Le moment d'entrée en compte d'une remise

Publié par

Article publié par Yann.

Sujet proposé par Mr Prà¼m. Exposé réalisé par Ariane THIRION, Aurélie THOMAS, Adeline TISSERANT. Merci à  elles de nous laisser publier leur travail.

Sujet proposé par Mr le Pr André Prà¼m.
Exposé réalisé par Ariane THIRION, Aurélie THOMAS, Adeline TISSERANT, étudiantes en maîtrise mention droit des affairs à  la faculté de droit de Nancy.
Merci à  elles de nous laisser publier leur travail.



1. Quelles sont les qualités qui déterminent le moment de l'entrée en compte ?

Le compte courant est une convention en vertu de laquelle deux personnes s'accordent pour porter en compte toutes les opérations génératrices de créances réciproques entre elles et de ne procéder au règlement qu'après la fusion de celles-ci qui fera apparaître un solde à  la clôture.
Sont attachés à  l'entrée en compte courant un effet de règlement et un effet de garantie. Ceux-ci ne se produiront pas dans les mêmes termes selon les qualités que présente la créance au moment de son entrée en compte.
Il est alors fondamental de s'interroger sur les caractères nécessaires afin qu'une créance puisse entrer en compte courant, sachant qu'aucune autre condition n'est requise.

La pratique bancaire et comptable ainsi que certains auteurs considèrent que le compte courant serait en quelque sorte scindé en deux parties distinctes : le disponible et le différé.
L'entrée au disponible intègre directement et immédiatement la créance dans le compte ; le procédé de fusion se produit alors.
L'entrée au différé, quant à  elle, intègre également la créance dans le compte courant mais sans que le processus de fusion ne puisse s'opérer. Elle est en attente d'obtention des qualités nécessaires pour passer au disponible. Le glissement s'effectue automatiquement nonobstant une procédure collective du client. Le compte courant joue ainsi un mécanisme de garantie des créances en sens inverse.

L'entrée au disponible, ayant un effet de règlement, suppose que la créance soit certaine, liquide, exigible et fongible. Ce principe a été précisé par les auteurs Jean Stouffet et Yves Chaput, commentant l'arrêt de la chambre commerciale du 17 novembre 1981 et explicitement consacré par la jurisprudence « […] la cour d'appel a énoncé à  bon droit que cette créance certaine, liquide et exigible était entrée en compte immédiatement […] » (Cass. Com., 22 octobre 1996).

Mais qu'advient-il des créances ne présentant pas de telles qualités ?
Elles sont néanmoins reliées au compte courant.
A cet égard, les banques ont pris l'habitude d'intégrer au différé toutes les créances nées entre les parties y compris celles éventuelles.
Certains auteurs , dont Mme Rives-Langes, se sont efforcés de dégager la théorie juridique du différé se fondant sur le principe d'affectation générale. Ainsi toutes les créances qui naissent des rapports d'affaires entre les parties seraient appréhendées dans le compte courant. Il s'agirait de créances à  terme, non liquides, volontairement différées par les parties ou affectées d'une condition suspensive. C'est notamment le cas de la créance résultant pour le client de la remise à  la banque d'un effet de commerce pour encaissement.

Seulement, dans les arrêts de la Cour de cassation des 20 avril 1948 et 17 novembre 1981, la chambre commerciale a refusé l'entrée en compte courant, fut-ce au différé, d'une telle créance. Il est donc à  noter que pour entrer au différé, une créance ne doit pas être simplement éventuelle. Ce principe a été posé explicitement par la Cour de cassation affirmant que « […] la cour d'appel a exactement déduit que ces créances éventuelles n'étaient pas entrées en compte courant[…] » (Cass. Com., 2 février 1996), puis réaffirmé par l'arrêt de la chambre commerciale du 7 avril 1998 « […] la cour d'appel a retenu a bon droit que les contre passations des effets escomptés par la banque n'étaient qu'éventuelles et que la banque ne pouvait pour garantir le paiement des créances incertaines pouvant en résulter ultérieurement retenir le solde créditeur du compte courant […] ».
Ces solutions conduisent à  une limitation de l'objet de la garantie attachée au compte courant. Cela a des conséquences importantes pour les établissements financiers notamment lorsque le client est placé en procédure collective.
Toutefois, l'exigence d'une certaine consistance juridique de la créance paraît justifiée compte tenu de la position privilégiée qu'elle assure au créancier.

Selon la doctrine majoritaire, dans les arrêts de 1996 et 1998, la chambre commerciale a entendu condamner l'existence de la notion de différé. Certains auteurs estiment, cependant, que la notion subsiste en tant que partie distincte du disponible ayant vocation à  recevoir les créances certaines, nées, entre les parties qui ne peuvent encore fusionner.

Pour conclure sur la question de savoir si la notion a été condamnée par la chambre commerciale, il nous apparaît que cette différenciation différé / disponible n'a guère d'impact au plan pratique mais présente au moins l'intérêt d'avoir un caractère pédagogique d'un point de vue théorique.

Par ailleurs, l'entrée en compte d'une créance est automatique dès lors qu'elle présente les qualités nécessaires. Aucune formalité, ni accord des parties n'est requis en conformité avec le principe de généralité. Au contraire, il s'agirait d'un motif de dégénérescence en compte de dépôt. C'est ainsi que la chambre commerciale affirme, de jurisprudence constante, que l'entrée en compte courant se produit effectivement à  cet instant précis et non au moment de la régularisation comptable(Cass., Com., 10 mai 1989, 22 octobre 1996).

Cependant, dans l'arrêt du 21 juin 1994, la chambre commerciale censure une décision qui reprend ce principe, et considère « […] qu'en statuant ainsi, alors que, serait-elle définitivement décidée, la contre passation du montant de la lettre de change prise à  l'escompte ne prend effet qu'à  compter de son inscription en compte […] ».
Il ne s'agirait pas d'un revirement jurisprudentiel, la solution se justifiant davantage par le caractère facultatif de la contrepassation. En effet, cette dernière, par le jeu de l'effet novatoire, prive le banquier des droits attachés au titre dont il est porteur. Il lui faut le restituer au client, alors même qu'il n'a pas reçu une satisfaction effective.
Ainsi, pour qu'il y ait véritablement contrepassation, l'intention du banquier est exigée, ce qui exclut, par conséquent, une entrée automatique au disponible quand bien même la créance serait certaine, liquide et exigible.

