environs 2600 euros net par mois, puis après 6 ans 3200, pour environs arriver à 6000 euros après 19 ans. Est-ce vrai, ou la rémunération dépend entièrement du poste occupé ? Et autre question j'ai bien compris que pour espérer un jour devenir procureur il fallait avoir les faveurs de la chancellerie, mais qu'en est-il des juges ? Comment devient-on vice-président, ou même président ? Et enfin petites questions pratiques rapport aux stages. Déjà est-ce que les magistrats font tous les mêmes stages, ou il y'a malgré tout une individualisation ? Quand on voit toutes les fonctions qu'il existe, et les possibles spécialisations, difficile de se dire qu'on peut toutes les occupées en 31 mois, même si j'imagine que les plus hauts postes ne doivent pas être concernés. Je vous remercie

Publié par
MorganM Intervenant

Bonjour

Les rémunérations sont principalement liées à l’avancement de carrière des magistrats et à leur grade et échelon ce qui correspond globalement à ce qui est indiqué sur le site. Il me semble toutefois qu’il peut y avoir des différences notamment pour certains postes comme les chefs de juridiction (président de TGI par exemple). En tous les cas, il s’agit là d’une base qui peut sans doute varier en fonction de la particularité de certains postes.

L’avancement de carrière et donc le passage des échelons dans chaque grade se fait au gré des changements de juridictions et de fonctions (passage d’un grade à l’autre notamment ; pour passer du statut de « juge » à « vice-président » il me semble qu’il faut impérativement changer de juridiction)). Sous réserve d’être inscrit au tableau d’avancement. Les juges et parquetiers sont respectivement notés par le président du TGI et le procureur de la République. Cette notation détermine aussi les carrières des magistrats en plus de leur mobilité (un magistrat mobile grimpera les échelons plus rapidement qu’un magistrat qui reste dans le même TGI et accèdera d’ailleurs à des fonctions plus diversifiées).

Pour les stages, l’école prépare à lensemble’ des fonctions disponibles (JAP instruction JAF juge des enfants d’instance...) toutefois il n’est pas possible d’être JLD par exemple ni même juge de l’exécution il me semble puisqu’il faut un magistrat du premier grade (vice président). Une fois le choix du poste réalisé, une formation complémentaire préparé à la prise de fonctions donc l’école prépare très bien a cela en pratique. Il y a donc un tronc commun qui est suivi puis une spécialisation à la fin de la scolarité après le choix du poste.

Publié par
MorganM Intervenant

Bonjour,

Je profite pour indiquer que l’article a été actualisé notamment dans la section relative au programme.

En effet, pour ceux qui sont intéressés, une réforme est intervenue et modifie le programme du concours. Objectivement, la réforme est intéressante (intégrant le droit de la vente, du prêt, du cautionnement, qui sont des contentieux fréquents). Elle diminue l’importance de la culture générale (sensiblement) et augmente significativement l’importance des compétences juridiques (cas pratiques).

En dépit de la suppression d’une épreuve de dissertation et de cas pratique (ce qui ne change rien au programme de révision car il faudra, dans le doute, tout réviser) et de la suppression du droit administratif, il n’en demeure pas moins que la réforme alourdit les admissibilités. La note de synthèse y est rajoutée et l’épreuve de droit public se veut plus encline à faire fonctionner la réflexion personnelle du candidat.

En revanche, les oraux sont atténués dans leur programme puisqu’il est possible de faire des choix de matière entre le droit de l’UE et le droit international privé (alors que ces deux matières étaient jusqu’ici imposées) ainsi qu’entre le droit social, le droit des affaires, et le droit administratif (qui étaient jusque là, également des matières imposées).

Publié par
Herodote Intervenant

Bonjour,

Ça devient tout de suite plus facile !17.gif 4.gif

Pour les oraux, c'est une bonne chose. Les oraux techniques étaient essentiellement du bachotage et de la chance (de par la taille du programme), c'est bien qu'il y ait une réforme à ce sujet ! Coefficient trop important aussi, a-t-il baissé ?

Bonne nouvelle que la note de synthèse passe aux écrits. Venir à Bordeaux juste pour ça...

Enfin comme toujours, la difficulté du concours tiendra à la qualité des candidats.

Les épreuves ont l'air plus équilibrées et incitent peut-être plus à la réflexion et moins au bachotage, mieux pour les facs de droit ? A voir. Les candidats d'IEP qui n'ont jamais fait de droit sont finalement assez rares.

