Théorie générale des libertés fondamentales

Publié par

{{Droits et Libertés Fondamentaux}}

Article publié par Gab.

(dernière mise à  jour par Mathou le 11/01/2006 )


Quelques préalables :


- On doit respecter l'ordre et la discipline :

Cela n'est pas en contradiction avec la liberté car il n'y a pas de liberté sans ordre. L'ordre permet aux libertés de s'épanouir. L'ordre crée une paix civile nécessaire. Chaque jour on doit lutter contre notre propre désordre. La discipline est une école de conduite pour respecter les autres et soi même. Il ne faut aucune impunité ou zone de non droit c'est le seul moyen d'arriver à  la liberté. La liberté ce n'est pas la liberté de tout faire.

- On doit avoir un esprit d'ouverture :

La matière que nous allons étudier nous confronte à  la diversité des points de vue. Quand on étudie le régime juridique de ces droits et libertés on constate qu'on ne peut comprendre qu'en se rattachant à  une conception.

Les droits et libertés sont le produit d'histoires. Chacun va vivre une conception particulière, il faut tenir compte des spécificités, des communautés (le monde est ainsi fait) on va être confronté à  l'autre, l'étranger.

Dans le cours il n'y a pas de place pour le sectarisme. On ne peut pas permettre au nom des libertés de tout dire, il y a des sanctions juridiques insuffisamment utilisées, on ne peut comprendre les problèmes qu'en écoutant d'autres paroles, d'autres identités il faut connaître l'autre c'est un élément de pacification sociale.

Ce cours va nous permettre de nous confronter à  d'autres approches. Ce n'est pas parce que les droits de l'Homme ont été inventés en Occident que nous sommes parfaits dans ce domaine. Il faut apprendre à  connaître les différentes religions et cultures. Anecdote de Théodore Monot « Chacun gravit la même montagne mais par des chemins différents ».

Le pluralisme des points de vue est important mais il ne faut pas perdre de vue l'unité, il ne faut pas tomber dans le relativisme absolu qui consiste à  dire tout se vaut. La valeur universelle numéro1 est le respect de la personne. Seule la personne importe. L'Etat n'est qu'une abstraction de la population. Il n'y aura pas de nationalisme dans le cours.

- Un cours de droits des libertés est très soumis à  l'actualité :

Il faut de la modération mais aussi exprimer des convictions fondées et que tout le monde n'est pas obligé de partager. Quand le choix est donné entre Etat de Droit et démocratie il vaut mieux choisir l'Etat de Droit comme l'ont dit Thomas d'Acquin au XIII et Tocqueville ou Stewart Mills au XIX.







Prolégomènes :

Paragraphe I : L'intérêt de l'étude des droits et libertés fondamentaux :

Cette discipline est autonome depuis peu de temps par rapport à  d'autres comme le droit civil. Avant on parlait des libertés publiques. Ce cours est apparu en 1954 dans les facultés de droit, il n'est devenu obligatoire qu'en 1962 et son appellation actuelle date de 1993.

Cette matière a acquis un intérêt majeur au même titre que le droit constitutionnel, en effet elle rassemble au sein d'une même discipline des éléments qui auparavant étaient éparpillés dans tous les autres cours (ex : les libertés étaient évoqués sous différents aspects dans tous les autres cours : civil, pénal administratif…). Les éléments qui composent cette matière sont tellement importants qu'ils sont allés jusqu'à  faire évoluer des systèmes politiques. On constate aujourd'hui l'apparition dans de nombreux pays de juridictions constitutionnelles vouées à  défendre les libertés et une prise en compte toujours plus forte de l'universalité des droits de l'Homme.

Donnons trois raisons pour lesquelles ce cours est intéressant :
- Les droits et libertés fondamentaux contribuent à  la moralisation de la personne humaine.
- Cette étude va contribuer à  la formation du citoyen.
- Cette étude va contribuer à  la formation du juriste.


I) En quoi cette discipline contribue-t-elle à  la moralisation de la personne humaine ?

Lorsque l'on étudie cette discipline on est confronté à  la dimension ontologique de l'être humain et aux qualités qui le constituent :
- Le caractère sacré de sa vie.
- La dignité fondamentale de l'Etre Humain.
- L'aptitude naturelle de l'Homme à  la liberté.


1) Le caractère sacré de sa vie :

L'histoire des droits et libertés fondamentaux c'est l'histoire de la découverte de l'humanité de l'Homme, de sa lutte contre ses tendances destructrices. La philosophie des droits de l'Homme est occidentale mais l'esprit de justice est universel. Les droits et libertés ne sont pas dissociables d'une histoire du mal, de la dépossession de l'Homme. Voyons des textes qui évoquent ce point :

- La DDHC de 1789 dans son préambule dispose que : « Considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seuls causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements ».
- La déclaration universelle des droits de l'Homme, qui s'est inspirée de la DDHC, dispose dans son préambule : « Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l'Homme ont conduit … ».


2) La dignité fondamentale de l'Etre Humain :

La moralisation de l'Homme ne peut être apportée par l'étude des droits et libertés que s'ils sont étudiés de façon autonome dans un cours distinct (cf. livre du professeur G. Lebreton) : dans son introduction le professeur explique pourquoi les droits et libertés ne peuvent moraliser que par un enseignement spécifique. Pour le professeur Espagnol Peces Barba de Madrid « dans une société moderne les droits et libertés ont une fonction sociale de première importance, ils orientent toutes les sociétés conformément au principe de dignité de la personne humaine ».


3) L'aptitude de l'Homme à  la liberté :

Les droits et libertés fondamentaux contribuent à  notre moralisation en nous conduisant à  redécouvrir le concept de liberté. C'est un concept ambigu, très difficile à  appréhender. On peut donner trois types de définitions du mot liberté :

- Au sens strict : c'est la situation d'une personne qui n'est pas sous la dépendance absolue de quelqu'un d'autre.
- Au sens large : c'est la possibilité d'agir sans contrainte.
- Au sens politique et social : c'est le pouvoir d'agir au sein d'une société organisée selon sa propre volonté mais dans la limite de règles définies.

Dans toutes ces définitions il y a une référence au libre arbitre de l'individu mais la liberté ne peut s'exercer qu'en société en subissant les contraintes d'appartenance.

Le professeur F. Terré met en évidence deux sens possibles :
- Au sens large : est libre celui qui n'a besoin de personne ou de quoi que ce soit, qui ne se découvre qu'au prix de la solitude.
- La liberté relative : prend en compte la société le groupe, c'est une liberté raisonnable.

Il y a une lutte entre ces deux formes. Il y a une volonté de liberté absolue mais il y a des contraintes à  respecter. La tendance qui tend à  dominer est la 1ère. L'absolutisation est une tendance destructrice de la vraie liberté.

On est devant une indétermination qui nous renvoie à  deux approches de la liberté :
- Une individualiste.
- Une avec une finalité sociale.

Dans la 1ère on doit pouvoir réaliser notre épanouissement.
Dans la 2ème approche le droit et la liberté sont donnés aux individus pour obtenir une solidarité sociale.

Il faut user de la liberté conformément à  sa nature d'Homme, le Professeur Jean Morange distingue deux grandes philosophies des droits de l'Homme :
- Celle qui trouve son origine dans le judéo-christianisme, il y a un ordre objectif du monde, l'Homme est libre pour se réaliser dans cet ordre.
- La philosophie des lumières centrée sur l'Homme en tant qu'absolu : rien ne peut contrecarrer l'Homme sauf le respect de la liberté d'autrui. Il n'y a aucun ordre qui s'impose à  l'Homme, c'est une conception athée.