2. Liste chronologique des décisions.

• Cass. Com., 20 avril 1948, D.1948 p375 (en annexe).
• Cass. Com., 17 novembre 1981, JCP.1982. II n° 19766 ; D.1982 p257; RTDCom. 1982 p277.
• Cass. Com., 10 mai 1989, JCP. Ent. 1989 I n°18762.
• Cass. Com., 21 juin 1994, Bull. 1994 IV n°226 p177
• Cass. Com., 6 février 1996, RJDA. Février 1996. n°943 p683 ; Banque. Mai 1996. n°570 p94.
• Cass. Com., 22 octobre 1996, Revue de droit bancaire et de la bourse. Novembre/ Décembre 1996. n°58 ; Revue de droit bancaire et de la bourse. Mars/Avril 1997. n°60.
• Cass. Com., 7 avril 1998, RJDA. Aoà»t/Septembre 1998. n°1028 ; JCP entreprise. Juillet 1998. n°28 p1143.

3. Références doctrinales.

• Le différé du compte courant, partie distincte du disponible. Marie-Thérèse RIVES-LANGES. JCP. 1969. I. p2289

Juris-classeur Banque-crédit-bourse, fascicule n°210.

4. Présentation des décisions.

Décision n°1
Cass. Com., 17 novembre 1981, JCP.1982. II n° 19766 ; D.1982 p257 ; RTDCom. 1982 p277.

RESUME DES FAITS :
La société a obtenu de la banque un crédit de mobilisation de ses créances commerciales et a
souscrit un billet à  ordre représentant des créances. Elle a, en outre, donné mandat à  la banque de recouvrer les effets de commerce tirés par elle sur ses clients dont le montant après encaissement était porté au compte courant de la société. La banque a ainsi inscrit des lettres de change payées avant le prononcé du règlement judiciaire de la société.

QUESTION SOUMISE AU JUGE :
Peut-on considérer que la créance résultant du recouvrement d'un effet confié pour encaissement entre en compte courant dès sa remise ?

SOLUTION DONNEE :
Les effets en cause ont été remis à  la banque « non pour escompte, mais avec mandat d'en opérer le recouvrement ». Ils ne pouvaient dès lors « avant leur encaissement, être inscrits au crédit du compte courant de la société par la banque, qui n'en était pas propriétaire ».

POSITION PAR RAPPORT A D'AUTRES DECISIONS.
La même solution avait déjà  été retenue, dans l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 20 avril 1948.
L'exclusion du compte courant d'une créance seulement éventuelle si elle n'est qu'implicite, en l'espèce, sera clairement affirmée par la Cour de cassation, dans les arrêts de la chambre commerciale du 6 février 1996 et 7 avril 1998.

APPRECIATION PAR LES COMMENTATEURS.
Selon Jean Stoufflet et Yves Chaput (JCP.1982. II n°19766) la Cour de cassation évite de se prononcer sur la réalité du différé du compte et sur son appartenance au compte. Elle apporte, en revanche, un élément de réponse quant aux qualités que doit présenter une créance pour entrer en compte.
Pour le disponible, s'agissant d'un instrument de règlement, il ne peut recueillir que des créances susceptibles d'exécution, c'est à  dire certaines, liquides et exigibles.
Le différé peut recevoir une créance à  terme, sans doute également sous condition suspensive. En revanche, l'entrée en compte d'une créance seulement éventuelle est exclue.

Selon M. Rives-Langes en 1966, puis Madame Rives-Langes en 1969 (JCP 1969. I p2289), peuvent entrer au différé les créances ne présentant pas les qualités nécessaires pour être payées. C'est le cas des créances résultant pour le client d'effets remis à  l'encaissement.
Seulement, la majorité des auteurs dont M. Vasseur s'en tient à  l'idée qu'une remise ne peut devenir un élément du compte courant que si préalablement elle est à  l'entière disposition du récepteur, c'est à  dire s'il en reçoit la propriété.
Or, en cas de transmission au banquier d'un effet à  fin d'encaissement, la condition suspensive dont est grevée l'opération retarde jusqu'au jour de l'encaissement le moment o๠est réalisée la remise au compte courant.
C'est la position consacrée par cet arrêt. La cour de cassation a donc refusé de reconnaître que le différé fait partie du compte courant, sauf à  en être une partie distincte du disponible. Cela signifie que la créance à  terme entre au compte courant (différé) mais pas celle sous condition suspensive.

Décision n°2.
Cass. Com., 10 mai 1989, JCP. Ent. 1989 I n°18762.

RESUME DES FAITS :
Après avoir ouvert un compte et obtenu un prêt auprès de la BPDA, la banque Roy a tiré un chèque auprès de la CCCMN.
Cependant, la BPDA a rejeté cet effet, le 26 septembre 1979, au motif de l'absence de provision et, ce même jour, a exercé son droit de demande de remboursement. Le 28 septembre 1979, elle a alors inscrit sa créance au compte courant de la banque Roy.
La CCCMN assigne en paiement la BPDA car elle considère que cette dernière ne lui a pas fait connaître le montant de la partie disponible du compte, et par conséquent l'a privée du droit d'exiger un paiement à  concurrence de la provision.

QUESTION SOUMISE AU JUGE :
Il est question de savoir si au 26 septembre, le compte était créditeur, et par conséquent de déterminer quel est le moment de l'entrée en compte d'une créance liée au remboursement.

SOLUTION DONNEE :
Contrairement aux juges de fond, la Cour de cassation considère que la créance née du prêt est exigible dès la demande de remboursement. Dès lors, « La date à  prendre pour l'entrée en compte courant d'une créance résultant d'un prêt est celle de la demande de remboursement et non celle de la régularisation comptable » en vertu des articles 1134 et 1129 du code civil.
Il en résulte que le solde du compte étant devenu débiteur dès le jour de la demande en remboursement, les chèques émis postérieurement l'ont été sans provision.

