IEJ Assas 2006 - commentaire de CE, 28 décembre 2005

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Veuillez commenter l'arrêt suivant rendu par le CE le 28 décembre 2005

Conseil d'à‰tat

N° 279432
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Stirn, président
M. Bertrand Dacosta, rapporteur
M. Guyomar, commissaire du gouvernement


lecture du mercredi 28 décembre 2005
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



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Vu la requête, enregistrée le 8 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Marc A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 8 février 2005 rapportant les dispositions du décret du 8 novembre 2004 l'élevant au premier grade ;

2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de le rétablir dans ses droits dans un délai de quinze jours à  compter de la décision à  intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à  la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 64 et 65 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;




Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article 65 de la Constitution : « La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à  l'égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à  la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d'appel et pour celles de président du tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme » ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 28 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : « Les décrets portant promotion de grade (...) sont pris par le Président de la République sur proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, après avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature pour ce qui concerne les magistrats du siège (...) » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le garde des sceaux, ministre de la justice, après avoir envisagé, à  l'automne 2004, de proposer la nomination au premier grade de M. A, magistrat du second grade placé en position de détachement, y a renoncé et que, par suite, le Conseil supérieur de la magistrature, lors de sa séance du 13 octobre 2004, n'a pas examiné le dossier de ce magistrat, qui ne figurait pas à  l'ordre du jour de ses travaux ; que, toutefois, à  la suite d'une erreur matérielle commise, lors de la préparation du décret, par les services du ministère de la justice, qui ont soumis à  la signature du Président de la République un texte fondé non pas sur le projet qui avait recueilli l'avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature mais sur le document préparatoire élaboré par l'administration, le décret du 8 novembre 2004 portant nomination de magistrats comporte, parmi les magistrats élevés au premier grade, la mention de M. A ; qu'ainsi, et dès lors que la mention de son nom dans le décret du 8 novembre 2004 résulte, à  l'évidence, d'une pure erreur matérielle, ce décret doit, en tant qu'il concerne M. A, être regardé comme dépourvu d'existence légale ; qu'il n'a, par suite, pu faire naître aucun droit au bénéfice du magistrat concerné ; qu'ainsi M. A n'est pas fondé à  se prévaloir des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 qui imposent la motivation des décisions administratives individuelles procédant au retrait d'une décision créatrice de droit ;

Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est inopérant, celles-ci, aux termes de l'article 18 de la même loi, ne s'appliquant pas aux relations entre les autorités administratives et leurs agents ;

Considérant, enfin, que la circonstance que M. A remplirait les conditions pour être nommé au premier grade est sans incidence sur la légalité du décret attaqué ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A ne peut qu'être rejetée, ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions aux fins d'injonction et ses conclusions tendant à  l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de cet article par le garde de sceaux, ministre de la justice ;




D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions tendant à  l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par le garde des sceaux, ministre de la justice, sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à  M. Marc A, au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.







Document annexe : article 24 de la loi du 12 avril 2000

Exception faite des cas o๠il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à  la motivation des actes administratifs et à  l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à  même de présenter des observation écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusive, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique.

Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables :
1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ;
2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à  compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ;
3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière.

Les modalités d'application du présent article sont fixées en tant que de besoin par décret en Conseil d'Etat