Il est important de avoir à  quelle conception on se rattache car l'interprétation des droits et libertés varie selon le cas. D'un point de vue subjectif : au dessus des droits et libertés il y a des valeurs à  respecter (dignité…) le législateur ne peut que se conformer à  cet ordre, on parlera de la théorie Allemande.


II) En quoi cette étude va-t-elle contribuer à  la formation du citoyen ?

Quand on étudie les droits et libertés on devient de meilleurs citoyens, en quoi ? Car il faut que nous nous souvenions que les droits et libertés ont été conquis, c'est un patrimoine lentement constitué depuis la Magna Carta de 1215 jusqu'à  la DUDH de 1948.

Il faut sauvegarder ce patrimoine qui est guetté par différentes menaces : les dangers, les contrôles sociaux qui pèsent sur l'Homme, les risques pour l'identité, le corps, l'à¢me qui viennent des progrès technologiques et médicaux (clonage) … le droit au respect de la vie, vie familiale. La famille était considérée comme une entité fondatrice et préservatrice de l'être Humain. Ces protections sont affirmées dans :
- la DUDH en son article 23
- pacte international relatif aux droits civils et politiques.
- les textes de droit interne comme le préambule de la Constitution de 1946 alinéa 10.

Etudier les droits et libertés fondamentaux permet de tenir le citoyen éveillé. Il faut résister à  l'oppression et à  la loi injuste (DDHC de 1789 article 2 « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme… ») : la résistance à  l'oppression est dans le droit.


III) En quoi cette étude contribue-t-elle à  la formation de juriste ?

Trois propositions / éléments / apports :
- C'est une discipline au carrefour de toutes les autres.

- Le juriste doit s'interroger sur la garantie des droits et libertés ? Quel est le meilleur système de garantie.

- L'étude de cette matière devrait rendre le juriste sensible à  la contrainte normative internationale.


1) Une discipline carrefour :

Toutes les matières du droit sont représentées au sein de cette discipline. Cela nous oblige à  nous souvenir que les divisions des matières juridiques sont artificielles, il y a une unité profonde et trop de séparations (public / privé …). C'est une matière qui est fondamentale pour la culture juridique à  tout point de vue. De nombreuses matières ont été transformées par les droits et libertés fondamentaux.

2) Quelle est la meilleure garantie des droits et libertés fondamentaux ?

Le juriste étudiant les droits et libertés fondamentaux est confronté à  la question de leur garantie, il ne suffit pas de les énoncer, les proclamer il faut un mécanisme de garantie, une « justiciabilité » (accès au juge) quel est l'instrument le plus approprié pour les défendre ?

- On peut penser que la meilleure façon de les protéger c'est de s'abriter derrière le groupe d'appartenance (famille…) mais il n'est pas sà»r que les droits et libertés aient à  gagner dans cette méthode.
- On peut compter sur l'Etat : quel organe ? Le constituant ? Le législateur ? Le juge ? Selon la DDHC de 1789 les droits et libertés sont garantis par la loi et donc par le législateur. Pourtant le législateur peut être liberticide, on ne pouvait pas contrôler la constitutionnalité des lois.
- Si on compare des conceptions de la loi USA - France il y a de très nombreuses différences. Il a fallu attendre pour avoir un juge de la loi.

Il y a deux conceptions :
- Il n'y a de liberté que par la loi.
- La protection des libertés contre la loi
Pour passer de l'un à  l'autre il a fallu du temps.

Pendant longtemps en France le juge devait appliquer la loi sinon il était coupable de forfaiture. Le juge n'applique pas le droit, il dit le droit. Le juge applique le droit et la loi à  des situations particulières. Quel est le meilleur garant ?

Les droits et libertés fondamentaux sont une herméneutique juridique (science qui a pour objet la connaissance des textes).

Lorsque nous sommes devant un texte nous nous trouvons devant un énoncé qui peut avoir plusieurs significations et qui doit donc être interprété une fois cela fait on passe d'un texte à  une norme.

Il y a des sources incontestables de la loi et des sources tierces (jurisprudence) mais pourtant la jurisprudence est la 1ère source. C'est une bonne chose en matière de droits et libertés fondamentaux.

Il y a un débat difficile à  trancher sur la meilleure garantie possible de défense des droits et libertés. S'il faut essayer de viser un maximum de garantie il faut toujours parfaire l'Etat de droit.

3) L'étude de cette matière devrait rendre le juriste sensible à  la contrainte normative internationale :

Prenons l'exemple précis de la France et des déficiences de l'Etat de droit. L'arrêt de la Cour EDH du 28/07/1999 dit arrêt Selmouni c/ France. C'est un arrêt sur un article de la Convention EDH (l'article 3 qui interdit les actes de torture et les traitements inhumains et dégradants).

M. Selmouni était un trafiquant de drogue notoire qui a été tabassé et maltraité au Commissariat de Police de Bobigny.

Cet arrêt condamne la France pour torture (nous sommes les seuls avec la Turquie). L'arrêt a été rendu alors que les poursuites étaient encore pendantes en France contre les policiers (les procédures françaises trop longues).

Quand on examine l'impact de cet arrêt dans les médias on se rend compte que le monde judiciaire s'est largement exprimé : l'Avocat Général près la Cour de Cassation M. De Gouttes dans le journal Le Monde en date du 29/07/1999 a pleinement accepté l'assujettissement du droit interne au droit européen (ordre public européen, procès équitable européen, la France doit s'adapter, la Convention EDH devient la vraie Constitution Européenne des Droits de l'Homme).

Les mauvais élèves sont les politiques et les juristes dont certains se demandent « s'il faut supprimer la Cour EDH ? » Le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation ne sont plus des Cours souveraines. La contrainte normative est là , elle est irrésistible, il y a une internationalisation de tous les domaines du droit.

Il y a un mouvement irrésistible, même la Constitution l'intègre avec des arrêts comme Jacques Vabre en 1975 et Nicolo en 1989. Il y a des juges supranationaux qui interprètent les textes comme la Cour EDH.

Ex : le 11/07/2002 I c/ RU ou Christie de Goodwin c/ RU sur la question du transsexualisme, la Cour de Strasbourg a reconnu le droit au mariage des transsexuels en considérant que jusqu'à  présent la détermination du sexe était biologique maintenant d'autres facteurs comme la psychologie modifient l'interprétation de l'article 12 de la Cour EDH sur le mariage. Peut être qu'on admettra le mariage homosexuel à  partir d'un texte qui ne laisse pourtant pas trop de place à  l'ambiguïté.


Paragraphe II : Problématique du Cours et bibliographie :

Ce cours se décompose en deux parties : la théorie générale puis l'étude précise de certains droits et libertés.
Dans ce cours on va combiner différents registres et se référer à  des connaissances déjà  acquises. Il va falloir s'habituer à  se souvenir… Ce cours est très marqué par le souci de la recherche théorique :

- D'o๠viennent les droits et libertés ?
- Quelles sont les sources formelles et matérielles (métajuridique).
- On s'intéressera à  la légitimité du contrôle, quel est le meilleur gardien, quelle est la fonction du juge ?



Titre I : Définitions et garanties des droits et libertés fondamentaux :

Elle va comporter deux aspects :
- La définition des droits et libertés fondamentaux, on va préciser l'objet de l'étude.
- Les mécanismes de garanties des droits et libertés fondamentaux.

Section I : Définition des droits et libertés fondamentaux :

Il y aura 4 paragraphes :
- L'inventaire de certains termes et expressions qui ne sont pas tous identiques.
- Les classifications des différents droits et libertés fondamentaux.
- Les titulaires des droits et libertés (une personne à  naître en est-elle titulaire ???).
- Ces droits et libertés fondamentaux font l'objet d'une internationalisation croissante.