POSITION PAR RAPPORT A D'AUTRES DECISIONS :
Il s'agit de la même affirmation que dans l'arrêt de la chambre commerciale du 22 octobre 1996 : « sauf convention contraire, les créances entrent en compte courant sans qu'il soit besoin d'une manifestation de volonté, l'inscription n'étant que la régularisation comptable de l'entrée en compte antérieure ».

Décision n°3.
Cass. Com., 21 juin 1994, Bull.1994 IV n°226 p177.

RESUME DES FAITS :
Une société a remis une lettre de change à  l'escompte, mais à  l'échéance, la banque n'a pas été payée. Par conséquent la banque a informé la société de son intention de contre passer la lettre de change. Avant que la contrepassation intervienne, la société avait été mise en redressement judiciaire.

QUESTION SOUMISE AU JUGE :
La contrepassation intervient-elle au moment ou la créance devient certaine, liquide, exigible et fongible, ou lors de la matérialisation comptable ?

SOLUTION DONNEE :
La cour d'appel avait solutionné le problème en appliquant la jurisprudence traditionnelle pour l'entrée en compte : dès que la créance est certaine, liquide et exigible, elle entre dans le compte courant. De ce fait la régularisation comptable, simple constatation matérielle, est sans impact sur le moment de l'entrée en compte.
La Cour de cassation a, cependant, retenu que « la contrepassation du montant d'une lettre de change prise à  l'escompte ne prend effet qu'à  compter de son inscription au compte ».
Il faut donc dans ce cas prendre en compte la régularisation comptable.

POSITION PAR RAPPORT A D'AUTRES DECISIONS :
Il s'agit vraisemblablement d'un cas d'espèce.

APPRECIATION FAITE PAR LES COMMENTATEURS :
Cette solution n'est pas un revirement jurisprudentiel. La prise en compte de la constatation matérielle est due aux particularités de la contre passation. Celle-ci nécessite l'intention du banquier, caractérisée par la constatation matérielle, ce qui exclut donc l'entrée automatique au disponible quand bien même la créance serait certaine, liquide et exigible.

Décision n°4.
Cass. Com., 6 février 1996, RJDA. Février 1996. n°943 p683 ; Banque. Mai 1996. n°570 p94

RESUME DES FAITS :
1ère espèce : Banque BTP/ Sauvon et autres.
Une banque s'est portée caution pour répondre des engagements de sociétés d'un groupe de promotion immobilière, au titre des garanties dà»es par elles à  leurs clients maîtres d'ouvrage.
Le groupe ayant été mis en redressement judiciaire, l'administrateur commun demanda à  la banque de procéder à  la clôture des comptes des différentes sociétés et, de lui remettre le montant des soldes créditeurs.
La banque s'opposa à  cette demande au prétexte qu'elle se trouvait fondée à  porter au débit de chaque compte le montant des versements qu'elle serait obligée d'effectuer en exécution de ses engagements de caution.

2ème espèce : Mme De Thore/ BNP.
Une banque s'est portée caution du paiement de loyers et charges locatives dues par une société au titre d'un contrat de location. La banque a été appelée à  plusieurs reprises puis, finalement, le locataire a été mis en liquidation judiciaire.
Considérant que son engagement de caution allait être appelé pour le solde du fait de l'insolvabilité du débiteur, la banque en déclara le montant auprès du liquidateur.
Par ailleurs, le compte courant de la société débitrice présentait toujours un solde créditeur dont le liquidateur demanda le versement. La banque obtempéra mais ne versa qu'une somme moindre « déclarant conserver la différence pour la couvrir du montant des loyers et des charges dans la limite de son engagement de caution ».
QUESTION SOUMISE AU JUGE :
L'engagement de caution de la banque peut-il entrer au compte courant et ainsi justifier une compensation ?

SOLUTION DONNEE :
1ère espèce : Banque BTP / Sauvon et autres.
Selon la Cour suprême, une banque qui s'est portée caution de divers engagements de son client avec lequel elle est en compte courant, ne peut retenir le solde créditeur du compte courant, en cas de procédure collective du client, en vue de garantir l'exécution éventuelle du cautionnement. En effet, sa créance n'est pas encore entrée en compte du fait de son caractère incertain.

2ème espèce : Mme De Thore/ BNP.
Il en va autrement si la banque a déjà  du effectuer des versements correspondant à  l'exécution partielle du cautionnement, car cela indique que la banque sera obligée d'en effectuer ultérieurement d'autres. La banque dispose à  ce titre d'une créance certaine, bien que non exigible, au différé du compte courant, la banque pourra retenir ce solde.

POSITION PAR RAPPPORT A D'AUTRES DECISIONS :
Alors que l'arrêt du 10 mai 1989 de la chambre commerciale l'admet implicitement, cet arrêt affirme qu'une créance simplement éventuelle ne puisse entrer au compte courant.
Par l'arrêt du 7 avril 1998, la chambre commerciale réitère cette solution.


APPRECIATION FAITE PAR LES COMMENTATEURS :
Les deux arrêts de 1996 vont dans le même sens. En effet, dans la seconde espèce, la créance de la banque était certaine, celle-ci ayant déjà  effectué des versements au titre d'une garantie qu'elle ne contestait pas. En revanche, dans la seconde espèce, la créance de la banque au titre de son engagement de caution n'était pas certaine car la banque n'avait pas été appelée et il n'était pas établi qu'elle ait à  effectuer un quelconque versement à  ce titre.
Selon la RJDA (Février 1996. n°943 p683), « en se prononçant enfin directement dans les arrêts rapportés sur la réalité même du différé, la Cour de cassation vient de montrer clairement qu'elle n'était pas disposée à  accueillir cette notion ».

En revanche, selon M. Guillot (Revue Banque. Mai 1996.n°570 p94), une partie minoritaire de la doctrine soutient que si une créance n'est pas certaine, liquide et exigible « elle échappe au mécanisme de règlement en compte courant, mais peut néanmoins intégrer la partie différée du compte courant et servir de garantie.
Ainsi pour l'auteur « en jugeant que la créance déclarée au passif du redressement judiciaire par la banque pouvait être invoquée en compensation du solde du compte courant, la cour de cassation a non seulement confirmé le principe du mécanisme de garantie qu'est le compte courant, mais aussi a reconnu la validité de l'inscription au différé du compte ».

