Droit sûretés - bénéfice de subrogation - commentaire arrêt

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Commentaire d'arrêt : chambre mixte du 17 novembre 2006, comptoir bigourdan de l'électronique, n°04-19123

Appelée par un créancier en paiement d’une dette qu'elle a garantie par un contrat de cautionnement, la caution va naturellement chercher à ne pas payer, surtout lorsque son débiteur garanti est une société en procédure collective. A cette fin, elle sera tentée de rechercher la responsabilité du créancier, généralement une banque ou un établissement de crédit. La jurisprudence dans un premier temps, le législateur ensuite, ayant chargé le créancier d'un contrat de cautionnement d'obligations de plus en plus nombreuses à l'égard de la caution, cette dernière, pour se décharger, pourra rechercher la faute du créancier, par exemple en fondant sa demande sur le principe de proportionnalité lors de son engagement de caution. Lors de l’exécution du contrat de cautionnement, elle pourra invoquer le défaut d’information annuelle sur l’évolution de la dette ou la faute dans la distribution de crédit au débiteur. Elle pourra également faire valoir la négligence du créancier qui n'a pas conservé ses droits envers le débiteur, selon les termes de l’article 2314 du Code civil qui dispose que « la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus s’opérer, par le fait du créancier, en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite ». Ce qui est sanctionné dans ce texte, c'est la perte par la caution – subrogée après paiement « dans les droits » de son créancier – d'une possibilité d'obtenir le remboursement en se payant sur le bien sur lequel était assis le droit perdu. Ce bénéfice de subrogation, dit aussi de cession d'actions, est l'objet du litige relevé dans l'arrêt de principe de la Chambre mixte de la Cour de cassation du 17 novembre 2006.
Le jour même de l’engagement d’une caution solidaire à son profit, un société avait pris une sûreté réelle à titre provisoire sur le débiteur. La caution ayant été mise en liquidation judiciaire, le créancier avait obtenu l’inscription de la créance de caution au passif de la liquidation. La caution avait demandé en justice le retrait de cette inscription au motif que la négligence du créancier consistant à ne pas avoir rendu définitif la sûreté réelle, en l'occurrence le nantissement du fonds de commerce du débiteur, constituait un fait du créancier susceptible de décharger la caution. La Cour d’appel, statuant sur renvoi après cassation, avait retenu que « la caution ne peut reprocher au créancier de ne pas avoir conservé un droit qu'il pouvait ne pas acquérir définitivement et sur lequel, par conséquent, elle ne pouvait compter ».
Le problème de droit qui se posait à la Cour de cassation était de savoir si la possibilité pour le créancier de rendre définitive une sûreté réelle constituée provisoirement en même temps qu’un cautionnement, devait être considérée comme une simple faculté ou comme une obligation dont l'omission était constitutive d'un « fait du créancier » au sens de l'article 2314 du Code civil, susceptible en conséquence de décharger la caution.
Prenant le contre-pied de la décision de sa 1ère chambre civile du 2 octobre 2002 ayant préalablement renvoyé la même affaire en Cour d’appel, le juge suprême casse l’arrêt au visa de l’article 2314, en estimant que « le créancier qui, dans le même temps, se garantit par un cautionnement et constitue une sûreté provisoire s'oblige envers la caution à rendre cette sûreté définitive ».
Cet arrêt consacre une extension du dispositif de décharge de la caution de l'article 2314 aux droits qui semblaient pourtant avoir un caractère discrétionnaire pour le créancier (I) en même temps qu'il intègre dans le « fait du créancier » une obligation de collaboration aux intérêts de la caution (II).

[u:3s036u3u]I – L'extension du dispositif de décharge de la caution de l'article 2314 du Code civil aux droits discrétionnaires du créancier
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L'analyse classique du dispositif de l'article 2314 nécessitait la preuve d'un droit certain au jour de l'engagement de la caution (A), mais par sa décision de 2006, le juge consacre son extension à tous les droits éventuels dont le créancier aurait pu disposer (B).

A / La délimitation jurisprudentielle classique des droits dont la perte par le créancier peut décharger la caution

L'article 2314 du Code civil mentionne les « droits, hypothèques et privilèges » appartenant au créancier. Si les deux derniers termes font référence à des sûretés réelles bien définies au Code civil, le premier terme, celui de « droits » mérite interprétation (1). Ces droits doivent de plus être certains (2).

