Affectio sociétatis et société fictive

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Coucou

Je en pleine révision et je viens de faire un plan sur un arrêt relatif aux sociétés fictives et à l'affectio sociétatis

L'arret des Com 22 Juin 1999

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société de droit russe Baltic shipping company Ltd (société Baltic) a financé la construction du navire 'Kovrov' au moyen d'un crédit que lui a consenti la société de droit allemand Kreditanstalt für wiederaufbau (la banque) ; que le droit russe ignorant, selon l'arrêt, l'hypothèque maritime, la société Baltic, pour offrir une telle garantie réelle de remboursement à la banque, a constitué une filiale de droit chypriote, la société Baltcy shipping company Ltd (société Baltcy), qui s'est portée co-emprunteur et au nom de qui le navire a été immatriculé au port de Limassol (Chypre) ; que la société Baltcy a consenti à la banque une hypothèque sur le 'Kovrov' qui a été inscrite ; que la société Baltic ayant, par ailleurs, été condamnée à payer une certaine somme à un autre de ses créanciers, la société Translink navigation, dans les droits de laquelle est subrogée la société Interpac holding Ltd (société Interpac), celle-ci a fait procéder, dans le port de Papeete, à la saisie-exécution du navire 'Kovrov' puis, après sa vente aux enchères, à la distribution du prix d'adjudication ; qu'après collocation prioritaire de la société Interpac au titre de la partie de sa créance privilégiée sur le navire, des difficultés sont survenues sur la répartition du solde du prix, les créanciers chirographaires, dont la société Interpac, prétendant que, du fait de la fictivité de la société Baltcy, l'hypothèque constituée par elle au profit de la banque était nulle, la banque devant, dès lors, être colloquée au marc le franc en concurrence avec les autres créanciers chirographaires de la société Baltic ;

Sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu que la banque reproche à l'arrêt d'avoir retenu la fictivité de la société Baltcy, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel n'a pu fonder son appréciation relative à la fictivité de la société Baltcy sur l'absence d'affectio societatis ; que, non seulement, il ne s'agit pas là d'un critère de la fictivité, mais que, surtout, les constatations de l'arrêt n'excluent nullement l'existence de l'affectio societatis ; que la cour d'appel a violé l'article 1832 du Code civil ; et alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a pu fonder son appréciation relative à la fictivité de la société Baltcy sur la considération de la confusion de son patrimoine et de ses activités avec ceux de la société Baltic ; qu'il résulte en effet des constatations de l'arrêt que la société Baltcy a un patrimoine propre dont l'actif est le navire 'Kovrov' (et cinq autres navires), que son activité consiste, comme celle de tout propriétaire armateur qui n'exploite pas lui-même le navire, à le donner en affrètement, l'affrètement coque-nue lui permettant de disposer des revenus nécessaires au remboursement du financement assuré par la banque ; que rien, dans les constatations de l'arrêt, ne fait apparaître que ce patrimoine et cette activité soient confondus avec ceux de la société Baltic, affréteur coque-nue ; que la cour d'appel n'a, dès lors, pu dire fictive la société Baltcy sans violer l'article 1842 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que, dans la société Baltcy, la société Baltic a pour seul coassocié, à concurrence de 0,01 % des parts formant un capital insignifiant, un secrétaire d'avocat établi à Limassol, qui n'est qu'un prête-nom, que cette société 'ne dispose d'aucune structure pour fonctionner' et que l'activité de fréteur coque-nue du navire 'Kovrov', qu'elle s'attribue, ne correspond à aucune réalité ; que l'arrêt retient encore que la société Baltcy n'a été constituée par la société Baltic que pour lui permettre d'offrir à la banque une garantie réelle sur le navire ; que, par ces constatations et appréciations, qui font ressortir l'absence de réalité de la société Baltcy, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de retenir la fictivité de la société Baltcy ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le même moyen, pris en ses première, deuxième et cinquième branches :

Vu l'article 1844-15 du Code civil ;

Attendu que, pour dire que l'inscription hypothécaire prise par la banque sur le navire 'Kovrov' est nulle, l'arrêt retient que 'l'hypothèque consentie par la société fictive Baltcy ne peut être opposée aux créanciers de la société Baltic, véritable propriétaire du navire' ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une société fictive est une société nulle et non inexistante et que la nullité opère sans rétroactivité, de sorte que la sûreté réelle consentie par la société Baltcy avant que sa fictivité ne fût déclarée demeure valable et opposable aux créanciers chirographaires, en l'absence de fraude, non établie par l'arrêt, à leurs droits, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Kreditanstalt für Wiederaufbau, dit que la société Baltcy shipping company Ltd est fictive et constaté que le navire 'Kovrov' est la propriété de la société Baltic shipping company Ltd, l'arrêt rendu le 26 février 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;


Idée de plan :

I- Le rôle de l’affectio societatis dans la révélation de la fictivité de la société
A- L’utilisation classique de la notion d’affectio societatis pour démasquer une société fictive
B- La révélation par l’utilisation d’un faisceau d’indices.
II- Le choix de la Cour de Cassation dans la sanction applicable à une société fictive
A- Une société fictive déclarée nulle et non existante
B- La survie des actes passés par la société fictive

Merci de me dire ce que vous en pensez :)

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Quelques éléments à creuser, pour critiquer un minimum nos Hauts magistrats :lol:

- se demander si cette décision est conforme au droit règlementaire, arrêt CJCE 13 nov. 1990, Marleasing SA : la fictivité n'est pas une cause de nullité de sociétés anonymes et SARL, en vertu de l'article 11 de la directive 68/151/CEE, qui est d'interprétation stricte.

- si la règle ci-dessus est violée, la Cour n'aurait-elle pas pu user de la théorie de l'apparence qui aurait eu le même résultat, sans se mettre au porte à feu du droit communautaire ?

Voilà ce que mon chargé nous avait dit :)