Décision n°5.
Cass. Com., 22 octobre 1996, Revue de droit bancaire et de la bourse. Novembre/ Décembre 1996. n°58 ; Revue de droit bancaire et de la bourse. Mars/Avril 1997. n°60.

RESUME DES FAITS :
Une banque a consenti à  l'un de ses clients, titulaire d'un compte courant, une avance en considération d'un crédit de TVA que l'administration fiscale devait lui verser. La banque a été payée la veille de la décision d'ouverture d'un redressement judiciaire à  l'encontre du client sachant que la somme a été inscrite au compte de celui-ci le jour même.

QUESTION SOUMISE AU JUGE :
Il était question de déterminer la date du paiement de façon à  apprécier la validité de celui-ci, c'est à  dire de la compensation ainsi opérée avec le solde débiteur du compte courant.

SOLUTION DONNEE :
Dès lors qu'une créance est certaine, liquide et exigible, elle entre immédiatement en compte courant et non à  la date postérieure de la régularisation comptable. Ainsi, le paiement est valable, étant intervenu antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire.

POSITION PAR RAPPORT A D'AUTRES DECISIONS :
Il s'agit d'une confirmation de l'arrêt du 10 mai 1989 de la chambre commerciale.

APPRECIATION FAITE PAR LE COMMENTATEUR :
Revue de droit bancaire et de la bourse. Novembre/ Décembre 1996. n°58 ; Revue de Droit Bancaire et de la Bourse. Mars/Avril 1997 n°60.
Une créance certaine, liquide et exigible entre immédiatement au disponible du compte courant. Si l'inscription en compte est différée, il ne s'agit que d'une inscription en valeur ne portant pas atteinte à  la propriété des fonds déjà  acquise au client.
Tout se passe comme si, dès la réception des fonds, la banque les avait perçus pour le compte de son client ou spécialement affectés à  son compte.
Ainsi, aucune importance ne doit être donnée à  l'inscription ultérieure au compte concernant la propriété des fonds et par là  même, à  la convention de compte prévoyant l'inscription différée.

Revue de droit bancaire et de la bourse. Mars/Avril 1997. n°60.
Il s'agit d'une application du principe de généralité du compte courant au résultat duquel l'entrée d'une créance au compte n'implique aucun accord des parties excepté en cas de décision par elles d'une affectation spéciale de la créance.

Décision n°6.
Cass. Com. 7 avril 1998, RJDA. Aoà»t/Septembre 1998. n°1028 ; JCP entreprise. Juillet 1998. n°28 p1143.

RESUME DES FAITS :
Suite à  la mise en redressement judiciaire de la société Ces de Hond, l'administrateur judiciaire a réclamé à  la BNP le solde créditeur du compte ouvert au nom de la société. La banque a refusé, soutenant que le solde était indisponible puisque servant de garantie à  des effets escomptés, susceptibles de revenir impayés à  leur échéance.

QUESTION SOUMISE AU JUGE :
La question est de savoir si le banquier escompteur est titulaire, sur le solde du compte courant, d'un droit de nature à  lui permettre de faire échec aux prérogatives des créanciers saisissants ou à  ceux de l'administrateur judiciaire.

SOLUTION DONNEE :
La banque, en cas de redressement judiciaire d'un client avec lequel elle est en compte courant, ne peut pour garantir le paiement des créances incertaines, résultant des contre passations d'effets escomptés, retenir le solde créditeur du compte puisque les créances ne sont qu'éventuelles.

POSITION PAR RAPPORT A D'AUTRES DECISIONS :
Cette décision confirme les arrêts de la chambre commerciale du 6 février 1996 ;

APPRECIATION FAITE PAR LE COMMENTATEUR :
La jurisprudence subordonne l'inscription en compte à  la certitude et à  la liquidité de la créance.
Selon la RJDA. (Aoà»t/Septembre 1998. n°1028), cette solution condamne une nouvelle fois la notion de différé du compte courant soutenue en doctrine.

Pour le JCP entreprise (Juillet 1998. n°28 p1143), la théorie du différé du compte ne pouvait être retenue, car en l'espèce, il s'agissait d'une créance purement éventuelle mais la Cour de cassation ne condamne pas l'idée de différé.

5. Annexes

Décision n°1.
Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 17 novembre 1981 REJET

N° de pourvoi : 79-13143
Publié au bulletin

Pdt M. Vienne
Rpr M. Bouchery
Av.Gén. M. Cochard
Av. Demandeur : M. Spinosi
Av. Défendeur : M. Rouvière