1) La notion de droits exclusifs ou préférentiels
Devant l'imprécision des droits mentionnés à l'article 2314 (ancien article 2037), il appartenait au juge d'en cerner les contours. C'est ce qu'il a fait très tôt, en réservant l'application de ce texte aux « droits qui comportent un droit préférentiel conférant au créancier un avantage particulier pour le recouvrement de la créance » (Cass. 1ère civ., 21 mars 1984, n°83-10035 ; Cass. comm., 3 mai 2006, n°04-17283). Dans le cas d'espèces de l'arrêt de 1984, le juge a estimé que la caution ne pouvait être déchargé en raison de la perte du droit de gage général « que tous les créanciers possèdent sur le patrimoine de leur débiteur ». De même, lorsqu'un banquier escompteur d'effets de commerce appelle en paiement les cautions solidaires d'un tireur mis en liquidation judiciaire, les cautions ne peuvent se prévaloir de la perte par la banque d'un droit de gage général sur le patrimoine du tiré d'autant que ce dernier faisait valoir des défauts de livraison et des malfaçons, ce qui rendait totalement incertain l'existence même des droits prétendument perdus (Cass. comm., 31 janvier 1989, n°86-17999). Le droit de gage général du créancier est certes tout le contraire d'un droit particulier, mais il est discutable de se baser sur l'interprétation restrictive que donne le juge suprême à la notion de droits pour priver la caution du bénéfice de l'article 2314, alors que le droit de gage général peut constituer le seul droit détenu par un créancier peu prévoyant. Il faut certainement voir dans cette interprétation restrictive la volonté du juge de réserver le bénéfice de l'article 2314 à des droits avec lesquels ne peuvent entrer en concurrence les créanciers chirographaires. Lorsque le créancier vend de gré à gré et à vil prix un matériel loué qu'il a récupéré chez son débiteur défaillant, la caution ne peut demander à être déchargée en arguant qu'elle aurait pu proposer un acquéreur plus offrant et diminuer ainsi l'indemnité de résiliation à payer car il n'y a aucun droit préférentiel sur lequel fonder l'application de l'article 2314 (Cass. comm., 12 janvier 2010, n°08-19268).

2) Le droit invoqué doit être certain.
Le caractère certain du droit invoqué par la caution au visa de l'article 2314 pose le problème de sa preuve.
Le bon sens engage à en rechercher une preuve expresse, la mention d'une sûreté supplémentaire dans le contrat de cautionnement par exemple. Le juge refuse par exemple d'extrapoler les clauses de renonciation d'une caution « à tout recours et à toute répétition quelle qu'en soit la cause » et considère qu'en l'absence de clause expresse ou tacite de renonciation aux dispositions de l'article 2037 du Code civil, la caution ne peut invoquer la possibilité de décharge de ce dispositif (Cass. comm., 10 décembre 1991, n°89-18173).
En l'absence d'une preuve expresse, la caution peut faire état de sa « croyance légitime […] dans le fait que le créancier prendrait d'autres garanties » à condition de faire état d'éléments précis prouvant qu'elle était fondée à penser que le créancier constituerait ce droit sur le débiteur ; tel est le cas lorsque la mention « nantissement matériel et outillage » figure dans le contrat de prêt sous la rubrique « garantie » (Cass. comm. 1er octobre 2002, n°98-23314).

Selon Dominique Legeais (in « Sûretés et garanties du crédit », 7ème édition 2009, éd. LGDJ, p. 228), le droit exclusif est « celui qui confère à son bénéficiaire la possibilité d'éviter tout concours avec d'autres créanciers », c'est-à-dire de n'être pas un simple créancier chirographaire. D'après Michel Cabrillac et al. (in « Droit des sûretés », 8ème édition2007, éd. Litec), le « vocable de droit préférentiel couvre tout droit qui confère une facilité de recouvrement supérieure au droit de gage général de tout créancier chirographaire ». La caution étant subrogée dans les droit du créancier, elle devient à son tour un créancier privilégiée. C'est le fait pour la caution de passer du stade de créancier privilégiée contre le débiteur à celui de simple créancier chirographaire par le fait du créancier qui impulse l'applicabilité du dispositif de l'article 2314. Ainsi, lorsque des banques démontrent qu'elles ont exercé dans les temps les recours nécessaires pour ne pas être réduites à la condition de créanciers chirographaires d'un redressement judiciaire, la caution n'est pas recevable à invoquer l'application de l'article 2314, même si les tentatives des banques sont restées vaines (Cass. comm., 5 avril 1994, n°92-10278).

