difference entre contenu de la preuve et charge de la preuve

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Bonjour,

J'ai un commentaire d'arrêt en dip à faire concernant deux arrêts du 28 juin 2005 afférent à l'office du juge quant à l'application d'une loi étrangère. J'ai effectué des recherches, regardé la jurisprudence et la doctrine et ai noté que la cour de cassation avait du mal à se positionner à ce sujet mais que depuis l'arrêt SPORTING LTD de 2002 le juge qui déclare une loi étrangère applicable a l'obligation soit d'office, soit à la demande d'une partie qui invoque, de rechercher la teneur et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger et ce aussi bien en matière de droits disponibles qu'indisponibles. Ai je bien tout compris?

Par ailleurs, je n'ai pas très bien compris la différence entre le contenu de la preuve et la charge de la preuve qui sont apparemment deux choses bien distinctes. Quelqu'un pourrait-il me donner une définition et un exemple?

Merci d'avance

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le contenu de la preuve = la preuve en soi, par exemple un cheque pour le paiement d'une dette

la charge de la preuve = la personne qui doit apporter la preuve

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Merci de respecter la charte du forum.

M2 - DJCE de Nancy
CRFPA de Versailles

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Merci pour cette réponse concise mais précise...

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pour le reste, si tu ne donnes pas le références des arrêts, comment veux-tu qu'on les retrouve?

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M2 - DJCE de Nancy
CRFPA de Versailles

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bonjour,

Bon j'ai essayé de me débrouiller comme une grande et ai fini par "accoucher péniblement" du commentaire que je vous mets ci-après.

les arrêts à commenter étaient :

- Civ 1ère 28/06/2005, M. François X c/ Henry Y

- Com 28/06/2005, Soc Itraco SA c/ Soc Fenwick shipping services LTD

Merci de me donner votre avis éclairé sur mon bébé!!! sachant que le chargé de TD ne veut pas d'une intro "classique" qui reprenne les faits ni la procédure mais uniquement ne petite phrase d'accroche, la question de droit et l'annonce du plan.

La première chambre civile de la cour de cassation dans son arrêt du 28 juin 2005 a confirmé la position qu'elle avait antérieurement suivie depuis l'arrêt SPORTING LTD de 2002 qui consiste, pour permettre une solution la plus neutre possible au litige, à dévoluer au juge et aux parties un rôle actif dans la recherche de la loi étrangère. La chambre commerciale de la cour de cassation avec son arrêt de revirement du même jour s'accorde désormais avec la chambre civile de la cour de cassation à penser que le juge est un acteur essentiel au procès. Cependant, la question peut légitimement se poser de savoir si dès lors qu'une loi étrangère est applicable, le juge français, avec l'assistance des parties, est-il dans l'obligation d'en rechercher la teneur d'office et dans l'affirmative sur qui pèse la charge de la preuve? La position de la cour de cassation a souvent varié (I) mais depuis quelques années le rôle du juge et des parties dans la recherche de la teneur du droit étranger a pu être établi (II).

I. La position de la Cour de cassation face à l'application de la loi étrangère

La question de l'application de la loi étrangère par le juge français est une question délicate qui a obligé la cour de cassation à chercher des solutions et à fréquemment revoir sa position pour tenter de trouver un critère général permettant aux juges du fond de se positionner face à une loi étrangère et à son application au sein d'un litige dont ils auraient à connaître.

A) Le critère de disponibilité ou d'indisponibilité des droits en matière civile

La jurisprudence civile antérieure à l'arrêt étudié a montré de nombreuses hésitations quant à l'application de la règle de conflit désignant une loi étrangère et la recherche d'office par le juge saisi de la teneur de celle-ci. Avec les arrêts Mutuelles du Mans et Belaïd du 26 mai 1999, la cour de cassation avait de nouveau fait marche arrière et imposait dorénavant aux juges du fond de mettre en application la règle de conflit de loi et de rechercher le droit étranger compétent concernant les matières où les droits étaient indisponibles, ce qui excluait les matières où les droits étaient disponibles. La distinction de la disponibilité et de l'indisponibilité des droits devenait donc le critère de l'application d'office de la règle de conflit. Or, l'arrêt Sporting LTD, arrêt de revirement dans le cadre d'une matière où les droits étaient disponibles, manifeste un renforcement des obligations de recherche incombant au juge du fond dès lors que la loi étrangère a été reconnue applicable à un litige d'intérêts privés. En l'espèce, l'arrêt de la chambre civile de la cour de cassation du 28 juin 2005 rendu dans le cadre d'une matière contractuelle c'est-à-dire matière où les parties ont la libre disposition de leurs droits, confirme la position de la cour de cassation établissant "qu'en statuant ainsi, en se bornant à constater que les preuves fournies par les parties étaient insuffisantes pour établir la teneur du droit allemand applicable, la cour d'appel a méconnu son office et a violé le texte susvisé".

B) Le critère de disponibilité ou d'indisponibilité des droits en matière commerciale

Pour sa part, avant l'arrêt de 2005, l'arrêt Amerford faisait autorité en matière commerciale de sorte que dans les matières où les parties avaient la libre disposition de leurs droits, il incombait à la partie qui prétendait de voir appliquer la mise en œuvre du droit étranger désigné par la règle de conflit de prouver le contenu de la loi étrangère qu'elle invoquait à défaut de quoi le droit français s'appliquait en raison de son caractère subsidiaire. Or, l'arrêt ITRACO opère un véritable revirement de jurisprudence dans la mesure où la chambre commerciale impose aux juges du fond en matière de droits disponibles "de rechercher, soit d'office soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger". Elle se rallie donc à la position que la chambre civile avait adopté depuis plusieurs années permettant l'unification du droit quant au critère de disponibilité ou d'indisponibilité des droits, celui-ci tombant en désuétude et obligeant les juges du fond, peu importe la matière dans laquelle ils seront saisis, à "rechercher, soit d'office soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger."