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SES QUATRE BRANCHES : ATTENDU, SELON L'ARRET DEFERE (AMIENS, 3 MAI 1979), QUE LA SOCIETE "ASPIRATEURS HUGLO" (LA SOCIETE) A OBTENU DE LA BANQUE "SCALBERT DUPONT" (LA BANQUE) UN CREDIT DE MOBILISATION DE SES CREANCES COMMERCIALES (C.M.C.C.) ET A SOUSCRIT UN BILLET A ORDRE REPRESENTANT LE MONTANT DES DIVERSES CREANCES REGROUPEES, QUE LA SOCIETE A, EN OUTRE, DONNE MANDAT A LA BANQUE DE RECOUVRER LES EFFETS DE COMMERCE PAR ELLE TIRES SUR SES CLIENTS DONT LE MONTANT APRES ENCAISSEMENT, SERAIT PORTE AU COMPTE COURANT DE LA SOCIETE, QUE LA BANQUE AYANT INSCRIT A CE COMPTE COURANT CELLES DES LETTRES DE CHANGE PAYEES APRES LE PRONONCE DU REGLEMENT JUDICIAIRE DE LA SOCIETE, LES SYNDICS DE CETTE DERNIERE L'ONT ASSIGNEE EN REMBOURSEMENT DU MONTANT DE CES EFFETS ;
ATTENDI QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET D'AVOIR ACCUEILLI LA DEMANDE DES SYNDICS, ALORS QUE, SELON LE POURVOI, D'UNE PART, LORSQUE, DANS LE CADRE D'UNE OPERATION DE C.M.C.C. "NON GARANTI" PAR DES FACTURES PROTESTABLES, UNE BANQUE A DEMANDE AU BENEFICIAIRE DU CREDIT D'EMETTRE SUR SES PROPRES CLIENTS DES EFFETS DE RECOUVREMENT ET DE LUI EN CONFIER L'ENCAISSEMENT, L'AFFECTATION DU PRODUIT DE CET ENCAISSEMENT AU REMBOURSEMENT DU CREDIT DE MOBILISATION RESULTE DE LA NATURE MEME DE L'OPERATION, DE SORTE QUE LA COUR D'APPEL NE POUVAIT, SANS MECONNAITRE LES DISPOSITIONS ET REGLES IMPOSANT LA CONNEXITE ET, DONC, LA COMPENSATION, REFUSER DE CONSTATER L'EVIDENTE CONNEXITE DES CREANCES RECIPROQUES NEES DES CONTRATS DE PRET ET DE MANDAT, CONTRATS CERTES, FORMELLEMENT DISTINCTS MAIS SI ETROITEMENT INTERDEPENDANTS QU'ILS FORMAIENT UN ENSEMBLE INDIVISIBLE : L'OPERATION DE C.M.C.C. "NON GARANTI" AVEC EMISSION D'EFFETS DE RECOUVREMENT DONT L'ENCAISSEMENT EST CONFIE AU BANQUIER, DISPENSATEUR DU CREDIT, ALORS QUE, D'AUTRE PART, SI LE MANDAT DE PORTER LE MONTANT DES EFFETS ENCAISSES AU CREDIT DU COMPTE AVAIT, SELON LA COUR D'APPEL, PRIS FIN AVEC LE PRONONCE DU REGLEMENT JUDICIAIRE, LE MANDAT DE PROCEDER A LEUR RECOUVREMENT NE SE TROUVAIT PAS ATTEINT PAR L'OUVERTURE DE LA PROCEDURE COLLECTIVE PUISQU'AUX TERMES MEMES DE L'ARRET ATTAQUE, LE MANDAT D'ENCAISSEMENT DESTINE A "REMBOURSER LA BANQUE EN TOUT OU PARTIE DU MONTANT DE SES AVANCES" ETAIT UN MANDAT D'INTERET COMMUN AUQUEL LE REGLEMENT JUDICIAIRE NE POUVAIT METTRE FIN, DE SORTE QUE LA COUR D'APPEL NE POUVAIT, SANS SE CONTREDIRE ET SANS OMETTRE DE TIRER LES CONSEQUENCES LEGALES DE SES PROPRES CONSTATIONS, AFFIRMER EN TERMES GENERAUX QUE, FAUTE D'OBJET, LE MANDAT AVAIT DONC PRIS FIN AU JOUR DU PRONONCE DU REGLEMENT JUDICIAIRE, LA CLOTURE DU COMPTE COURANT RENDANT IRREALISABLE LE MANDAT DONNE A LA BANQUE, ALORS QUE, DE TROISIEME PART, LA COUR D'APPEL NE POUVAIT, SANS ENTACHER SA DECISION D'UNE FLAGRANTE CONTRADICTION DE MOTIFS, TOUT A LA FOIS ADMETTRE L'AFFECTATION AU REMBOURSEMENT DU CREDIT DE MOBILISATION DU PRODUIT DES EFFETS REMIS A L'ENCAISSEMENT ET ENONCER QU'IL N'ETAIT PAS ETABLI QUE LES REMISES D'EFFETS SERVAIENT DE COUVERTURE AUX AVANCES FAITES PAR LA BANQUE ET ALORS QU'ENFIN, LA COUR D'APPEL, MEME SI ELLE AVAIT VOULU NIER L'AFFECTATION DECOULANT DE LA NATURE DE L'OPERATION EN CAUSE, NE POUVAIT, SANS DENATURER L'UN DES DOCUMENTS CLAIRS ET PRECIS PRODUITS AUX DEBATS, REJETER LE MOYEN TIRE DE LA CONNEXITE DES CREANCES RECIPROQUES NEES DU CREDIT DE MOBILISATION ET DU MANDAT D'ENCAISSEMENT, MECONNAISSANT AINSI L'AFFECTATION CONVENTIONNELLE QUI RESULTAIT D'UNE LETTRE DE LA SOCIETE FAISANT EXPRESSEMENT ETAT DE LA REMISE DES EFFETS TIRES PAR ELLE SUR SES PROPRES CLIENTS EN COUVERTURE DU C.M.C.C. QUE LA BANQUE LUI AVAIT ACCORDE ;
MAIS ATTENDU, EN PREMIER LIEU, QUE, DANS L'EXERCICE DE SON POUVOIR SOUVERAIN, LA COUR D'APPEL RETIENT QU'IL N'Y A PAS DE CONNEXITE ENTRE LE C.M.C.C. ET LE RECOUVREMENT DES EFFETS EN CAUSE, EN RELEVANT, SANS SE CONTREDIRE ET HORS TOUTE DENATURATION, QU'IL NE RESSORT D'AUCUN DOCUMENT QUE LES EFFETS REMIS PAR LA SOCIETE A LA BANQUE EN VUE DE LEUR RECOUVREMENT L'AIENT ETE A TITRE DE GARANTIE OU DE SURETE ET QU'IL N'EST PAS ETABLI QUE LE MANDAT D'ENCAISSEMENT AIT ETE LA CONDITION NECESSAIRE DE L'OCTROI DU C.M.C.C., NI QUE LES REMISES D'EFFETS AIENT SERVI DE COUVERTURE AUX AVANCES FAITES PAR LA BANQUE ; ATTENDU, EN DEUXIEME LIEU, QUE LA COUR D'APPEL RETIENT, A JUSTE TITRE, SANS CONTRADICTION, QUE LE MANDAT DE RECOUVREMENT DES LETTRES DE CHANGE, D'INTERET COMMUN, L'ENCAISSEMENT AYANT POUR EFFET, D'UNE PART, DE PAYER LA SOCIETE DU MONTANT DE SES FOURNITURES ET, D'AUTRE PART, DE REMBOURSER LA BANQUE, A PRIS FIN AU JOUR DU PRONONCE DU REGLEMENT JUDICIAIRE DE LA SOCIETE QUI A ENTRAINE LA CLOTURE DU COMPTE-COURANT ; ATTENDU, EN TROISIEME LIEU, QUE, CONTRAIREMENT A L'ALLEGATION DU POURVOI, LA COUR D'APPEL ENONCE, NON QUE LE PRODUIT DES EFFETS REMIS A L'ENCAISSEMENT ETAIT AFFECTE AU REMBOURSEMENT DU C.M.C.C. MAIS QU'IL ETAIT AFFECTE AU COMPTE-COURANT CE QUI FACILITAIT LE REMBOURSEMENT DU CREDIT ; QUE LE MOYEN, QUI MANQUE EN FAIT DANS SA TROISIEME BRANCHE, EST SANS FONDEMENT DANS SES AUTRES BRANCHES ;
SUR LE SECOND MOYEN : ATTENDU QU'IL EST ENCORE REPROCHE A L'ARRET D'AVOIR STATUE AINSI QU'IL L'A FAIT, ALORS QUE, SELON LE POURVOI, LA COUR D'APPEL NE POUVAIT, SANS NIER LE MECANISME DE L'ENTREE D'UNE CREANCE, SOUS CONDITION SUSPENSIVE DE SON RECOUVREMENT, AU DIFFERE D'UN COMPTE-COURANT ET SANS CONFONDRE LA NOTION D'ENTREE EN COMPTE D'UNE CREANCE AVEC CELLE DE SON INSCRIPTION AU MEME COMPTE, LAQUELLE N'EST QUE LA REGULARISATION COMPTABLE D'UNE ENTREE EN COMPTE ANTERIEURE, AFFIRMER QUE LE MONTANT DES EFFETS DE RECOUVREMENT, REMIS A LA BANQUE EN COUVERTURE DU C.M.C.C. QU'ELLE AVAIT CONSENTI A LA SOCIETE, AVAIT ETE CREDITE AU SENS PRECIS DU TERME APRES LA DATE DU JUGEMENT PRONONCANT CE REGLEMENT JUDICIAIRE ; MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL RETIENT A BON DROIT QUE LES EFFETS EN CAUSE, REMIS A LA BANQUE NON POUR ESCOMPTE, MAIS AVEC MANDAT D'EN OPERER LE RECOUVREMENT, NE POUVAIENT, AVANT LEUR ENCAISSEMENT, ETRE INSCRITS AU CREDIT DU COMPTE COURANT DE LA SOCIETE PAR LA BANQUE QUI N'EN ETAIT PAS PROPRIETAIRE ; QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 3 MAI 1979 PAR LA COUR D'APPEL D'AMIENS ;
CONDAMNE LA DEMANDERESSE, ENVERS LES DEFENDEURS, AUX DEPENS LIQUIDES A LA SOMME DE TROIS FRANCS TRENTE CENTIMES, EN CE NON COMPRIS LE COUT DES SIGNIFICATIONS DU PRESENT ARRET ;