Paragraphe I : Droits, libertés, droits de l'Homme, libertés publiques, droits et libertés fondamentaux :
A) Droits et libertés :

Partons des définitions du dictionnaire :
- Les droits sont : « ce qui est exigible ».
- Les libertés : « renvoient au libre arbitre, au pouvoir d'agir selon sa propre détermination ».

Le droit vise donc des prérogatives que l'on possède sur ou contre autrui et que l'on peut exiger.
On peut exiger un comportement ou une prestation (action ou abstention) ex : le droit au respect de la vie privée, droit à  la propriété, droit à  la vie qui implique de la part des autorités un comportement, une action (système de santé) qui peut être positive ou une abstention. Jusqu'à  quel point l'autorité publique peut-elle agir ?

Le droit est assez précis alors que la liberté renvoie à  une autonomie de la personne la personne peut agir comme elle le veut : liberté d'opinion, d'expression d'association, l'usage n'est pas déterminé au départ. La liberté est une capacité d'autodétermination, une capacité d'agir ou de ne pas agir.

Ex : l'être à  naître (embryon, fÅ“tus) est-il un être qui peut avoir ces droits ? Il ne peut pas avoir de liberté car il n'a pas d'autodétermination. La liberté est moins pré orientée que le droit. La reconnaissance d'une liberté va s'accompagner d'un droit d'exercice de cette liberté (droit à  la liberté d'expression…).

Au-delà  des droits et libertés il faut parler des principes : les notions indispensables sans lesquelles il ne peut y avoir de droits et libertés ex : le système politique, juridique, le principe d'organisation politique, de séparation des pouvoirs, le pluralisme de la vie politique des idées et des comportements, le principe de constitutionnalité, d'égalité, principe de proportionnalité, de la dignité de la personne humaine. Les choses sont toujours complexes.


B) Droits de l'Homme, devoirs de l'Homme et libertés publiques : le triptyque :
1) Le diptyque : droits / devoirs :

Tout le cours est consacré aux droits de l'Homme.
Les devoirs : il y a une ambiguïté si on regarde les manuels, on constate que ce mot n'apparaît pas
dans les titres comme si c'était un tabou. Dans notre société on n'aime pas beaucoup ce mot. Les auteurs évitent de se référer aux devoirs, ils craignent une mise au pas des libertés, une instrumentalisation par le pouvoir public et pourtant il faut prendre en compte les devoirs et obligation vis-à -vis du pouvoir des groupes, de la famille des autres envers soi (dignité personnelle et communautaire).

Les devoirs renvoient à  la solidarité, l'harmonie sociale, des principes sans lesquels les droits de l'Homme ne sont qu'une illusion.
Exemples en droit interne de protection des devoirs par la Constitution :
- La Constitution de 1795 qui a été appliquée pendant 4 ans commençait par une déclaration des droits et devoirs de l'Homme et du citoyen. Il y a dans cette déclaration :
o L'obligation de payer l'impôt mais c'est plus large.
o Article 4 : nul n'est bon citoyen s'il n'est bon fils, père, ami et époux.

- Il y a une référence aux devoirs de l'Homme dans la Constitution de 1848
- La Constitution Montagnarde de 1793, jamais appliquée, se réfère aux devoirs qu'a le peuple de se révolter en cas de violation des droits.
- L'article 123 de la Constitution de 1793 dispose « La République française honore la loyauté, le courage, la vieillesse, la piété filiale. Elle remet le dépôt de sa Constitution sous la garde de toutes les vertus». Il y a une série d'obligations sur les individus qui sont reconnues par la République. Il n'y a pas de droits et libertés sans contrepartie, sans responsabilités et devoirs.


2) Droits de l'Homme et libertés publiques :

L'expression libertés publiques est très franco française, on la trouve peu ailleurs. On l'emploie
dans l'article 34 de la Constitution de 1958 « […]La loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques […] », on peut noter d'ailleurs que la formulation de cet article est ambiguë et soulève deux problèmes :
- La distinction entre droits civils et libertés publiques.
- Elle sous-entend que les libertés publiques sont réservées aux citoyens.

Dans le préambule de la Constitution alinéa 1 on se réfère aux droits de l'Homme. Le texte du
3/06/1958 pour la nouvelle Constitution dans son 4ème principe dispose « on doit veiller au respect des libertés essentielles ». Il y a de nombreuses ambiguïtés dans les termes.

L'idée de la distinction droits de l'Homme / libertés publiques : les droits de l'Homme sont perçus comme une conception plus large que celle des libertés publiques. Les libertés publiques renvoient à  des droits naturels de l'Homme antérieurs au pacte social, des droits présociaux liés à  la condition d'Etre Humain alors que les libertés publiques seraient reconnues et aménagées par la loi. Les droits de l'Homme sont conçus comme naturels, le législateur doit les respecter. Ex : la déclaration des droits de l'Etat de Virginie du 12/06/1776 « droits certains et essentiels ».

Les libertés publiques relèvent du droit positif. Jean Rivero fait cette distinction classique entre libertés publiques qui entrent dans le droit positif car le législateur les a fixé et les droits de l'Homme qui sont plus larges, c'est la conception du droit naturel. « Les libertés publiques correspondent à  des droits de l'Homme que leur reconnaissance par l'Etat a inséré dans le droit positif ». Même idée chez G. Lebreton

Les droits de l'Homme sont une catégorie juridique et non plus une simple philosophie, ils sont dans le droit. Cette distinction a correspondu à  un moment donné : le modèle Républicain de la fin du XIXème à  cette époque les droits et libertés étaient défendus par le législateur et le juge, on avait une conception étroite des droits et libertés, on visait les libertés individuelles. Les premiers à  avoir travaillé sur les droits et libertés étaient des publicistes aujourd'hui les gardiens sont constitutionnels et supranationaux.


3) Libertés publiques et droits et libertés fondamentaux :

Cette appellation « droits et libertés fondamentaux » est récente (20 à  25 ans) est s'est développée en Europe sous l'influence du droit comparé, des Cours Constitutionnelles et de la théorie Allemande. Pour autant si les droits et libertés fondamentaux viennent d'ailleurs ça ne veut pas dire qu'on ignorait ce concept en France (démonstration : la théorie jurisprudentielle de la voie de fait : lorsqu'on est devant des actes de l'administration qui portent atteinte aux libertés fondamentales on passe à  la compétence du juge judiciaire ex : violation du droit de propriété, l'acte administratif est dénaturé. Jurisprudence TC 8/04/1936 Action Française arrêt concernant la liberté de la presse.

a) La conception Française :


Le préambule de la Constitution de 1946 auquel se réfère la Constitution de 1958 fait référence aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Quels sont-ils ? On les découvre par la jurisprudence Constitutionnelle et administrative :
- CE 11/07/1956 Amicale des annamites de Paris. Le CE a estimé que la liberté d'association est un principe fondamental reconnu par les lois de la république.
- Dans l'article 34 de la Constitution « la loi fixe les règles sur les garanties fondamentales assurées ».
- Cette tendance à  se référer à  des libertés et droits fondamentaux s'est perpétué dans le droit Français jurisprudentiel : Conseil Constitutionnel 22/01/1990 Egalité entre les Français et les Etrangers. « Le législateur peut prendre des dispositions spéciales sur les étrangers s'il respecte les engagements internationaux et les droits et libertés fondamentaux de la Constitution ».
- 13/08/1993 : loi sur la maîtrise de l'immigration dite loi Pasqua : le Conseil Constitutionnel a énuméré les droits et libertés fondamentaux : on a crée une sorte de « statut constitutionnel de l'étranger ».
- Le 10/06/1998 loi sur l'orientation de la réduction du temps de travail qui énonce certains droits et libertés fondamentaux des salariés.
- Le 12/06/1999 Charte Européenne des langues régionales et minoritaires le Conseil Constitutionnel a été saisi car le texte prévoyait la possibilité pour ceux qui parlent une langue minoritaire de l'utiliser dans leurs rapports avec la justice et l'administration : des principes fondamentaux s'y opposent : il n'y a pas de droit collectifs seul des principes individuels (unicité du peuple Français, indivisibilité de la République…).

