Imperatoria Brevitas

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Bonsoir à tous,

Je débute l'étude du droit administratif en deuxième année de droit et je rencontre le terme de ''Imperatoria Brevitas'' dont je n'arrive point à connaître la définition. Si quelqu'un pouvait me l'expliquer, je lui en serais très reconnaissant.
Ce terme est utilisé quant à la discussion sur la complexité des arrêts administratifs du Conseil d'Etat et, si j'ai bien compris, la qualification ''d'imperatoria brevitas'' est souvent présente dans de tels arrêts. Elle sert à dire que les arrêts n'ont pas besoin de persuader car leurs solutions ont force de loi et c'est pour cela que ces arrêts sont aussi complexes.

Je suis consciente que je n'arrive pas bien à exprimer ce que je souhaite dire mais j'attendrai que quelqu'un veuille me répondre.

Je vous remercie d'avance et vous souhaite un bon début de week end !

:)

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x-ray Intervenant

- «Comme c’est le caractère des grands esprits de faire entendre en peu de paroles beaucoup de choses, les petits esprits au contraire ont le don de beaucoup parler, et de ne rien dire»
- «La véritable éloquence consiste à dire tout ce qu’il faut, et à ne dire que ce qu’il faut».

La Rochefoucauld

Donc, en un mot, pour faire clair, il faut faire court et précis. Il y a un "impératif de brièveté" qui confère une plus grande force au texte. C'est ça l' "imperatoria brevitas". Ce n'est pas un adage juridique, mais une locution latine liée à la stylistique.

Malheureusement, ça peut donner des arrêts laconiques, et insuffisamment précis pour que les parties comprennent la décision du juge. La loi du 8 février 1995 a donc poussé le JA à un effort de clarté et de pédagogie.

Ami calmant

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Nemo auditur propriam turpitudinem allegans

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Camille Intervenant

Bonjour,

Citation de x-ray :


Malheureusement, ça peut donner des arrêts laconiques, et insuffisamment précis pour que les parties comprennent la décision du juge.

C'est surtout que...
En ce qui concerne les arrêts de cassation :
La Cour ne s'adresse pas directement au demandeur à la cassation mais aux juges et, accessoirement, aux avocats qui ont présenté le pourvoi, puisque son rôle c'est de dire "Vous avez jugé conformément à la loi ou pas".
Elle considère donc
- qu'elle s'adresse à des gens qui sont rompus au langage juridique ;
- qu'elle s'adresse à des gens qui ont fait des études kivonbien et qui sont censés savoir de quoi ils parlent et de quoi Elle parle ;
- que ce n'est pas son rôle de faire oeuvre de vulgarisation juridique ;
- que ce n'est pas son boulot de faire, à la place de tous ces gens, le boulot de rechercher dans Ses archives des arrêts précédents qui disent déjà exactement la même chose, ce qui aurait évité un pourvoi inutile...
(on peut même lire parfois, si on lit attentivement certains arrêts, une certaine forme d'agacement de la part des juges de la Cour et ça se reconnait assez facilement : attendus "téléphonés", référence à des précédents multiples en bas de la page sur Légifrance, alors que cet arrêt est publié au bulletin...)
:D
En ce qui concerne les arrêts d'appel ou les jugements de première instance :
les magistrats considèrent, à tort ou à raison, que c'est le rôle des avocats de chaque partie de lui expliquer les tenants et les aboutissements de leur décision. Or, parfois, les avocats eux-mêmes...

P.S. : pour les jugements de première instance, il suffit d'assister à une simple audience correctionnelle pour se rendre compte qu'on voit mal quand les juges trouveraient le temps de rédiger un texte didactique et à la portée de compréhension de tous.
J'en ai même vu un demander à chaque prévenu après l'énoncé du jugement "avez-vous bien compris pourquoi je vous condamne ?". la séance s'est terminée vers 11h du soir.


Pote au feu =))

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Hors Concours

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x-ray Intervenant

Bonjour et merci Camille, je n'étais de toute façon pas satisfait de ma réponse.

Pour faire plus clair, je cite deux manuels que j'ai sous la main :

"Serrigny fixe ainsi en 1895, la position de la jurisprudence administrative : "Il n'en est pas des décisions du Conseil d'Etat comme celles de la Cour de Cassation. Cette Cour expose presque toujours les raisons détaillées des solutions qu'elle a adoptées. On sait qu'elle ne craint pas de faire de la doctrine et qu'elle veut convaincre ceux qu'elle juge. Le Conseil d'Etat au contraire, ne dnne presque jamais de motifs détaillés des arrêts qu'il prononce. (...) On dirait qu'il craint de poser des principes de droit et de faire des théories de peur de se lier par des précédents. Il faut bien souvent deviner le motif vrai des solutions très justes d'ailleurs. (...). Au Conseil d'Etat, c'est le Roi qui parle, qui décide, qui ordonne, son langage doit être bref, concis, incisif". Aujourd'hui, le Conseil d'Etat fidèle à ses origines, est très loin de formuler les raisons de ses décisions avec la précision et la rigueur de la Cour de cassation, comme des tribunaux judiciaires en général."