Publication : Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre commerciale N. 396
Jurisclasseur Périodique, 1982, II, N. 19766, note J. STOUFFLET et Y. CHAPUT (2 p). Dalloz 1982, p. 257, note M. VASSEUR (2 p). Revue trimestrielle de droit commercial 1982 P. 277, note CABRILLAC ET TEYSSIE.
Décision attaquée : Cour d'Appel Amiens (Chambre 2 ) 1979-05-03
Lois citées : LOI 1967-07-13 ART. 13, ART. 14

Décision n°2.
Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 10 mai 1989 Cassation .

N° de pourvoi : 87-16236
Publié au bulletin

Président :M. Baudoin
Rapporteur :M. Peyrat
Avocat général :M. Raynaud
Avocats :la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, la SCP Le Bret et de Lanouvelle .

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le premier moyen :
Vu les articles 1134 et 1289 du Code civil ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la Banco portugues do Atlantico (la BPDA) a ouvert un compte courant à  la Banque Roy ; qu'elle a accordé à  celle-ci un prêt remboursable à  première demande qui a donné lieu à  l'ouverture d'un compte spécial ; que la Banque Roy ayant tiré un chèque à  l'ordre de la Caisse centrale de crédit mutuel du Nord (la CCCMN), cet effet a été rejeté le 26 septembre 1979 par la BPDA pour absence de provision ; que, le même jour, cette banque a demandé le remboursement du prêt et, le 28 septembre, inscrit sa créance au compte courant de sa débitrice ; que la CCCMN, soutenant que, le 26 septembre, ce compte présentait pour un montant déterminé un solde créditeur en faveur de la Banque Roy, a assigné la BPDA en paiement de cette somme en invoquant la faute commise par cette banque qui ne lui avait pas fait connaître le montant de la provision partielle disponible, la privant du droit d'exiger un paiement à  concurrence de cette provision ;
Attendu que, pour accueillir la demande de la CCCMN, la cour d'appel relève que la BPDA n'a manifesté que le 28 septembre 1979 son intention de faire entrer dans le compte courant sa créance née du prêt et jusque-là  étrangère à  ce compte, que c'est seulement à  cette date que cette créance s'est fondue dans le compte courant et que le solde d'un compte courant en cours de fonctionnement est insusceptible d'entrer en compensation avec un autre rapport d'obligation, créance ou dette, existant entre les parties ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, tout en relevant que, dès le 26 septembre 1979, la BPDA avait demandé le remboursement du prêt devenu exigible par la demande qui en avait été faite, et alors que la créance ainsi née au profit de la BPDA était immédiatement entrée en compte à  cette date et non à  celle, postérieure, à  laquelle avait été opérée une régularisation comptable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état o๠elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims

Publication : Bulletin 1989 IV N° 145 p. 97
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 1987-04-02

Décision n° 3.

Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 21 juin 1994 Cassation.

N° de pourvoi : 92-13683
Publié au bulletin

Président : M. Bézard .
Rapporteur : M. Leclercq.
Avocat général : M. de Gouttes.
Avocats : la SCP Vier et Barthélemy, la SCP Ancel et Couturier-Heller.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir constaté qu'une lettre de change remise à  l'escompte par la société Papeteries Philippe Bergès (la société Bergès) était revenue impayée à  l'échéance, le Crédit lyonnais (la banque) a avisé la société remettante de l'incident et lui a annoncé la restitution prochaine de l'effet ; que le lendemain, la société Bergès a été mise en redressement judiciaire ; que l'inscription de la contre-passation au compte n'est intervenue qu'ultérieurement ; que le débiteur tiré a payé le montant de l'effet à  la banque, à  laquelle l'administrateur judiciaire et le représentant des créanciers de la société Bergès ont demandé de le leur reverser ;
Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient qu'en annonçant la restitution ultérieure de l'effet impayé à  la société remettante, la banque avait clairement manifesté sa décision de contre-passer l'effet ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, serait-elle définitivement décidée, la contre-passation du montant d'une lettre de change prise à  l'escompte ne prend effet qu'à  compter de son inscription en compte, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 janvier 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état o๠elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau.