Le législateur a aussi parlé des droits et libertés fondamentaux :

- La loi du 30/06/2000 a crée le référé liberté. Lorsque le juge administratif est saisi dans l'urgence pour la sauvegarde d'une liberté fondamentale il se prononce sous 24 heures : on donne aux libertés fondamentales leur pleine mesure, seule la jurisprudence permet de connaître les droits et libertés fondamentaux


Quelles sont les droits et libertés fondamentaux et pourquoi ? D'o๠vient le fait que ce sont des libertés fondamentales ? Les décisions du juge administratif ne sont pas claires, la manière fondamentaux Saxonne de rédiger les arrêts est meilleure. Si on consulte les grandes revues juridique on trouve des rubriques se référant aux droits et libertés fondamentaux qui ne cessent de s'agrandir. Ex :
- Liberté d'aller et de venir : ordonnance du 9/01/2001 Deperthes. Le Conseil d'Etat n'est pas clair il ne permet pas de savoir d'o๠il tire la qualification.
- Le 20/12/1995 il avait annoncé cette décision et s'était référé au protocole numéro 2 de la CEDH. Arrêt du 12/07/1989 Pont à  Péage il se réfère à  l'article 66 de la Constitution de 1956.
- Madame Hyacinthe 12/01/2001 il qualifie le droit d'Asile de liberté fondamentale : les visas sont surabondants Constitution, CEDH Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés.
- Ordonnance du 19/10/2001Tliba droit à  la vie familiale.
- Le 8/12/1978 arrêt GISTI le CE avait relevé que le droit à  la vie familiale était un PGD.
- Le 13/08/1993 le Conseil Constitutionnel sur ce droit s'est référé à  l'alinéa 10 de la Constitution de 1946.

Régulièrement le CE identifie de nouveaux droits et libertés. Le 19/08/2002 FN et institution de
formation des élus locaux. Le CE a estimé que la liberté de réunion est une liberté fondamentale d'o๠le droit pour un parti politique régulièrement constitué de se réunir, il a utilisé comme visa : l'article 4 de la Constitution de 1958 sur les partis politiques. Pourquoi ne pas avoir visé l'article 11 de la CEDH ?

Ca ne veut pas dire pour autant que tous les référés libertés sont suivis par le juge Administratif

Ex : le 3/05/2002 Association de Réinsertion Sociale du Limousin et Autres : affaire sur le droit au logement. Le droit au logement est-il un droit ou une liberté fondamentale ? Non Visa : Conseil Constitutionnel sur le droit au logement simple objectif et non droit.

En 1995 le Conseil Constitutionnel a dit que l'accès au logement est un objectif et non un droit il s'est référé aux traités internationaux sur l'accès au logement, les traités n'étaient pas d'effet direct.

En 1984 François Mitterrand avait été saisi d'une proposition de l'opposition qui voulait un référendum sur l'école privé, il a dit que la Constitution ne le permet pas, il faudrait modifier la Constitution. Quelques années plus tard en 1990 Robert Badinter a proposé de contrôler la loi par rapport à  la Constitution à  priori.

Si l'on sort du cadre Français qu'on va sur les textes internationaux on trouve le vocabulaire droits et libertés fondamentaux :

- Dans la DUDH du 10/12/1948 dès le préambule 5éme considérant « droits fondamentaux de l'Homme » 6ème considérant « droits de l'Homme et des libertés fondamentales ».

- Dans les autres Cours de Justice.

b) La conception Allemande : la conception matricielle des droits et libertés fondamentaux :

Dans le numéro spécial de fondamentaux Juillet Aoà»t 1998 éditorial de Laurent Richet « Avec la notion de droits fondamentaux… notion venue d'Allemagne ». On va se référer au texte constitutionnel et à  la jurisprudence du Tribunal Constitutionnel Fédéral.

Certains auteurs Français comme M. Fromont ont travaillé sur cette conception et la jurisprudence. Autres auteurs : O. Jouanjan en quelques pages a expliqué les caractéristiques.

Cette conception qu'a-t-elle de particulier ? Depuis longtemps dans les Constitutions Allemandes, on trouve des références aux droits et libertés fondamentaux.
- Dans la constitution du 11/08/1919 « droits et devoirs fondamentaux des Allemands ».
- Actuellement dans la Constitution du 23/05/1949
o 1ère partie « les droits fondamentaux de l'article 1 à  19 ». L'article 1 a une grande place : dès son 1er paragraphe on voit la source d'inspiration « la dignité de la personne Humaine est sacrée, tous les agents de la puissance publique ont l'obligation de la respecter et de la protéger ».
o paragraphe 3 « les droits fondamentaux … lient les ». Les droits et libertés fondamentaux dans la conception Allemande sont fortement protégés article 19 :

- paragraphe 2 : les atteintes que l'on peut porter aux droits et libertés ne doivent pas les vider de leur substance, c'est au juge Constitutionnel de vérifier.

- Paragraphe 3 : il n'y a pas que les personnes physiques qui bénéficient des droits et libertés fondamentaux, les personnes morales peuvent en bénéficier.

- Paragraphe 4 : chaque fois qu'il y a une lésion des droits et libertés par le législateur il faut un droit de recours à  une juridiction.

Article 79 paragraphe 3 : « Aucune révision Constitutionnel ne peut porter atteinte au caractère fédéral de l'Etat ou au principe de l'article 1 et 20 ». On limite la révision de la Constitution.

L'article 20 précise que tout pouvoir émane du peuple par élection et vote. Tous les pouvoirs doivent respecter la Constitution. Dans l'article 89 de la Constitution l'alinéa 5 précise qu'aucune proposition de modification de la Constitution ne peut porter atteinte au caractère républicain ». On ne peut pas porter atteinte aux principes.

Les Allemands parle pour l'article 79 alinéa 3 de leur Constitution de la « clause d'éternité ». On est sur une conception qui consiste à  considérer que les droits et libertés fondamentaux doivent être protégés. On va décomposer la conception en différents éléments. Ca va être très utile pour comprendre le 3ème point de la démonstration qui nous ramènera à  la conception formalisée et essentialiste des droits et libertés fondamentaux

La conception Allemande est fondée sur le concept de l'Etat de droit fondé sur l'idée de l'anthropocentrisme, toutes les activités doivent avoir pour finalité de protéger la dignité de l'Homme. Les interventions ne sont légitimes que si elles vont dans ce sens. Le souci des autorités publiques doit être la protection effective de l'individu, cette obligation pèse sur le Parlement. L'article 2 de la Constitution Allemande insiste sur l'idée du libre épanouissement de la personnalité de chacun. C'est une certaine conception de la liberté qui peut avoir un inconvénient : on risque de perdre de vue l'intérêt collectif, on risque d'avoir une conception o๠on perd de vue les valeurs essentielles.

Les droits fondamentaux sont avant tout conçu comme interdisant à  l'Etat d'intervenir dans les droits libertés fondamentales. O. Jouanjan « ce sont surtout des droits défensifs ils visent à  éviter une ingérence de l'Etat ». Ca ne veut pas dire que l'Etat ne doit jamais intervenir, dans certains cas il doit intervenir. Le Tribunal fédéral Allemand est très prudent à  l'égard des obligations positives. Dans la liste des droits et libertés ne figurent pas les droits économiques et sociaux, ils sont de simples directives dont le législateur doit tenir compte, il faudrait faire référence à  un auteur Allemand G. Jellinek a distingué 3 situations de l'individu face à  l'Etat :
- La sphère de liberté o๠l'Etat on doit pas intervenir : status negativus.
- L'obligation pour l'Etat d'agir : status positivus.
- L'individu est citoyen et participe au fonctionnement : status activus.