Charles Debbasch, Jean-Claude Ricci, Contentieux administratif, 6ème édition, Dalloz, coll. Précis Dalloz, Paris 1994, P 447-448


"Surtout, l'usage est tel que les considérants sont rédigés, s'agissant notamment des arrêts du Conseil d'Etat, avec une grande concision. Bien souvent, pour comprendre les motifs par lesquels les juges se sont déterminés, il faut savoir lire entre les mots et être attentif à l'emploi de certaines formules qui, pour être fort brèves, sont riches de sens. (...) L'obligation de motiver n'est pas pour autant dépourvue de portée ; il s'en faut de beaucoup. Concision n'est synonyme ni d'incomplétude, ni d'imprécision."

René Chapus, Droit du contentieux administratif, 3ème édition, Montchrétien, coll Domat droit public, Paris 1991, p 623-624

Je trouve qu'il est intéressant de mettre en regard les citations de la Rochefoucauld et celle de Chapus...

Pour Cordelia, il serait intéressant d'aller voir dans des éditions plus récentes ce qui figure sur la motivation des jugements administratifs.

Enfin, 1991, 1994, ce n'est pas si loin quand on cite La Rochefoucauld ou Serrigny...Ca me rajeunit, tiens !!!

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Nemo auditur propriam turpitudinem allegans

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Citation de Serigny :

On dirait qu'il craint de poser des principes de droit et de faire des théories de peur de se lier par des précédents.


N'est-ce pas paradoxale avec ce qu'on nous enseigne : le droit administratif (droit essentiellement prétorien) s'est formé avec la jurisprudence administrative précisément.

D'un côté le juge administratif serait donc frileux, et d'un autre pourtant, à chaque arrêt important on le voit poser des PGD, parfois prendre les devant, parfois contrarier implicitement le législateur... Donc le droit administratif s'est formé justement, avec ces précédents qui ont été posé parfois brutalement, parfois préparé minutieusement tout au long de décisions graduelle...

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Charte à lire avant de poster.

Pour ceux qui se posent des questions sur les études de droit =).

Magistère Droit des Affaires, Fiscalité, Comptabilité. [Aix-Marseille III].

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x-ray Intervenant

Oui, mais Serrigny écrit en 1895, un peu plus de 20 ans après la fin de la justice retenue (1872), et dans la foulée des premiers grands arrêts du CE (seulement 7 ans après l'arrêt Cadot...). Les premiers PGD, c'est 60 ans plus tard...

Je l'ai cité malgré tout, car l'histoire éclaire ici la pratique stylistique du CE. On ne dit pas que le CE ne dit rien, on dit qu'il est souvent laconique dans ses motivations, au contraire de la Cour de cassation.

Mais je comprends ta logique.

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Nemo auditur propriam turpitudinem allegans

Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,
A titre perso, je ne trouve pas que les décisions du CE soit forcément beaucoup plus difficiles à lire que certains arrêts de cassation.
On oublie d'ailleurs un autre point que je n'ai pas souligné.
Ces deux juridictions constituent, en gros, la "cerise" sur le "gâteau-procédure", l'étape ultime d'un processus qui n'est donc que rappelé succinctement parce que "tout le monde" est censé connaître déjà l'historique de l'affaire : les protagonistes, bien sûr, y compris les juges qui ont "trempés dans l'affaire", même les Cour/Conseil sont censés être au courant puisque faisant "partie intégrante du circuit/rallye", et même les autres, ceux qui plongent dans le dossier et le découvrent uniquement à cette dernière étape, puisqu'ils ont la possibilité de chercher dans les archives diverses...
Et comme la plupart des décisions ne constitue pas un "scoop juridique", ceux qui sont intéressés n'ont qu'à se reporter à des décisions précédentes pour mieux comprendre celle-là.
Donc, pas forcément absurde, d'être concis et succinct.

De ce point de vue, les décisions de la CEDH sont plus sympas pour celui qui "débarque" à ce stade ultime du dossier, mais c'est normal, puisqu'elle est saisie (sauvagement, brutalement, inopinément...) d'un dossier qu'elle n'était pas censée connaître avant et qu'elle a en plus, indirectement, comme mission de "prêcher la bonne parole" à destination des juridictions des autres pays de l'Union européenne, non directement concernés par le dossier en question.
Cela dit, pour qui veut se plonger attentivement dans un arrêt de la CEDH, se munir de provisions pour la route, boissons et sandwiches, et prévoir des arrêts... pipi !
:D

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Hors Concours