Problème compréhension application de la loi pénale dans l'espace

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Bonjour,

J'ai à résoudre des cas pratiques portant sur l'application de la loi pénale dans l'espace. J'ai bien compris les cas où les juridictions françaises étaient compétentes, mais ce que je ne comprends pas c'est que si tous les pays raisonnent pareil, il y a toujours un grand nombre de juridictions compétentes. Par exemple, pour un crime commis par un espagnol en Italie sur un français, l'Espagne pourra se trouver compétente car l'auteur est espagnol, l'Italie car le crime a été commis sur son territoire, et la France parce que la victime est française… Est-ce que c'est du coup la 1ère juridiction pénale d’un pays qui engage les poursuites qui a le « droit » de juger l’auteur ?
Ou alors il y a quelque chose qui m’échappe….

Et dans mes cas pratiques la consigne est : « déterminez pour chacune des situations exposées ci-dessous quelle juridiction est compétente (française ou étrangère) » : la phrase est au singulier, donc il ne peut y avoir apparemment qu'une seule juridiction compétente. Ce qui me parait impossible à déterminer avec ce que j'ai compris. A moins que tous les pays ne se considèrent pas compétents dans autant de cas que la France ?

Enfin, dans le cas pratique est-il préférable en 1ère partie de déterminer la juridiction applicable puis dans une 2e partie de qualifier l'infraction, ou de faire l'inverse ?

Merci d’avance !

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Camille Intervenant

Bonjour,
Vous faites bien d'aborder ce sujet, qui me laisse un peu dubitatif.

Si on examine attentivement les articles 113-2 et suivants, aucun ne parle exactement de la "compétence" de telle ou telle juridiction. Ces textes disent seulement que c'est la loi française qui s'appliquera dans les cas décrits, mais il me semble qu'il est sous-entendu que l'intéressé sera déjà supposé jugé par une juridiction française (c'est-à-dire "à la disposition de").
Soit qu'il soit étranger, qu'il ait été "alpagué" sur le sol français et que son pays n'ait pas demandé son extradition ou que l'état français l'ait refusée, soit qu'il soit français, qu'il ait été alpagué sur le sol français ou que la France ayant demandé son extradition, le pays "alpagueur" ne l'ait pas refusée.
La France ne peut pas, par un texte interne, imposer à un autre pays de juger un ressortissant français, a fortiori un ressortissant étranger, selon les lois françaises et non pas selon ses propres lois.
Elle ne peut pas non plus, par un texte interne, décider qu'un autre pays n'aurait pas le droit de juger quelqu'un si bon lui semble de le faire, selon son propre droit.

D'ailleurs, il est intéressant de noter la distinction, non innocente selon moi, de rédaction dans les deux articles 113-3 et 113-4 :

Articles 113-3 et 113-4 (première phrase)
La loi pénale française est applicable aux infractions commises à bord des navires battant un pavillon français, ou à l'encontre de tels navires ou des personnes se trouvant à bord, en quelque lieu qu'ils se trouvent.

et

La loi pénale française est applicable aux infractions commises à bord des aéronefs immatriculés en France, ou à l'encontre de tels aéronefs ou des personnes se trouvant à bord, en quelque lieu qu'ils se trouvent.

Puis

Elle est seule applicable aux infractions commises à bord des navires de la marine nationale, ou à l'encontre de tels navires ou des personnes se trouvant à bord, en quelque lieu qu'ils se trouvent.

et

Elle est seule applicable aux infractions commises à bord des aéronefs militaires français, ou à l'encontre de tels aéronefs ou des personnes se trouvant à bord, en quelque lieu qu'ils se trouvent.

L'adjectif "seule" étant utilisé dans les deuxièmes phrases mais pas dans les premières. Quand on voit les navires et les aéronefs concernés, on comprend bien pourquoi...

Adjectif "seule" qui n'est repris dans aucun autre article jusqu'au 113-12.

Donc, je dirais que ces textes posent plutôt le principe de la compétence "possible" d'un tribunal français et fixent les règles de compétence de ce tribunal (la loi qu'il devra appliquer), mais pas compétence exclusive (sauf pour les navires et aéronefs militaires).

Et on lit bien, par exemple, à l'article 113-8-1
Sans préjudice de l'application des articles 113-6 à 113-8, la loi pénale française est également applicable à tout crime ou à tout délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement commis hors du territoire de la République par un étranger dont l'extradition a été refusée à l'Etat requérant par les autorités françaises aux motifs bla, bla , bla...
Etat qui peut en faire tout autant dans une situation symétrique.

Il resterait encore les conventions internationales, mais qui - selon moi - ne remettent pas en cause ces textes, sauf dans des cas très limités (crimes contre l'humanité, notamment).

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Hors Concours

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Ce que vous dites confirme la façon dont j'avais compris ce principe, mais dans ce cas je ne comprends absolument pas comment ma prof espère que l'on trouve LA juridiction compétente dans des situations qui n'ont pas de lien avec des infractions commises sur des appareils militaires, et qui ne sont régies par aucune convention internationale...

En tout cas je vous remercie d'avoir pris le temps de me répondre, surtout de façon aussi claire :)

Publié par
Camille Intervenant

Bonsoir,
Je n'ose pas vous répondre...
Voyez déjà dans ce forum des files plus anciennes, non polluées par ma "dubitativitude", et probablement plus conformes aux espoirs de votre prof...
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P.S. : pas vraiment vérifié mais il y a de fortes chances qu'en temps de paix, nos appareils militaires bénéficient d'une forme d'extra-territorialité et d'immunité, un peu comme nos ambassades.
Donc, là, forcément, seule la loi française s'y applique. Vous vous rendez compte ? Que la loi islamique s'applique sur le Charles de Gaulle au prétexte qu'il ferait relâche dans un port d'un pays qui l'applique ?
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