Les droits et libertés fondamentaux ont un effet horizontal ils ne concernent pas que les rapports
Etats / individus mais aussi les rapports individus / individus. Cette construction vient de la « Dritt Wirkung » (Tiers / Effet) droits ayant des effets à  l'égard des tiers.

Les droits et libertés fondamentaux renvoient à  des droits subjectifs mais il ne se réduisent pas à  cela ils renvoient à  un ensemble de principes subjectifs. Lorsque le juge a déterminé l'étendu d'un droit fondamental. Ca évite cette tendance qu'a chaque individu de réclamer un maximum de droits subjectifs il y a la limite : les droits fondamentaux.

On peut avoir plusieurs interprétations : interprétation axiologique et institutionnelle.

L'interprétation axiologique : les droits fondamentaux renvoient à  un ordre de valeur qui limite les libertés individuelles et transforme le juge en gardien. Le Tribunal Constitutionnel Fédéral la 15/01/1958 dans l'arrêt Là¼th indique « La Constitution exprime aussi un ordre objectif de valeur qui s'impose comme choix fondamental à  toutes les branches du droit ». On est devant une conception objective.

Interprétation institutionnelle : lorsque les juges doivent déterminer l'étendu des libertés ils doivent le faire en pensant à  la pérennité de certaines institutions privilégiées.

Interprétation fonctionnelle : on doit apprécier au regard de l'importance du processus démocratique. La conception Allemande en a eu une trace dans une affaire examinée par la CEDH il y a un an :
22/03/2001 Streletz et autres : il s'agissait de personnes qui ont occupé de hautes fonctions en RDA. A l'époque les responsables politiques avaient pris des mesures pour éviter de franchir le mur de Berlin, ils avaient mis en place des systèmes de défense et il y a eu des dizaines de mort. Ils sont poursuivis pénalement dans l'Allemagne réunifiée et mettent en avant l'article 103 de la Constitution sur la légalité des incriminations et des peines, la non rétroactivité.

Le juge Allemand et la CEDH leur donne tort. Arrêt du 24 Octobre 1996 le Tribunal Constitutionnel Fédéral explique que l'article 103 « le principe de l'Etat de droit comporte l'exigence d'une justice objective, c'est un principe directeur. En ce qui concerne le droit pénal …. Pas de peine sans faute… », l'ordre de valeur sert à  l'interprétation de la limite 22/03/2001.

La France a été très influencée par l'Allemagne.


C) La conception formelle et substantielle des droits et libertés fondamentaux :
1) La conception formelle :

Point de départ : pour savoir si un droit ou une liberté est fondamental il ne faut pas se référer à  la
nature mais aux valeurs. Ils sont fondamentaux car ils sont inscrits dans des textes, supports, instruments Constitutionnels ou Internationaux.
Ex : dans la constitution Portugaise on trouve des droits du consommateur, ils sont essentiels car inscrits dans la Constitution peu importe la matière nature.
Conséquences :
- On peut définir par la source formelle (Constitution, Internationale) les normes peuvent se recouvrir, ces droits peuvent faire l'objet d'une protection renforcée mais tous sont fondamentaux dès qu'ils sont inscrits dans les textes constitutionnels et internationaux. Ca ne règle pas tout. Il faudrait ajouter les jurisprudences auxquelles donnent lieu ces textes. Ex : la Constitution Française n'est pas qu'un texte, c'est un écrit Prétorien (interprétation). Le texte n'est rien sans la jurisprudence.

L'école Aixoise : ils montrent ce qui différencie les droits et libertés fondamentaux des libertés
publiques.

Les libertés publiques sont des protections contre l'exécutif alors que les droits et libertés fondamentaux sont une protection contre tous les pouvoirs quels qu'ils soient. Ces droits et libertés sont indisponibles pour le législateur.

Le Parlement n'a pas de pouvoir souverain, il doit respecter les droits fondamentaux. Tous les pouvoirs sont soumis aux droits et libertés fondamentaux. La liberté est une liberté contre le législateur si nécessaire, c'est un frein à  la dictature de la majorité, les droits et libertés fondamentaux sont à  l'abri des changements de majorité.

La protection des libertés publiques était assurée par la loi alors que les droits et libertés fondamentaux se réfèrent à  la Constitution et aux textes internationaux. La protection reposait sur le juge judiciaire et administratif pour les libertés publiques. Les droits et libertés fondamentaux rajoutent le juge Constitutionnel et international.

Cette fois ci d'autres normes interviennent, les droits et libertés deviennent pleinement justiciables. Une loi peut ne pas avoir été examiné par le Conseil Constitutionnel. La France est très en retard en matière de contentieux Constitutionnel par rapport à  l'Allemagne ou à  l'Espagne (« fondamentaux »). Les ressortissants communautaires mériteraient d'avoir un accès plus large aux juges.

Autre élément / critère de distinction : les libertés publiques ne concernent que les rapports verticaux alors que les droits et libertés fondamentaux peuvent avoir des effets horizontaux ça implique la protection des individus contre les autres individus qui pourraient y porter atteinte.
Autre éléments : pour les libertés publiques seules les personnes physiques en bénéficient, pour les droits et libertés fondamentaux les personnes morales peuvent en bénéficier.

Dans une ordonnance du 18/01/2001 CE commune de Venelles « la libre administration des collectivités territoriales est un principe de droit fondamental ». Les libertés publiques visaient une autonomie, les droits et libertés fondamentaux concernent tous les droits y compris économiques et sociaux. Si les traités les reconnaissent c'en sont. Ce n'est pas le cas des libertés publiques.

C'est une conception commode il suffit de lire les textes et la jurisprudence.

2) La conception substantielle :

Selon elle les droits et libertés fondamentaux le sont par leur nature, leur essence même et non pas parce qu'ils sont dans un texte.

Auteur : E. Picard Il a écrit un grand article dans fondamentaux « l'émergence des droits fondamentaux en France ». Il a écrit une autre étude deux ans plus tard.

Selon sa conception la fondamentalité ne peut pas se réduire à  ses expressions, ses manifestations en droit positif. La fondamentalité ce sont des principes fondateurs qui renvoient à  une conception de l'Humanité. Il ne faut pas confondre fondamentalité avec son vecteur Constitutionnel, International… peu importe le vecteur. La fondamentalité est un ensemble de principe. O๠sont ces principes fondateurs ? A quoi renvoient-ils. Il faudrait dire d'o๠vient cette fondamentalité, quelles sont ses valeurs.

Etudions un nouveau diptyque : Fondamentalité / Constitutionnalité :

Dans la conception d'E. Picard il va de soi que l'Etat n'est pas l'auteur du juste, il en est le garant. Le juste existe avant l'Etat. Dans cette conception c'est le droit qui engendre la Constitution. Les droits et libertés ne sont pas fondamentaux car ils sont dans la Constitution mais parce que la Constitution les reconnaît c'est l'inverse. On ne conçoit pas de normativité sans la volonté du peuple hors il y a la fondamentalité, le constituant n'est qu'un outil de la fondamentalité. Cette conception est plus vague que la 1ère, on va être confronté à  cette distinction : est-ce qu'on se réclame d'une conception formaliste ou essentialiste ?

Paragraphe II : Typologies des droits et libertés fondamentaux :

L'idée de départ est que les juristes aiment bien classer. Quand on consulte les manuels de droits et libertés fondamentaux on trouve cette question de la classification. Comment classer ? Tous les manuels n'apportent pas la même réponse, certaines classifications sont ambiguës car certains droits entrent dans plusieurs catégories comme le droit de propriété ; de plus on dit que les droits de l'Homme sont un tout et les classer revient à  séparer. Voyons différents critères de classification.