Publication : Bulletin 1994 IV N° 226 p. 177
Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 1992-01-30
Codes cités : Code civil 1134.

Décision n°4.
1ère espèce.
Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 6 février 1996 Rejet.

N° de pourvoi : 93-15736
Publié au bulletin

Président : M. Bézard .
Rapporteur : M. Rémery.
Avocat général : M. Mourier.
Avocats : la SCP Le Bret et Laugier, la SCP Rouvière et Boutet (arrêt n° 1), M. Copper-Royer, la SCP Defrénois et Levis (arrêt n° 2).

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ARRÊT N° 1 Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 avril 1993), rendu en matière de référé, que la Banque du bà¢timent et des travaux publics (la banque) s'est portée caution des sociétés composant le groupe d'entreprises de construction immobilière Guerra Tarcy au titre des différentes garanties dues par elles à  leurs clients maîtres d'ouvrage ; qu'à  chacune des sociétés Guerra Tarcy, un compte courant a été ouvert dans les livres de la banque destiné à  enregistrer toutes les opérations entre celle-ci et celle-là , notamment, en portant à  son débit le montant des versements faits par la banque au titre de ses engagements de caution ; que postérieurement, par jugement du 5 janvier 1993, l'ensemble des sociétés Guerra Tarcy a été mis en redressement judiciaire ; que, par lettre du 8 janvier suivant, ayant pris effet le 18 janvier 1993, l'administrateur commun des procédures collectives a demandé à  la banque de procéder à  la clôture des comptes courants et de lui remettre le montant de leurs soldes créditeurs ; que la banque, faisant valoir qu'elle serait fondée à  porter au débit de chacun de ces comptes le montant des versements qu'elle serait obligée d'effectuer en exécution de ses engagements de caution, s'est opposée à  cette dernière demande ; qu'estimant que la décision de la banque de retenir ainsi à  titre de garantie les soldes créditeurs des comptes courants constituait un trouble manifestement illicite, les sociétés Guerra Tarcy et l'administrateur l'ont assignée devant le juge des référés afin d'obtenir la libération sous astreinte des fonds détenus par elle ;
Attendu que la banque reproche à  l'arrêt d'avoir accueilli cette demande à  concurrence d'une somme de 10 millions de francs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que lorsque deux dettes sont connexes, le juge ne peut écarter la demande de compensation au motif que l'une d'elles ne réunit pas les conditions de liquidité et d'exigibilité et doit, bien au contraire, constater le principe de la compensation qui constitue, pour les parties, une garantie, sauf à  ordonner toutes mesures pour parvenir à  l'apurement des comptes ; qu'en matière de compte courant, il est de règle que les créances non encore payées peuvent être appréhendées en application du principe d'affectation générale, inhérent au mécanisme de garantie du compte courant, et figurer alors au différé, ce qui permet au banquier de retenir le solde créditeur jusqu'à  ce que soient apurées les créances figurant au différé ; qu'ainsi, l'arrêt, sans relever que la survenance de la procédure collective aurait dégagé la banque des garanties fournies au groupe Guerra Tarcy, garanties précisément mises en oeuvre à  cette occasion, comme il en est justifié, n'a privé la banque du droit de rétention à  due concurrence, qu'elle invoquait, qu'au prix d'une violation des règles de la compensation pour connexité et des articles 33 et 37 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble les articles 1134, 1289 et suivants du Code civil ; et alors, d'autre part, que les opérations à  intégrer aux comptes courants, en vertu des conventions antérieures, se sont poursuivies après l'ouverture de la procédure collective et au moins jusqu'à  la notification, le 18 janvier 1993, par l'administrateur de la clôture desdits comptes, mettant fin au mandat d'encaissement de la banque ; qu'en refusant de retenir les décaissements, constitutifs pour la banque de l'exécution de ses engagements contractuels antérieurs, ayant pour contrepartie le droit de débiter aussitôt les comptes courants, tel que stipulé dans la clause d'autorisation, bien que le mandat d'encaissement se soit poursuivi, après le 5 janvier 1993 et jusqu'à  la notification précitée, ce qui impliquait l'inscription au différé des comptes jusqu'à  ce moment au moins, l'arrêt attaqué a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et son devoir de favoriser le jeu de la compensation pour une connexité de dettes dà»ment établie, violant ainsi les articles 33 et 37 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble les articles 1134, 1289 et suivants du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que l'existence des créances que la banque invoquait à  l'encontre des sociétés du groupe Guerra Tarcy était subordonnée à  l'exécution de son propre engagement de caution qui, seule, l'autorisait à  débiter les comptes courants et que les maîtres d'ouvrage bénéficiaires de cet engagement ne lui avaient pas demandé, à  due concurrence des sommes en litige, de payer, la cour d'appel en a exactement déduit que ces créances éventuelles n'étaient pas entrées en compte courant et que la banque ne pouvait donc, pour garantir le paiement de telles créances incertaines, retenir les soldes créditeurs des comptes courants ;
Attendu, d'autre part, que n'ayant pas constaté, contrairement aux allégations du moyen, qu'entre la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire et celle de la clôture des comptes courants, la banque aurait été obligée d'effectuer des versements au titre de son engagement de caution, ni que l'obligation d'effectuer ultérieurement de tels versements était certaine, bien que non encore exigible, la cour d'appel n'encourt pas le grief du moyen ;
D'o๠il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi .


Publication : Bulletin 1996 IV N° 34 p. 25
Les Petites Affiches, 1997-01-10, n° 5, p. 12, note B. SOINNE.
Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 1993-04-08
Lois citées : Loi 85-98 1985-01-25.

2ème espèce.
Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 6 février 1996 Rejet.

