Loi Badinter et action récursoire

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Bonjour !

Je me penche en ce moment sur la loi de 1985 concernant l'indemnisation des victimes d'accidents de la route.
Mon cour est un peu flou, mais je comprend le principe. LA seule partie qui m'échappe vraiment est l'action récursoire qui pourrait être exercée. Je m'explique :

La victime, le plus souvent non-conductrice, a pu se retourner contre n'importe quel conducteur impliqué, puisque la notion de faute n'intervient pas vraiment dans cette loi. Donc elle a demandé indemnisation a un conducteur qui pouvait ne pas être fautif. D'après mon cour, la loi n'aborde pas la question des actions récursoires, mais la jurisprudence déclare qu'il est possible que ce conducteur non fautif exerce une action contre le conducteur fautif.

Et là, ça devient pas très clair...
Notre professeur nous a dit que ce conducteur non fautif pouvait exercer deux types d'actions :
1. Une où il est subrogé dans les droits de la victime d'après l'article 1251
2. Une "à titre personnelle, sur la base de l'article 1382, mais pas de 1384 al.1".

D'accord, pas d'action en responsabilité du fait des choses, je peux comprendre... Mais avant tout, si il peut s'appuyer sur 1382, quel est le dommage qu'il invoque ? Le fait d'avoir payé ? Dans ce cas quelle différence avec le premier type d'action récursoire mentionnée ? Et pourquoi laisser le choix, quel est l'intérêt pour cette personne de choisir une de ces actions plutôt que l'autre ?

Je crois que je m'embrouille un peu...

Merci beaucoup si quelqu'un se sens de m'aiguiller un peu !

Amy

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marianne76 Modérateur

Bonjour
Je suppose que votre professeur fait référence à un arrêt du 14 janvier 1998 dont je reprends le visa : "Vu les articles 1382 et 1251 du Code civil, ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, impliqué dans un accident de la circulation et condamné à réparer les dommages causés à un tiers, ne peut exercer un recours contre un autre conducteur impliqué que sur le fondement des deux premiers de ces textes ; que la contribution à la dette a lieu en proportion des fautes respectives ; qu'en l'absence de faute prouvée à la charge des conducteurs impliqués, la contribution se fait entre eux par parts égales" Il n'y a pas deux actions possibles, l'article 1251 concerne la subrogation , cela signifie alors que dans le cadre de la subrogation le conducteur qui a indemnisé ne "pourrait" agir que sur le fondement de 1382, encore que là dessus on peut être dubitatif . Cet arrêt a été beaucoup critiqué si cela vous intéresse je peux y revenir si vous voulez

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Merci beaucoup de votre réponse! C'est en fait à cet arrêt qu'il a fait référence, mais ça n'est pas très clair...

Si j'ai bien compris : il y a subrogation dans les droits de la victime, mais c'est une forme un peu original de subrogation, puisqu'il ne s"agit pas d'exercer l'action à laquelle la victime à droit (loi de 1985), mais uniquement une action basée sur 1382 ?

Dans ce cas, le dommage à prouver est celui qu'a subi la victime, ou bien le subrogé lui-même en payant à la place de la personne qu'il poursuit ?

Et cela signifie-t-il que du coup, la personne souhaitant exercer l'action ne peut plus le faire de façon "personnelle", sans se subroger, mais à partir de 1382, en prenant : dommage = argent payé, sans aucune véritable référence à la victime ?

Merci beaucoup !

Amy

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marianne76 Modérateur

On ne peut pas dire que ce soit une forme originale de subrogation Subrogée veut dire remplacer mettre à la place de. Ici le conducteur va donc indemniser la victime et va donc la remplacer, il peut donc demander les sommes qu'elle réclamait et qu'il lui a au final donné. Mais puisqu'il est à la place de la victime le conducteur ne devrait pouvoir agir que sur les fondements offerts à cette victime or celle ci ne peut pas invoquer le droit commun contre un conducteur c'est pour cela que cet arrêt est très critiqué.
Par ailleurs sur le fondement l'arrêt est ambiguë, c'est vrai qu'il indique que le conducteur dans le cadre des actions récursoires ne peut agir que sur les deux fondements visé (1382 et 1251) ce qui semble exclure l'article 1384 al1er (on se demande d'ailleurs pourquoi et cela aussi est critiquable) d'un autre côté l'arrêt indique "que la contribution à la dette a lieu en proportion des fautes respectives ; qu'en l'absence de faute prouvée à la charge des conducteurs impliqués, la contribution se fait entre eux par parts égales" Ici il laisse bien entendre qu'il peut y avoir un recours récursoires sur un autre fondement que la faute d'ailleurs le partage par part égales c'est bien ce qui se passe quand il y a une action fondée sur 1384 al1er. Bref un arrêt contradictoire

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Merci beaucoup !