I) La classification basée sur l'objet :

L'objet des droits et libertés fondamentaux permet une classification en trois catégories :
- Les libertés relatives au corps (libertés physiques).
- Les libertés relatives à  la vie de l'esprit (libertés intellectuelles).
- Les libertés relatives à  l'Homme comme membre d'une communauté (libertés relationnelles).

C'est assez ambigu car on sépare le corps et l'esprit alors que l'Homme réunit les deux.

1) Les libertés relatives au corps :

On trouve dans cette catégorie :
- Le droit de disposer de son corps.
- Le droit au respect de l'intégrité physique.
- Le droit à  la vie.
- Le droit à  la sà»reté.
- Le droit d'aller et de venir.
- Le droit du domicile…


2) Les libertés intellectuelles :

On trouve :
- La liberté d'opinion.
- La liberté de conscience.
- La liberté de religion.
- La liberté de la presse.
- La liberté de l'enseignement.


3) Les libertés relationnelles :

On trouve :
- La liberté de se réunir
- La liberté de manifester.
- La liberté syndicale et le droit de grève….

Cette 1ère classification est courante mais elle présente une incomplétude, elle a des limites. Il y a
des droits qu'on ne sait pas o๠classer comme par exemple :
- Le droit de propriété, si on se réfère à  John Locke on se rappelle qu'il rattachait la propriété au corps.
- La liberté d'entreprendre.
- Le droit au respect de la vie privée.

Un autre problème posé par cette classification est de savoir o๠classer les garanties
fondamentales sans lesquelles il n'y a pas de droits ou libertés fondamentaux (sécurité juridique, prééminence du droit…).


II) La classification basée sur le mode d'exercice des droits et libertés :

On s'intéresse à  la façon d'exercer les droits et libertés, on distingue des droits et libertés individuels et d'autres collectifs. Une fois de plus on constate que c'est discutable car certaines libertés entrent dans les deux cas comme par exemple :
- la liberté religieuse :
o C'est une liberté individuelle du fait du for intérieur (le droit d'avoir des convictions).
o C'est aussi une liberté collective : liberté d'extérioriser, d'exprimer ses convictions par un culte.
- la liberté d'expression.

Une des autres chose qui est gênante dans cette classification c'est le terme de droits collectifs,
peut-on parle de droit collectifs ? Ne faudrait-il pas parler de droits proprement collectifs (réservés aux groupe) et des libertés de l'action collective (qui ne peuvent être exercées qu'en groupe).

III) La classification selon l'ordre historique de consécration des droits et libertés fondamentaux :

Il y aurait une dimension historique et on pourrait relever différentes étapes dans la proclamation
des droits et libertés fondamentaux. Ca a donné naissance à  la théorie des générations des droits de l'Homme, il y aurait eu 3 générations voire 4 :
- 1ère génération : les droits civils et politiques : libertés autonomes, de participation, qui interdisent l'ingérence de l'Etat. Ces droits se prêteraient beaucoup mieux que les autres à  une protection juridique. Retrouve-t-on cette phase en droit interne : oui la DDHC de 1789 contient nombre de droits civils et politiques.

- 2ème génération : les droits économiques sociaux et culturels : on a par exemple : le droit syndical, de grève mais aussi des droits créance : droit à  la santé, à  l'éducation… Ils présenteraient une difficulté qui est que leur justiciabilité serait difficile à  mettre en place.

- 3ème génération : les droits de solidarité individuels et collectifs qui viseraient l'Homme inséré dans l'humanité (droit à  la paix, à  l'environnement sain, au développement). Ce sont des droits qui intéressent l'individu et concernent l'humanité.

- 4ème génération : droits au respect de la dignité de la personne humaine face aux abus de la science.

Le premier problème de cette classification est qu'il n'y a pas de séparation nette entre les
générations : par exemple en France les droits économiques et sociaux ont été publiés en 1946 mais la DDHC de 1789 consacrait déjà  certains droits et libertés économiques et sociaux. Dans la Constitution de 1946 il y a aussi des droits civils et politiques. Dans la Convention EDH de 1950 on trouve le respect des biens, l'interdiction du travail forcé, il y a des droits et libertés socio-économiques et des droits et libertés civils et politiques.

Autre inconvénient de cette classification : les droits de la 1ère génération renvoient à  une liberté autonomie or quand on examine la jurisprudence des Cours on constate que des obligations positives sont associées aux libertés civiles et politiques (l'Etat doit prendre des mesures pour permettre l'accès au juge…)
Certains droits de la deuxième génération sont facilement justiciables comme le droit syndical ou de grève alors pourquoi na pas les mettre dans la 1ère génération ?
Les droits et libertés de la 3ème génération sont-ils des droits et libertés (désarmement …), quelle est leur opposabilité ? A qui s'adresser pour obtenir leur application ? Qui est débiteur ? Qui est créancier ?

IV) La classification de l'école Aixoise : critère du rapport à  l'Etat

On peut essayer de classer ainsi les droits et libertés fondamentaux. Il y a 5 catégories :
- Les « droits libertés » : droits classiques et du travailleur (enseignement, association, propriété, syndicat, grève, participation…)
- Les droits participation : intervention dans le processus politique.
- Les droits créance : protection de la santé, social, le droit de mener une vie familiale (c'est étrange de le classer ici)…
- Les droits garantie : droit au juge, au procès équitable…
- Le droit à  l'égalité.


V) L'existence d'une hiérarchie entre les droits et libertés :
Elle soulève des difficultés. Il faudrait démontrer cette hiérarchie : certains droits seraient plus fondamentaux que d'autres.
Ex : dans la DDHC de 1789 article 11 « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à  répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi», ce droit serait dans une hiérarchie et certains droits seraient plus précieux que d'autres.
Ex 2 : Article 1 de la Constitution Allemande « La dignité de l'être humain est intangible. Tous les pouvoirs publics ont l'obligation de la respecter et de la protéger », la dignité de l'Homme serait donc prééminente par rapport à  d'autres droits.
Ex 3 : La convention EDH énumère des droits et libertés, l'article 15 prévoit pour l'Etat de déroger à  certains droits en cas de péril grave « En cas de guerre ou en cas d'autre danger public menaçant la vie de la nation, toute Haute Partie contractante peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente Convention, dans la stricte mesure o๠la situation l'exige et à  la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international » ; mais certains droits sont à  l'abris (droit à  la vie de l'article 2, interdiction de la torture, non rétroactivité de la loi pénale) ; ces droits protégés constituent le noyau dur des droits de l'Homme. Il y aurait donc des droits intangibles et des droits conditionnels.

Est-ce que dans la jurisprudence Constitutionnelle on trouve une hiérarchie ? On trouve une distinction dans la décision des 10 et 11 Octobre 1984 sur les entreprises de presse. Une différence est exprimée entre les libertés générales et absolues (sà»reté, liberté de presse, d'association) et les libertés qui ne sont ni générales ni absolues (communication audiovisuelle). Dans la même décision le Conseil Constitutionnel se réfère à  l'article 11 de la DDHC de 1789

«La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à  répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » ;

et par la suite le Conseil dit « Il s'agit d'une liberté fondamentale, d'autant plus précieuse que son exercice est l'une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale ».

Il y aurait des libertés matricielles qui commanderaient les autres. Pour L. Favoreu tous les droits consacrés par le Conseil Constitutionnel sont fondamentaux mais il y a des libertés de 1er rang et des libertés de 2ème rang. Les libertés de 1er rang :
- Ne peuvent pas être soumise à  autorisation préalable pour leur exercice.
- La loi ne peut que les étendre, on ne peut pas revenir en arrière.
- Ces libertés doivent être appliquées uniformément sur le territoire.