Toutefois, par une évolution récente et assez rapide, la Cour de cassation applique le dispositif de l'article 2314 à des droits ayant un caractère discrétionnaire pour le créancier.

B / L'admission étonnante dans le dispositif de l'article 2314 des droits ayant un caractère discrétionnaire pour le créancier

Le droit à caractère discrétionnaire pour le créancier est celui qu'il a la liberté d'exercer ou non (1). La Cour de cassation a décidé de leur appliquer le bénéfice de cession d'actions (2).

1) Le principe de non invocabilité de la perte de droits ayant un caractère discrétionnaire pour le créancier
Le créancier dispose, et c'est heureux, de la faculté de renforcer – ou non – une créance par plusieurs garanties. Tant que les conditions classiques de la recevabilité de l'article 2314 ne sont pas remplies (un droit préférentiel certain ou fortement probable), la caution ne peut normalement pas s'en prévaloir. C'est le cas d'un gage sur un véhicule pris par un créancier qui oublie de l'inscrire (Cass. comm., 13 mai 1997, n°95-16789). Le juge considère que le créancier « restait libre d'inscrire ou non le gage, dès lors que le contrat ne lui imposait pas de le faire ». Le caractère unilatéral du contrat de cautionnement trouve ici une belle illustration, le créancier n'ayant a priori aucune obligation envers la caution, en particulier pas celle de renforcer sa garantie. En matière de preuve, le juge doit rechercher si le créancier s'était « obligé à rendre définitif un nantissement » (Cass. 1ère civ., 2 octobre 2002). Le juge parle d'ailleurs de « liberté », le terme est fort ; il est emblématique d'une position très protectrice du créancier qu'avait le juge à cette époque. De même, en autorisant une société d'assurance à verser directement à son débiteur une indemnité d'incendie, une banque n'a pas commis une faute susceptible de faire perdre aux cautions hypothécaires le droit de la recevoir (Cass. 1ère civ., 22 mai 2002, n°99-13085).
Cette liberté est toutefois soumise à la preuve que la constitution du droit à caractère discrétionnaire n'ait pas été une « cause déterminante de l'engagement » de la caution (Cass. comm., 13 mai 1997, op. cit.).

Pourtant, le juge de cassation va opérer un revirement assez rapide sur ce point.

2) L'admission récente de nouveaux droits au bénéfice de cession d'actions de l'article 2314
La première salve revient à la chambre commerciale qui a admis la simple faculté de solliciter une attribution judiciaire d'un gage (Cass. comm., 13 mai 2003, n°00-15404). Dans son attendu, le juge considère que si l'attribution judiciaire d'un gage n'est qu'une simple faculté, c'est précisé « lorsqu'il est par ailleurs garanti par un cautionnement » que le créancier « commet une faute ».
Pourtant, la Cour de cassation a continué dans cette voie. Dans l'arrêt précité du 3 mai 2006 de la chambre commerciale, elle a admis la faute du banquier créancier n'ayant pas mis en œuvre une cession de loyers ce qui avait eu pour conséquence une augmentation très importante (de 200 fois !) du paiement demandé à la caution.
L'arrêt du 17 novembre 2006 constitue la consécration de cette jurisprudence. Dorénavant, c'est la coexistence d'un contrat de cautionnement et d'un droit préférentiel, même non inscrit, qui fonde la recevabilité de la demande de décharge de la caution. Quelle évolution entre les deux arrêts de 2002 et 2006 concernant la même affaire ! En 2002, le juge suprême considérait qu'il appartenait aux juges du fond de rechercher la volonté du créancier de s'obliger à rendre le nantissement définitif (Cass. 1ère civ., 2 octobre 2002, op. cit.), quatre ans plus tard, il présume que le simple fait d'avoir été effectué en même temps que le cautionnement présume de sa volonté de rendre ce même nantissement définitif ! Il y a là un véritable renversement de la charge de la preuve, qui repose dorénavant sur le créancier.
Heureusement que le juge retient sa jurisprudence antérieure ayant limité l'effet de l'article 2314 aux droits « existant dès avant l'engagement ou ayant été constitué concomitamment ou apparaissant comme la conséquence nécessaire du contrat » (Cass. comm., 6 juin 1995, n°93-11841). Dans le cas contraire, la situation du créancier aurait été franchement délicate, obligé qu'il aurait été de s'assurer en permanence de ne pas rater la moindre opportunité de ne pas perdre un droit acquis postérieurement à l'engagement de caution.

