Sanction pacte de préférence.

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Tout d'abord, bonsoir à tous ! J'espère que vous passez d'agréables vacances et de joyeuses fêtes !

Je suis un peu perdu dans mon cours concernant la sanction de la violation du pacte de préférence. Voilà ce que j’ai retenu (c’est une sorte de synthèse de ce que j’ai compris).
Le promettant, dans un pacte de préférence, s’engage à réserver non pas l’exclusivité d’une vente comme dans une promesse de vente mais bien une priorité au bénéficiaire du pacte. Le promettant a donc une obligation de faire/ne pas faire.
La question s’est posée de savoir quelle était la sanction de la violation par le promettant du pacte de préférence. S’il y a violation du pacte, le bénéficiaire pourra prétendre à l’obtention de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1142 du code civil. La nullité seule n’est pas possible, parce que le contrat de vente avec le tiers est un contrat translatif de propriété, donc d’un droit réel erga omnes qui s’oppose au droit personnel dont est titulaire le bénéficiaire du pacte. Toutefois, il est possible pour ce dernier d’obtenir une substitution dans le cas où le tiers acquéreur avait non seulement connaissance de l’existence du pacte mais aussi de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir (chambre mixte, 26 mai 2006). La charge de la preuve repose sur le bénéficiaire : bien souvent, la preuve sera difficile à établir et c’est pourquoi on a pu parler de probation diabolica.
On a pu déceler les prémisses de cette solution dans un arrêt de la chambre commerciale du 7 mars 1989. La Cour de cassation admettait la possibilité d’une nullité d’une cession intervenue en violation d’une clause de préférence en cas de collusion frauduleuse du tiers. La fraude était alors caractérisée par : 1) la connaissance par le tiers de l’existence de la clause de préférence et 2) de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir. On retrouve les conditions posées en 2006 pour la substitution. Toutefois, l’arrêt de 1989 est limité aux pactes d’actionnaires.
Toutefois, dans un arrêt du 26 février 2013, la chambre commerciale de la Cour de cassation est revenue sur les conditions relatives à la caractérisation d’une fraude en matière de pactes d’actionnaires : il faut dorénavant que le bénéficiaire prouve qu’il y a eu intention du tiers de contourner une règle obligatoire (posée par la clause/le pacte de préférence) et que cette intention a été positivement mise en œuvre par une action effective de contournement, par un moyen adéquat.
Voyez-vous des erreurs dans ma synthèse ?
La solution du 26 février 2013 ne se limite-t-elle qu’aux pactes d’actionnaires ?

Je vous remercie d’avance pour vos réponses :)

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Yn Membre VIP

Salut,

Attention, tu mélanges certains points.

L'arrêt du 26 mai 2006 nous dit que le bénéficiaire (X) du pacte peut obtenir la nullité du contrat de vente (Y-Z) si :

1) Le tiers (Z) avait connaissance de l'existence du pacte
2) Le tiers connaissait l'intention du bénéficiaire (X) de se prévaloir du pacte

Tu peux noter que cette solution est critiquable : comment peut-on autoriser X à intervenir dans le contrat passé en Y et Z alors que ledit contrat a été préalablement annulé ?

Surtout, la substitution n'est pas appropriée : le pacte a seulement pour objet de proposer la vente au bénéficiaire, mais la substitution insère d'office le bénéficiaire dans le contrat de vente.

La solution est appropriée en fait, c'est-à-dire que si le bénéficiaire se lance dans une telle procédure, c'est qu'il souhaite évidemment acquérir le bien. Juridiquement, c'est un peu plus bancal...

Au niveau probatoire, certains auteurs sont partis un peu loin en parlant de "preuve diabolique" mise à la charge du bénéficiaire ; de mémoire, le professeur Pierre-Yves Gautier.

Or, à peine un an plus tard, la Cour de cassation nous rend un bel arrêt proclamant la substitution du bénéficiaire du pacte en lieu et place du tiers acquéreur (de mémoire mais à vérifier, Cass., 1ère, 14 fév. 2007).

La limite de ce système, la substitution, paraît être la bonne foi du tiers acquéreur : si Z est de bonne foi, le bénéficiaire X ne pourra demander que des dommages-intérêts à Y sur les fondements classiques du droit des obligations.

Enfin, attention à l'assimilation pactes de préférence/pactes d'actionnaires. La doctrine a certes pu établir un parallèle en 2006 avec la jurisprudence des pactes d'actionnaire, mais je pense que ces deux domaines sont distincts.

N'hésite pas si tu as des questions.

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« Je persiste et je signe ! »

Docteur en droit, Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne.

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Bonsoir,

cela signifie que la tiers a acquis le bien objet du pacte alors même qu'il connaissait la préférence accordée au bénéficiaire. Il a donc agi de mauvaise foi.

Un tiers qui connait l'existence d'un pacte de préférence ne peut acquérir le bien objet de ce pacte tant que le bénéficiaire ne s'est pas retiré du contrat en indiquant son désintérêt.

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Au Royaume des aveugles le borgne est roi.

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Yn Membre VIP

cela signifie que la tiers a acquis le bien objet du pacte alors même qu'il connaissait la préférence accordée au bénéficiaire. Il a donc agi de mauvaise foi.
Non, ce n'est pas ça, tu confonds avec la première condition.

Schématiquement :

1/ Un PP sur une maison est conclu entre X (bénéficiaire) et Y
2/ Y vend finalement la maison à Z (le tiers) sans proposer la vente à x
3/ X peut obtenir la nullité de la vente entre Y et Z à condition de :

- Prouver que le tiers Z connaissait l'existence du pacte (juste l'existence du contrat)

- Prouver que le le tiers Z savait que X (bénéficiaire du PP) voulait se prévaloir du PP. Autrement dit X doit prouver qu'il avait l'intention d'acheter la maison si Y lui proposait et prouver que le tiers Z avait connaissance de cette intention.

Ces deux conditions sont cumulatives, il faut rapporter ces deux preuves.

Tout ça est confirmé par la réforme, art. 1123 : nullité ou substitution dans la vente (X remplace Z, tout se passe comme si X avait acheté à Y) + dommages-intérêts en raison de la violation du PP.

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