Je comprend le problème : on a employé le terme de subrogation dans l'arrêt, sans en tirer les bonnes conséquences : obligation d'utiliser un fondement différent, et pas de cohérence dans les fondements proposés...

Merci, j'ai ENFIN compris cet imbroglio juridique !

Amy

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marianne76 Modérateur

Tout à fait vous avez compris. Ce qui fou c'est que toute la doctrine est tombée sur cet arrêt pour le critiquer mais la cour de cassation maintient sa position, j'ai vu passer un arrêt en 2011 je crois qui reprend exactement la même formulation

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Jp constante (arrêts de 2011 et 2012) mais il faut bien lire les arrêts parce que cela ne concerne que les recours contre soit un autre conducteur soit un co-obligé ce qui explique logiquement l'application de 1382 et non pas un autre fondement de la responsabilité délictuelle.

La Jp n'a pas eu à trancher un litige sur les fondements de 1384 al 1 et 1251 concernant une action récursoire à la suite d'un accident de la circulation mais cette hypothèse n'est pas exclue et semble valable si la personne contre qui l'action récursoire est dirigée n'est ni un conducteur ni un co-obligé mais un simple propriétaire-gardien de la chose ...

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Jp constante (arrêts de 2011 et 2012) mais il faut bien lire les arrêts parce que cela ne concerne que les recours contre soit un autre conducteur soit un co-obligé ce qui explique logiquement l'application de 1382 et non pas un autre fondement de la responsabilité délictuelle.

La Jp n'a pas eu à trancher un litige sur les fondements de 1384 al 1 et 1251 concernant une action récursoire à la suite d'un accident de la circulation mais cette hypothèse n'est pas exclue et semble valable si la personne contre qui l'action récursoire est dirigée n'est ni un conducteur ni un co-obligé mais un simple propriétaire-gardien de la chose ...

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marianne76 Modérateur

Jp constante (arrêts de 2011 et 2012) mais il faut bien lire les arrêts parce que cela ne concerne que les recours contre soit un autre conducteur soit un co-obligé ce qui explique logiquement l'application de 1382 et non pas un autre fondement de la responsabilité délictuelle.

Ce n'est pas parce qu'un conducteur est fautif que cela implique nécessairement une poursuite sur le fondement de l'article 1382. Avant la loi de 1985 , les poursuites de conducteurs fautifs se faisaient le plus souvent sur le fondement de l'article 1384 al1er.
Donc je persiste à penser que ces arrêts sont pour le moins mal rédigés quand ils affirment je cite : " Sur le moyen unique, pris en sa première branche :Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 1251 du même Code ;Attendu que le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, impliqué dans un accident de la circulation et condamné à réparer les dommages causés à un tiers, ne peut exercer un recours contre un autre conducteur impliqué que sur le fondement de ces textes". Par ailleurs expliquez moi le visa de l'article 1251? Comment peut-on viser cet article qui concerne la subrogation puisque justement la victime piéton ne peut pas agir sur 1382?

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Avant la loi de 85, les accidents de la circulation se réparaient sur le fondement de 1384 al 1 parce que l'élément essentiel était la garde d'une chose.

La loi Badinter a été mise en place afin que la victime puisse avoir un régime protecteur lui assurant une réparation intégrale.

Cette loi a été créée pour la victime et c'est pour cette raison que l'action récursoire d'un conducteur n'est pas ouverte sur le fondement de 1985 mais sur le droit commun quand bien même la subrogation suppose en principe que le subrogataire ait les mêmes droits (ni plus, ni moins et sur les mêmes fondements) que le subrogeant.