__________________________
Magistrat de l’ordre judiciaire

Publié par
LouisDD Administrateur

Salut

Moi perso je suis pour et assez content de la réforme, ça va peut être finalement renverser la tendance IEP due en partie à l’épreuve transversale, et surtout on a enfin un concours juridique dans le type d’épreuve et non pas que dans le programme.
Toujours la même critique quand c’est du bachotage : tout le monde peut ingurgiter qqch et le restituer, raisonner avec c’est une autre histoire...
A voir après la tronche des sujets, qui j’espère seront vite en ligne après la première session en 2020 !

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Publié par
MorganM Intervenant

Je trouve aussi que la réforme est bien faite, la volonté affichée était effectivement de recentrer le concours sur les qualités juridiques et de mettre encore plus en avant la réflexion personnelle des candidats.

Les oraux seront plus faciles à réviser mais les écrits plus rudes notamment avec le droit civil plus lourd (sûretés, régime général des obligations et contrats spéciaux en plus)et qui peut amener à des beaux sujets notamment au regard des réformes passées ou à venir... et je m’interroge aussi sur la faisabilité des cas pratiques en 3h et qui risquent d’être encore plus poussés en terme d’argumentation et réflexions juridiques.

Il n’en demeure pas moins que, outre le bachotage nécessaire pour connaître le programme, ce concours nécessite une méthodologie irréprochable, aussi importante que le fond sinon plus. Je doute que lanreforme change grand chose de ce côté là.

Publié par
Herodote Intervenant

Bonsoir,

Je serai à présent officiellement et à compter de septembre, substitut du procureur.

Dans la mesure du possible, je continuerai à intervenir sur le forum en fonction de mes disponibilités.

En tout cas, n'hésitez pas à me poser des questions si vous en avez sur le parquet, sur les fonctions de magistrat en général ou sur l'ENM (scolarité, concours...).

__________________________
Magistrat de l’ordre judiciaire

Publié par
MorganM Intervenant

Félicitations et j’espère que cette nouvelle fonction vous apportera satisfaction !

Publié par
MorganM Intervenant

Bonjour,

Pour ceux qui souhaitent déjà s'entraîner (pour l'année prochaine !), voici les sujets du concours ENM qui sont tombés :

Culture générale : "La démocratie"
Droit civil et procédure civile : "Le nom, le sexe, le corps : la place de l'ordre public en droit civil".

Publié par
Herodote Intervenant

Bonjour,

Il n'y a pas à proprement parler de correction diffusée par l'ENM, mais une publication des meilleures copies quelques semaines ou mois après les résultats du concours (directement sur le site internet).

Certaines prépas privées publient leurs propres corrigés, mais ceux-ci ne correspondent pas nécessairement aux attentes du jury.

__________________________
Magistrat de l’ordre judiciaire

Publié par
MorganM Intervenant

Chaque année le jury publie les meilleures copies (celles de l'année 2018 sont disponibles sur le site de l'ENM).

Le sujet de droit pénal était le suivant :
Le choix de la peine pour les personnes majeures.

Le sujet de droit public :
Le droit souple en droit administratif/la liberté de manifestation sur la voie publique en droit interne hors sanctions pénales/l'indépendance du Parlement.

J'ai par ailleurs actualisé le sujet en ajoutant une section relative au poste d'assistant de justice (d'avance merci si un administrateur ou modérateur qui passe par là peut remettre le topic en "balise", je n'arrive pas à le faire...).

Publié par
MorganM Intervenant

Bonjour! Petite actualisation du topic : quelques corrections sur certains points, des précisions sur l'organisation d'un parquet/ TJ, et rubrique témoignages qui pourrait être alimentée par d'autres personnes le cas échéant. Ainsi que des informations complémentaires sur le déroulement de la scolarité à l'ENM.



Bonne lecture Dernière modification : 23/01/2020 - par MorganM

Publié par
LouisDD Administrateur

Salut

Merci pour la MàJ

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Publié par
MorganM Intervenant

Bonjour



pour information les sujets des écrits de l’ENM cette année sont :

- culture générale : Fraternité.
- dissertation de droit civil : la relativité de l’autorite de la chose jugée
- les candidats ont donc eu un cas pratique de 3H en droit pénal, particulièrement intéressant car très axé sur la pratique. Vous pouvez le trouver sur le site de l’ENM.



il reste la note de synthèse demain et l’épreuve de droit public Dernière modification : 09/09/2020 - par MorganM