Portée des décisions du Conseil constitutionnel

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Bonjour,

Je relève que la décision du Conseil constitutionnel n° 94-345 DC du 29 juillet 1994, qui concerne la « Loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française » précise que « la liberte de communication et d’expression proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen … implique le droit pour chacun de choisir les termes jugés par lui les mieux appropriés à l’expression de sa pensée »

Le Conseil constitutionnel a estimé par voie de conséquence que « le législateur ne peut régler le vocabulaire à employer que pour les personnes morales de droit public et les personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public ».

Je voudrais savoir si cette norme s'impose alors juridiquement à un Conseil général.

Merci pour votre éclairage.

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Bonjour,

la phrase que vous citez est claire : « le législateur ne peut régler le vocabulaire à employer que pour les personnes morales de droit public et les personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public ».

La règle fixée concerne donc le législateur, et c'est en fait une interdiction. Le Conseil interdit au législateur de "régler le vocabulaire à employer" pour les personnes de droit privé.


D'ailleurs vous devez savoir que le rôle du Conseil constitutionnel se limite à vérifier la constitutionnalité de la loi sur saisine (en dehors d'un rôle de contrôle électoral).

Le conseil constitutionnel n'apprécie donc pas la constitutionnalité des règlements, directives, arrêtés et autres textes ... Autrement dit si un conseil municipal ou un ministre ou même le président de la République prenaient une norme inconstitutionnelle il serait impossible de saisir le Conseil constitutionnel.

Bienvenue dans un monde de détails et de nuances :p

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Bonjour, et merci beaucoup pour cette réponse.

J'avais bien compris qu'il n'était pas possible de saisir le Conseil constitutionnel (sauf renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de Cassation), mais la question est différente.

article 62 de la Constitution : "Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles."

Faut-il comprendre qu'après que le Conseil constitutionnel se soit prononcé sur un point concernant un projet de loi (ici : le Conseil interdit au législateur de "régler le vocabulaire à employer" pour les personnes de droit privé.), n'importe qui (en particulier un Conseil général) peut quand même braver l'interdit ?...

Subsidiairement qu'entend on par législateur ?... Il me semble que cela prête à interprétation.

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Je reformule : un tribunal administratif peut-il simplement constater qu'une délibération d'une collectivité territoriale est contraire à une décision du Conseil constitutionnel portant sur le même sujet ? (sachant que reste la question de ce que le CC appelle le "législateur")

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Ceci dit, je confonds peut-être décision et considérants.

Si c'est le cas...

Où pourrais-je trouver conseil pour engager un "recours en inexistence" d'une décision de collectivité territoriale qui contrarie les considérants d'une décision du Conseil constitutionnel ?

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Fax Membre VIP

Bonjour,

Pour ce qui est de l'article 62 de la constitution, il règle la force de chose jugée des décisions et en effet, les décisions du conseil constitutionnel s'imposent à tous les organes d'application donc elles s'imposent aussi à une délibération d'un conseil général.

Ensuite pour ce qui est la décision que vous mentionnez et la solution donnée par le juge constitutionnel, il s'agit d'une réserve d'interprétation. Je m'explique : Il y a 3 types de décision du conseil constitutionnel

- la déclaration de conformité à la constitution
- la déclaration de non conformité
- la déclaration de conformité avec réserve = réserve d'interprétation.
Pour ce dernier type de décision, le juge constitutionnel donne une interprétation de la loi qui va garantir la constitutionnalité de cette loi. Donc les organes d'application doivent suivre cette interprétation, dans le cas contraire ils développeraient une application de la loi contraire à la constitution (et donc dans ce cas les actes pris qui ne respecteraient pas la réserve sont inconstitutionnels).

Dans votre hypothèse, c'est ce qui semble être le cas, le juge explique que les dispositions de la loi sur l'usage de la langue française ne permettent pas au législateur de régler le vocabulaire employé.....
C'est bien cette réserve d'interprétation qui s'impose à tous les organes d'application du droit, donc au conseil général

Et dans cette hypothèse, c'est le juge administratif qui est compétent pour contrôler la constitutionnalité d'un acte administratif. Donc en effet ce sera devant le tribunal administratif qu'il faudra soulever ce moyen d'inconstitutionnalité quant à le délibération du conseil général.

En revanche, concernant votre dernière question ("recours en inexistence") il n'est possible de saisir une juridiction administrative que d'un acte (en droit administratif on n'attaque pas une personne mais bien un acte). Donc vous devez avoir un acte administratif (implicite ou explicite) en votre possession. Ensuite, vous soulèverez dans votre requête le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de l'acte que vous contestez.

J'espère répondre à vos interrogations.

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Bonjour,

Infiniment merci pour cette réponse très argumentée.

Je vais en faire mon miel.

Sauf erreur de ma part, "l'acte" est le suivant : http://etreounepasetrebretillien.files.wordpress.com/2013/08/adoption.jpg

Bien cordialement

Patrick Jéhannin

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Pour information, voici comment j'ai exprimé les choses : http://wp.me/p3MK5Y-20l

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Fax Membre VIP

Bonsoir,

Contente d'avoir pu vous aider.
Je me permets juste de rappeler même si je me rends bien compte qu'il n'y aura pas méprise, que le forum et les participants ne font pas du conseil juridique. Il s'agit d'un espace d'entraide et d'information : les informations que vous y trouverez ne vous garantissent pas le succès des démarches entreprises.
En tout cas, bonne continuation :)

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Non, non... je ne confonds pas.

J'ai été un peu opportuniste, mais je ne confonds pas.

Encore infiniment merci pour votre contribution.

De mon côté, je vais poursuivre ma démarche en recherchant par ailleurs un juriste "militant" (?) susceptible de me guider ou/et de m'accompagner dans ma démarche, parce que si j'ai quelques bases en droit public je ne suis pas juriste.

Je ne suis qu'un simple citoyen.

Bien cordialement.

patrick.jehannin@gmail.com