Les juges considèrent, même si juridiquement ce raisonnement est un peu branlant, que le subrogataire ne peut pas avoir les mêmes droits que la victime parce que la loi de 85 n'est ouverte qu'à la victime.

Dans ces conditions, le subrogataire ne peut agir que sur les fondements de droit commun.

Après, comment expliquer l'application de 1382 et suivants ?

Lorsque la loi de 85 est écartée, le droit commun s'applique de nouveau et ce droit commun comprend aux articles 1382 et s.

1384 al 1 concerne la responsabilité d'une chose placée sous sa garde tandis que 1382 est relatif à la responsabilité pour faute d'une personne.

Je pense que la chose (voiture) n'est plus au coeur du litige mais que c'est la personne en tant que telle lorsqu'il s'agit d'un conducteur ou d'un co-obligé.

Dès lors, les juges recherchent la responsabilité de la personne et non plus celle du gardien en raison de l'intervention d'une chose (voiture).

et selon moi, lorsque la personne n'est ni un conducteur ni un co-obligé, l'article 1384 al 1 reprend "du service" parce que le gardien n'est pas nécessairement impliqué en tant que personne dans le dommage.

Le gardien qui n'a pas nécessairement commis de faute ne peut donc pas être poursuivi sur le fondement de 1382 quand il n'est pas fautif.

Mais lorsqu'il est fautif, il est également possible de rechercher sa responsabilité sur le fondement de 1382.

L'application de 1382 peut également s'expliquer par la finalité de l'action récursoire.

Cette action est intentée afin de définir la contribution à la dette.

Au regard de la jurisprudence, afin d'établir le quantum du recours, les juges apprécient les faits des coauteurs dans la survenance non seulement de l'accident mais aussi du dommage lui-même.

Cette répartition se fait par rapport à leurs fautes respectives.

Petite aparté, la qualité de la personne coauteur du dommage est primordiale pour le mécanisme de la subrogation puisque la jurisprudence retient que si l'un des coauteurs est un proche de la victime, l'autre coauteur, tiers de la victime, ne peut pas agir contre le proche pour que celui-ci contribue à la dette.

Ce mécanisme s'explique par le fait que si la subrogation était ouverte à l'encontre du proche, la victime serait indirectement privée de sa réparation intégrale en raison de la proximité qui existe entre la victime et le proche.

Enfin, concernant la victime piéton, celle-ci puisqu'elle est victime se voit imposer obligatoirement un régime protecteur (loi de 85) qui ne peut pas être écarté au profit du droit commun (moins avantageux).

C'est dans un souci de protection mais aussi parce que la loi Badinter est destinée aux victimes de la circulation qu'importe leur qualité (passager, piéton) => la norme spéciale (Loi 85) prime sur la norme générale (1382 et s).

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marianne76 Modérateur

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire que vous me fassiez un cours, voyez vous j'enseigne la responsabilité civile et de plus quand j'étais avocat j'étais spécialisée dans les accidents de la circulation et la responsabilité civile. Je vous ai donné ma position concernant ces arrêts et je ne suis pas la seule juriste à penser ainsi. Après, libre à vous de penser autrement.

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Vous m'avez demandé d'expliquer ce qui pouvait justifier ces décisions... Ce que j'ai tenté de faire... Je n'ai jamais eu la prétention de vous faire un cours de droit, seulement d'étayer mon argumentation.

Par ailleurs, je n'ai a aucun moment dit que j'étais en faveur de cette position simplement qu'elle était concevable et pouvait s'expliquer par des impératifs considérés comme supérieurs aux mécanismes juridiques classiques par la jurisprudence...

Votre parcours professionnel est certes respectable mais n'a aucune incidence sur le sujet débattu.

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marianne76 Modérateur

Relisez vous, vous verrez que vous êtes davantage dans du cours que dans l'argumentation et cela commence dès la 1ère ligne jusqu'à la phrase finale sur le but de la loi de 1985, d'où effectivement le fait que je vous ai indiqué maitriser je pense assez bien cette loi.
Ceci étant peu importe, le but ici était de donner chacun sa position au regard de ces arrêts et je pense que le tour de la question a bel et bien été effectué sur ce post 3.gif.

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