La jurisprudence a déterminé une nouvelle gamme de droits dont la perte ou l'absence d'acquisition par la négligence du créancier d'un contrat de cautionnement peut entraîner la décharge de la caution. Par son évolution, la Cour de cassation a consacré une nouvelle obligation à charge du créancier, l'obligation de collaboration.

[u:3s036u3u]II – Une nouvelle obligation de collaboration du créancier aux intérêts de la caution

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L'analyse classique fondée sur la faute du créancier ne convainquant pas (A), il faut se demander s'il n'y a pas dans le bénéfice de subrogation les germes de l'apparition d'une nouvelle obligation à charge du créancier (B).

A / L'analyse classique du dispositif de l'article 2314 basée sur la faute du créancier mise à mal

L'analyse classique basée sur la faute du créancier (1) est remise en question (2).

1) L'assimilation tentante du bénéfice de subrogation à un cas particulier de responsabilité contractuelle
Il faut remarquer que le arrêts mentionnent régulièrement la notion de « faute » pour accéder aux prétentions de libération des cautions. Cela semble lié à l'assimilation induite par le texte même de l'article 2314 et interprétée par les juges. Ainsi, par parallélisme de forme, les juges ont-ils dû s'appuyer sur le trinôme classique en droit de la responsabilité : une faute, un préjudice et un lien de causalité. En matière de bénéfice de subrogation, les termes ont été adaptés ; le juges ont assimilé le « fait du créancier » à une faute, voire à une faute « exclusive », ce dont le texte ne dispose nullement, et le préjudice à la « perte d'un droit préférentiel » comme nous l'avons vu ci-avant. Par exemple, en ne recherchant pas si, en adressant des effets de commerce pour acceptation, ce qu'il n'était pas obligé de faire, au tiré qui ne les lui a pas rendues, la Cour d'appel qui ne recherche pas en quoi cette imprudence aurait été la cause de l'impossibilité de la subrogation viole le texte de l'article 2314 (Cass. comm., 3 novembre 1988, n°86-10497).
Si cette explication convainc pour le cas de droits préférentiels perdus alors qu'ils étaient certains ou laissant légitimement croire à leur existence, parce qu'on peut leur trouver ont un fondement contractuel (c'est le cas lorsque la promesse de constitution d'une sûreté réelle est incluse dans le contrat de prêt cautionné, cf. supra), cela devient moins aisé à défendre lorsqu'aucune obligation ne pèse sur le créancier. En quoi un créancier n'ayant aucune obligation de se constituer des sûretés ou à ne pas négliger de les rendre définitives commet-il une faute s'il ne le fait pas ?

2) Une contribution doctrinale à une « théorie du bénéfice du subrogation »
Dimitri Houtcieff réfute l'assimilation du bénéfice de subrogation à un cas de responsabilité contractuelle. Dans une longue analyse (« Contribution à l'étude du bénéfice de subrogation de la caution », RTD civ., 2006, p. 191) il décrit la « décharge proportionnée » de la caution prévue par le bénéfice de subrogation comme un « fait potestatif » du créancier. Il lui appartient de maintenir ses sûretés « dans la mesure où il n'a pas à en souffrir », mais il n'a pas l'obligation d'agir « envers et contre tout ». Le fondement du bénéfice de subrogation apparaît alors davantage comme le résultat d'une obligation de bonne foi de la part du créancier. On peut se demander d'ailleurs si la Cour de cassation ira jusqu'à imposer le renouvellement de sûretés dont l'inscription a un coût comme l'inscription de l'hypothèque ou au contraire à opérer une distinction entre les faits du créancier susceptibles de décharger la caution et les autres. Toutefois, dans l'arrêt de 2006, la négligence du créancier à ne pas inscrire le nantissement du fond de commerce ne peut vraisemblablement pas s'expliquer par un coût élevé qui n'est de quelques centaines d'euros incluant les émoluments du notaire, les frais proportionnels de la banque et les frais du greffe du tribunal.