N° de pourvoi : 93-19601
Publié au bulletin

Président : M. Bézard .
Rapporteur : M. Rémery.
Avocat général : M. Mourier.
Avocats : la SCP Le Bret et Laugier, la SCP Rouvière et Boutet (arrêt n° 1), M. Copper-Royer, la SCP Defrénois et Levis (arrêt n° 2).

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ARRÊT N° 2 Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 mai 1993), que, par acte du 31 juillet 1987, la Banque nationale de Paris (la banque) s'est portée, à  concurrence d'un certain montant, caution envers la société compagnie Norwich Union, propriétaire de locaux loués à  la Société internationale de gestion (société SIG), du paiement des loyers et charges locatives dus par celle-ci ; que la société SIG, par deux jugements du 19 mai 1988, a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires ; que le liquidateur de la procédure collective a demandé à  la banque de lui verser la somme de 328 163,89 francs, représentant le montant du solde créditeur du compte courant ouvert dans ses livres à  la société SIG ; que la banque n'a remis au liquidateur que la somme de 93 866,04 francs, déclarant conserver la différence pour la couvrir du montant des loyers et charges restant à  payer dans la limite de son engagement de caution ; que le liquidateur a assigné la banque en paiement de cette somme ;
Attendu que le liquidateur reproche à  l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande alors, selon le pourvoi, que si le principe de l'affectation des créances au compte courant crée un lien de connexité suffisant pour permettre la compensation entre une créance qui, née de l'exécution d'un contrat de cautionnement souscrit par une banque, est certaine, liquide et exigible de sorte qu'elle se trouve affectée au disponible du compte courant et le solde créditeur de ce compte, le lien de connexité n'est pas suffisant pour permettre une compensation entre le solde créditeur disponible d'un compte courant et la créance hypothétique que pourrait détenir une banque en raison de son engagement de caution, qui figure au différé et ne sera portée au disponible que lorsqu'elle sera certaine, liquide et exigible en raison de l'exécution du cautionnement souscrit par la banque ; qu'en énonçant que la banque pouvait retenir le solde créditeur du compte courant détenu par la société SIG afin d'être compensé avec la créance non certaine, ni liquide, ni exigible qu'elle pourrait détenir en raison du seul fait de son engagement de caution, la cour d'appel a violé les articles 1289 et suivants du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la société SIG était défaillante dans le paiement des loyers dès avant sa mise en liquidation judiciaire, que la banque avait été appelée à  se substituer à  elle dans les règlements, en qualité de caution, et qu'après une première série de versements antérieurs à  l'ouverture de la procédure collective, son obligation d'en exécuter ultérieurement d'autres était certaine ; qu'il en résulte que la créance certaine de la banque sur la société débitrice était, bien que non encore exigible, connexe de celles devant être inscrites au compte courant, dont elles avaient fait le cadre de règlement de leurs créances réciproques, et que ladite créance déclarée au passif du redressement judiciaire pouvait, en conséquence, être invoquée en compensation du solde du compte ; que par ces motifs, l'arrêt se trouve légalement justifié ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.

Publication : Bulletin 1996 IV N° 34 p. 25
Les Petites Affiches, 1997-01-10, n° 5, p. 12, note B. Soinne. Dalloz, 1997-07-24, n° 28, p. 353, note D-D. Boccara.
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 1993-05-14
Lois citées : Loi 85-98 1985-01-25.

Décision n°5.
Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 22 octobre 1996 Rejet.

N° de pourvoi : 93-15787
Publié au bulletin

Président : M. Bézard .
Rapporteur : M. Tricot.
Avocat général : Mme Piniot.
Avocats : la SCP Defrénois et Levis, la SCP Vier et Barthélemy.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 5 mars 1993), qu'en février 1990 le Crédit lyonnais (la banque) a consenti à  la société K'Sys International (la société), titulaire dans ses livres d'un compte courant, une avance d'un certain montant en considération d'un crédit de TVA que l'administration fiscale devait payer à  cette société ; que l'ordre de virement de l'administration émis le 5 mars 1990 a été reçu par le service central de compensation tenu par la Banque de France le 30 mars 1990 et réglé à  la banque par un bordereau du 6 avril 1990 ; que cette somme a été inscrite par la banque au compte de la société le 9 avril ; que le Tribunal, ayant ouvert le même jour le redressement judiciaire de la société, le représentant des créanciers a contesté la compensation de ce crédit avec le solde débiteur du compte courant ;
Attendu que le représentant des créanciers reproche à  l'arrêt d'avoir rejeté sa contestation alors, selon le pourvoi, qu'est nul tout paiement d'une créance, née antérieurement au jugement d'ouverture, fait le jour même ou après le prononcé du redressement judiciaire et que le paiement, initié par virement, n'est réalisé qu'au jour de l'inscription du virement au crédit du compte courant du bénéficiaire ; qu'en décidant qu'un paiement, effectué par un virement dont le montant a été inscrit au crédit du compte courant du bénéficiaire, la société, le 9 avril 1990, date à  laquelle le Tribunal a ouvert le redressement et la liquidation judiciaires de celle-ci, était intervenu le 6 avril précédent, soit le jour o๠la Banque de France avait payé le montant du virement à  la banque, cette dernière se trouvant débitrice de la société, en sorte que la créance à  ce titre était immédiatement entrée en compte, la cour d'appel a violé l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985, les articles 1235 et 1247 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la banque et la société étaient liées par une convention de compte courant et que la somme litigieuse avait été effectivement payée à  la banque par la Banque de France le 6 avril 1990, la cour d'appel a énoncé, à  bon droit, que cette créance certaine, liquide et exigible était entrée en compte immédiatement et non à  la date postérieure à  laquelle a été opérée la régularisation comptable ; d'o๠il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.

Publication : Bulletin 1996 IV N° 249 p. 215
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 1993-03-05
Lois citées : Loi 85-98 1985-01-25.

Publié par

La sté AL remet un effet à l'encaissement le 05/01 à échéance 28/02.
Le 08/02, la sté AL fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire.
Le gérant réclame le transfert des fonds issus de la remise à l'encaissement, du compte ante-RJ sur le compte post-RJ.
Est-il en droit de réclamer ces fonds ?