Cette classification a un grand intérêt mais est problématique. Certains droits et libertés de 1er rang
sont très relatifs (dignité de la personne humaine)


Paragraphe III : Les titulaires des droits et libertés fondamentaux :

Quels sont les bénéficiaires, ceux qui sont concernés ? Il faut faire deux remarques :

- Pendant très longtemps l'individu n'était pas considéré en tant que tel il était dans un groupe, les droits et les libertés étaient inséparables de cette appartenance, il n'y avait pas ou peu d'individualité. L'appartenance à  tel ou tel groupe autorisait des discriminations.

Ex1 : appartenance ou non à  la cité). On distinguait dans le monde antique les statuts (esclavage par conquête ou naturel), à  cette époque, certaines catégories de personnes ont peu ou pas de droits (les femmes, les étrangers). Ex : la cité Athénienne de Périclès (haut magistrat qui était stratège) au Vème siècle avant Jésus Christ. Si on regarde il y a 400.000 citoyens, il y avait soit disant une démocratie directe, les citoyens prenaient toutes les décisions (les étrangers, les esclaves et les femmes ne décidaient pas). Ceux qui se réunissaient étaient en fait 2000 à  4000 (1%) c'est un constat important, c'est un problème qu'on a constamment rencontré, on s'interroge sur l'apport des groupes.

Ex 2 : Au moment de la découverte de l'Amérique on découvre des habitants. Pour s'approprier leur propriété on dénie leur appartenance au genre humain. Comment est-ce possible ? Il y a tout un débat avec par exemple Francisco de Vittorio qui rédige en 1539 « Leçon sur les Indiens » ou Bartholomé de las Casas qui a défendu les Indiens. Une controverse naît entre Las Casas et Sépulvéda dite controverse de Valladolid 1550. On s'interroge sur la question des titulaires des droits et libertés fondamentaux.

On retrouve à  la fin du XVIII avec l'indépendance des Etats-Unis. En 1865 intervient la suppression de l'esclavage par le 13ème amendement de la Constitution US. Madison voyait les esclaves comme des biens et des personnes. En 1789 en France on proclame les droits et libertés mais l'esclavage continue jusqu'en 1794.

Aujourd'hui on vit sur le postulat de l'égalité et le fait que seuls les individus sont titulaires des droits et libertés fondamentales mais on inclut aussi dans une certaine mesure les personnes morales et des statuts spéciaux demeurent pour certaines catégories.
Les statuts spéciaux sont la résurgence des anciens privilèges, ce terme porte à  controverse et on y associe le terme d'injustice, à  l'époque c'était l'inverse, les privilèges étaient la justice on affectait à  une qualité un statut qui lui correspondait, Montesquieu expliquait que chacun doit être jugé par ses pairs.
En ce qui concerne les personnes morales, elles n'étaient pas envisagées dans la DDHC de 1789.

Voyons les différents titulaires des droits et libertés fondamentaux (on n'effectuera pas une liste exhaustive).

1) Les individus et les groupes :

Peut-on dans un même mouvement reconnaître des droits aux individus et aux groupes qu'ils
constituent ? N'est-ce pas contradictoire ? Reconnaître un droit au groupe n'est-ce pas écraser les droits des individus (ex : le droit des peuples est-il un droit de l'Homme).

Les deux pactes des Nations Unies de 1966 commencent tous deux par un article 1er sur le droit des peuples comme si on avait besoin de consacrer le droit des peuples comme une conditions de réalisation des droits des individus (il y a une contradiction : les peuples peuvent être définis de manière différente).

Un autre problème dans cette catégorie est celui des minorités, on parle de l'égalité de chacun face au droit et on ne veut pas par conséquent de droits spéciaux pour les minorités nationales, religieuses, ethniques…
Le mot de mondialisation est idéaliste car il y a beaucoup de minorités et de groupe différents, ça soulève des questions délicates comme notamment le communautarisme et le multiculturalisme, ça n'étonne personne chez les Anglo-Saxons mais en France c'est un problème car l'Etat est « un et indivisible ». Lorsque la France a ratifié les textes de Nations Unies de 1966 elle a émis une réserve car elle ne reconnaît pas les minorités malgré la fragmentation de la société, de plus en plus de communautés apparaissent.
Des sociologues s'intéressent à  la question et notamment Michel Wieviorka a écrit plusieurs livres sur la fragmentation, selon cet auteur les communautés qui reparaissent pourraient poser des problèmes au Gouvernement, les identités cherchent à  résister à  la mondialisation

Un autre professeur : M. Sandel de Harvard répond à  des inquiétudes qu'on sent monter avec les communautés, les sociétés ne vont elle pas se fragmenter en réclamant des droits et de statuts particuliers.

Cette question du pluralisme juridique intéresse les anthropologues du droit.

Il y a une jurisprudence du Conseil Constitutionnel : il y a plus de 10 ans le Parlement a voté une loi sur le statut de la Corse avec un article 1er qui a été controversé « Le peuple Corse constituante du peuple Français ». Le 9 Mai 1991 le Conseil Constitutionnel a censuré cet article au nom du principe d'unité du peuple Français, il n'y a pas de peuples dans le peuple Français, il va y avoir une modification Constitutionnelle pour la régionalisation ce sera une révolution Constitutionnelle.

Le Conseil Constitutionnel le 15/06/1999 a repris la même logique sur la Charte Européenne des langues régionales ou minoritaires, le Conseil Constitutionnel a estimé que pour ratifier un tel texte il faut changer la Constitution. La Constitution s'oppose à  reconnaître des droits collectifs à  certains groupes de plus le Français est la seule langue de la République.

2) Personnes physiques et personnes morales :

Les personnes physiques sont les destinataires naturels des droits et libertés, cela exclue-t-il les personnes morales ? La nature de la personne morale est-elle un obstacle absolu ou relatif ? Il est relatif on peut en adaptant leur donner des droits et libertés.
Certains droits et libertés ne sont pas accessibles aux personnes morales comme la protections contre la tortue ou la protection de la vie familiale (une personne morale n'a pas de vie familiale et ne peut pas être torturée). Les choses évoluent car on n'imaginait pas un jour reconnaître des droits et libertés aux personnes morales, elle en bénéficient aujourd'hui selon leur spécificité.
La Constitution Allemande dans son article 19 donne un exemple « Les droits fondamentaux s'appliquent également aux personnes morales nationales lorsque leur nature le permet.».

On pourrait distinguer personnes morales de droit public et de droit privé. Les personnes morales de droit public s'identifient à  l'intérêt général donc les droits qui leur sont reconnus seront moins larges. Le Conseil d'Etat a reconnu que le droit pour les collectivités locales de s'administrer librement est un droit fondamental, les personnes morales ont aussi le droit de propriété comme droit fondamental. Les garanties sur la propriété intéressent les personnes morales de tout type : privés ou publics.