L'arrêt Itraco, qui désormais fait autorité, n'impose donc plus aux seules parties la charge de la preuve mais remet le juge au cœur du dispositif, celui-ci assumant activement la responsabilité de la connaissance de la loi étrangère.

II. Le rôle du juge et des parties dans la recherche de la teneur du droit étranger

A) Le rôle utile des parties

Dans ces deux arrêts, la cour de cassation par sa formulation "avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu" donne aux parties une fonction utile mais l'ordre des mots marque bien ici que le juge n'est tenu de se lancer dans des investigations personnelles que s'il ne se satisfait pas des éléments que spontanément ou sur sa demande, les parties auront pu produire. Il y a des plaideurs ignorants et l'ignorance ne doit pas forcément être sanctionnée par la privation des droits que la loi a consacrés. En pratique, les parties jouent donc un rôle actif et ne doivent pas se contenter d'attendre que le procès se déroule en laissant le juge rechercher seul le contenu de la loi étrangère applicable. En effet, l'arrêt de la première chambre civile montre bien le rôle des parties et précise "qu'en statuant ainsi, en se bornant à constater que les preuves fournies par les parties étaient insuffisantes pour établir la teneur du droit allemand applicable, la cour d'appel a méconnu son office et a violé le texte susvisé". On voit donc bien que les parties ont joué un rôle actif dans la charge de la preuve mais que les preuves fournies par les plaideurs étaient insuffisantes pour établir le contenu de la loi étrangère de sorte que la cour d'appel retenait "que Monsieur Y ne rapportait pas la preuve qui lui incombait de la teneur de la règle du droit étranger qu'il invoquait". La cour de cassation sanctionne les juges du fond estimant quant à elle que "la cour d'appel a méconnu son office" confirmant explicitement que le juge doit "en rechercher (…) la teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu". La jurisprudence et plus spécifiquement l'arrêt LAUTOUR du 25 mai 1948 a d'abord laissé la charge de la preuve de la loi étrangère à la partie souhaitant l'invoquer puis elle a évolué pour maintenant établir que l'application de la loi étrangère désignée impose au juge de rechercher la teneur de cette loi.

La règle de conflit ne doit donc pas être paralysée par l'inertie des parties dans la recherche du contenu de la preuve de la loi étrangère et le juge joue donc un rôle essentiel en la matière puisqu'il lui appartient non seulement de rechercher ce contenu mais également de le mettre en œuvre pour permettre une solution conforme à l'esprit de neutralité du droit international privé.


B) Le Juge au cœur du procès

Le juge français doit appliquer le droit étranger dans son ensemble, jurisprudence et coutumes incluses. Il viole, s'il ne le fait pas, l'article 3 du code civil. C'est au visa de cet article que la cour de cassation a sanctionné les juges du fond, dans les deux arrêts, estimant "qu'il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger, d'en rechercher, soit d'office soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu". Le juge doit donc rechercher la teneur de la loi étrangère désignée et "donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger". L'arrêt Itraco remet donc le juge au cœur du dispositif dans la mesure où il lui appartient dorénavant de rechercher la teneur de la loi étrangère et également il appartient, à lui seul, de mettre en œuvre celle-ci. On voit donc avec ces deux arrêts que si le juge n'est pas satisfait des preuves du contenu de la loi étrangère évoquées par les parties, il peut en rechercher lui-même la teneur et qu'il reste maître de l'évolution du procès et de sa décision quant à la mise en œuvre de la loi étrangère avec, bien évidemment, le contrôle de la cour de cassation comme épée de damoclès. La chambre commerciale précise donc que la cour d'appel "avait retenu que la loi australienne était applicable au litige" sans pour autant rechercher et faire application de celle-ci de sorte qu'elle "a méconnu son office et violé le texte susvisé". Quant à l'arrêt de la chambre civile, les juges du fond avaient fait "application de la loi française à titre subsidiaire au lieu de la loi allemande invoquée à juste titre par Monsieur Y" estimant que le demandeur "ne rapportait pas la preuve qui lui incombait de la teneur de la règle du droit étranger qu'il invoquait". Or, si le juge français qui reconnaît applicable une loi étrangère se heurte à l'impossibilité d'obtenir la preuve de son contenu, il peut même en matière de droits disponibles, faire application de la loi française à titre subsidiaire. En l'espèce, les juges du fond avait fait application de la loi française à titre subsidiaire sans avoir, au préalable, recherché personnellement le contenu de la loi étrangère de sorte que la cour de cassation casse l'arrêt d'appel et pose le principe du rôle prioritaire du juge en cas de défaillance des parties.

Sans doute depuis le 28 juin 2005, quelques décisions sont venues encourager l'espoir d'un peu de stabilité dans le domaine de l'application de la loi étrangère et de l'office du juge en la matière et notamment des arrêts de la première civile de la cour de cassation (22 novembre 2005, de Ganay et 6 décembre 2005 Dynargie France), la chambre commerciale n'ayant pas eu pour sa part à se prononcer depuis lors, mais les revirements fréquents de la cour de cassation montrent que la pérennité de cette solution n'est pas assurée.