B / L'émergence d'une nouvelle obligation basée sur une protection renforcée de la caution par le créancier

1) La consécration d'une obligation de protection des intérêts de la caution
Dimitri Houtcieff parle d'un fait « potestatif » du créancier. La formule est aussi ardue que l'article dans son entier, mais cache mal un paradoxe certain : en effet, si la définition même de ce qualificatif fait référence à la volonté des parties contractantes, il paraît peu probable qu'elle soit affectée à la volonté du seul créancier. Toutefois, l'idée est bien que le créancier détienne dans ses mains un pouvoir vis-à-vis de la caution, celui de lui conserver – ou de lui faire perdre – des possibilités de se faire rembourser la dette par le débiteur lui-même. Rappelons ici que le créancier peut demander le paiement à la caution même si le débiteur est solvable et même avant de lui avoir demandé de payer, sauf l'exercice du bénéfice de discussion auquel la caution peut d'ailleurs expressément renoncer. Dans cette optique, la caution ne perd nullement son recours subrogatoire ; tout au plus perdra-t-elle la possibilité de bénéficier d'une sûreté qui l'aurait grandement aidée à obtenir le remboursement, d'autant si le droit perdu est un droit privilégié.
Par conséquent, hormis la situation dans laquelle le créancier se dessaisit volontairement d'un droit et qui peut s'analyser sous l'angle du dol, l'impossibilité dans laquelle il est de ne rien faire qui puisse faire disparaître les droits qu'il a acquis n'est ni plus ni moins qu'une obligation nouvelle à charge du créancier. Le caractère négatif de la phrase précédente illustre que le « fait du créancier » peut être une abstention ou une omission, c'est-à-dire un acte négatif. De là, le créancier doit avoir une obligation permanente de surveillance de ses propres actes, afin qu'il ne puisse contrarier les intérêts de la caution, y compris lorsqu'il serait plus intéressant pour lui de ne rien faire. On pourrait rechercher dans cette obligation originale et non dite, un parallèle avec la gestion d'affaires qui nécessite qu'une personne s'immisce volontairement et spontanément dans les affaires d'autrui. Comme elle suscite la méfiance, cette gestion doit être sérieuse et soigneuse. Dans le contrat de cautionnement, le créancier s'occupe de certains intérêts de la caution, y compris sans que cette dernière ne soit au courant des actes du créancier, et du soin qu'il a mis à la protéger dépendra l'admission de la caution au bénéfice de cession d'action. Toutefois, la ressemblance s'arrête là ; en effet, la gestion d'affaire entraîne des conséquences pour le maître d'affaire qui doit rembourser les dépenses effectuées par le gérant qui a soigneusement géré ses affaires. Dans le cas du bénéfice de subrogation, nul obligation pour la caution de rembourser les sommes dépensées par le créancier pour conserver ses garanties. D'autre part, la gestion d'affaires doit être spontanée, ce que n'est pas l'obligation à charge du créancier, sauf à considérer qu'il soit animé d'un esprit d'humanisme.
L'obligation pour le créancier de protéger les intérêts de la caution dans ses relations avec la dette garantie peut donc s'analyser comme une contrepartie au service qu'il lui demande, à savoir garantir sa propre créance. De là à y voir une « synallagmatisation » du contrat de cautionnement, il n'y a qu'un pas que la doctrine n'est toutefois pas prête à franchir, le contrat de cautionnement restant par nature le contrat unilatéral par excellence.

2) Une dérive inquiétante pour l'avenir du cautionnement
Cette obligation de protection des intérêts de la caution est une obligation très forte pour le créancier. Contrairement aux autres obligations qui lui sont reconnues par la jurisprudence ou la loi, comme l'obligation annuelle d'information, l'obligation d'information sur la défaillance du débiteur ou sur le terme de l'engagement de la caution, ou sur la faculté de révocation de cette dernière, qui sont toutes des obligations de faire et laissent la place à la preuve de leur inexécution, l'obligation de protéger les intérêts de la caution nécessite de la part du créancier une vigilance accrue. En effet, jusqu'à quel point cette obligation pèsera-t-elle sur les créanciers ? Jusqu'à quel type d'actes, positifs ou négatifs, les juges vont-ils admettre des recours en décharge de leur engagement par des cautions qui estimeront que leur créancier ne les a pas suffisamment protégées en assurant leurs droits en cas de subrogation ?