Ex : En 1981 le Conseil Constitutionnel est saisi suite aux nationalisations pour vérifier le respect des droits. Plus tard les 25 et 26 Juin 1986 une décision du Conseil Constitutionnel dans son considérant 58 dispose
« Considérant que la Constitution s'oppose à  ce que des biens ou des entreprises faisant partie de patrimoines publics soient cédés à  des personnes poursuivant des fins d'intérêt privé pour des prix inférieurs à  leur valeur ; que cette règle découle du principe d'égalité invoqué par les députés auteurs de la saisine ; qu'elle ne trouve pas moins un fondement dans les dispositions de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 relatives au droit de propriété et à  la protection qui lui est due ; que cette protection ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi, à  un titre égal, la propriété de l'Etat et des autres personnes publiques ».
Cette protection concerne la propriété privée et de l'Etat. C'est une interprétation audacieuse du texte de 1789 o๠on ne pensait qu'à  l'expropriation d'immeubles ; on étend aux personnes publiques et privées. Ce sont les personnes morales de droit privé qui bénéficient le plus largement de ces droits. La jurisprudence des cours internationales ou interne les traités… affirme tous l'existence de droits fondamentaux pour les personnes morales CEDH Article 1 Protocole 1
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. »

Peuvent saisir la Cour EDH les personnes physiques ou morales même si c'est plus les personnes physiques qui le font. Ex de saisine par une personne morale : 16/04/2002 Société Colas et autres (une saisie sans autorisation avait eu lieu dans les locaux) « la Cour considère qu'il est temps de reconnaître, dans certaines circonstances, que les droits garantis sous l'angle de l'article 8 de la Convention peuvent être interprétés comme incluant pour une société, le droit au respect de son siège social, son agence ou ses locaux professionnels (voir mutatis mutandis arrêt Niemietz c. Allemagne précité, p. 34 § 30) »

Dans la jurisprudence interne Conseil Constitutionnel 22/07/1980 : les personnes morales ont les droits de la défense, c'est important vu la multiplication des sanction administratives.
La Cour de Cassation a reconnu le droit d'une société d'intenter une action en diffamation, droit au respect de l'honneur Chambre Criminelle 22/03/1966 ainsi que le droit de porter plainte en cas de violation de la vie privée (espionnage) Cass. Crime. 23/05/1993.

3) Les personnes nées et à  naître :

La difficulté principale porte sur les personnes à  naître, avant que l'individu naisse, est-il une personne titulaire de droit ? Le plus simple c'est de dire qu'il n'y a pas de personne avant la naissance mais on sait que ce n'est pas vrai. Le droit est embarrassé par cette question, toutes les branches du droit ont eu à  s'exprimer sur le sujet. On ne cesse de nous dire que le droit à  la vie est le premier de tous les droits mais qui en est le destinataire ?
Dans la Charte des droits fondamentaux de Nice du 7/12/2000 article 2 «Toute personne a droit à  la vie. Nul ne peut être condamné à  la peine de mort, ni exécuté ». Les instruments ne sont pas plus précis.
Article 2 de la Convention EDH

« Le droit de toute personne à  la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à  quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas o๠le délit est puni de cette peine par la loi. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas o๠elle résulterait d'un recours à  la force rendu absolument nécessaire:
a. pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale;
b. pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue;
c. pour réprimer, conformément à  la loi, une émeute ou une insurrection. »

On ne parle pas de l'être à  naître. Sur le Continent Américain la Convention Américaine des droits de l'Homme de 1969 en son article 4 dispose « toute personne a droit à  la vie en général dès la conception ». La jurisprudence de la Cour EDH n'est pas explicite, les juges ne veulent pas se prononcer sur l'avortement.
Dans le bloc de constitutionnalité il n'y a rien de substantiel, l'alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 dispose
« La Nation assure à  l'individu et à  la famille les conditions nécessaires à  leur développement. Elle garantit à  tous, notamment à  l'enfant, à  la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son à¢ge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence »
mais on se demande si ça porte sur les enfants nés ou à  naître. C'est plutôt destiné à  l'enfant né mais dans le 1er projet de la Constitution l'article 23 disposait « la protection de la santé dès la conception sont garantis à  tous et assuré par la nation ».

En dehors de ça on trouve l'article 40 de la Constitution Irlandaise qui reconnaît le droit à  la vie de l'enfant à  naître c'est une exception.

En dehors des normes Constitutionnelle il y a l'adage « infans pro nato habetur quoties de comodis ejus agitur » qui donne une personnalité juridique à  l'enfant avant sa naissance.

Le seul argument massif qui démontre qu'en droit en dépit des incertitudes il existe un droit à  la vie de l'enfant à  naître ce sont tous les instruments internationaux qui précisent qu'une femme enceinte ne peut pas être exécutée.
Ca ne règle pas tout, les hautes juridictions ont été confrontées au problème de l'avortement : comment concilier droit la vie et liberté de la femme ? On fait prévaloir le droit à  l'avortement sur le droit à  la vie des enfants à  naître. Il faudrait parler de la Cour Suprême des Etats-Unis qui en 1973 dans l'arrêt Roe vs. Wade a reconnu un droit Constitutionnel à  l'avortement et maintient depuis lors sa jurisprudence.

Le Conseil Constitutionnel a été confronté à  ce problème 27/06/2001 « la loi n'a pas, en l'état des connaissances et des techniques, rompu l'équilibre que le respect de la Constitution impose entre, d'une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et, d'autre part, la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; ». Le professeur B. Matthieu a fait une critique de cette jurisprudence du Conseil Constitutionnel. Le 27/07/1994 sur la bioéthique le Conseil Constitutionnel avait laissé libre le législateur.

Faut-il reconnaître des droits et jusqu'o๠? Le Tribunal Constitutionnel Allemand a rendu deux grands arrêts sur l'avortement :
- le 25/02/1975 :
o L'article 2 de la Convention EDH inclus la personne à  naître.
o L'article 1 a placé au centre de même si le législateur n'est pas…. Même le changement des idées générales ne pourrait rien changer.

- Le 28/05/1993 : le juge accepte la dépénalisation de l'avortement jusque-là  la 12ème semaine.

Dans ce domaine d'une grande actualité il y a d'autres aspects : qu'en est-il de l'expérimentation
sur l'embryon ? Ce sera fait.
Peut-on accuser quelqu'un d'homicide involontaire s'il tue par accident un fÅ“tus viable (accident de la route, erreur médicale), si on répond oui alors on reconnaît que c'est une personne. Il y a eu une affaire devant la Cour EDH, l'affaire VO : un médecin avait fait une confusion entre deux patientes qui avaient le même nom et a causé un avortement thérapeutique, la Cour d'Appel de Lyon a qualifié l'acte d'homicide involontaire, la Cour de Cassation en Chambre Criminelle le 30/06/1999 a refusé et a confirmé sa position le 25/06/2002 sur un enfant arrivé à  terme. L'interprétation stricte de la loi pénale s'oppose à  l'incrimination pour un enfant qui n'est pas né vivant.
Qu'en est-il de la réparation du préjudice de vie ? Y a-t-il un droit à  ne pas naître 17/11/2000 Arrêt Perruche le législateur est intervenu, la jurisprudence civile est à  l'opposé de celle du Conseil d'Etat. Peut-on réparer un préjudice qui serait crée par le fait d'être né handicapé ? Y a-t-il un droit à  ne pas naître ? S'il y a un droit de n'être pas né l'enfant pourrait-il poursuivre sa mère pour ne pas avoir avorté.

4) Hommes / Femmes :

Pourquoi ce diptyque ? C'est un problème éternel de savoir s'il faut leur reconnaître le même Statut, les mêmes droits mais c'est aussi récent avec le problème de la parité déclarée dans l'article 3 et 4 de la Constitution.

Historique : dans les Etats Occidentaux l'effectivité du principe d'égalité est assez récente. En 1966 le Parlement Français a voté une grande loi qui autorisait la femme à  travailler sans l'accord préalable de son mari.

Publié par

Je commence l'IEJ et n'ai jamais fait de libertés fondamentales. Ce paragraphe est très intéressant mais il manque la fin. Merci ;)

Publié par
Camille Intervenant

BONJOUR, BONJOUR, BONJOUR !
Effectivement, ce document date de l'ancien forum et a probablement été mal retranscrit et tronqué au moment du changement.
On le voit assez bien d'ailleurs, message "publié par Gab" daté du 26/09/2007 avec note de Mathou "dernière mise à jour du 11/01/2006"...
(de plus, sur l'ancien forum déjà, on ne pouvait pas poster en "Visiteur")

25.gif

__________________________
Hors Concours