Clauses léonines

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Bonjour chers collègues juristes !

Je m'adresse à vous car je viens de me plonger pour la première fois en droit des sociétés. Et j'ai quelques difficultés.En effet, je me trouve confrontée à un cas pratique. Jusque là, tout va bien: il s'agit de quatre associés qui décident de créer une société et il faut discuter de deux clauses du statut évoquant la part des bénéfices et la participation aux pertes.
Mais le problème vient de la seconde partie de l'exercice:
"En janvier 2011, une convention extrastatutaire est signée entre Alain et Vincent. Ce dernier accepte d'abandonner toute sa part des bénéfices et en contre partie, Alain accepte de lui verser une redevance annuelle de 15 000 euros quels que soient les résultats de l'exercice social."

Mon problème, c'est que je ne vois pas du tout de ce que ça traite !

Est-ce qu'il serait possible de m'aider s'il-vous-plaît?

Je vous remercie par avance ! :)


P.S: je ne serais pas contre une petite méthode de cas pratique en droit des sociétés (ce qu'il ne faut pas omettre de dire, etc.)

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clem Modérateur

Bonjour Unendlich,

En principe, les associés doivent tous supporter le risque de perte (même si certaines conventions sont possibles pour limiter ce risque).
Or en l'espèce, Vincent qui recevra une redevance annuelle quelque soit le résultat de l'exercice, ne supportera plus de risque en cas d'exercice déficitaire.
Il s'agit donc d'une clause léonine qui selon les termes de l'articles 1844-1 doit être réputée non écrite (le contrat n'est pas annulé dans sa totalité). Il me semble que l'on applique un partage des bénéfices et des pertes à hauteur de la participation de chaque associé).

Cependant, il me semble que le fait que la répartition soit prévue dans un acte extra statutaire et non directement dans le contrat de société entraine l'application du régime de droit commun des contrats et non le droit spécial des sociétés. A vérifier ...

J'espère que cette réponse t'aidera un peu ...

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Merci de m'avoir répondu, Clem.3.gif
Je comprends très bien ou tu veux en venir, mais c'est vrai que l'acte extrastatutaire me fait douter... Le problème est que je viens de commencer ce cours, docn au niveau des notions, je n'en ai pas énormément...

J'aurais une autre question: dans l'autre partie de mon CP, il est indiqué qu'un des associés ne participerait pas beaucoup aux pertes (alors qu'il détient la plus grosse part sociale). Sa participation aux pertes est de 3%, alors que les autres, qui détiennent des parts moins importantes, contribuent plus aux pertes... Est-ce une clause léonine dans ce cas? (parce que d'après l'article 1844-1, il faut que l'associé soit totalement exclu des bénéfices ou des pertes.

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Bonjour,

Les clauses léonines sont reconnues en cas de totale exclusion ou de quasi-totale exclusion (ou participation) concernant les bénéfices ou les pertes.

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Camille Intervenant

Bonjour,

parce que d'après l'article 1844-1, il faut que l'associé soit totalement exclu des bénéfices ou des pertes.

Exact. L'article 1844-1 ne dit pas "la totalité ou presque".
Mais, il peut exister des clauses abusives qui ne soient pas forcément "léonines".
Ou qui peuvent être ni l'une ni l'autre, malgré les apparences :

Cour de cassation chambre civile 3
Audience publique du mardi 28 octobre 2003
N° de pourvoi: 02-13580 Non publié au bulletin Cassation
...

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris, 20e arrondissement, 22 janvier 2002), rendu en dernier ressort,
que suivant acte sous seing privé du 2 août 2001, M. X..., propriétaire d'un appartement, s'est engagé à le louer à M. El Y..., moyennant le versement par ce dernier de la somme de 8 500 francs et son engagement à fournir diverses pièces à titre de garanties ;

que le contrat précisait qu'au cas où le propriétaire jugerait les garanties fournies insuffisantes, la somme de 8 500 francs serait restituée, alors qu'en cas de désistement du candidat à la location, la somme lui resterait acquise ;

qu'ayant refusé de signer le bail qui lui était proposé par M. X..., M. El Y... l'a assigné en remboursement de la somme de 8 500 francs ;



Attendu
que pour condamner M. X... à rembourser à M. El Y... la somme de 1 295,82 euros, soit 8 500 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 28 août 2001, le Tribunal retient que le contrat signé à l'initiative de M. X... comporte manifestement des clauses léonines ou abusives, puisqu'aucun équilibre n'existe entre les obligations des parties ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'existence d'un déséquilibre entre les prestations respectives des parties ne privait pas ce contrat de sa force obligatoire et sans rechercher si M. X... ne s'était pas engagé à donner l'appartement en location à M. El Y... dès lors que celui-ci fournissait toutes les pièces énumérées dans l'acte, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions... patati, patata...


