Encore un texte règlementaire confus et abscons ?

Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,
Je ne résiste pas à l'envie de vous faire partager une petite "truffe", signalée par un internaute chevronné sur un autre forum et qui prouve que l'étude fastidieuse des textes arides de droit pénal peut parfois conduire à quelques moments de détente… (mot qui tombe bien, si je puis dire, dans le contexte).

Il s'agit de l'Ordonnance n° 71-16757 du 15 Sept. 1971sur la réglementation de l'usage des voies ouvertes à la circulation publique à Paris, pondue par le préfet de police de l'époque et parue au Bulletin municipal officiel du 29 septembre 1971, dans sa version apparemment d'origine (puisque confirmée par plusieurs sources apparemment indépendantes) et jamais rectifiée depuis.

Lecture rébarbative, s'il en est (cinq titres, près de 50 articles…) et, si l'assassin habite au 21, la "truffe", elle, réside au numéro 46 ! Comme pour les vraies truffes, fallait du courage et de la persévérance pour la trouver…

Citation de Le préfet :


C. Livraisons

Article 46
Quand le chargement et le déchargement des marchandises ne peuvent avoir lieu dans les cours, ils peuvent être effectués à l'extérieur aux conditions suivantes :
a) le stationnement doit se faire en file simple, sauf sur les points où le stationnement en bataille est permis,
b) de 9 heures à 21 heures, tous objets, marchandises, denrées, matières quelconques ou les récipients et emballages qui les contiennent ne doivent pas être entreposés sur le sol mais portés directement de l'immeuble au véhicule ou inversement.
De 21 heures à 9 heures, les marchandises, les récipients ou emballages déposés sur les trottoirs au droit des locaux commerciaux réceptionnaires ne doivent, en aucun cas, occuper plus d'un tiers de la largeur du trottoir, la partie réservée à la circulation des piétons ne devant pas être inférieure à 1, 20m.
Les réceptionnaires des livraisons sont responsables de l'étendue et de la durée de ces emprises,
c) les opérations doivent être effectuées par un personnel suffisant afin d'être raides,
d) les opérations ne doivent pas être bruyantes.
Le tuyau dont on se sert pour le chargement ou le déchargement d'un produit doit être signalé en tout temps au moyen d'un panneau visible de jour comme de nuit.


Or, on m'a dit par ailleurs que le droit pénal était d'interprétation stricte, qu'on ne pouvait donc tirer des conclusions hâtives et indirectes à la lecture d'un texte et qu'en cas de divergence, seuls les textes originaux faisaient foi, sauf abrogation ou modification dûment signalées.

J'aimerai donc qu'on m'explique, sans verser ni dans la gaudriole franchouillarde, ni dans la gauloiserie de bas étage, ni dans la vulgarité de mauvais aloi, le sens qu'on peut attribuer au paragraphe c), lequel semble viser, soit les réceptionnaires de livraisons, mentionnés à l'alinéa précédent, soit le "personnel suffisant", soit peut-être les deux à la fois, les uns "prenant la responsabilité" des autres.
Je rappelle de suite que, s'agissant d'une réglementation propre à la ville de Paris, et pour éviter tout dérapage intempestif et scabreux indigne d'un forum aussi sérieux, que ce n'est pas le maire actuel qui a signé ce document, mais le préfet de l'époque, dont l'histoire n'a pas retenu ses préférences émotionnelles…
Et j'aimerais également savoir, au cas où l'interprétation stricte devait prévaloir, ce que l'on entend exactement par " l'étendue et (…) la durée de ces emprises".
J'ose à peine poser une question similaire sur le sens exact du paragraphe d) – pour le premier alinéa, j'ai à peu près compris - et je n'irai pas jusqu'à dire que je ne vois pas du tout ce que le préfet entend par là, pour reprendre une belle formule de Pierre Dac, ni à propos du "tuyau dont on se sert", ni à propos du "déchargement d'un produit"…

Je vous remercie d'avance de bien vouloir éclairer ma lanterne, en évitant de la prendre pour une vessie…


C'est fou, ce français quand même… "Une seule lettre vous manque, et le sens en est tout déformé"…

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Hors Concours

Publié par

Nom d'une pipe :lol: :lol: :lol:

Je viens de comprendre : [size=59:24ejtj62]raides = rapides [/size:24ejtj62]! Pauvre lettre, perdue dans le maelstrom infini des coquilles administratives... Un justiciable pourrait-il sérieusement se fonder sur le texte littéral pour sa défense ?

J'avoue que la gaudriole franchouillarde me chatouille le cortex et que l'interprétation semble horriblement équivoque :lol:
A première vue, je dirais que le " raides " fait référence aux " opérations ", du fait de l'accord : le " personnel suffisant ", étant indéfini, ne pourrait pas précéder un pluriel. La question relève alors de la qualité des opérations, qui renvoie au stationnement, au déchargement et à l'éventuel entrepôt nocturne. D'où j'en conclus que plus l'opération est " raide ", plus elle se fait durant le jour, l'emprise sur les lieux étant autorisée de nuit.

" Suffisant " peut aussi s'interprêter comme vaniteux, et l'observation de certains livreurs semble corroborer cette constatation.

Mais si l'on réfléchit au champ lexical, ben... on se paie une bonne tranche de rigolade. Entre les tailles, la durée, les bruits, on a le choix.

Ca donne envie de trouver d'autres truffes du même genre...

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*Membre de la BIFF*

Publié par

Pas mal j'adore la gaudriolle franchouillarde me chatouille aussi les moustaches mais restons sage.

En tout cas merci Camille pour ce joli texte.
Que la coquille n'ai pas été remarquée ne m'étonne pas il a été prouvé que la lecture raide euh.. pardon rapide d'un mot, c'est a dire première et dernière lettre, suffisait a comprendre le mot.

En tout cas merci le prefet pour tous ces tuyaux :wink:

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Ezekiel 25:17"La marche du vertueux est semée d'obstacles qui sont les entreprises égoïstes que fait sans fin surgir l'oeuvre du Malin. Bénit soit-il l'homme de bonne volonté qui au nom de la charité se fait le berger des faibles qu'il guide dans la vallée d'ombre de la mort et des larmes"