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Hors Concours

Publié par
Camille Intervenant

Re,

"En janvier 2011, une convention extrastatutaire est signée entre Alain et Vincent. Ce dernier accepte d'abandonner toute sa part des bénéfices et en contre partie, Alain accepte de lui verser une redevance annuelle de 15 000 euros quels que soient les résultats de l'exercice social."

"Abandonner toute sa part" selon quel mécanisme ? Et qui bénéficierait de cet abandon ? Alain seulement ou tous les autres porteurs de parts ?
Si Vincent fait la "déclaration officielle" d'abandonner sa part, il faudra bien inclure cette volonté dans les statuts pour que sa part ne lui soit pas versée, ce qui pourra poser quelque problème de légalité...

Ou alors, Alain et Vincent "ne disent rien à personne", Vincent touche officiellement sa part comme prévu dans les statuts, mais la remet discrètement - en liquide dans une mallette (africaine ou pas...) - à Alain qui lui verse, en échange, les 15 000 euros prévus. A ma connaissance, cette convention de droit privé n'est pas strictement interdite. Une fois qu'il a "touché son pognon", Vincent a le droit d'en faire ce qu'il veut (ou presque). Alain aussi.

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clem Modérateur

Pour revenir à ta deuxième question, l'alinéa 1er de l'article 1844-1 du cc dispose clairement que la répartition des bénéfices et la contribution aux pertes est déterminée à proportion de la part de l'associé dans le capital social, sauf clause contraire.
A priori donc les associés peuvent prévoir contractuellement que la contribution aux pertes ne sera pas proportionnelle.
De plus, au regard de la jurisprudence sous l'article 1844-1 du code civil, il semble que les juges adoptent une interprétation stricte des clauses léonines.
Je dirai que la clause n'est pas léonine, sous réserve que les actionnaires y aient tous librement consentis.

Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,
Pas exactement, selon moi. S'il suffisait de considérer que tous les participants ont consenti, on ne pourrait plus jamais parler de clause léonine, vu qu'en principe tous les participants "signent le contrat".
Donc, même en ayant écrit quelque part "je suis d'accord", ça ne suffit pas.
Même si dans un(e) accord/convention/contrat/statut, on écrit "on est bien d'accord que toi, tu prends toutes les pertes à ta charge et moi, j'encaisse tous les bénefs", les juges ne laisseront pas passer, accord ou pas.
Les juges n'étant pas tout à fait nés de la dernière pluie, le truc qui consisterait, pour contourner la définition stricte, à écrire "on est bien d'accord que toi, tu prends 95% des pertes à ta charge et moi, j'encaisse 95% des bénefs" ne marchera pas non plus. Cette clause sera "assimilée à une clause léonine ("brut de fonderie").
En revanche, là où les juges vont certainement laisser passer, ce serait une clause du genre "on est bien d'accord que toi, tu prends 65% des pertes à ta charge et moi, j'encaisse 65% des bénefs" et que le "tu" en question l'ait signée/acceptée.
Surtout si, juste en dessous, c'est écrit "en échange, toi, tu bénéficieras de..." ou "parce que moi, je prends tel risque que tu ne prends pas". Ou quelque chose d'analogue qui rétablirait plus ou moins l'équilibre du contrat sous une autre forme, parce que les juges admettent que "l'équilibre" ne soit pas "comptabilisé au marc le franc" ("équilibre", au sens de la Cour de cassation et du code, ne veut pas dire 50,000%/50,000% après établissement de comptes d'apothicaire).

(soit, actuellement, "au marc l'euro" devrait-on dire...)4.gif

Et je rappelle qu'il peut exister des contrats/conventions ouvertement "déséquilibré(e)s"...

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